Ciel, mon maire !

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Pierre Dupont-Verdier, député-maire, a accepté de recevoir à son domicile une journaliste d’un magazine féminin qui désire réaliser un article sur lui et sa famille. Il pense que ce reportage pourrait être un bon coup de pub en vue de sa réélection. Encore faut-il que les membres de sa famille se comportent comme il le prévoit, en donnant une image de respect des bonnes mœurs! Avec une épouse follement distraite, une belle-sœur vieille fille acariâtre, une fille bien plus délurée qu’elle ne le laisse croire et un fils un peu fantasque, le pari est loin d’être gagné! Et encore, s’il n’y avait que la famille! Mais comment gérer en plus un attaché parlementaire timide à l’excès, une bonne russe très nature et un masseur franchement efféminé?

Ciel, mon maire! est une comédie pétillante et explosive, sans temps mort, aux répliques et personnages détonants, qui séduira tous les publics, maires, pères et enfants !

ACTE 1

SCÈNE 1

Pierre

 

Au lever de rideau, Pierre est d’abord assis sur le canapé, un carnet et un stylo en main. Il se lève et arpente la pièce en répétant le discours qu’il s’efforce d’élaborer.

Pierre - « Mes très chers concitoyens… » (Réfléchissant.) Non, « très », c’est un peu trop… (Il barre le mot.) Mes chers concitoyens… (Réfléchissant à nouveau.) Je me demande même si « citoyens » tout court, ça ne suffirait pas… Quoique… Ce serait bête d’oublier le « con » ! (Reprenant son discours.) Alors… « Mes chers concitoyens… Si je me représente à vos suffrages, c’est parce que… » C’est parce que c’est mon boulot, moi ! Voilà ! (Soupirant.) Ah ! si seulement on n’était pas en politique, je n’aurais pas besoin de mentir tout le temps à tout le monde ! (Reprenant son discours.) Bon… « Mes chers concitoyens… Si je me représente à vos suffrages, c’est parce… qu’il faut en finir avec le laisser-aller de ces dernières années… » Oui, c’est pas mal ça, ça sonne bien… (Lyrique.) « Finies la gabegie généralisée, la dépravation des mœurs !… Nous sommes à l’aube d’une ère nouvelle ! » Ouh là là ! Je suis inspiré, moi ! (Son portable sonne. Il répond.) À l’aube !… Euh… Allô ! (…) Oui, lui-même… (…) Bonjour Valéry… (…) Non, non, vous ne me dérangez pas. Enfin, pas trop… (…) Ah oui ! J’allais oublier… Vous n’avez qu’à passer à mon domicile. (…) D’accord… À plus tard. (Il raccroche.) Bon, où en étais-je ?… Ah oui ! Nous sommes à l’aube d’une ère nouvelle, où les valeurs morales doivent retrouver toute leur place ! Il est grand temps d’entrer dans une société assainie… » Bon, faut que je note, moi, sinon je risque d’oublier… (Il note sur son carnet.) Alors… « Il est grand temps d’entrer… » (On entend frapper.) Entrez !

 

 

SCÈNE 2

Pierre, Anne

 

Entrée d’Anne. Elle porte des lunettes, un chignon, et est habillée de manière très stricte.

Anne - C’est moi.

Pierre (maugréant) - Ouais, je vois bien que ce n’est pas Miss France !

Anne - Merci du compliment.

Pierre (sec) - C’est tout naturel !

Anne - Je ne vous ai pas dérangé en plein travail, au moins ?

Pierre - Si, là, c’est fait.

Anne (cynique) - Ah… Pourtant, le risque me semblait infime.

Pierre - Qu’insinuez-vous par là ?

Anne - Moi ? Oh ! rien !… (Fausse.) Belle journée, n’est-ce pas ?

Pierre - Elle s’annonçait bien… jusqu’à votre venue.

 

 

SCÈNE 3

Les mêmes, Valérie

 

Valérie arrive du parc, un bouquet de fleurs en main.

Valérie (enjouée) - Bonjour tout le monde ! Pierre.) Tu es déjà au travail ?

Anne (acerbe) - Oui, c’est vrai que ça a de quoi étonner.

Pierre - Je n’ai pas de temps à gaspiller, moi… Ce n’est pas comme certaines personnes que, par correction, je ne citerai pas.

