Colonel Betty

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En 1939, la vie n’est déjà pas simple pour Raoul, humble cafetier de Normandie, car il doit faire face à des difficultés financières soigneusement orchestrées par son ennemi d’enfance, le terrible Ernest Ratin, tout en résistant à la nymphomanie exacerbée de Clémence, épouse de ce dernier. Il doit aussi composer avec les caractères complètement opposés de ses deux filles, Odile et Jeanine, les joutes verbales qui opposent le curé, l’institutrice et la postière du village, et le bégaiement insupportable de Firmin, amoureux transi et maladroit d’Odile. Mais alors, à partir de juin 40, les choses s’aggravent sur un rythme exponentiel. Jugez plutôt : Ratin devient le chef de la Gestapo locale alors que l’institutrice prend le maquis, Clémence se déchaîne et Firmin est fou de jalousie car les filles cachent un parachutiste britannique en mission auprès d’un mystérieux colonel Betty que personne ne connaît.

On éclate de rire de la première à la dernière réplique de cette comédie endiablée dans laquelle les personnages s’entrechoquent joyeusement et qui mêle astucieusement histoires d’amour, coups de théâtre, gags, jeux de mots et bien sûr suspense car, en fait, qui est donc ce Colonel Betty ?

ACTE I

 

Le rideau s’ouvre sur une voix off qui dit : « Nous sommes le 1er septembre 1939, tôt le matin. »

FIRMIN (frappe plusieurs fois puis entre avec un sac de pains) - Bon, j’entre ! Personne. Cette fois, je lui dis. (Il sort un papier de sa poche et le lit.) « Ma chère Odile… Odile, tu es la plus belle et la plus douce et la plus gentille. J’aimerais te serrer dans mes bras… Mais pas trop fort. J’aime tes yeux, les deux. J’aime tes oreilles aussi. J’aime ta petite bouche, ton petit cou, tes petits bras, tes petits s… » Non, je n’oserai jamais lui dire ça. (Il crayonne son papier.)

« J’aime tes petits s… Petits s… Jambes. Bref, je veux te marier… Ne me réponds pas tout de suite. » (Il prend un temps et, très fier de sa formule :) « Il ne faut pas précipiter le bonheur… »

ODILE (apparaissant par l’escalier) - Qu’est-ce que tu dis ? FIRMIN (sursautant) - Rien ! Euh… si, enfin… Non, rien, je… ODILE - Tu parles à tes miches, maintenant?

FIRMIN - Miches ? Eh ben… euh… non ! Pas les miches…

ODILE - Tu parlais de bonheur, non ?

FIRMIN - Oui… Non… Enfin, je disais… J’aime bien livrer le pain de bonne heure et…

ODILE - Et… ?

FIRMIN - Et… Rien… Tiens, voilà la fracture. La facture! Hé, hé !

(En fait, il lui donne son texte.)

ODILE - Quoi, « hé, hé » ?

FIRMIN - Rien du fnou… du pou… du tout.

ODILE (tout en lisant) - Alors combien je te… (Éclatant de rire.)

« Ma chère Odile… Jambes… » (Firmin lui arrache le papier des mains et boude.) Je te demande pardon. Il est très joli ton poème.

FIRMIN - Mon poème ? Ah oui ! Mon poème ! (Tête déconfite.)

ODILE - Je m’excuse. Tiens, si tu veux, pour me faire pardonner, je te donne le droit de m’embrasser.

FIRMIN - Vrai ?! (Fou de joie, il s’élance vers elle.)

ODILE - Doucement! Doucement! Tu peux m’embrasser sur la joue et… et si tu descends à la cave. (Il s’y précipite.) Attends ! Je ne t’ai pas dit pourquoi… (Il revient.) Remonte-moi six bouteilles…

FIRMIN (déjà dans l’escalier de la cave) - Oui, oui !

ODILE - Et fais attention ! Tu n’as pas… (On entend un gros bruit de chute.)… allumé la lumière.

FIRMIN (off) - Je suis tombé !

ODILE (tournant l’interrupteur) - Pauvre Firmin ! Il est gentil mais alors ! (À Firmin.) Ça va ?

FIRMIN (off) - Ça peut faire !

L’INSTITUTRICE (entrant par la porte principale) - Bonjour Odile !

