Scène 1
Les Labranche
La scène est dans le noir. M. Labranche entre le premier, suivi de Mme Labranche, portant une grosse valise, de préférence assez reconnaissable.
- Labranche (en coulisse) - Tout droit au fond du couloir, prendre à droite, escalier de gauche, monter trois étages, couloir de droite, troisième porte à gauche, poussez fort… (Ce qu’il fait.) C’est là… Tu vois, ça sert d’avoir été scout… (Il entre dans le noir, trébuche, allume un briquet avant d’éclairer victorieusement la pièce.) Victoire ! (Il se retourne.) T’es où ? Alors, tu viens ? Toujours la dernière…
Mme Labranche entre sur scène, poussant sa valise à bout de bras… et à bout de forces, s’affale dessus.
Mme Labranche - Maudite valise… Trois étages à moi toute seule !
- Labranche - N’exagère pas. Et puis, c’est quand même pas de ma faute si l’ascenseur est en panne, hein !
Mme Labranche - Comme la voiture, d’ailleurs… Nous planter là en plein milieu de nulle part !
- Labranche - « Au vieux plumard »…
Mme Labranche - Tu dis ?
- Labranche - « Au vieux plumard », c’est le nom de l’hôtel.
Mme Labranche (jetant un coup d’œil autour d’elle) - Eh bien ! Il porte bien son nom !…
- Labranche - C’est pas du luxe…
Mme Labranche - Non, c’est pas du luxe de conduire dans les embouteillages… Et monsieur qui ronflait à côté, j’entendais plus le bruit du moteur !
- Labranche - Qu’est-ce que tu veux ! La voiture, ça m’endort ! Et puis si tu jouais un peu moins du klaxon, on n’en serait pas là ! Une vraie fanfare ! Tutut… tutut… Si tu t’étais un peu moins agitée, tu aurais peut-être remarqué que la jauge d’essence s’allumait ! Maintenant, on est bloqués ici toute la nuit !
Mme Labranche - ça a l’air de te déplaire. Au contraire, profitons-en pour prendre une revanche sur le temps qui passe. ça te rappelle pas des souvenirs tout ça ?
- Labranche - Bof !
Mme Labranche - Je vois… Il y a vingt ans, monsieur n’aurait pas hésité une seconde à me faire le coup de la panne. Mais maintenant, non seulement y’a la voiture, mais y’a aussi le bonhomme qu’est en panne !… Et puis, zut ! Toutes ces petites tensions m’insupportent !
- Labranche - Oui, là, au bas du dos. Tu peux pas savoir comme c’est douloureux.
Mme Labranche - Rends-toi à l’évidence : on n’arrête pas de se chamailler depuis cette aventure… avec ta secrétaire !
- Labranche (distrait) - Des vrais gamins, hein…
Mme Labranche - Et toujours à cause de cette histoire…
- Labranche - C’est promis : demain, je cours à la première station.
Mme Labranche - Si j’avais su…
- Labranche - C’est rien, va…
Mme Labranche - Me faire ça, à moi !
- Labranche - C’est des choses qui arrivent et si ça peut te rassurer, c’est pas la première fois !
Mme Labranche (en pleurs) - C’est pas… la première fois ?
- Labranche - Oui… C’est pas la première fois que la voiture tombe en panne… Qu’est-ce que tu croyais ?… (Confus.) Pardon ! Tu voulais peut-être parler de cette petite affaire avec ma secrétaire, Mlle Delherbe ? C’est de l’histoire ancienne, elle ne travaille plus chez nous. Tu n’as plus à te soucier de ça. D’ailleurs, j’ai appris qu’elle venait de se marier, tu vois. Mais ne parlons pas travail, s’il te plaît…
Mme Labranche - Les désirs de monsieur sont des ordres… Je devrais plutôt dire : les désirs de monsieur sont en désordre…
- Labranche - Allons… Débarrassons-nous de nos vieux fantômes. (Qu’il imite bêtement.) Ouh !…
Mme Labranche - Arrête ! Cet hôtel me donne la chair de poule !
- Labranche - Mais non, c’est très bien… (Il tapote un peu le lit. Il en sort un épais nuage de poussière.) C’est fou à quelle vitesse la poussière s’accumule ici, hein…
Mme Labranche - C’est sûr qu’à c’prix-là, on peut pas avoir le logis et la fée du logis !… La femme de chambre est en grève ?
- Labranche - J’espère que le room service n’est pas en grève, lui. Je vais nous commander une petite collation.
Mme Labranche - Si le sommelier est aussi poussiéreux que les chambres, on va avoir droit à un grand cru !
- Labranche - Qui l’eut cru ?
Mme...