Chaque groupe arrive par son côté de la scène, à droite pour l’un, à gauche pour l’autre. Un gros carton est disposé au milieu et arrière plan de la scène.
A l’ouverture les Méridiens entrent dans une belle pagaille en parlant tous en même temps.
...Elle m’a dit que je ressemblais à rien...
...Oui, oui, bien sûr !...
...au fond, c’est pas sorcier : vous mettez les oeufs dans le plat...
...J’ai horriblement mal aux pieds !...
...Qu’est-ce que vous dites ?...
...Nous arrivons à une clairière...
Apparaîssent les Guthuriens en quinconce, Karl tenant un drapeau en tête, sous le regard surpris des Méridiens.
GRETE, rythmant la marche de la voix - Un, deux ! un,deux ! etc.
KARL, apercevant les Méridiens - Halte !
GRETE, répétant l’ordre et s’arrêtant - Halte ! Que se passe-t-il monsieur Kortizohn ?
KARL, sur la défensive - Des Méridiens ! Nous ne sommes pas seuls !
BEATRIX - Oh ? Du monde ! (Chantant.) Yo dolo dolo hi hi !
GRETE - Vite, monsieur Kortizohn ! Allez planter le drapeau !
KARL, plantant son drapeau au milieu de la scène, sous le nez des Méridiens - A vos ordres madame Gruth ! (Il se met au garde à vous en attendant d’autres instructions.)
GRETE, à Béatrix - Et vous, taisez vous !
BEATRIX - Holà, là ! (Chantant plus bas.) Holà, la, la, la, yodolo la, la, hi hi !
DAGOBERT, s’adressant à Karl et à Grete, outré - Que faites-vous là ?
GRETE - Nous plantons notre drapeau sur ce nouveau territoire, qui désormais nous appartient, ainsi que tout ce qui le compose !
DAGOBERT - Vous rigolez ou quoi ?
GRETE - Pas du tout ! Vous serez nos vassaux et vous adopterez nos mœurs et nos coutumes.
ANAÏS - Et puis quoi encore ?
FATIMA - Nous n’accepterons jamais de nous soumettre à un système féodal !
FELICIEN - …Et surtout de nous soumettre à des Guthuriens !
CHARLOTTE - C’est malhonnête ! Nous sommes arrivés avant vous !
GRETE - Vous n’aviez qu’à planter votre drapeau au lieu de discuter !
ANAÏS - On n’en a pas de drapeau !
GRETE - Fallait être prévoyants ! (Apercevant la caisse.) Qu’est-ce ?
KARL, bêtement - Oui, je confirme que c’est une caisse Madame !
GRETE - Bon, nous verrons cela plus tard. Gardez un oeil dessus, voulez-vous ? Nous allons installer nos quartiers ! Rompez les rangs ! (Chaque Guthurien cesse de marcher au pas et se disperse.)
DAGOBERT - Cette caisse ne vous appartient pas !
FATIMA - Pas plus qu’à nous d’ailleurs…
KARL - Raison de plus pour que nous la gardions !
MARTHA, intriguée - Je me demande s’il y a des ustensiles de cuisine là dedans ? Cela m’arrangerait, on manque de tout depuis le grand boum !
FELICIEN - Pas touche à la caisse ! (Karl et Félicien se font face, menaçants.)
LAURE, s’interposant - Nous n’allons pas nous battre pour une caisse ! Il y a des sujets plus importants que ces choses bassement matérielles !
MARTIN, méprisant - C’est vrai ça : qu’est-ce qu’une caisse ? (Amusé.) Oh ! La belle allitération ! (Un temps.) Franchement, je trouve cette querelle un peu archaïque ! Je vous rappelle que nous sommes probablement les seuls survivants du cataclysme.
LAURE - Oui, mais pour combien de temps ?
FELICIEN - Ce n’est pas une raison pour qu’on se laisse marcher sur les pieds ! Surtout par des Guthuriens !
DAGOBERT - Discutons de cette situation, voulez-vous ?
