C’est la belle nuit de Noel

Nous sommes le 24 décembre, Sonia et Bertrand s’apprêtent à recevoir leurs enfants mais
une violente et inattendue tempête de neige rend finalement tout déplacement impossible ; Sonia a
alors l’idée d’inviter les voisins de l’immeuble. C’est ainsi que se retrouveront Mlle Fleury, une végan
aux opinions affirmées, Jessica, une décomplexée qui n’a pas la langue dans sa poche et Nicolas, un
humoriste dépressif en reconversion. En ce début de soirée, pas facile de partager harmonie et
sérénité même un 24 décembre, surtout lorsque surgit Tony, le conjoint que Jessica a viré le midi
même. Des dialogues percutants et des situations hilarantes pour rire en attendant Noël.

Sur scène, Bertrand en train de finir d’accrocher les dernières boules et guirlandes sur le sapin tandis qu’on entend la chanson « Petit papa Noël ». Bertrand chante en même temps.

BERTRAND- … « Il me tarde tant que le jour se lève… »

VOIX OFF DE SONIA- Bertrand ! Bertrand !

SONIA- Entrant dans la pièce. Ça fait un quart d’heure que je t’appelle, tu deviens sourd ou quoi ? Et puis éteins-moi ça ! Depuis ce midi, tu nous bassines avec ça, c’est bon, ça suffit maintenant !

Elle éteint la musique.

BERTRAND- Quoi ? Tu n’aimes pas « Petit papa Noel » ? Mais c’est cela la magie de Noel. J’ai bien le droit de me mettre dans l’ambiance. Qu’est-ce que tu peux être rabat-joie !

SONIA- Nous commencerons à fêter Noël lorsque les enfants arriveront. Ce n’est vraiment pas la peine de vouloir prendre de l’avance… Moi, je ne serai détendue que lorsqu’ils seront là et que je pourrai les serrer dans mes bras… As-tu seulement regardé par la fenêtre ?

BERTRAND- Ben non, pourquoi ?

SONIA- Mais parce qu’il neige ! Cela fait maintenant plus de deux heures que ça tombe sans discontinuer. Avec des flocons de plus en plus gros…, la neige reste au sol, il y a déjà au moins cinq centimètres.

BERTRAND- Génial ! Je vais pouvoir ressortir les couvercles de poubelles pour aller faire de la luge avec mes petits-enfants, et après nous ferons le plus beau bonhomme de neige du quartier.

SONIA- Encore faut-il que tout le monde arrive à bon port. Je suis si inquiète de les savoir sur la route…

BERTRAND- Tu te fais du mouron pour rien, tu connais notre fils, il roulera prudemment et surement, sois-en convaincue… et puis dois-je te rappeler qu’ils n’ont quasiment que de l’autoroute à faire pour arriver jusqu’ici. Ce n’est tout de même pas une si grande expédition… Non, je te le répète, il ne sert à rien de s’inquiéter à l’avance… Appelle-les, si cela peut te rassurer.

SONIA- Tu penses bien que c’est déjà fait, mais à chaque fois, je tombe sur le répondeur.

BERTRAND- C’est normal, s’il conduit, il ne va pas te répondre… Quand je te disais que notre fils était prudent…

SONIA- Et elle ? Tu ne crois pas qu’elle pourrait répondre ?

BERTRAND- Ta belle-fille a toujours laissé ton fils répondre à sa mère. Pourquoi voudrais-tu qu’elle fasse autrement ?

SONIA- Oui, mais là, elle pourrait faire un effort au lieu de me laisser dans l’inquiétude…

BERTRAND-  Que veux-tu, on ne change pas les habitudes familiales, alors dis-toi que ta chère belle-fille ne va pas commencer à te téléphoner pour trois flocons qui tombent.

SONIA- Comment cela, trois flocons ! Si tu sortais le nez de ton sapin, tu saisirais peut-être un peu mieux la situation. Décidément, tu ne comprends jamais rien !