Valérie (naïve) - De qui veux-tu parler ?

Anne - Sauf erreur de ma part, c’est de moi.

Pierre (à Anne) - Vous en avez conscience, c’est déjà un immense progrès pour vous !

Valérie - Pierre ! (À Anne et Pierre.) Vous n’arrêterez donc jamais de vous taquiner !

Anne - Le mot est faible.

Pierre - Oui, mais la tentation trop forte.

Anne (à Valérie) - Que veux-tu ? On ne se refait pas !

Pierre - C’est sûr que dans votre cas, ce serait un trop gros chantier !

Anne (remontée) - Oh !… Je m’éclipse, ça vaudra mieux !

Pierre (soupirant) - Dommage que les éclipses ne durent jamais bien longtemps !

Anne grimpe les escaliers.

 

SCÈNE 4

Valérie, Pierre

 

Valérie (à Pierre) - Bravo !

Pierre - Mais c’est elle qui a commencé !

Valérie - Et c’est toi qui continues !

Pierre (amusé) - C’est pas faux.

Valérie - On dirait deux gamins qui se chamaillent.

Pierre - C’est plus fort que moi… et qu’elle aussi.

Valérie - Tu pourrais faire des efforts, tout de même.

Pierre - À l’impossible nul n’est tenu !

Valérie - Pour une fois que ma sœur nous fait le plaisir de nous rendre visite…

Pierre (allusif) - Ma chérie, tu devrais savoir que le plaisir ne vaut que s’il est partagé.

Valérie - Avoue que c’est quand même gentil de sa part de venir passer une de ses semaines de vacances chez nous.

Pierre - Quelle générosité !… C’est peut-être des vacances pour elle, mais pour nous, permets-moi d’en douter !

Valérie - Je sais qu’elle n’a pas toujours bon caractère.

Pierre - Je confirme.

Valérie - Mais toi non plus !

Pierre - Je confirme aussi.

Valérie - Mais il faut la comprendre : elle n’a pas eu une vie très facile, tu sais.

Pierre - Allons donc ! Mais ce n’est pas une raison pour la rendre impossible aux autres !

Valérie - Si elle s’était mariée, tout aurait été différent pour elle.

Pierre - Et pour nous par la même occasion, ce qui aurait été appréciable…

Valérie - Rappelle-toi : elle était plutôt jolie.

Pierre - Je dois avoir la mémoire courte, alors…

Valérie - Pierre !

Pierre - Admettons qu’elle était présentable il y quelques décennies… Mais ce n’est pas moi qui l’ai empêchée de se marier, que je sache !

Valérie - Disons qu’elle n’a pas trouvé chaussure à son pied.

Pierre - Ben dis donc ! Il lui aurait fallu un cordonnier à plein temps !… Bon, ne parlons plus des gens qui fâchent… (Doucereux.) Quels sont tes projets pour aujourd’hui ?

Valérie - La matinée s’annonce chargée.

Pierre (dubitatif) - Ah bon ?

Valérie - Oui, le kiné doit venir.

Pierre - Tu y prends goût, dis donc !

Valérie - Ces séances de massage sont formidables… Tu devrais essayer. Vraiment… Il faut dire que Jacques est un véritable artiste, crois-moi ! Toutes les femmes rêvent de passer entre ses mains… Il faut dire que… (Constatant que Pierre est visiblement ailleurs.) Dis, tu m’écoutes ?

Pierre - Non, mais je t’entends !

Valérie - Malheureusement, Jacques est en congés cette semaine.

Pierre - Qui ça ?

Valérie - Jacques ! Mon kiné !

Pierre - Ah oui ! (Faux.) Quel dommage !

Valérie - Mais rassure-toi : il m’envoie un remplaçant.

Pierre (toujours faux) - Formidable !

Valérie - Quelqu’un en qui je peux avoir toute confiance.

Pierre - Tant mieux ! Tant mieux !

Valérie - Un dénommé Michel.

Pierre - Tu m’en diras tant !

Valérie - Oh ! je ne sais pas grand-chose de lui… Juste que c’est un type plutôt efféminé, si tu vois ce que je veux dire…

Pierre (goguenard) - Comme ça, tout le monde sera content : notre fille a sa tante à la maison et toi tu auras la tienne !