ODILE - Bonjour mademoiselle Richevent.

L’INSTITUTRICE - Je t’ai dit cent fois de m’appeler Madeleine.

Tu n’es plus mon élève. Comment vas-tu ?

 

ODILE - Très bien, merci! Et vous ?

L’INSTITUTRICE - Le mieux du monde. (En allant s’asseoir.) Tu me fais un petit café, s’il te plaît ?

ODILE - Tout de suite !

FIRMIN (remontant de la cave avec les bouteilles) - Ça y est ! Je vais pouvoir t’emb… t’emb… t’emb…

ODILE - Ça y est ! Il est encore coincé.

FIRMIN - T’emb… (Voyant l’institutrice.) T’embouchonner tout ça.

L’INSTITUTRICE - Bonjour Firmin !

FIRMIN - Bonjour mademoiselle l’institutrice !

ODILE - Merci. Pose-moi ça ici.

Elle s’affaire puis elle fait signe à Firmin d’approcher et lui tend la joue. Il s’approche gauchement, tend les lèvres vers Odile quand…

LA POSTIÈRE (entrant joyeusement) - Voici le courrier ! Bonjour à tous !

TOUS - Bonjour !

LA POSTIÈRE - Tenez ! (Elle cite les destinataires et pose les lettres sur le bar.) Odile Petitpas, Jeanine Petitpas, Raoul Petitpas, Raoul Petitpas, et… Raoul Petitpas. Eh bien, ils ne sont pas encore levés aujourd’hui ?

ODILE - Ma sœur si, mais mon père est au lit pour la journée.

L’INSTITUTRICE - Allons bon ! Il est souffrant ? ODILE - Je crois que c’est une bonne crise de foie. LA POSTIÈRE - Rien de grave en somme ?

ODILE - Non. Il est un peu trop gourmand, voilà tout. (Criant.)

Jeanine ! Il y a une lettre pour toi !

JEANINE (off) - Voilà, voilà ! J’arrive ! Je finissais mes prières !

L’INSTITUTRICE - Toujours aussi bigote la petite sœur ?

ODILE - Ouh là ! Plus que jamais.

JEANINE (en descendant) - Bonjour messieurs-dames.

L’INSTITUTRICE - Bonjour ma petite Jeanine.

LA POSTIÈRE - Alors, toujours pas d’amoureux ?

JEANINE (rougissante) - Oh! non, madame Lemailleur!… Bien!

Je vais monter le courrier à Papa.

LA POSTIÈRE - Tenez, j’avais aussi ces quelques timbres pour lui. Nous ne pourrons pas en discuter aujourd’hui mais cela ne fait rien. Donnez-les-lui. Je suis certaine qu’ils l’aideront à se remettre.

JEANINE - Merci. (Elle remonte.)

L’INSTITUTRICE - Des timbres comme thérapeutique?

LA POSTIÈRE - Les timbres c’est bon pour tout.

ODILE - Ah ! ces timbres ! Dire que vous nous portez le courrier tous les jours à la place de votre facteur, rien que pour parler phila- télie avec mon père !

LA POSTIÈRE - C’est cela la passion ! (S’asseyant à droite de l’institutrice.) Que voulez-vous ? C’est un virus.

ODILE - Café, comme d’habitude?

LA POSTIÈRE - Bien sûr ! Avec un nuage de lait.

ODILE - Et un café qui marche, un !

Firmin s’approche d’elle et tend les lèvres à Odile qui offre sa joue mais…

 

LE CURÉ (entrant) - Je vous donne à tous le bonjour !

TOUS (sauf l’institutrice) - Bonjour monsieur le curé !

L’INSTITUTRICE - Ça, le bonjour, vous le donnez aisément. C’est comme l’absolution : ça ne coûte pas cher !

LA POSTIÈRE (au public) - Et c’est parti mon kiki !

LE CURÉ - Dites, madame Lemailleur, voulez-vous me rendre un petit service ?

LA POSTIÈRE - Volontiers, mon père.

LE CURÉ - Voulez-vous, je vous prie, dire à la Robespierre des cours de récréation qui siège à votre gauche, la droite m’eut d’ailleurs étonné, que je ne lui adresserai pas la parole aujourd’hui.