Ils se rassemblent en cercle pendant que les Guthuriens s’organisent et emménagent les lieux avec divers mobiliers et ustensiles qu’ils rapportent des coulisses. Sauf Karl qui surveille la caisse.
GRETE, à part, méprisante - Les Méridiens et leur démocratie !
FELICIEN - Y’a pas à discuter ! On est plus nombreux qu’eux ! On leur fait bouffer leur drapeau et l’affaire est entendue !
FATIMA - Nous ne sommes pas des sauvages !
DAGOBERT - Je suis d’accord avec Fatima : la raison doit primer sur l’instinct.
ANAÏS - Je vous préviens, moi je ne me bats pas ! J’ai passé la matinée à me coiffer, ce n’est pas pour aller me crêper le chignon !
CHARLOTTE - Anaïs, tu es désespérante !
ANAÏS - Ah ? D’habitude, on me trouve superficielle… (Charlotte hausse les épaules d’agacement.)
LAURE - Je ne suis pas optimiste. Tout cela va finir en drame !
MARTIN - Nous connaissons votre nature pessimiste, ma chère Laure, mais je partage votre opinion.
CHARLOTTE - Nous ne sommes pas obligés de nous battre. Nous devrions leur exposer notre point de vue.
DAGOBERT - Encore faut-il que nous en ayons un qui nous soit commun !
FATIMA - On devrait voter.
LAURE - On n’a pas d’urne !
FATIMA - Et bien, on fait ça à main levée !
MARTIN - Je ne suis pas d’accord ! Je suis partisan du vote à bulletin secret !
ANAÏS - J’approuve ! Je n’ai pas vraiment d’opinion, mais ce n’est pas pour ça que tout le monde doit le savoir !
FELICIEN, désignant les Guthuriens - Je vous signale que pendant qu’on discute, nos ennemis s’emparent des lieux !
DAGOBERT, s’approchant de Grete qui trône sur un siège - Je vous trouve culottés de vous annexer cette contrée !
GRETE - Taisez-vous ! Ici, les Guthuriens sont chez eux ! (A Karl.) D’ailleurs, il faudra songer à l’inscrire sur une banderole.
MAURITZ - Je peux m’en charger, je suis peintre à mes heures...
GRETE - Pourquoi pas monsieur Folk ?
MAURITZ - Appelez-moi Mauritz !
BEATRIX - Comment allons-nous nommer ce territoire ? (Chantonnant.) Tralalalère
!
GRETE - Certainement pas trala-lalère ! (Faussement modeste.) Je verrais bien Greteland... ou Gruthland...
MARTHA, choquée - Madame Gruth ! Donner votre nom ou votre prénom à cette terre dénote une nette tendance au culte de la personnalité !
MAURITZ - Si je puis me permettre, cela manque aussi de poésie.
GRETE, vexée - Ce n’était qu’une proposition !
KARL - Pourquoi pas : la nouvelle Guthurie ?
FELICIEN, retroussant ses manches, menaçant - Ça commence à bien faire ! Nous sommes plus nombreux que vous, alors si vous voulez de la castagne, ça peut s’arranger !
DAGOBERT - Félicien a raison ! On ne va pas vous regarder annexer ce territoire sans moufeter !
GRETE, inquiète - Holà ! Guthuriens ! En rangs par deux ! Rassemblement !
Ils obtempèrent et se retrouvent tous d’un côté de la scène. (Cour ou jardin)
MARTHA, au garde à vous - Je vous signale que je ne sais battre que les oeufs ! Je suis cuisinière, pas fantassin !
BEATRIX, même jeu - Quant à moi, je chante ! (Chantant la chanson de Trenet.) Je chante, soir et matin, je chante sur les chemins !
KARL - Traîtresse ! Vous chantez une chanson typiquement Méridiennes !
BEATRIX - Les chansons ne connaissent pas les frontières ! Lalala-itou !
MAURITZ - Je ne sais pas me battre et je déteste l’idée d’être en position minoritaire !
GRETE - Nous sommes les minorités agissantes !
