De l’amitié entre les peuples

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Deux groupes égarés. Un groupe de démocrates et un groupe d’autocrates. Les derniers survivants d’un cataclysme ? Ils découvrent des pièces détachées et un plan de montage et se chamaillent, car ils revendiquent l’un et l’autre la paternité de cette découverte. Ils montent finalement l’appareil pour se rendre compte trop tard qu’il s’agit d’une bombe !

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Liste des personnages (12)

Grete GruthFemme • Adolescent/Jeune adulte/Adulte • 40 répliques
Cheffe des Guthriens : intransigeante et de mauvaise foi.
MARTHAFemme • Adolescent/Jeune adulte/Adulte • 12 répliques
Appartient au clan des Guthuriens. C'est une cuisinière. Personnage un peu plus « rond ».
Karl Kortizohn Homme • Adolescent/Jeune adulte/Adulte • 22 répliques
Appartient au clan des Guthuriens. Militaire borné.
BéatrixFemme • Adolescent/Jeune adulte/Adulte • 16 répliques
Appartient au clan des Guthuriens, elle finit la plupart de ses phrases par un yodl ou un air chanté
LaureFemme • Adolescent/Jeune adulte/Adulte • 14 répliques
Appartient au clan des Méridiens, d'une nature plutôt pessimiste.
FatimaFemme • Adolescent/Jeune adulte/Adulte • 13 répliques
Appartient au clan des Méridiens. Personnage plus ferme, mais pragmatique.
DagobertHomme • Adolescent/Jeune adulte/Adulte • 27 répliques
Appartient au clan des Méridiens. Chef naturel.
MartinHomme • Adolescent/Jeune adulte/Adulte • 20 répliques
Appartient au clan des Méridiens. Misanthrope.
Mauritz FolkHomme • Adolescent/Jeune adulte/Adulte • 22 répliques
Appartient au clan des Guthuriens. Personnage poétique et décalé.
AnaïsFemme • Adolescent/Jeune adulte/Adulte • 20 répliques
Appartient au clan des Méridiens. La dinde de service.
CharlotteFemme • Adolescent/Jeune adulte/Adulte • 14 répliques
Appartient au clan des Méridiens. Humaine et tolérante.
FélicienHomme • Adolescent/Jeune adulte/Adulte • 13 répliques
Appartient au clan des Méridiens. Impatient et prêt à se battre

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Chaque groupe arrive par son côté de la scène, à droite pour l’un, à gauche pour l’autre. Un gros carton est disposé au milieu et arrière plan de la scène.
A l’ouverture les Méridiens entrent dans une belle pagaille en parlant tous en même temps.
...Elle m’a dit que je ressemblais à rien...
...Oui, oui, bien sûr !...
...au fond, c’est pas sorcier : vous mettez les oeufs dans le plat...
...J’ai horriblement mal aux pieds !...
...Qu’est-ce que vous dites ?...
...Nous arrivons à une clairière...
Apparaîssent les Guthuriens en quinconce, Karl tenant un drapeau en tête, sous le regard surpris des Méridiens.
GRETE, rythmant la marche de la voix - Un, deux ! un,deux ! etc.
KARL, apercevant les Méridiens - Halte !
GRETE, répétant l’ordre et s’arrêtant - Halte ! Que se passe-t-il monsieur Kortizohn ?
KARL, sur la défensive - Des Méridiens ! Nous ne sommes pas seuls !
BEATRIX - Oh ? Du monde ! (Chantant.) Yo dolo dolo hi hi !
GRETE - Vite, monsieur Kortizohn ! Allez planter le drapeau !
KARL, plantant son drapeau au milieu de la scène, sous le nez des Méridiens - A vos ordres madame Gruth ! (Il se met au garde à vous en attendant d’autres instructions.)
GRETE, à Béatrix - Et vous, taisez vous !
BEATRIX - Holà, là ! (Chantant plus bas.) Holà, la, la, la, yodolo la, la, hi hi !
DAGOBERT, s’adressant à Karl et à Grete, outré - Que faites-vous là ?
GRETE - Nous plantons notre drapeau sur ce nouveau territoire, qui désormais nous appartient, ainsi que tout ce qui le compose !
DAGOBERT - Vous rigolez ou quoi ?
GRETE - Pas du tout ! Vous serez nos vassaux et vous adopterez nos mœurs et nos coutumes.
ANAÏS - Et puis quoi encore ?
