De vers en verres

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Au “café des amis”, Café-alimentation de campagne, on y rencontre des habitudes et des habitués : Germaine, la patronne, incontestable et surtout pas contestée par Robert, son mari, tantôt bourru, tantôt charmant et légèrement obsessionnel. On y rencontre aussi l’incontournable Père Eugène, véritable philosophe de comptoir, Josette, la commère à l’affût de la moindre nouvelle, et toujours attentive lorsqu’on parle de Lucien, agriculteur dynamique et innovateur qui veut se lancer dans l’élevage de lombrics. On y croise aussi la Hulotte, la voyante-guérisseuse qui, une fois par semaine, consulte chez Germaine, ce qui n’est pas toujours au goût de tous les consommateurs. A cette galerie de portraits, il faudrait ajouter Francis, le représentant en confitures, très collant avec les dames, ainsi que les clients occasionnels, les cyclistes…

Les spectateurs en reconnaîtront plus d’un à travers ces personnages tous très “typés”. Beaucoup de rythme et des dialogues colorés, souvent hilarants dans cette tranche de vie d’un café-épicerie. Des vers de Lucien aux verres de Germaine, cette pièce en prose séduira un large public.

ACTE I
 
 
La conteuse se mêle au public.
La Conteuse : Oh, ça y est, attention les enfants, ils sont là alors dou
cement maintenant. Dans deux minutes on y va. On commence à se relaxer, on
se relaxe. Comment ça vous avez le trac ? Regardez, moi... mais ça va aller, ça va
aller je te dis. Allez, on se relaxe, on ne va tout de même pas faire déplacer le
S.A.M.U, non ? Comment ça tu veux t'en aller ! et eux