DAGOBERT, conciliant - Ne soyez pas stupides ! Nous ne souhaitons pas nous battre, nous voulons occuper cette terre à part égale avec vous ; sans frontière, sans clôtures et sans arrière pensées.
GRETE, croisant les bras, boudeuse - Je trouve cela utopique et contraire à nos
principes !
DAGOBERT, tournant le dos à Grete et s’adressant aux Méridiens - Je propose que nous nous penchions sur cette caisse...
FELICIEN - Bonne idée ! Il y a peut-être des armes là-dedans ?
GRETE, se levant, inquiète et poussant Karl vers la caisse - Participez ! Nous ne voulons pas être tenu à l’écart de cette découverte !
KARL, bousculant les Méridiens qui se trouvent sur son passage, sauf Félicien et Dagobert - Poussez-vous ! Quel est donc ce… (faisant pivoter la caisse à l’aide de Félicien, une étiquette apparaît avec “ MMACHIN ” écrit dessus.) …truc ?
BEATRIX, de loin - Machin ! C’est un machin ! (Chantant.) Yodolo, dolo, lolo hihi !
KARL - Oui, ho ! Truc, machin : c’est du pareil au même !
CHARLOTTE - vite ! ouvrons la ! (Elle ouvre la caisse - les quatre panneaux de la caisse s’enlève indépendamment - aidée par Karl. Apparaît un engin de forme carrée, très coloré, truffé de boutons et de manettes.)
MAURITZ, de loin, toujours au garde à vous - On dirait un ordinateur...
KARL, tirant sur un bout de tuyau - Ça semble plutôt en mauvais état !…
MARTHA, même jeu - Ça m’étonnerait que ça fasse la cuisine en tout cas !
BEATRIX - Si seulement ça pouvait être un piano ! Yodolo-doloitou !
GRETE - Arrêtez de chanter et allez vous asseoir ! (A Martha.) Vous aussi Martha : asseyez-vous ! Et vous Mauritz, inutile d’être au garde à vous !
MARTHA, allant s’asseoir - C’est pas de refus ! J’étais au bord de la crampe ! (Elle va s’endormir progressivement.)
DAGOBERT, observant la machine d’un peu plus près - Il est évident qu’il manque des pièces… Il y avait des objets qui parsemaient les bords de route tout à l’heure. Je me demande si nous ne trouverions pas des éléments qui s’adaptent à cette machine… (Il sort.)
LAURE, s’étant approchée de la machine - J’ai vu un truc là-bas qui irait peut-être dans cet orifice… (Elle sort.)
GRETE - Nous aussi, nous avons vu des choses ! (De la main, elle fait signe à Karl et à Mauritz de sortir. Ils obtempèrent.)
ANAÏS, moqueuse - Elle se prend pour une voyante !
LAURE, revenant avec un cube jaune - Voilà ! Il n’était pas loin… (Elle l’encastre dans son emplacement.) Je ne sais pas à quoi ça sert, mais ça rentre !
La machine klaxonne, faisant sursauter tout le monde y compris Martha qui s’était assoupie.
MARTHA, dans un demi sommeil - Mmmmh ? Oui, oui ! J’avance !… (Elle simule le passage d’une vitesse et tourne un volant imaginaire, puis se rendort.)
BEATRIX - On a trouvé le klaxon ! C’est toujours ça ! Yodilo-lolo-lala-itou !
KARL, revenant en trombe - Que se passe-t-il ?
MARTIN - C’est la machine : elle a fait « pouêt » !
Dagobert rentre en scène avec un objet cylindrique dans les bras.
CHARLOTTE - J’aurais plutôt dit qu’elle a fait « tut ! » (Elle sort.)
KARL - Oui oh ! « Tut ! » ou « pouêt ! » c’est du pareil au même ! Ce n’est pas ça qui va faire fonctionner la machine. Vous n’êtes pas efficaces, vous les Méridiens !
FATIMA - On ne pouvait pas prévoir que ça allait faire « tut » !
MARTIN - …Ou « pouêt » !
DAGOBERT - Bref ! Continuons ! (Il installe son cylindre sur la machine, On distingue un « B » sur le corps du cylindre, les autres lettres son cachées sous une couche de poussière.)