FATIMA - Nous n’accepterons jamais de nous soumettre à un système féodal !
FELICIEN - …Et surtout de nous soumettre à des Guthuriens !
CHARLOTTE - C’est malhonnête ! Nous sommes arrivés avant vous !
GRETE - Vous n’aviez qu’à planter votre drapeau au lieu de discuter !
ANAÏS - On n’en a pas de drapeau !
GRETE - Fallait être prévoyants ! (Apercevant la caisse.) Qu’est-ce ?
KARL, bêtement - Oui, je confirme que c’est une caisse Madame !
GRETE - Bon, nous verrons cela plus tard. Gardez un oeil dessus, voulez-vous ? Nous allons installer nos quartiers ! Rompez les rangs ! (Chaque Guthurien cesse de marcher au pas et se disperse.)
DAGOBERT - Cette caisse ne vous appartient pas !
FATIMA - Pas plus qu’à nous d’ailleurs…
KARL - Raison de plus pour que nous la gardions !
MARTHA, intriguée - Je me demande s’il y a des ustensiles de cuisine là dedans ? Cela m’arrangerait, on manque de tout depuis le grand boum !
FELICIEN - Pas touche à la caisse ! (Karl et Félicien se font face, menaçants.)
LAURE, s’interposant - Nous n’allons pas nous battre pour une caisse ! Il y a des sujets plus importants que ces choses bassement matérielles !
MARTIN, méprisant - C’est vrai ça : qu’est-ce qu’une caisse ? (Amusé.) Oh ! La belle allitération ! (Un temps.) Franchement, je trouve cette querelle un peu archaïque ! Je vous rappelle que nous sommes probablement les seuls survivants du cataclysme.
LAURE - Oui, mais pour combien de temps ?
FELICIEN - Ce n’est pas une raison pour qu’on se laisse marcher sur les pieds ! Surtout par des Guthuriens !
DAGOBERT - Discutons de cette situation, voulez-vous ?
Ils se rassemblent en cercle pendant que les Guthuriens s’organisent et emménagent les lieux avec divers mobiliers et ustensiles qu’ils rapportent des coulisses. Sauf Karl qui  surveille la caisse.
GRETE, à part, méprisante - Les Méridiens et leur démocratie !
FELICIEN - Y’a pas à discuter ! On est plus nombreux qu’eux ! On leur fait bouffer leur drapeau et l’affaire est entendue !
FATIMA - Nous ne sommes pas des sauvages !
DAGOBERT - Je suis d’accord avec Fatima : la raison doit primer sur l’instinct.
ANAÏS - Je vous préviens, moi je ne me bats pas ! J’ai passé la matinée à me coiffer, ce n’est pas pour aller me crêper le chignon !
CHARLOTTE - Anaïs, tu es désespérante !
ANAÏS - Ah ? D’habitude, on me trouve superficielle… (Charlotte hausse les épaules d’agacement.)
LAURE - Je ne suis pas optimiste. Tout cela va finir en drame !
MARTIN - Nous connaissons votre nature pessimiste, ma chère Laure, mais je partage votre opinion.
CHARLOTTE - Nous ne sommes pas obligés de nous battre. Nous devrions leur exposer notre point de vue.
DAGOBERT - Encore faut-il que nous en ayons un qui nous soit commun !
FATIMA - On devrait voter.
LAURE - On n’a pas d’urne !
FATIMA - Et bien, on fait ça à main levée !
MARTIN - Je ne suis pas d’accord ! Je suis partisan du vote à bulletin secret !
ANAÏS - J’approuve ! Je n’ai pas vraiment d’opinion, mais ce n’est pas pour ça que tout le monde doit le savoir !
FELICIEN, désignant les Guthuriens - Je vous signale que pendant qu’on discute, nos ennemis s’emparent des lieux !
DAGOBERT, s’approchant de Grete qui trône sur un siège - Je vous trouve culottés de vous annexer cette contrée !
GRETE - Taisez-vous ! Ici, les Guthuriens sont chez eux ! (A Karl.) D’ailleurs, il faudra songer à l’inscrire sur une banderole.
MAURITZ - Je peux m’en charger, je suis peintre à mes heures...
GRETE - Pourquoi pas monsieur Folk ?
MAURITZ - Appelez-moi Mauritz !
BEATRIX - Comment allons-nous nommer ce territoire ? (Chantonnant.) Tralalalère
!