L’INSTITUTRICE - Ouf ! Enfin une journée qui commence bien !

LE CURÉ (s’assoit à droite de la postière) - Rrrrrh !

LA POSTIÈRE - Ah ! le clergé accuse le coup : un à zéro pour la Laïque!

ODILE - Qu’est-ce que je vous sers, mon père ?

LE CURÉ - Un petit blanc, s’il te plaît. L’INSTITUTRICE - Un rouge aurait été surprenant ! LE CURÉ - Rrrrrh !

LA POSTIÈRE - Deux à zéro.

L’INSTITUTRICE - Un café aussi d’ailleurs !

LE CURÉ - Un petit verre n’a jamais fait de mal à personne.

L’INSTITUTRICE - Un, non… Quoique…

LE CURÉ - Vous n’allez tout de même pas insinuer que je…

L’INSTITUTRICE - Je croyais que vous aviez décidé de ne pas m’adresser la parole ?

LE CURÉ - Mon ministère me fait obligation d’avoir pitié de la moindre brebis égarée et je n’en dois oublier aucune, même celles qui ont été élevées à coups de faucille et de marteau.

LA POSTIÈRE - Deux à un, l’abbé réduit le score !

LE CURÉ - De plus, Dieu m’est témoin que je ne bois que très peu.

L’INSTITUTRICE - Saisissant résumé ! Vous illustrez à vous seul les deux plus grands fléaux du siècle : l’alcoolisme et le cléricalisme !

LE CURÉ - Oh !

LA POSTIÈRE - Trois à un, la République accélère!

LE CURÉ - Seigneur, pardonnez aux innocents ! Ils ne savent pas ce qu’ils disent. C’est congénital.

L’INSTITUTRICE - Oh !

LA POSTIÈRE - Contre-attaque de l’Ecclésiastique : trois à deux!

L’INSTITUTRICE - Ce qu’il ne faut pas entendre tout de même! Vous, évidemment, vous savez parfaitement ce que vous dites, vous l’avez appris par cœur. On vous a bourré le crâne des pires fadaises au séminaire!

LE CURÉ - Ma formation vaut bien la vôtre car elle est issue d’une tradition vieille de près de deux mille ans. Si on s’était trompé, depuis le temps, ça se saurait! Vous conviendrez qu’elle est une des valeurs de notre société et qu’elle a su résister, à travers l’histoire, aux bouffe- curés, pilleurs de monastères et autres nostalgiques de 1789 dont vous êtes la digne mais sans doute frustrée descendante!

LA POSTIÈRE - Mazette! Quel effort! L’Apostolique et la Romaine égalisent : trois partout, balle au centre !

L’INSTITUTRICE - Je vous ferai remarquer, monsieur le curé, que…

 

RATIN (entrant au moment où Firmin va embrasser Odile) -

Bonjour, bonjour ! Belle journée, n’est-ce pas ?

TOUS (faiblement) - Bonjour.

Tous évitent le regard de Ratin, et Firmin, dépité, sort.

RATIN - Petitpas n’est pas là ?

ODILE - Il est au lit.

RATIN (visiblement ravi) - Non! Il est malade? Qu’a-t-il attrapé?

ODILE - Une crise de foie.

RATIN - Le malheureux! Il souffre au moins ?

ODILE - Ce n’est pas la peine d’être cynique. Que voulez-vous ?

RATIN - Je suis ici, voyez-vous chère enfant, non pas pour me désaltérer ni même pour le rayon de soleil que vos yeux si doux dardent sur mon cœur car, si la seule vue de votre visage angélique suffirait à me…

ODILE - Bon! Il abrège le bavard baveux, avec ses petites lunettes sales et ses deux de tension, ou il faut que je l’attrape par son col amidonné et que je le secoue comme un prunier ? (Elle lui enfonce le chapeau.)

L’INSTITUTRICE - Un point pour Odile.

LE CURÉ - Je suis d’accord.

RATIN - Je vous en prie, mademoiselle, calmez-vous… Je…

ODILE - J’écoute ! Soyez bref !

RATIN - Très bien mais… (Il se rajuste et s’éloigne d’Odile.) Hum !… Vous n’êtes pas sans savoir que, étant notaire, je suis tenu par le secret et que par conséquent je ne parlerai qu’au Sieur Petitpas en personne.