BERTRAND- s’approchant de Sonia, une guirlande à la main, il lui passe la guirlande autour du cou. Dites-donc, ma p’tite dame, ce n’est pas un peu fini de m’enguirlander ? Vous savez, si vous continuez, je vais finir par avoir les boules.

SONIA- Oui, tu as raison, excuse-moi… C’est cette neige qui n’arrête pas de tomber qui me rend nerveuse, je ne sais pas pourquoi mais j’ai comme un pressentiment…

On entend une sonnerie de téléphone.

SONIA- Oh Bertrand ! Ce sont eux !

BERTRAND- Et bien, réponds !

SONIA- Allo ?

VOIX DU FILS- Allo ! Maman ?

SONIA- Oui, Jonathan… Ça va ? Vous êtes où ?

VOIX DU FILS- Ca y est ! Nous sommes arrivés à la maison.

SONIA- A la maison ? Ouf ! Comme je suis heureuse, heureuse et rassurée… Bertrand ! Ils sont là !  Attends ! Ton père va descendre à votre rencontre pour t’aider à porter les valises… Bertrand ! Dépêche-toi ! Va aider ton fils. Ne bouge pas mon chéri… Le temps que tu te gares et ton père va arriver…

VOIX DU FILS- Allo Maman ! Laisse-moi t’expliquer, je crois que tu….

SONIA- Oui, oui mon chéri, tu m’expliqueras tout ça lorsque vous serez bien au chaud… Faites attention en sortant de la voiture, ça doit commencer à glisser.

VOIX DU FILS- Maman, écoute-moi ! Quand je te dis que nous sommes à la maison, je ne parle pas de la vôtre, je parle de la nôtre… Nous sommes arrivés dans notre maison.

SONIA- Comment cela dans votre maison ?

VOIX DU FILS- Oui, nous avons dû faire demi-tour… Vous n’écoutez pas la radio ? L’autoroute est fermée. Il y a des dizaines de poids lourds qui se sont mis en travers. Je ne te raconte pas la galère…

SONIA- Oh non ! Ce n’est pas vrai ! Et dire qu’il a fallu que ça tombe la veille de Noël, ce n’est vraiment pas de chance. Mais vous avez fait le bon choix en rebroussant chemin… Espérons que demain, la situation se sera améliorée… Après tout, le chapon et les fruits de mer peuvent bien attendre une journée, n’est-ce pas, mon chéri ?

VOIX DU FILS- Maman, je ne t’ai pas tout dit… En arrivant à cent mètres de chez nous, on s’est pris un abruti qui a freiné brusquement devant nous… Je n’ai pas pu l’éviter… Ce qui fait que le véhicule est inutilisable, la calandre et le parechoc en vrac… Tout ça pour te dire que pour fêter Noel, je crois que ça va être râpé… Ce n’est pas grave… On fêtera ça plus tard.

SONIA- Oui, mais… Et les cadeaux ? Qu’est-ce que vous allez dire aux enfants ?

VOIX DU FILS- Les cadeaux ? Le père Noël ne va pas les reprendre, alors ça peut bien attendre, les enfants comprendront. Bon, je vous laisse, il faut que je contacte l’assurance… il ne faut pas que ça vous empêche de passer une bonne soirée… N’oubliez pas de vous souhaiter un Joyeux Noël, allez ! On se rappelle !  Bisous.

SONIA- à Bertrand- Tu as entendu ?

BERTRAND- Ben oui, j’ai entendu.

SONIA- Ils ne vont pas venir, c’est affreux !

BERTRAND- Non, ce serait affreux s’ils étaient au cimetière ou à l’hôpital. Réjouissons-nous plutôt qu’ils soient rentrés chez eux sains et saufs.

SONIA- Te voilà encore à vouloir tout positiver… Tu m’énerves ! Tu ne comprends pas qu’au lieu de nous retrouver au milieu du rire des enfants, ce soir nous allons réveillonner comme deux vieux croutons.