GRETE - Certainement pas trala-lalère ! (Faussement modeste.) Je verrais bien Greteland... ou Gruthland...
MARTHA, choquée - Madame Gruth ! Donner votre nom ou votre prénom à cette terre dénote une nette tendance au culte de la personnalité !
MAURITZ - Si je puis me permettre, cela manque aussi de poésie.
GRETE, vexée - Ce n’était qu’une proposition !
KARL - Pourquoi pas : la nouvelle Guthurie ?
FELICIEN, retroussant ses manches, menaçant - Ça commence à bien faire ! Nous sommes plus nombreux que vous, alors si vous voulez de la castagne, ça peut s’arranger !
DAGOBERT - Félicien a raison ! On ne va pas vous regarder annexer ce territoire sans moufeter !
GRETE, inquiète - Holà ! Guthuriens ! En rangs par deux ! Rassemblement !
Ils obtempèrent et se retrouvent tous d’un côté de la scène. (Cour ou jardin)
MARTHA, au garde à vous - Je vous signale que je ne sais battre que les oeufs ! Je suis cuisinière, pas fantassin !
BEATRIX, même jeu - Quant à moi, je chante ! (Chantant la chanson de Trenet.) Je chante, soir et matin, je chante sur les chemins !
KARL - Traîtresse ! Vous chantez une chanson typiquement Méridiennes !
BEATRIX - Les chansons ne connaissent pas les frontières ! Lalala-itou !
MAURITZ - Je ne sais pas me battre et je déteste l’idée d’être en position minoritaire !
GRETE - Nous sommes les minorités agissantes !
DAGOBERT, conciliant - Ne soyez pas stupides ! Nous ne souhaitons pas nous battre, nous voulons occuper cette terre à part égale avec vous ; sans frontière, sans clôtures et sans arrière pensées.
GRETE, croisant les bras, boudeuse - Je trouve cela utopique et contraire à nos
principes !
DAGOBERT, tournant le dos à Grete et s’adressant aux Méridiens - Je propose que nous nous penchions sur cette caisse...
FELICIEN - Bonne idée ! Il y a peut-être des armes là-dedans ?
GRETE, se levant, inquiète et poussant Karl vers la caisse - Participez ! Nous ne voulons pas être tenu à l’écart de cette découverte !
KARL, bousculant les Méridiens qui se trouvent sur son passage, sauf Félicien et Dagobert - Poussez-vous ! Quel est donc ce… (faisant pivoter la caisse à l’aide de Félicien, une étiquette apparaît avec “ MMACHIN ” écrit dessus.) …truc ?
BEATRIX, de loin - Machin ! C’est un machin ! (Chantant.) Yodolo, dolo, lolo hihi !
KARL - Oui, ho ! Truc, machin : c’est du pareil au même !
CHARLOTTE - vite ! ouvrons la ! (Elle ouvre la caisse - les quatre panneaux de la caisse s’enlève indépendamment - aidée par Karl. Apparaît un engin de forme carrée, très coloré, truffé de boutons et de manettes.)
MAURITZ, de loin, toujours au garde à vous - On dirait un ordinateur...
KARL, tirant sur un bout de tuyau - Ça semble plutôt en mauvais état !…
MARTHA, même jeu - Ça m’étonnerait que ça fasse la cuisine en tout cas !
BEATRIX  - Si seulement ça pouvait être un piano ! Yodolo-doloitou !
GRETE - Arrêtez de chanter et allez vous asseoir ! (A Martha.) Vous aussi Martha : asseyez-vous ! Et vous Mauritz, inutile d’être au garde à vous !
MARTHA, allant s’asseoir - C’est pas de refus ! J’étais au bord de la crampe ! (Elle va s’endormir progressivement.)
DAGOBERT, observant la machine d’un peu plus près - Il est évident qu’il manque des pièces… Il y avait des objets qui parsemaient les bords de route tout à l’heure. Je me demande si nous ne trouverions pas des éléments qui s’adaptent à cette machine… (Il sort.)
LAURE, s’étant approchée de la machine - J’ai vu un truc là-bas qui irait peut-être dans cet orifice… (Elle sort.)
GRETE - Nous aussi, nous avons vu des choses ! (De la main, elle fait signe à Karl et à Mauritz de sortir. Ils obtempèrent.)
ANAÏS, moqueuse - Elle se prend pour une voyante !
