Coups bas chez le gynéco

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La présidente Viria est à bout. Son mari la trompe et déclenche des guerres inutiles pour rencontrer sa maîtresse. Un beau jour, elle décide d’agir et met son armée secrète sur les rangs. Elle veut coincer l’infâme, le coincer dans un sens réel, le coincer dans la faute et le destituer, le renvoyer au ruisseau. Mais les choses ne sont pas simples, comment piéger un homme puissant et craint. Une solution, chez le gynéco ?

Scène 1

 

Cabinet médical spacieux, boisé, paravent, fenêtres voilées. Un bureau, un meuble vitré, des instruments dorés. Au centre le siège d’examen recouvert d’un drap blanc. À droite une porte menant à la salle d’attente où se trouve le docteur, invisible pour l’instant. La porte est ouverte.

 

DOCTEUR – C’est à vous, madame.

PRINCESSE (hautain) – Veuillez décliner mon titre.

DOCTEUR – C’est à vous, Princesse.

PRINCESSE – Mon titre complet.

DOCTEUR – Princesse Blatate de Skouïa.

PRINCESSE – Princesse d’avant ou après l’annexion ?

DOCTEUR – Celle avec la chatte rasée.

 

La princesse entre furieusement, 20 ans, blonde, belle fille, tailleur, colliers de perles, chapeau, sac à main et fourre-tout, des manières. 

 

PRINCESSE (emporté) – Me parler comme ça, à moi, quel toupet, quelle façon de m’introduire. Si je rapporte, c’est la bastonnade dans les règles du lard, deux douzaines sur la chine, en gros bois noué.

 

Le docteur, 50 ans, grisonnant, barbe de 3 jours, blouse blanche, la suit d’un air désolé. Il referme la porte.

 

DOCTEUR – Il n’y a que vous dans la salle d’attente. Mes clientes connaissent ma langue légère. Personne ne s’est jamais plaint.

PRINCESSE – Évidemment, vous êtes le seul spécialiste en ville.

DOCTEUR – Elles pourraient me déserter.

PRINCESSE (elle s’assoit, retire ses gants) – Les distractions sont si rares.

DOCTEUR – Mais asseyez-vous, je vous en prie.

 

Le docteur prend place à son bureau, ouvre le dossier de la patiente, examine des radios à la façon d’un magazine pour hommes.

 

DOCTEUR – Surtout depuis…

PRINCESSE – Depuis ?

DOCTEUR – Depuis que…

PRINCESSE – Depuis que ?

DOCTEUR – Que…

PRINCESSE – Que quoi ? Vous avez fini de me faire tourner en barrique ?

DOCTEUR – Depuis que tout est interdit. Cinémas, théâtres… peep-show, tout !

PRINCESSE – Vous m’avez fait peur, je vous voyais tripoter mes radios.

DOCTEUR – Cette guerre. Hier, ils ont bombardé une maternité.

PRINCESSE – C’est mon vagin là ?

DOCTEUR – Une école, un hôpital, des tribunaux.

PRINCESSE – Le verdict ?

DOCTEUR – Tout est rasé.

PRINCESSE – Ça on le savait. Mais je vais vous surprendre, mon prince veut du changement.

DOCTEUR – Ah ?

PRINCESSE – Oui, on change de politique, on laisse vivre, que je lui ai dit.

DOCTEUR – A-t-il une oreille pour vous ? C’est la question.

PRINCESSE – Les oreilles, c’est pas son point fort. Si vous voyez où je veux dire. Oh ! Avec vous décidément. J’étais sérieuse et me voilà une poissonnière. Vous n’êtes pas mon gynéco, vous êtes mon confiseur.

DOCTEUR – Fesseur.

PRINCESSE – Pardon ?

DOCTEUR – Alors dîtes-moi où sont passés mes confrères ? On était 40, me voilà seul. Je ne suis pourtant pas dans les organes du pouvoir.

PRINCESSE (agacé) – Comment le saurai-je ? … J’ai entendu parler de vacances.

DOCTEUR (horrifié) – De vacances ?

