Nous sommes au XVIème siècle.
Deux personnages sont dans un cadre formant ainsi un tableau ancien. Il serait
bien que l’éclairage augmente illusion.
Le Duc et son fils le Marquis sont attablés, des restes de repas attestent qu’ils
viennent de faire bonne chère. Il leur reste de quoi boire.
Le Marquis est maniéré mais pas efféminé, il n’a qu’une seule chaussure.
Des accessoiristes enlèvent le cadre en deux parties pour que l’action démarre.
Le ménestrel entre à ce moment là.
LE DUC (levant son verre.) : Je bois à la santé de ce duché qui est le mien, mon
fils, et qui deviendra le tien à ma mort... ce qu’à Dieu ne plaise ! (Il boit.)
LE MARQUIS : Père ! Rien ne presse, le titre de marquis me sied encore et je
n’éprouve aucune hâte à endosser celui de Duc !
LE DUC (entêté.) : ...Et je lève mon verre à ta postérité que je souhaite
nombreuse... Mais pour cela, il te faut prendre femme... Il est plus que temps,
mon fils, te voilà vieux : à quarante ans j’étais déjà grand-père des enfants de ta
soeur !
LE MARQUIS : Maintenant, on est au seizième siècle ! Faut savoir vivre avec
son époque papa ! C’est la Renaissance, plus le Moyen-âge !
LE DUC : Je me fous de ta Renaissance, c’est de naissances dont je te parle !
Mais pour cela, il te faudrait faire un minimum de connaissances !
LE MARQUIS : Oui... Bof !
LE DUC (inquiet.) : Allons, rassure ton père sur un point : tu conjugues bien
l’amour au féminin ?
LE MARQUIS (surpris.) : De quoi ? Qu’ouïs-je ? Qu’est-ce ?
LE DUC : Tu ne privilégies pas le vestiaire des garçons au détriment du gynécée ?
LE MARQUIS : Meuh non ! Seulement... Vu mon physique, on ne peut pas dire
que les filles soient par ma chair appâtée !
LE MENESTREL (Chantant.) : avec les filles j’ai un succès mou, mou, mou,
mou ! Elles prennent leurs jambes à leur coup, ouh, ouh, ouh ! En un clin
d’oeil j’suis sur les genoux, ouh, ouh, ouh ! (1)
LE MARQUIS (au ménestrel, agressif.) : T’es gentil le ménestrel, tu la mets
en sourdine ! (A son père.) Comme les filles ne tombent pas franchement dans
mes bras, ce n’est pas évident de trouver chaussure à mon pied de marquis ! (Il
montre l’un de ses pieds dépourvu de chaussure et il se lève avec entrain.) Mais,
je vais courir le royaume afin de trouver la moitié qui me manque pour enfin
pratiquer l’amour en entier !..
LE DUC : Oui, mon fils, trouve chaussure à ton noble pied afin de cesser ces
claudications aussi peu aristocratiques qu’exaspérantes, et ramène-nous une
damoiselle de bonne extraction afin d’assurer à ce duché déliquescent, une
durable descendance !
LE MARQUIS : Père, J’y cours, j’y vole, et même y galope !* Vous verrez je
ramènerai une...* (S’arrêtant brusquement à la recherche du mot.) voyons une
rime en “ope”, évoquant la...