LAURE, revenant avec un cube jaune - Voilà ! Il n’était pas loin… (Elle l’encastre dans son emplacement.) Je ne sais pas à quoi ça sert, mais ça rentre !
La machine klaxonne, faisant sursauter tout le monde y compris Martha qui s’était assoupie.
MARTHA, dans un demi sommeil - Mmmmh ? Oui, oui ! J’avance !… (Elle simule le passage d’une vitesse et tourne un volant imaginaire, puis se rendort.)
BEATRIX - On a trouvé le klaxon ! C’est toujours ça ! Yodilo-lolo-lala-itou !
KARL, revenant en trombe - Que se passe-t-il ?
MARTIN - C’est la machine : elle a fait « pouêt » !
Dagobert rentre en scène avec un objet cylindrique dans les bras.
CHARLOTTE - J’aurais plutôt dit qu’elle a fait « tut ! » (Elle sort.)
KARL - Oui oh ! « Tut ! » ou « pouêt ! » c’est du pareil au même ! Ce n’est pas ça qui va faire fonctionner la machine. Vous n’êtes pas efficaces, vous les Méridiens !
FATIMA - On ne pouvait pas prévoir que ça allait faire « tut » !
MARTIN - …Ou « pouêt » !
DAGOBERT - Bref ! Continuons ! (Il installe son cylindre sur la machine, On distingue un « B » sur le corps du cylindre, les autres lettres son cachées sous une couche de poussière.)
MAURITZ, revenant à son tour avec une sorte de cône - J’ai trouvé un bout de la machine, je pense.
CHARLOTTE, revenant en exhibant une notice - J’ai la notice d’utilisation ! (Lisant à haute voix.) Machine Merveilleuse... (Commentant.) Ah ! Cela explique les deux M ! (Reprenant en rapprochant de plus en plus ses yeux de la feuille.) Machine Merveilleuse A Caractère Hautement... Hautement... Je n’arrive pas à lire la suite c’est écrit tout petit !
FATIMA - Faites voir ? (Posant ses yeux à ras de la feuille.) Effectivement, les derniers mots sont microscopiques !
GRETE, s’approchant, autoritaire - Donnez-moi ça ! (Elle arrache la feuille des mains de Fatima, puis essaye de lire.) I... I... I...
BEATRIX, riant nerveusement - Hi ! Hi ! Hi !
GRETE, agacée - Béatrix ! A part rire et chanter, vous n’êtes vraiment bonne à rien !
BEATRIX, blessée - J’y peux rien, c’est nerveux !
MARTIN - Je peux voir ? (Il lit à son tour.) Machine Merveilleuse A Caractère Hautement… Hautement… I... (Un temps où il cherche à déchiffrer, puis renonçant.) Inutile ! (Il jette la notice à terre.) On perd notre temps ! (Il sort.)
Charlotte ramasse la notice.
ANAÏS - D’un autre côté, on n’a rien à faire !
MARTIN, en off - En tout cas, moi je vais me promener !
FELICIEN, tournant autour de l’engin - Bon alors, à quoi ça sert ce truc ?
KARL, même jeu, dans le sens inverse - ...Et comment ça marche ?
MAURITZ, montrant son cône - On n’a pas fini de tout monter non plus !…
LAURE, elle tire sur un gros fil - C’est quoi cette chose ?
GRETE - Un fil électrique. (S’emparant sèchement du fil, puis hélant.) Mauritz ! Allez brancher ce fil quelque part !
MAURITZ, posant son cône et prenant le fil - Bon… Il va falloir trouver une prise maintenant ! (Il sort en coulisses.)
DAGOBERT - Je serais curieux de savoir où il va trouver une prise !
GRETE, fière - Nous, les Guthuriens, sommes pleins de ressources !
BEATRIX - Mauritz est un poète. Les poètes débordent d’imagination : ils peuvent inventer une prise là où il n’y en a pas ! (Chantant.) Tralala-itou !
MARTIN, en off, hurlant de douleur - Aïe ! Ça va pas la tête ?
MAURITZ, en off, désolé - Oh ! Pardon ! C’est une affreuse méprise ! J’ai cru que c’était une prise !
MARTIN, entrant en scène furieux en se tenant le nez - Quel abruti ! Je marchais tranquillement, le nez au vent, quand cette espèce de dingue m’a planté un truc dans les narines !
DAGOBERT, hilare - Heureusement que vous ne marchiez pas à quatre pattes !