MAURITZ, revenant à son tour avec une sorte de cône - J’ai trouvé un bout de la machine, je pense.
CHARLOTTE, revenant en exhibant une notice - J’ai la notice d’utilisation ! (Lisant à haute voix.) Machine Merveilleuse... (Commentant.) Ah ! Cela explique les deux M ! (Reprenant en rapprochant de plus en plus ses yeux de la feuille.) Machine Merveilleuse A Caractère Hautement... Hautement... Je n’arrive pas à lire la suite c’est écrit tout petit !
FATIMA - Faites voir ? (Posant ses yeux à ras de la feuille.) Effectivement, les derniers mots sont microscopiques !
GRETE, s’approchant, autoritaire - Donnez-moi ça ! (Elle arrache la feuille des mains de Fatima, puis essaye de lire.) I... I... I...
BEATRIX, riant nerveusement - Hi ! Hi ! Hi !
GRETE, agacée - Béatrix ! A part rire et chanter, vous n’êtes vraiment bonne à rien !
BEATRIX, blessée - J’y peux rien, c’est nerveux !
MARTIN - Je peux voir ? (Il lit à son tour.) Machine Merveilleuse A Caractère Hautement… Hautement… I... (Un temps où il cherche à déchiffrer, puis renonçant.) Inutile ! (Il jette la notice à terre.) On perd notre temps ! (Il sort.)
Charlotte ramasse la notice.
ANAÏS - D’un autre côté, on n’a rien à faire !
MARTIN, en off - En tout cas, moi je vais me promener !
FELICIEN, tournant autour de l’engin - Bon alors, à quoi ça sert ce truc ?
KARL, même jeu, dans le sens inverse - ...Et comment ça marche ?
MAURITZ, montrant son cône - On n’a pas fini de tout monter non plus !…
LAURE, elle tire sur un gros fil - C’est quoi cette chose ?
GRETE - Un fil électrique. (S’emparant sèchement du fil, puis hélant.) Mauritz ! Allez brancher ce fil quelque part !
MAURITZ, posant son cône et prenant le fil - Bon… Il va falloir trouver une prise maintenant ! (Il sort en coulisses.)
DAGOBERT - Je serais curieux de savoir où il va trouver une prise !
GRETE, fière - Nous, les Guthuriens, sommes pleins de ressources !
BEATRIX - Mauritz est un poète. Les poètes débordent d’imagination : ils peuvent inventer une prise là où il n’y en a pas ! (Chantant.) Tralala-itou !
MARTIN, en off, hurlant de douleur - Aïe ! Ça va pas la tête ?
MAURITZ, en off, désolé - Oh ! Pardon ! C’est une affreuse méprise ! J’ai cru que c’était une prise !
MARTIN, entrant en scène furieux en se tenant le nez - Quel abruti ! Je marchais tranquillement, le nez au vent, quand cette espèce de dingue m’a planté un truc dans les narines !
DAGOBERT, hilare - Heureusement que vous ne marchiez pas à quatre pattes !
MARTIN, furieux en allant s’asseoir sur un siège guthurien - Très drôle !
Anaïs et Béatrix s’occupent de lui (compresses etc.) et Martin semble apprécier le traitement : il se vautre dans son siège et fait le grand malade. L’une des filles lui caresse les cheveux.
MAURITZ, revenant, satisfait - C’est fait !
MARTIN - Vous avez trouvé un nez consentant ? (Anaïs et Béatrix le calment du geste.)
ANAÏS, bêtement - Il n’y a pas que votre nez qui soit prisé !
MAURITZ - Je l’ai branché dans un arbre…
CHARLOTTE - Dans un arbre ? Quelle drôle d’idée ! Il n’y a pas de prises dans un arbre !
MAURITZ - Oui, mais il y a des branches… (Trouvant cela parfaitement naturel.) Je l’ai branché quoi !
FELICIEN - N’importe quoi !
GRETE - Essayons, avant de critiquer !