LA POSTIÈRE - Mais puisqu’on vous dit qu’il est au lit.

RATIN - Eh bien, il va falloir qu’il se lève ! Et croyez-moi, il va se lever. Sachez que ceci… (Il sort une feuille de papier de sa serviette.)… est une… un argument qui ferait se lever un mort.

ODILE - Qu’est-ce que c’est ?

RATIN - Allez me chercher le Sieur Petitpas susdit.

ODILE - Vous êtes un monstre !

RATIN - De droiture et d’intégrité, oui. Allez me le chercher, il y va de son avenir et du vôtre.

ODILE - J’y vais ! (Elle monte l’escalier.) Mais j’espère pour vous que ça en vaut la peine. (Elle sort.)

RATIN (au public) - Un monstre de droiture et d’intégrité, c’est pas mal ça.

LE CURÉ - Si un jour la modestie vous étouffe, venez me voir à confesse. J’essaierai de vous soulager.

RATIN - Mais, je crois être, parmi les gens de cette assemblée, un des plus assidus à vos offices.

LE CURÉ (regardant l’institutrice) - Ça! Vous n’avez aucun mal!

L’INSTITUTRICE - On peut même dire que vous êtes un des piliers de l’église.

LA POSTIÈRE - Et ce n’est pas le moins « décrépit ».

RATIN - Pardon ?

LA POSTIÈRE - Rien, rien… Un point pour moi.

RATIN - Je suis un fervent catholique pratiquant, en effet, et j’en suis fier. Je suis un défenseur des valeurs traditionnelles et donc vitales de notre pays.

 

L’INSTITUTRICE - Heureusement que vous êtes là.

RATIN - Parfaitement! En ces temps troublés où tout fout le camp, il faut des gens capables de remettre la nation française sur les rails de l’ordre et de la prospérité.

L’INSTITUTRICE - Comme Franco vient de le faire en Espagne par exemple ?

RATIN - Le Général Franco a été acculé à la guerre civile par les hordes sauvages du bolchevisme international mais l’Espagne est maintenant sur la voie du…

L’INSTITUTRICE (furieuse et menaçante) - Il a des flots de sang sur les mains ! Espèce de cagoulard!

LE CURÉ - Du calme ! Du calme!

LA POSTIÈRE - Ah ! voici notre malade!

Raoul entre par l’escalier suivi d’Odile et de Jeanine. LE CURÉ - Bonjour Raoul ! Vous avez une bien triste mine. RATIN - Comment allez-vous?

RAOUL - Mal. Très mal. Surtout quand je vous vois. Que voulez- vous ?

RATIN - Je me vois dans l’obligation de vous remettre ceci. (Il lui tend la feuille d’un air satisfait.)

RAOUL - Je crois savoir de quoi il s’agit, malheureusement… La dernière traite, n’est-ce pas ?

RATIN - Effectivement! Elle arrivait à terme hier à minuit et vous n’avez pas payé.

RAOUL - D’habitude, j’ai toujours payé au jour dit, et même souvent avec un peu d’avance. Vous ne pouvez pas douter de mon honnêteté. N’ayez crainte, je vous paierai.

RATIN - Foi d’animal, etc. Je connais la fable… Vous me paierez quand ?

RAOUL - Dans les jours qui viennent, c’est une question de…

RATIN - Le terme c’est le terme!

RAOUL - Mais…

RATIN - Il n’y a pas de mais, pas plus que de passe-droits. Je fais dans la légalité, moi, monsieur ! Strict mais légal ! Le terme est passé et je vous somme de payer sur-le-champ sinon je me verrai dans l’obligation de diligenter une procédure d’expulsion.

RAOUL - Exp… Ex… Expulsion !

JEANINE - Mon Dieu !

ODILE - Comment cela, expulsion ? Et de quel droit ?

RATIN - Du droit que me donne l’hypothèque posée sur ce bâtiment.

ODILE - Quelle hypothèque, vieux radoteur libidineux? Vous dites n’importe quoi !

RATIN - Demandez à votre père.

RAOUL - Il a raison. Il y a deux ans, j’ai été obligé… Je ne voulais pas… Je ne m’en sortais plus.

JEANINE - Pauvre Papa !

ODILE - Mais tu ne m’en as jamais parlé !