MARTIN, furieux en allant s’asseoir sur un siège guthurien - Très drôle !
Anaïs et Béatrix s’occupent de lui (compresses etc.) et Martin semble apprécier le traitement : il se vautre dans son siège et fait le grand malade. L’une des filles lui caresse les cheveux.
MAURITZ, revenant, satisfait - C’est fait !
MARTIN - Vous avez trouvé un nez consentant ? (Anaïs et Béatrix le calment du geste.)
ANAÏS, bêtement - Il n’y a pas que votre nez qui soit prisé !
MAURITZ - Je l’ai branché dans un arbre…
CHARLOTTE - Dans un arbre ? Quelle drôle d’idée ! Il n’y a pas de prises dans un arbre !
MAURITZ - Oui, mais il y a des branches… (Trouvant cela parfaitement naturel.) Je l’ai branché quoi !
FELICIEN - N’importe quoi !
GRETE - Essayons, avant de critiquer !
KARL, poussant un bouton - J’appuie sur « marche »… (Joyeux.) Ça marche !

LAURE - Oui, en tout cas, ça s’allume…
Mauritz disparaît derrière la machine (dessous) pour inspection.
MARTIN, se pâmant et réclamant des caresses - Moi aussi… Dans ma tête : ça s’allume ! Ah !
GRETE, triomphante - Vous constaterez que nous obtenons des résultats concrets !
DAGOBERT, abasourdi - Je n’en reviens pas !
BEATRIX - Je vous l’avais bien dit que les poètes étaient inventifs ! (Chantant.) Yodolo-dolo-deul-hi-hi !
GRETE, le poing fermé sur la poitrine - Je suis fière d’être Guthurienne !
FELICIEN, agacé - On avait remarqué !
CHARLOTTE, lisant à nouveau la notice - Voyons ce que dit la notice… (Lisant à haute voix.) Draf gnouf skreleute…
KARL - Comment ça : "draf gnouf skreleute ?"
CHARLOTTE - C’est ce qui est écrit… Et tout est comme ça ! (Tendant la notice.) Je ne sais de quelle langue il s’agit mais je ne la comprends pas !
KARL, lisant à son tour, perplexe - Darf gnouf skreleute, eskroute mich lachetaruth…
BEATRIX - Ce n’est pas très musical en tout cas ! Dada dirladada !
Dagobert, Karl, Laure et Charlotte s’échangent la notice pour la lire sous le regard exaspéré de Grete qui aimerait participer.
MARTIN, plaintif pour que l’on occupe de lui - Ah ! Mon nez !
BEATRIX, chantant sur l’air d’ABBA - Money, money, money ! it’s a rich man’s wolrd. (Elle retourne s’asseoir.) Vous êtes guéri.
MARTIN, boudeur - J’ai encore mal !
ANAÏS - Elle a raison, ne faites pas l’enfant ! (Elle s’éloigne.)
FATIMA, s’approchant des commandes de la machine - Si on ne parvient pas à décrypter la notice, peut-être qu’en appuyant sur les touches de façon aléatoire, on arrivera à quelque chose !
GRETE, s’approchant - Non ! Non ! Non ! Il faut de la méthode ! C’est ce qu’il vous manque à vous, les Méridiens : de la méthode et de la discipline ! (Elle se met au centre et repousse tous les autres d’un geste autoritaire, puis elle observe le panneau de  commande d’un air ahuri.) « Pouêt » « Tut-tut » « Dzoing » ?
DAGOBERT, poussant Grete, agacé - Si c’est pour faire le pitre, on peut le faire aussi bien !
GRETE, outrée - Pas du tout ! C’est ce qui est écrit !
DAGOBERT, lisant tout haut, interloqué - Pouêt…Tut-tut…Dzoing…
GRETE - Pfff ! C’est ce que je disais !
FELICIEN, poussant Dagobert - Il faut appuyer là !
FATIMA, écartant Félicien - Non, je dirais plutôt ici !
ANAÏS, s’approchant à son tour - Et pourquoi pas sur ce gros bouton rouge ?
KARL, poussant tout le monde - Pas du tout ! Madame Gruth a raison : il faut de la rigueur et de la méthode !
CHARLOTTE, s’immisçant malgré tout - C’est impossible, il y a plein de boutons et on ne comprend pas ce qui est inscrit ! A part celui où il y a marqué « Marche » !