KARL, poussant un bouton - J’appuie sur « marche »… (Joyeux.) Ça marche !
LAURE - Oui, en tout cas, ça s’allume…
Mauritz disparaît derrière la machine (dessous) pour inspection.
MARTIN, se pâmant et réclamant des caresses - Moi aussi… Dans ma tête : ça s’allume ! Ah !
GRETE, triomphante - Vous constaterez que nous obtenons des résultats concrets !
DAGOBERT, abasourdi - Je n’en reviens pas !
BEATRIX - Je vous l’avais bien dit que les poètes étaient inventifs ! (Chantant.) Yodolo-dolo-deul-hi-hi !
GRETE, le poing fermé sur la poitrine - Je suis fière d’être Guthurienne !
FELICIEN, agacé - On avait remarqué !
CHARLOTTE, lisant à nouveau la notice - Voyons ce que dit la notice… (Lisant à haute voix.) Draf gnouf skreleute…
KARL - Comment ça : "draf gnouf skreleute ?"
CHARLOTTE - C’est ce qui est écrit… Et tout est comme ça ! (Tendant la notice.) Je ne sais de quelle langue il s’agit mais je ne la comprends pas !
KARL, lisant à son tour, perplexe - Darf gnouf skreleute, eskroute mich lachetaruth…
BEATRIX - Ce n’est pas très musical en tout cas ! Dada dirladada !
Dagobert, Karl, Laure et Charlotte s’échangent la notice pour la lire sous le regard exaspéré de Grete qui aimerait participer.
MARTIN, plaintif pour que l’on occupe de lui - Ah ! Mon nez !
BEATRIX, chantant sur l’air d’ABBA - Money, money, money ! it’s a rich man’s wolrd. (Elle retourne s’asseoir.) Vous êtes guéri.
MARTIN, boudeur - J’ai encore mal !
ANAÏS - Elle a raison, ne faites pas l’enfant ! (Elle s’éloigne.)
FATIMA, s’approchant des commandes de la machine - Si on ne parvient pas à décrypter la notice, peut-être qu’en appuyant sur les touches de façon aléatoire, on arrivera à quelque chose !
GRETE, s’approchant - Non ! Non ! Non ! Il faut de la méthode ! C’est ce qu’il vous manque à vous, les Méridiens : de la méthode et de la discipline ! (Elle se met au centre et repousse tous les autres d’un geste autoritaire, puis elle observe le panneau de commande d’un air ahuri.) « Pouêt » « Tut-tut » « Dzoing » ?
DAGOBERT, poussant Grete, agacé - Si c’est pour faire le pitre, on peut le faire aussi bien !
GRETE, outrée - Pas du tout ! C’est ce qui est écrit !
DAGOBERT, lisant tout haut, interloqué - Pouêt…Tut-tut…Dzoing…
GRETE - Pfff ! C’est ce que je disais !
FELICIEN, poussant Dagobert - Il faut appuyer là !
FATIMA, écartant Félicien - Non, je dirais plutôt ici !
ANAÏS, s’approchant à son tour - Et pourquoi pas sur ce gros bouton rouge ?
KARL, poussant tout le monde - Pas du tout ! Madame Gruth a raison : il faut de la rigueur et de la méthode !
CHARLOTTE, s’immisçant malgré tout - C’est impossible, il y a plein de boutons et on ne comprend pas ce qui est inscrit ! A part celui où il y a marqué « Marche » !
LAURE, angoissée - Tout ça va mal tourner !
On entend un fort ronflement. C’est Martha sur sa chaise.
DAGOBERT, inquiet - Chut ! Quel est ce bruit affreux ?
Ils s’écartent tous instinctivement de la machine.
LAURE, paniquée - Qu’est-ce que je vous disais ? J’avais un mauvais pressentiment !
GRETE, suspicieuse en se tournant vers le groupe - Quelqu’un a touché quelque chose ?
Ils se consultent tous du regard en répondant « non » presque simultanément. Il serait amusant de parvenir à quelque chose de musical.