PRINCESSE – Oui, en Alaskie, dans une colonie de pêche en péniche.

DOCTEUR – En péniche ? Vous avez dû mal entendre.

PRINCESSE – « Péniche entière », quelque chose comme ça.

DOCTEUR – « Pénitentiaire », c’était de l’humour noir.

PRINCESSE – De l’humour blanc, tout est blanc en Alaskie.

DOCTEUR (attristé) – L’Alaskie, on sait quand on y va…

PRINCESSE – En effet, pour ma part, je préfère skier en montagne. Mon galant m’a acheté un chalet dans le Vaudou, c’est adorable. Il y a un tire-fesses d’une puissance… ça vous projette ! Faut se tenir le dentier, comme dit mon conquérant.

DOCTEUR (attristé) – Je ne sais pas si on skie en Alaskie.

PRINCESSE (se retenant de pouffer) – Docteur, humour blanc : on se les caille en Alaskaï, c’est pas du skaï c’est du ski ! (Elle rit.) Pardon.

DOCTEUR – Mon associé, Shalom Abraham, père de douze enfants. La police est venue, hop ! disparu, envolé ! plus de nouvelles. Et moi je suis là.

PRINCESSE – Et moi aussi. (Elle rit.) Douze enfants, il a pas chômé le Shalom. Ça doit monter le bourrichon tous ces checks. Le chalaud, douze ! Combien de portées ? Douze ? Ou bien y a eu des doublés, des triplés, des mort-nés ?

DOCTEUR – Peut-être est-ce mon nom qui m’a sauvé ?

PRINCESSE – J’adore votre nom docteur Katolikov, ça sonne si bien.

PRINCESSE – Mais vous n’allez pas croire que mon soupirant est… (Elle ôte son soulier.) C’est un mot difficile… (Elle lit la marque sur la semelle.) « Intissimi »… voilà, vous n’allez pas croire que mon chevalier est antissimite ?

DOCTEUR – En tout cas, il est anti-chimique puisqu’il vous refuse la pilule.

PRINCESSE – Le chimique c’est dangereux. Voyez la cigarette. Les gens fument et meurent, à cause des taxines. De ce côté, je veux dire les poumons, à l’intérieur, je suis pure, zéro goudron, et mon guerrier aussi, on est un couple zéro zéro.

DOCTEUR – Zéro zéro, êtes-vous sûre ? Je l’ai vu au poste récemment, dans une partie de chasse avec euh… (avec précautions) sa dame. À chaque fois qu’on la voyait, elle en grillait une. Qu’on le veuille ou non, c’est un fumeur passif.

PRINCESSE (agacé) – Passif avec elle. Pas avec moi. C’est une vieille chaussure qui lui pourrit la tête. Elle voudrait m’éliminer mais j’ai la jeunesse. Et mon maître apprécie et je sais le vider de tout ça. Entre nous, elle va cloquer bientôt, et alors…

DOCTEUR – Alors ?

PRINCESSE (dans sa bulle) – Mon bonheur sera éclatant. En tant que 1ère dame, je remettrai au goût du jour la chaise à porteurs. Un deux-places, en bois fruité, trois domestiques à l’avant, deux dans le dos, et l’inverse en marche arrière. Imaginez, mon champion et moi, côte à côte, souriant sous les clapotis de la foule.

DOCTEUR – Les manifestations sont interdites.

PRINCESSE – On les fera désinterdire !

DOCTEUR – Et mes confrères seront libérés.

PRINCESSE – Je viendrai vous voir. Vous m’enlèverez mon titi, et ce sera mon tour d’être shalomée, je veux dire enfantée. Un fils, deux, trois, ce qu’il voudra. Et des filles, pour le câliner quand il sera vieux.

DOCTEUR – Il l’est déjà.

PRINCESSE – Pas pour moi. Quatre vingt cinq ans, c’est le début de la vie.

DOCTEUR – Faudrait une portée de six pour commencer.

PRINCESSE – Pourquoi pas, je suis reptile, vous le savez.

DOCTEUR – Attention à pas le surmener, des fois qu’il finisse comme Louis XII.