LAURE, angoissée - Tout ça va mal tourner !
On entend un fort ronflement. C’est Martha sur sa chaise.
DAGOBERT, inquiet - Chut ! Quel est ce bruit affreux ?
Ils s’écartent tous instinctivement de la machine.
LAURE, paniquée - Qu’est-ce que je vous disais ? J’avais un mauvais pressentiment !
GRETE, suspicieuse en se tournant vers le groupe - Quelqu’un a touché quelque chose ?
Ils se consultent tous du regard en répondant « non » presque simultanément. Il serait amusant de parvenir à quelque chose de musical.
MARTIN, désignant le siège où dort Martha - Si vous cherchez l’origine du bruit, c’est par là que ça se passe ! (Il se lève et va crier sur Martha.) Hou ? Hou ? Debout là-dedans !
MARTHA, sursautant et manquant de tomber de son siège - Hein ? Quoi ? (Apercevant Martin, déçue.) Ah ? C’est vous ? Quelle déception ! Je rêvais d’unbeau gosse à qui je faisais de bons petits plats…
MARTIN - Moi, j’aime pas qu’on me fasse du plat ! (Un temps.) Vous ronfliez je vous signale !
MARTHA, se levant, outrée - Une femme ne ronfle jamais ! (Elle sort, vexée.)
MARTIN - Je ne vois pas pourquoi !
FATIMA, sèchement - On peut dire que vous savez parler aux femmes, vous ! (Elle sort à la suite de Martha.) Je sors la consoler ! (Martin a un geste évasif.)
FELICIEN, sarcastique - Le chagrin des Guthuriens ! Des larmes de crocodiles, oui !
DAGOBERT, revenant vers la machine - Revenons à nos boutons !
GRETE, s’approchant aussi - Oui, reprenons !
ANAÏS, la première sur la console - Je suis toujours d’avis qu’on devrait appuyer sur le gros bouton rouge !
MAURITZ, de dessous la machine - Aïe ! Vous me marchez sur la main !
ANAÏS, s’écartant, horrifiée - Au secours ! Il y a un monstre dans la machine !
MAURITZ (sort de dessous la machine, le visage souillé de traces noires et les mains idem.) - Mais non, il n’y a pas de monstre ! Tout juste un fouillis de câbles et des processeurs à la pelle…
CHARLOTTE - D’où vient ce cambouis alors ?
MAURITZ - De mon imagination. Vous savez, elle est très fertile, mon imagination ! (Il s’essuie avec un mouchoir.) Enfin, c’est quand même assez poussiéreux là-dessous !
GRETE, poussant Mauritz - Oui, bon ! Ecartez-vous ! Je dois définir sur quel bouton on doit appuyer…
DAGOBERT, s’interposant - Pas vous ! Moi !
FELICIEN, intervenant - Et pourquoi pas moi ?
ANAÏS - Moi, je veux appuyer sur le gros bouton rouge ! (Niaisement.) Il est trop chou, on dirait un nez de clown !
BEATRIX, s’étant levée de son siège et s’approchant à son tour - Est-ce que ça fait de la musique ? Yodolo-dolo-dolo-hi-hi !
GRETE, se fâchant - Assez !
KARL - Nous devrions désigner une seule personne pour manipuler cet appareil ! Sinon ce sera toujours la pagaille !
DAGOBERT - Non, il faudrait deux personnes : un Méridien et un Guthurien.
GRETE - Là, je suis d’accord… Disons : moi et l’un d’entre vous.
LAURE - Pour plus d’équité, on devrait tirer au sort !
CHARLOTTE - il nous faudrait un chapeau et des petits bouts de papier pour noter nos noms…
MAURITZ - Je dois avoir cela quelque part… (Il plonge sous la machine et réapparaît avec deux chapeaux.) Voilà !
ANAÏS, admirative - C’est un magicien !
DAGOBERT - Je trouve ce bonhomme exaspérant !
LAURE, à l’attention de Mauritz - Comment faites-vous cela ?
MAURITZ - J’anticipe…
ANAÏS, ahurie - Vous êtes un personnage d’anticipation ?
MAURITZ - …Comme j’entendais tout le monde se disputer, j’ai préparer les bouts de papier avec les noms de chacun…
DAGOBERT - Et les chapeaux ? Ne me dites pas que vous êtes chapelier !
MAURITZ, désignant la machine - Non, ils étaient là-dessous.