MARTIN, désignant le siège où dort Martha - Si vous cherchez l’origine du bruit, c’est par là que ça se passe ! (Il se lève et va crier sur Martha.) Hou ? Hou ? Debout là-dedans !
MARTHA, sursautant et manquant de tomber de son siège - Hein ? Quoi ? (Apercevant Martin, déçue.) Ah ? C’est vous ? Quelle déception ! Je rêvais d’unbeau gosse à qui je faisais de bons petits plats…
MARTIN - Moi, j’aime pas qu’on me fasse du plat ! (Un temps.) Vous ronfliez je vous signale !
MARTHA, se levant, outrée - Une femme ne ronfle jamais ! (Elle sort, vexée.)
MARTIN - Je ne vois pas pourquoi !
FATIMA, sèchement - On peut dire que vous savez parler aux femmes, vous ! (Elle sort à la suite de Martha.) Je sors la consoler ! (Martin a un geste évasif.)
FELICIEN, sarcastique - Le chagrin des Guthuriens ! Des larmes de crocodiles, oui !
DAGOBERT, revenant vers la machine - Revenons à nos boutons !
GRETE, s’approchant aussi - Oui, reprenons !
ANAÏS, la première sur la console - Je suis toujours d’avis qu’on devrait appuyer sur le gros bouton rouge !
MAURITZ, de dessous la machine - Aïe ! Vous me marchez sur la main !
ANAÏS, s’écartant, horrifiée - Au secours ! Il y a un monstre dans la machine !
MAURITZ (sort de dessous la machine, le visage souillé de traces noires et les mains idem.) - Mais non, il n’y a pas de monstre ! Tout juste un fouillis de câbles et des processeurs à la pelle…
CHARLOTTE - D’où vient ce cambouis alors ?
MAURITZ - De mon imagination. Vous savez, elle est très fertile, mon imagination ! (Il s’essuie avec un mouchoir.) Enfin, c’est quand même assez poussiéreux là-dessous !
GRETE, poussant Mauritz - Oui, bon ! Ecartez-vous ! Je dois définir sur quel bouton on doit appuyer…
DAGOBERT, s’interposant - Pas vous ! Moi !
FELICIEN, intervenant - Et pourquoi pas moi ?
ANAÏS - Moi, je veux appuyer sur le gros bouton rouge ! (Niaisement.) Il est trop chou, on dirait un nez de clown !
BEATRIX, s’étant levée de son siège et s’approchant à son tour - Est-ce que ça fait de la musique ? Yodolo-dolo-dolo-hi-hi !
GRETE, se fâchant - Assez !
KARL - Nous devrions désigner une seule personne pour manipuler cet appareil ! Sinon ce sera toujours la pagaille !
DAGOBERT - Non, il faudrait deux personnes : un Méridien et un Guthurien.
GRETE - Là, je suis d’accord… Disons : moi et l’un d’entre vous.
LAURE - Pour plus d’équité, on devrait tirer au sort !
CHARLOTTE - il nous faudrait un chapeau et des petits bouts de papier pour noter nos noms…
MAURITZ - Je dois avoir cela quelque part… (Il plonge sous la machine et réapparaît avec deux chapeaux.) Voilà !
ANAÏS, admirative - C’est un magicien !
DAGOBERT - Je trouve ce bonhomme exaspérant !
LAURE, à l’attention de Mauritz - Comment faites-vous cela ?
MAURITZ - J’anticipe…
ANAÏS, ahurie - Vous êtes un personnage d’anticipation ?
MAURITZ - …Comme j’entendais tout le monde se disputer, j’ai préparer les bouts de papier avec les noms de chacun…
DAGOBERT - Et les chapeaux ? Ne me dites pas que vous êtes chapelier !
MAURITZ, désignant la machine - Non, ils étaient là-dessous.
GRETE - Bon, donnez moi ces chapeaux, nous allons tirer au sort ! Pourquoi deux chapeaux d’ailleurs ?
MAURITZ - Un avec les noms des Guthuriens et un autre avec les noms des Méridiens.
CHARLOTTE, se dirigeant vers les coulisses - Je vais appeler Fatima et Martha. (Hélant.) Fatima ! Martha ! On a besoin de vous !