BERTRAND- Dans ce cas-là, si tu penses que nous sommes devenus de vieux croutons, envisageons cette soirée comme un stage de préparation à notre future admission à la maison de retraite. Je te donne le programme : On regarde le journal régional et la météo à la télé, puis on prend une petite « coupette », parce que tout de même, c’est la fête, ensuite une bonne soupe et au lit. Qu’en dis-tu ? N’est-ce pas un magnifique programme ?

SONIA- Tu sais que ça ne me fait pas rire du tout.

BERTRAND- Et bien, tu devrais. Que crois-tu ? Tu penses peut-être que je ne suis pas déçu de ne pas pouvoir réveillonner avec nos enfants. J’en suis désolé autant que toi mais est-ce une raison pour nous gâcher la soirée ? Voyons plutôt le bon côté des choses, nous ne sommes pas sous les ponts et nous nous aimons, n’est-ce pas déjà merveilleux ?

SONIA- Toute la nourriture… Que va-t-on en faire ? Mes langoustines, mes coquillages… Et mes huitres ?

BERTRAND- C’est dommage qu’il neige sinon je t’aurais proposé d’aller les remettre à l’eau… Autrement, je peux peut-être les mettre dans la baignoire, avec du gros sel, qu’en penses-tu ?

SONIA- L’ignorant- Et mon chapon ? Je ne sais pas si tu l’as vu mais il fait presque quatre kilos ! Nous n’allons tout de même pas manger du chapon toute la semaine ! Sans parler du plateau de fromage…

BERTRAND- Il est vrai qu’avec tout ce que tu as pris, nous pourrions soit ouvrir une crèmerie ou alors en offrir aux voisins.

SONIA- Mais oui ! Les voisins ! C’est une bonne idée ! Nous pourrions inviter les voisins.

BERTRAND- Qu’est-ce que tu racontes ?

SONIA- Ce soir, dans notre immeuble, tout le monde va être logé à la même enseigne. Avec la neige qui continue de tomber, à part les pompiers et les urgences, tu imagines bien que personne ne va se risquer dehors, donc plutôt que de se morfondre chacun dans son coin, nous pourrions réveillonner ensemble.

BERTRAND- A part notre voisine de palier, Mme Chalumeau qui est complétement azimutée, les autres, nous ne les connaissons pas. A part bonjour, bonsoir, nous ne nous sommes jamais fréquentés. Et qui voudrais-tu inviter ?

SONIA- Je ne sais pas, moi… Les voisins du dessous, la voisine du dessus…

BERTRAND- La voisine du dessus ? Celle qui nous réveille tous les matins à six heures et demie avec le bruit de ses talons aiguilles sur le plancher. Combien de fois tu m’as dit que tu ne pouvais pas l’encadrer et maintenant, te voilà prête à l’inviter ?

SONIA- Et bien justement, ce sera l’occasion de sympathiser… Après tout, peut-être n’a-t-elle pas conscience du bruit qu’elle fait avec ses talons… Si nous apprenons à nous connaitre, je pourrais lui en parler.

BERTRAND- Si j’avais su que tu souhaitais l’inviter, en guise de cadeau de Noël, je lui aurais offert des chaussons… Ben oui, sur le parquet, c’est mieux que des talons aiguilles… Et tu me parlais des voisins du dessous ? Tu l’as vu, lui ? Il dit à peine bonjour lorsqu’on le croise dans l’escalier. Non, franchement Sonia, es-tu sûre que ce soit une bonne idée ?

SONIA- Te voilà encore avec tes préjugés imbéciles. Tu critiques facilement les autres mais es-tu vraiment certain de valoir mieux ? Eh bien, c’est le moment de prouver ton ouverture d’esprit.

BERTRAND- Pourquoi pas si vraiment cela te chante mais je te préviens, ne vas surtout pas te plaindre si nous passons une soirée abominable.

SONIA- Ce sera toujours mieux que de passer la soirée comme deux pauvres couillons.