Valérie - Là, tes allusions sont plus que douteuses !

Pierre - Vaut mieux que ce soit mes allusions que des types, non ?… Des types, c’est vite dit !… Enfin, qu’est-ce qu’on peut y faire ?

Valérie (cherchant à changer de conversation) - Justement, toi, qu’as-tu prévu de faire aujourd’hui ?

Pierre - De finir mon discours de campagne si je ne suis pas dérangé tout le temps !… Au fait, puisqu’on parle d’invités, j’attends quelqu’un moi aussi.

Valérie - Ah ?

Pierre (allusif) - Oui, une femme… enfin, une vraie, cette fois-ci…

Valérie - Je la connais ?

Pierre - Ça m’étonnerait…

Valérie - Dis toujours.

Pierre - Ça t’intéresse tant que ça ?

Valérie - Un peu.

Pierre - Si tu veux tout savoir, elle s’appelle Graziella Duparc.

Valérie (réfléchissant) - Non, ça ne me dit rien.

Pierre - Elle est journaliste à « Femmes de demain ».

Valérie - Et pourquoi veut-elle te rencontrer ?

Pierre - Elle envisage de me consacrer un article dans son prochain numéro.

Valérie - Ah bon ? (Moqueuse.) Pas à la page « cuisine », alors !

Pierre - Non, ni à la page jardinage, rassure-toi, mais dans leur rubrique régionale « Un homme, un métier ».

Valérie - Et tu as accepté ?

Pierre - Je t’avoue que j’ai hésité au début.

Valérie - Je te comprends !

Pierre - Mais elle m’a dit que si je refusais, ce qu’elle comprendrait fort bien d’ailleurs, elle contacterait Paul Gallois.

Valérie - Qui, lui, accepterait…

Pierre - Ça va sans dire ! Je le connais : pour récupérer des voix, il est prêt à tout !

Valérie (taquine) - Et toi, non ?

Pierre - Figure-toi que si j’ai finalement dit oui, c’est pour donner une bonne image de l’homme politique.

Valérie - Et rien de plus ?

Pierre (s’emportant) - Gallois ! Non, mais rends-toi compte : divorcé et vivant avec une femme qui pourrait être sa petite-fille !

Valérie - C’est courant, aujourd’hui !

Pierre - Ce n’est pas une raison ! Ce serait encore donner un sacré exemple pour les lecteurs !

Valérie (allusive) - Lecteurs ou électeurs, non ?

Pierre (faux) - Ah oui ! Tiens, je n’avais pas remarqué comme ces mots se ressemblaient !

Valérie - Finalement, cet article, ce serait plutôt un bon coup de pub pour ta campagne électorale…

Pierre (hypocrite) - Ah ?… Je n’y avais même pas songé.

Valérie - Son magazine est très lu.

Pierre (faussement naïf) - Ah bon ?

Valérie - La preuve : moi-même je l’achète régulièrement.

Pierre - Ce n’est pas forcément une référence.

Valérie - Hum… Donc, cette journaliste doit venir aujourd’hui ?

Pierre - Oui… Elle sera ici à dix heures précises.

Valérie - Et tu ne pouvais pas la recevoir à ton bureau, en ville ?

Pierre - Je te rappelle qu’il est en travaux.

Valérie - C’est vrai…

Pierre - Et elle tenait à me rencontrer chez moi.

Valérie - Dans ta maison de campagne… électorale.

Pierre - C’est pour mieux cerner l’individu, m’a-t-elle dit.

Valérie - Bon, j’espère en tout cas que tu t’en sortiras bien avec elle.

Pierre - Que nous nous en sortirons !

Valérie - Nous ?

Pierre (un peu gêné) - Oui… Elle souhaiterait aussi bavarder avec toi.

Valérie - Mais je n’ai rien à lui dire, moi !

Pierre - Ne t’inquiète pas : les journalistes parlent pour deux ! Ils font même dire aux gens des choses qu’ils n’ont jamais racontées !

Valérie - C’est rassurant !

Pierre - Tout se passera bien, tu verras.

Valérie - Franchement, je ne sais pas si c’est une bonne chose d’étaler notre vie privée comme ça…

Pierre - Mais nous n’avons rien à nous reprocher, nous...

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