GRETE - Bon, donnez moi ces chapeaux, nous allons tirer au sort ! Pourquoi deux chapeaux d’ailleurs ?
MAURITZ - Un avec les noms des Guthuriens et un autre avec les noms des Méridiens.
CHARLOTTE, se dirigeant vers les coulisses - Je vais appeler Fatima et Martha.  (Hélant.) Fatima ! Martha ! On a besoin de vous !
Fatima et Martha reviennent en scène. Martha a un signe de mépris marqué en passant à la hauteur de Martin.
FATIMA - Que se passe-t-il ?
DAGOBERT - Nous allons tirer au sort afin de savoir qui pourra manipuler la
machine. (A Grete.) Passez-moi un des chapeaux. Je vais prendre un nom au
hasard et vous allez faire de même avec l’autre chapeau. (Grete obtempère.)

GRETE , sortant un nom du chapeau - Anaïs ! (A part.) J’ai eu la main lourde !
ANAÏS, sautant de joie - Youpie !
DAGOBERT, même jeu - Karl !
KARL, s’approchant de la machine - Bon. (A Grete.) Je serai digne du peuple guthurien !
GRETE (s’éloignant et incitant les autres à en faire autant, d’un geste) - Prenons nos distances !
ANAÏS, triomphante - Ah ! Je vais enfin pouvoir appuyer sur le gros bouton rouge rigolo !
KARL, retenant la main d’Anaïs - Non ! Pas le gros bouton rouge !
MARTIN - Il a raison : ce gros bouton rouge on ne voit que lui ! Ça sent le piège à…
MARTHA - …Plein nez ?
FATIMA - C’est vrai : il se voit comme le nez au milieu du visage !
MARTIN - Vous me lâchez un peu ?
ANAÏS, trépignant comme une gamine - Je veux appuyer sur le gros bouton rouge ! J’ai été choisie ! J’ai le droit !
CHARLOTTE - Oui, oui, bien sûr Anaïs ! On vous demande juste de repousser ce choix momentanément.
MAURITZ, prenant un siège et récupérant son cône - Un instant ! J’ai oublier de fixer un élément sur la machine ! (Il se hisse sur le siège et dépose le cône sur le cylindre.)
DAGOBERT - C’est curieux… Cela me rappelle quelque chose…
GRETE - Moi aussi…
LAURE, prenant un chiffon, ainsi qu’une chaise pour se hisser dessus - Je vais nettoyer ce conduit ! (Elle se tient devant le cylindre, le cachant à la vue des spectateurs.)
MARTHA, s’étant emparé de la loupe et de la notice - Ça y est ! J’arrive à lire !…
FELICIEN, moqueur - Bravo ! Une analphabète en moins sur la planète !
MARTHA, lisant, après avoir haussé les épaules et tandis que Laure redescend
de sa chaise, laissant apparaître le mot « BOMB » sur le cylindre. - Machine Merveilleuse A Caractère Hautement Instable. (Inquiète, lâchant la loupe et la
notice.) Dites ? C’est bien ce que je crois ? Ça ne fait donc pas le cassoulet ?

Presque simultanément, hésitant à sortir à droite ou à gauche et fuyant en coulisses finalement, sauf Karl et Anaïs :
GRETE - Ecartons-nous !
DAGOBERT - Fuyons !
FELICIEN - Ça va péter !
FATIMA - Quelle horreur !
MARTIN - C’est pas possible !
LAURE - C’était prévisible, hélas !
BEATRIX - Houla-là !
MAURITZ - Une bombe, c’est une bombe !
KARL, resté derrière la console et criant vers les coulisses - Ne partez pas ! Il n’y a aucun risque tant qu’on ne touche aucun bouton !
ANAÏS, profitant de la confusion générale - Oh, et puis zut ! J’en ai marre d’attendre ! Hop ! Le gros bouton rouge ! (Elle donne un coup de poing dessus.)
Le klaxonne retentit par à coup et un gyrophare s’allume.
KARL, fuyant - Qu’avez-vous fait, malheureuse ?
ANAÏS - Ben… Rien ! J’ai juste appuyer sur le gros…
Une déflagration retentit et la lumière s’éteint brusquement. (Noir complet pendant quelques secondes.)
Lumière : fumée. Il n’y a plus rien sur scène à part des débris épars. Des chaussures atterrissent sur la scène ainsi que des morceaux de vêtements.

FIN


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