PRINCESSE – Louis XII ?

DOCTEUR – Un Roi français, mort au travail.

PRINCESSE – Mon culminant ne travaille pas, il œuvre.

DOCTEUR – Un travail au lit, la descendance.

PRINCESSE – Moi je préfère quand ça monte, quand le désir pointe comme un drapeau qui bat. Avec moi, on savoure, on jubile, on virevolte !

DOCTEUR – À 85 ans, pour virevolter, faudra le piquer au 220.

PRINCESSE – C’est lui qui me piquera, et je grossirais de neuf mois, mon rêve. (Elle sort de sa bulle, un peu échauffée.) Bien, je me déshabille ?

DOCTEUR – Y a pas de presse.

DOCTEUR – Vous avez votre relevé de température ?

 

Elle sort un coupon de son sac à main qu’elle déplie cinq fois pour en faire un document de taille courante, qu’elle pose sur le bureau.

 

DOCTEUR – Elle est en 3D votre courbe. J’ai du matériel mais pas encore de pressing. Voyons, qu’est-ce que nous avons ? (Il lit.) Vous n’avez pas rempli, là.

PRINCESSE – Où ?

DOCTEUR – En haut, là.

PRINCESSE – Faut remplir aussi ?

DOCTEUR – Évidemment. (Il lit des options à cocher) Rectal, buccal, axillaire, ou tympanique ? J’ai besoin de savoir pour apporter des corrections selon le cas. Votre température, c’est quel cas ?

PRINCESSE (gêné) – Quel cas quoi ?

DOCTEUR – Ben vous la prenez où ? Montrez avec le doigt.

PRINCESSE – Vous savez à qui vous parlez ?

DOCTEUR – Pas sur vous, la feuille. Mettez votre doigt dans le cas.

 

Elle prend conscience de sa méprise, soupire, et pose rapidement son index sur la feuille.

 

DOCTEUR – Trop vite, j’ai pas eu le temps. Laissez votre doigt suffisamment, je vous dirais.

PRINCESSE (Elle pose le doigt et tourne la tête à l’opposé) – Ça va comme ça ?

DOCTEUR – On progresse. Encore un petit effort, votre doigt est sur deux cases.

PRINCESSE – Il est pourtant petit… mon doigt. (Elle le retire.)

DOCTEUR (Il reprend la feuille) – Bon, on avance. Rectal ou buccal ? (Pas de réponse.) Rectal ou ? … dans le ou dans la bouche ?

PRINCESSE – Les deux.

DOCTEUR – Les deux ?

PRINCESSE – Ben oui. Parfois j’ai un petit souci alors je le mets dans la bouche.

DOCTEUR – Mais vous ne pouvez pas, c’est là où là, sinon ça n’a plus de valeur. (Un temps.) Vous avez noté les fois dans la bouche ?

PRINCESSE – Non.

DOCTEUR – Bon, pour la prochaine fois : le c’est la base, le zéro. Si vous le faîtes dans la bouche, vous ajoutez 0,5 degrés, sous le bras 0,7. Si vous le faîtes toujours sous le bras, c’est facile à retenir : zéro zéro sept, comme l’agent.

PRINCESSE – Quel agent ?

DOCTEUR – James Bond.

PRINCESSE – Et le Titanic ?

DOCTEUR – Il a joué dans Titanic ?

PRINCESSE – Non, un des cas.

DOCTEUR – Vous voulez un déca ?

PRINCESSE – Une des cases.

DOCTEUR – Ah, tympanique. Dans l’oreille. Faut une machine.

PRINCESSE – Dans l’oreille. Décidément, vous les docteurs, dès qu’il y a un trou vous êtes là.

DOCTEUR – Okay, on se calme. Je prendrai bien un café moi, pas vous ?

PRINCESSE – Un thé, à la rigueur.

DOCTEUR – Blanc ou noir ?

PRINCESSE – Vert.

DOCTEUR – Y a pas.

PRINCESSE – Noir.

DOCTEUR – Y a plus.

PRINCESSE – En blanc,...

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