Fatima et Martha reviennent en scène. Martha a un signe de mépris marqué en passant à la hauteur de Martin.
FATIMA - Que se passe-t-il ?
DAGOBERT - Nous allons tirer au sort afin de savoir qui pourra manipuler la
machine. (A Grete.) Passez-moi un des chapeaux. Je vais prendre un nom au
hasard et vous allez faire de même avec l’autre chapeau. (Grete obtempère.)
GRETE , sortant un nom du chapeau - Anaïs ! (A part.) J’ai eu la main lourde !
ANAÏS, sautant de joie - Youpie !
DAGOBERT, même jeu - Karl !
KARL, s’approchant de la machine - Bon. (A Grete.) Je serai digne du peuple guthurien !
GRETE (s’éloignant et incitant les autres à en faire autant, d’un geste) - Prenons nos distances !
ANAÏS, triomphante - Ah ! Je vais enfin pouvoir appuyer sur le gros bouton rouge rigolo !
KARL, retenant la main d’Anaïs - Non ! Pas le gros bouton rouge !
MARTIN - Il a raison : ce gros bouton rouge on ne voit que lui ! Ça sent le piège à…
MARTHA - …Plein nez ?
FATIMA - C’est vrai : il se voit comme le nez au milieu du visage !
MARTIN - Vous me lâchez un peu ?
ANAÏS, trépignant comme une gamine - Je veux appuyer sur le gros bouton rouge ! J’ai été choisie ! J’ai le droit !
CHARLOTTE - Oui, oui, bien sûr Anaïs ! On vous demande juste de repousser ce choix momentanément.
MAURITZ, prenant un siège et récupérant son cône - Un instant ! J’ai oublier de fixer un élément sur la machine ! (Il se hisse sur le siège et dépose le cône sur le cylindre.)
DAGOBERT - C’est curieux… Cela me rappelle quelque chose…
GRETE - Moi aussi…
LAURE, prenant un chiffon, ainsi qu’une chaise pour se hisser dessus - Je vais nettoyer ce conduit ! (Elle se tient devant le cylindre, le cachant à la vue des spectateurs.)
MARTHA, s’étant emparé de la loupe et de la notice - Ça y est ! J’arrive à lire !…
FELICIEN, moqueur - Bravo ! Une analphabète en moins sur la planète !
MARTHA, lisant, après avoir haussé les épaules et tandis que Laure redescend
de sa chaise, laissant apparaître le mot « BOMB » sur le cylindre. - Machine Merveilleuse A Caractère Hautement Instable. (Inquiète, lâchant la loupe et la
notice.) Dites ? C’est bien ce que je crois ? Ça ne fait donc pas le cassoulet ?
Presque simultanément, hésitant à sortir à droite ou à gauche et fuyant en coulisses finalement, sauf Karl et Anaïs :
GRETE - Ecartons-nous !
DAGOBERT - Fuyons !
FELICIEN - Ça va péter !
FATIMA - Quelle horreur !
MARTIN - C’est pas possible !
LAURE - C’était prévisible, hélas !
BEATRIX - Houla-là !
MAURITZ - Une bombe, c’est une bombe !
KARL, resté derrière la console et criant vers les coulisses - Ne partez pas ! Il n’y a aucun risque tant qu’on ne touche aucun bouton !
ANAÏS, profitant de la confusion générale - Oh, et puis zut ! J’en ai marre d’attendre ! Hop ! Le gros bouton rouge ! (Elle donne un coup de poing dessus.)
Le klaxonne retentit par à coup et un gyrophare s’allume.
KARL, fuyant - Qu’avez-vous fait, malheureuse ?
ANAÏS - Ben… Rien ! J’ai juste appuyer sur le gros…
Une déflagration retentit et la lumière s’éteint brusquement. (Noir complet pendant quelques secondes.)
Lumière : fumée. Il n’y a plus rien sur scène à part des débris épars. Des chaussures atterrissent sur la scène ainsi que des morceaux de vêtements.
FIN