(Elle se tourne vers le rideau.)
t'as pensé à ce qu'ils diraient. Ils t'attendent ! alors ne va pas les décevoir, ça va
aller je te dis, tu veux que je te masse... là... tu verras au début, elle est froide, mais
après elle est bonne, il suffit de se mettre dans le bain. Alors, prêt pour le plon
geon ? Allez !
(Nuit. Le rideau s'ouvre. Pleine lumière.)
Germaine : Alors, on a dit un cassoulet, un camembert et un litre de
blanc, vous avez la consigne ?
Josette : Mais bien sûr, Madame Germaine, oh je vois que vous avez des
œufs, ils sont frais au moins ?
Germaine : S'ils sont frais ! Ce matin, ils étaient encore au cul de la poule,
alors, vous pensez !...
Josette : Ne vous vexez pas Madame Germaine, je ne pensais pas à mal.
Germaine : Comme si j'avais l'habitude de vendre de l'avarié.
Eugène : Et alors la patronne, ma consommation ?
Germaine : Ça vient, ça vient Eugène.
Eugène : Je sais bien qu'on peut pas être à la fois au four et au moulin,
mais tout de même...
Josette : Je vous en prie, occupez-vous de Monsieur Eugène, vous savez,
j'ai tout mon temps.
(Germaine se déplace avec un verre et une bouteille.)
Germaine : Voilà, voilà, j'arrive.
Eugène : Tu sais Germaine, dans un café, un client sans verre, c'est comme un repas sans fromage, c'est comme qui
dirait anachronique.
Germaine : Qu'est-ce que tu causes bien Eugène, t'en connais des mots savants, si dans ta jeunesse, t'avais été à la ville plutôt que de rester au pays, sûr que t'aurais fait carrière !
Eugène : Ah, c'est sûr ! "Si jeunesse savait, si vieillesse pouvait !..." mais au diable les regrets,
j'ai été heureux ici, et c'est ici que je continuerai à l'être.
Germaine : Ça, c'est bien raisonné Eugène.
(Arrivée de Robert, traverse la salle, un casier sur l'épaule gauche.)
JOSETTE : Bonjour Monsieur Robert !
Robert : (tout en continuant) Mhum, mhum... (Il entre dans la remise.)
Germaine : Bon, Mademoiselle Josette, je suis à vous, où en étions-   nous ?
Josette : Il est toujours aussi robuste votre mari Madame Germaine.
Germaine : Ah pour ça oui, alors ce sera tout ?
(Robert retraverse, un sac sur l'épaule droite.)
Josette : Comment allez-vous Monsieur Robert ?
Robert : Mhum, mhum. (Il sort.)
Josette : C'est un travailleur votre mari, Madame Germaine, il n'est pas fainéant à l'ouvrage.
Germaine : Et oui, il n'aime pas perdre son temps, moi non plus d'ailleurs. (Regard lourd sur l'assistance.) Alors ce sera tout ?
Josette : Oui, je crois. De toute façon, s'il me manque quelque chose, j'aurai toujours le loisir de revenir, comme
je n'habite pas loin...
(Robert repasse avec un casier, va jusqu'à la remise.)
Josette : Bon, ben, cette fois-ci, je crois que c'est tout, au fait Madame Germaine, j'y
pense, vous qu'avez de l'amitié pour Monsieur Lucien, y paraît qu'il ne va pas bien. C'est pourtant un brave garçon courageux, remarquez, ça doit pas être drôle tous les jours, tenir la ferme qu'il a, et en même temps s'occuper de lui... Je ne comprends pas comment ça se fait qu'il n'ait pas trouvé chaussure à son pied.
Germaine : Oh, vous savez, le petit LULU avec le travail qu'il se donne, c'est sûr qu'il n'a pas trop le temps de se mettre en ménage, et puis, il est encore jeune, il a bien raison de profiter avant de se
mettre la corde au cou !
Josette : Mais justement, remarquez je le connais peu, mais je n'ai pas l'impression
qu'il profite, au lieu de ça, il se retrouve tout seul le soir après son labeur avec personne pour lui faire la soupe. Le pauvre garçon...
(rêveuse) alors que j'en suis sûre qu'il y en a plus d'une qui aimerait bien la lui préparer sa soupe.
Germaine : (ironique) Vous pensez à quelqu'un en particulier ?
Josette : Oh non, je disais ça comme ça.
Germaine : Mais vous m'y faites penser Mademoiselle Josette, vous même, vous n'avez pas encore trouvé votre pointure comme vous dites.
Josette : Oh là là non, je ne cherche pas non plus, oh c'est certain que si je voulais, mais je ne
fais pas partie de ce genre de fille...
(Robert retraverse la salle avec un casier. Un réveil se met à sonner. Robert pose son casier, sort le réveil de sa poche et s'assoit.)
Robert : 9h47, la pause. Bonjour tout le monde, bonjour Mademoiselle Josette, bonjour
le Père Eugène, alors on boit son petit coup ?
Eugène : Eh oui Robert comme tu vois "le vin est tiré, il faut bien le boire".
Robert : Tout juste Auguste, sacré Eugène, tiens, je vais t'accompagner. (Il se lève pour se mettre à la table d'Eugène.) Alors la patronne, on ne peut plus boire un coup dans cet établissement ?
Germaine : Voilà, voilà, j'arrive.
Josette : Je vous en prie Madame Germaine, servez Monsieur Robert, je vous l'ai dit,
j'ai tout mon temps.
Germaine : (bute dans le casier) Tu pourrais au moins ranger ton casier plutôt que de le laisser en plein milieu de la pièce. (Prenant Josette à témoin.) Ça fait trente ans qu'il me fait systématiquement le coup.
Robert : Et oh ! la pause, c'est sacré, et si je m'arrête à 9h47, c'est certainement pas pour travailler jusqu'à 9h48. L'heure, c'est l'heure, si on ne pose pas des limites, on ne peut plus
s'en sortir, t'es pas de mon avis Eugène ?
Eugène : Dans ma position, il faut savoir tourner sept fois sa langue dans sa bouche
avant de parler, si je te donne raison, je vais certainement mécontenter Madame Germaine, et si je me range à l'avis de Madame Germaine, c'est toi qui m'en voudra, comme on dit chez moi, n'éveille pas le chat qui dort !
Robert : Ah toi, tu es un sage, Eugène, un sage doublé d'un malin. (Il tape sur la table.) C'est plutôt calme aujourd'hui, tiens on n'a pas encore vu Lucien, d'habitude c'est son
heure.
Germaine : Justement, on en parlait, d'après Mademoiselle Josette, il irait pas trop bien, comme aujourd'hui c'est le jour
de La Hulotte, y a des chances pour qu'il vienne consulter.
Josette : Ah ça Madame Germaine, j'ai jamais compris pourquoi vous laissiez cette... cette créature venir "consulter" comme vous dites, chez vous dans votre commerce !
Germaine : La Hulotte n'est pas une créature, mais une personne tout à fait respectable. De plus, c'est une sacrée voyante et comme guérisseuse, elle en a guérit plus d'un !
Josette : Auriez-vous peur qu'elle ne vous jette un sort si vous ne la laissiez faire ?
Je me suis laissé dire qu'elle en a envoûté plus d'un.
Germaine : Des mensonges tout ça, des calomnies...
Josette : Qu'est-ce que vous en pensez vous Monsieur Robert ?
Robert : En effet, j'ai déjà entendu ce genre d'histoires mais allez savoir qui croire ?
Eugène : Quoiqu'on dise souvent qu'il n'y a pas de fumée sans feu.
Germaine : Ah non Eugène, tu ne vas pas t'y mettre toi aussi. Y a que les imbéciles qui pensent ça, en s'empressant d'oublier tout le bien qu'elle a pu faire dans la commune.
Josette : Y en a pourtant qui disent qu'elle pactise avec le diable et que parfois les
nuits de pleine lune...
Germaine : (sèchement à Josette) Alors ça fait soixante-huit francs, je ne voudrais surtout pas vous retarder.
(Josette fouille dans son porte-monnaie, au même moment, arrivée de Lucien.)
Lucien : Bonjour tout le monde, bonjour Mademoiselle Josette, bonjour Madame Germaine,
vous allez bien ?
(Il lui fait la bise.)
Germaine : Bonjour mon petit LULU, il était temps que tu arrives, l'ambiance se rafraîchissait.
Lucien : Ah bon, pourquoi ?
Germaine : Non, non, c'est sans importance.
Lucien : Bonjour Père Eugène, alors Robert, la forme ?
Robert : (consultant sa montre) 9h58 ? A cette heure, tu me trouves en pleine forme mon garçon.
Lucien : Sacré Robert, avant l'heure, c'est pas l'heure, après l'heure c'est plus l'heure, pas vrai Père Eugène.
Eugène : L'exactitude est la politesse des rois, c'est ce que doit penser Robert, mon
petit Lucien.
Robert : Toi, Lucien, je n'ai jamais pu comprendre comment tu pouvais t'organiser sans
montre.
Lucien : Une montre ! mais les montres ça ne sert à rien les montres!
Robert : Ben, comment tu fais alors ?
Lucien : Le soleil Robert, je me fie au soleil crois-moi, c'est le meilleur indicateur.
Robert :...

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