RAOUL - Je ne voulais pas vous mêler à tous mes soucis, ta sœur et toi. Vous avez d’autres chats à fouetter.

LE CURÉ - Mais enfin ! Permettez que je m’immisce, Raoul. On ne peut pas expulser les gens du jour au lendemain. Il doit bien y avoir un délai afin que le débiteur puisse se retourner.

 

RATIN - Ce sont des traites semestrielles ; il a donc six mois pour réunir la somme mais, au jour de l’échéance, il doit payer… Cependant, un délai supplémentaire peut être accordé exceptionnellement par le créancier mais cela ne dépend que de son bon vouloir.

TOUS - Ah ! tout de même! À la bonne heure !

L’INSTITUTRICE - Demandez vite à ce monsieur de bien vouloir…

JEANINE - … prendre contact avec nous afin de… RATIN - Rien de plus facile. Ce monsieur, c’est moi. ODILE - Et vous ne ferez pas un geste.

RATIN - Eh bien, détrompez-vous. Pour vous prouver que moi aussi j’ai un cœur, je veux bien accorder un délai, dans le cadre de la loi qui m’y autorise naturellement. Mais, je ne crois pas que cela vous sauvera, Petitpas. Voyons, voyons, je vous octroie… dix minutes! Ah ! ah ! ah ! Dix minutes, vous entendez ? Et pas une de plus !

TOUS - Salopard ! Ordure ! Seigneur Dieu ! Crapule ! Jolie men- talité ! Sangsue !

RATIN - Causez, causez ! Je reviendrai dans dix minutes… prendre les mesures.

ODILE - Quelles mesures ?

RATIN - Eh bien, celles de cette salle ! J’ai l’intention d’y faire quelques aménagements avant d’y installer le siège de la section locale du Parti populaire français dont je suis le nouveau secrétaire régional.

RAOUL - Quoi ! Le parti de Doriot ?!

L’INSTITUTRICE - Ce fasciste ?

RAOUL - Dans ma maison !

RATIN - La mienne, rassurez-vous, la mienne.

RAOUL - Foutez-moi le camp !

RATIN - Je pars, je pars, n’ayez crainte, mais… pour dix minutes… Ah ! ah ! ah ! (Il sort en riant et croise Firmin dans la porte.)

FIRMIN - Qu’est-ce qu’il a ? C’est bien la première fois qu’il sort d’ici en rigolant. Ben vous en faites une tête, tous autant que vous êtes ?

LE CURÉ - Ratin veut expulser Raoul et toute sa famille s’il ne paie pas la traite échue.

FIRMIN - Le saligaud !

ODILE - Le mot est faible.

LA POSTIÈRE - Et vous avez entendu ce qu’il veut faire de la pièce où nous nous trouvons ?

L’INSTITUTRICE - Le siège du Parti populaire français ! C’est intolérable !

FIRMIN - Le papatiti… le titipopo… le popopupu, le…

LE CURÉ - C’est ça !

ODILE - Bon ! Se lamenter ne sert à rien. Il faut trouver de l’argent.

RAOUL - En dix minutes? Impossible !

FIRMIN - Impossible, pas français !

L’INSTITUTRICE - Bravo Firmin ! Tout problème a sa solution.

Allons, monsieur Petitpas, du nerf !

RAOUL - Du nerf, du nerf ! C’est celui de la guerre qu’il faudrait, de l’argent, de l’or !

ODILE - Voilà ! C’est ça, de l’or ! Vendons le bracelet et le médaillon en or de maman, ça suffira à…

 

RAOUL (furieux) - Les bijoux d’Élisabeth? Les bijoux de ta mère et de la mère de sa mère ? Jamais !

JEANINE - Mais père, ils ont une grande valeur et…

RAOUL - Ils ont surtout une grande valeur sentimentale. Élisabeth y tenait comme à la prunelle de ses yeux. Moi vivant, jamais ils ne quitteront la famille. Plutôt mourir !

LE CURÉ - Calmons-nous. Avant toute chose, si je peux me permettre d’intervenir, il faudrait connaître le montant de cette traite et le pécule dont vous pouvez disposer.

RAOUL - Rien de plus facile. Lisez. (Il lui tend la traite.)

LE CURÉ - Mille deux cent...

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