BERTRAND- J’ignorais jusqu’à présent que ma présence t’était aussi insupportable, merci, c’est gentil.

SONIA- Ne prends pas la mouche, et ne me fais pas dire ce que je n’ai pas dit. Bien sûr que je suis heureuse que tu sois avec moi mais tu peux comprendre que je suis terriblement déçue de ne pas pouvoir réveillonner avec les enfants. Je m’étais imaginée une ambiance festive, une ambiance de Noël, quoi !

BERTRAND- Si c’est une ambiance de Noël que tu veux, je peux te repasser « Petit papa Noël »

SONIA- Arrête de faire semblant de ne pas comprendre. C’est pourtant simple, nous sommes coincés à cause de la neige, nous n’avons ni la possibilité de sortir boire un verre ou d’aller au cinéma mais nous avons à manger pour un régiment et l’occasion de faire connaissance avec nos voisins… ce soir est un excellent prétexte pour les inviter, alors ? C’est oui ou c’est non ?

BERTRAND- Si je te contredis, tu vas me faire la soupe à la grimace toute la soirée. Avec toutes les provisions que nous avons, ce serait dommage de se contenter d’une soupe, et bien, va pour les voisins.

SONIA- Merci mon chéri ! Tu verras, mon petit doigt me dit que nous risquons d’être étonnés.

On sonne à la porte.

BERTRAND- Je me demande bien qui cela peut être. (Il va ouvrir, laissant entrer Mme Chalumeau, qui tient un pendule dans une main.) Ah ! Madame Chalumeau ! Notre chère voisine de palier ! Comment allez-vous ? Quel bon vent vous amène ?

Mme CHALUMEAU- Il va neiger. Je suis venue vous prévenir qu’il va neiger.

BERTRAND- Non ! Vous en êtes sûre ?

Mme CHALUMEAU- montrant son pendule qui tourne. Regardez mon pendule ! Il ne se trompe jamais. Je vous dis qu’il va neiger.

BERTRAND- Zut alors ! Moi qui pensais mettre mon short et mon tee-shirt pour aller faire un petit footing, me voilà bien embêté, Madame Chalumeau. Vous croyez vraiment… ?

Mme CHALUMEAU- Ce n’est pas moi qui le dis, (désignant son pendule) c’est lui ! Un vent du nord accompagné de tempête de neige presqu’aussi violent qu’un blizzard, voilà ce qu’il me dit, mon pendule.

BERTRAND- Blizzard ? Vous avez dit blizzard ? Comme c’est blizzard.

Mme CHALUMEAU- Qu’est-ce que vous dites ?

BERTRAND- Non rien, laissez tomber. Eh bien, Mme Chalumeau, merci pour ces précieux conseils… Nous n’allons pas vous retenir plus longtemps.

Il cherche à l’orienter vers la porte d’entrée.

Mme CHALUMEAU- (montrant son pendule) Jamais… Il ne se trompe jamais. Vous pouvez me croire.

BERTRAND- Mais oui Madame Chalumeau, bien sûr Madame Chalumeau… On vous croit… Tenez, c’est par là…

Mme CHALUMEAU- (après s’être laissée guider vers la sortie, se retourne brusquement) La mort d’Elizabeth deux, il l’avait prévu. Vous vous rendez compte ? Il l’avait prévu !

Elizabeth2 peut être remplacée par une personnalité âgée décédée récemment.

BERTRAND- Alors là ! Chapeau ! C’est vrai, partir comme ça, en pleine jeunesse ! Qui aurait pu prévoir, à part votre pendule.

Mme CHALUMEAU- Qu’est-ce que vous dîtes ? Elle n’était pas jeune.

BERTRAND- Moins jeune que vous Madame Chalumeau, ça c’est sûr, vous faites beaucoup plus jeune.

Mme CHALUMEAU- soupçonneuse- Dites, vous ne seriez pas en train de vous fiche de ma tête, par hasard ?

BERTRAND- Oh ben non, Madame Chalumeau, je ne...

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