Destinée manifeste

La Terre s’arrête de tourner dans vingt-quatre heures.
Un évènement d’une échelle telle que les cataclysmes qui en découlent vont être titanesques.
A travers le regard de plusieurs protagonistes, du simple quidam ou président des États-Unis, nous suivons l ’humanité faire face.
Ou pas.

1- Lamentations

Un groupe. Assis. Comme un groupe de potes peut être assis au pied d’un immeuble. Désœuvré et sans entrain.

 

Le chœur

Alors voilà. C’est l’heure.

Que dire de plus ?

C’est l’heure.

 

Oui. C’est maintenant. Ici. Maintenant.

 

Et c’est pour nous.

 

Depuis le temps qu’on en parle.

Oui, depuis le temps.

Et bien voilà. C’est là. On a tiré le gros lot.

C’est le jackpot. Le ticket d’or. Le pactole.

 

Oui. C’est pour nous.

C’est nous qui allons en profiter.

Et ça va être quelque chose. Pour sûr.

Alors, ouvrez grand les yeux.

Écarquillez bien les mirettes. Surtout, n’en perdez pas une miette.

Parce qu’on va en prendre plein la gueule. Vraiment plein la gueule.

Au cœur de l’action : c’est là qu’on va être.

Spectateurs et acteurs : c’est ça qu’on va être.

Une expérience comme on dit. Ultime. Totale.

Une putain d’expérience.

 

Le pire, c’est que personne ne sait comment un truc pareil peut bien être sur le point de se produire. Personne.

C’est juste là. C’est tout.

 

C’est tout mais ça suffira.

Oui, ça suffira.

 

Ils disent qu’ils ne savent pas d’où ça vient.

Ni même pourquoi ça vient.

Pourtant, il y aurait pu y en avoir tout un tas de bonnes raisons.

Une atmosphère en surchauffe, des calottes glaciaires en marmelade, des océans dégueulant du plastique et des forêts débitées en cure-dents.

Oui. Tout un tas.

Mais non. Même pas.

 

Non. C’est juste là.

Et personne ne sait pourquoi.

 

Mais vous voulez que je vous dise : moi je pense qu’elle en a marre.

Qu’elle n’en peut plus.

De nous. De devoir nous porter.

De devoir nous supporter.

Après tout ce qu’on lui en a fait baver à cette bonne vieille planète…

Oui. Après tout ce temps

 

Et bien voilà. C’est l’heure.

Le globe terrestre, demain, va s’arrêter.

Comme un vieux manège fatigué, il va bientôt en finir de tourner.

Et le soleil, alors, cessera de se lever.

Une nuit perpétuelle pour les uns, un jour sans fin pour les autres.

C’est ça qu’elle nous réserve.

Son pot de départ.

Nos indemnités de licenciements.

Des ténèbres glaciales ou une fournaise de tous les diables.

Au choix.

Ou pas.

 

Oh, ce n’est pas grand-chose en vérité.

Juste une petite mise sur pause de la grande horlogerie céleste.

Presque rien. Mais ça suffira.

Ce sera même bien assez.

 

Mes chers amis, je vous le dis : demain est un jour historique.

Demain est un jour qui restera gravé dans les mémoires. A tout jamais.

 

A tout jamais, mais pas pour longtemps.

Non. Pas pour longtemps.

 

L’éternité n’est pas pour nous.

 

Alors voilà. C’est l’heure.

 

Demain, mes amis, demain le monde s’arrête.

Hurlez sirènes.

C’est le grand jour.

Sonnez trompettes.

Car demain - oui demain - vous proclamerez le jour de la fin.

 

Noir.

Musique.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2- Far West

Tableau visuel.

Chorégraphie exprimant la stupéfaction, l’angoisse et l’affolement.

Ex : Foule affairée, un individu s’arrête, face public, comme s’il découvrait l’annonce de l’apocalypse sur un écran. Les autres le rejoignent et créent un groupe compact qui exprime tout un tas d’émotions avant de se disperser.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

3- Au pays de la peur

Deux amis en terrasse d’un café.

L’un des deux se roule une cigarette, l’autre est sur son portable.

 

Celui à la cigarette

Sans déconner, quoi …

 

Celui au portable

Mouais…

 

Celui à la cigarette

C’est dingue quand même…

 

Celui au portable

C’est fou.

Complètement fou.

 

Celui à la cigarette

La fin du monde, quoi…

Non mais t’y crois toi ?

 

Celui au portable

Ben…

 

Celui à la cigarette

Non mais, quand t’y penses…

 

Celui au portable

Mais grave. Grave.

 

Celui à la cigarette

Et quand tu le dis…

Non mais quand tu le dis !

 

Celui au portable

Ah mais, ouais !

Ouais, ouais, ouais !

 

Celui à la cigarette

Même pas t’y crois !

 

Celui au portable

Tu m’étonnes…

 

Celui à la cigarette

Putain…

 

Celui au portable

Grave…

 

Un temps.

 

Celui à la cigarette

Dis-le, pour voir.

 

Celui au portable

Hein ?

 

Celui à la cigarette

Dis-le.

 

Celui au portable

Quoi donc ?

 

Celui à la cigarette

Ben, que c’est la fin du monde.

 

Celui au portable

Ah ouais ! ouais !

 

Un temps.

 

Celui à la cigarette

Ben, vas-y ! Je veux l’entendre, pour voir ce que ça fait…

 

Celui au portable

C’est la fin du monde…

 

Un temps.

 

Celui à la cigarette

Putain, quand même…

 

Celui au portable

Ouais, c’est fou.

 

Celui à la cigarette

Dans vingt-quatre heures quoi !

 

Celui au portable

Vingt-quatre-heures…

 

Celui à la cigarette

C’est dingue...

 

Celui au portable

De ouf…

 

Silence.

Noir.

4- Tears

Noir plateau.

Sons distants et difficilement audibles.

Voix off.

 

Voix

Y a quelqu’un ?

Vous m’entendez ?

Vous m’entendez ?

J’entends des sanglots monter depuis les profondeurs.

Qu’est-ce que ça veut dire ?

Qu’est-ce qu’il se passe ?

Pourquoi le vent soulève-t-il la poussière en gémissant ?

Pourquoi les pôles murmurent-ils en se lamentant ?

Pourquoi disent-t-ils qu’il ne reste que vingt-quatre heures ?

Vingt-quatre heures avant quoi ?

Vous m’entendez ?

S’il vous plaît.

S’il vous plaît.

Répondez-moi.

Qu’est-ce qu’il va se passer ?

Qu’est-ce qu’on va devenir ?

Est-ce que quelqu’un sait ?

 

Un temps.

 

Vous m’entendez ?

 

Musique.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

5- Le bon, la brute et le truand

Dans le bureau ovale.

Le président des États-Unis et son directeur de la communication.

Un conseiller entre précipitamment.

 

Le conseiller

(Dès les coulisses)

Monsieur le président !

Monsieur le président !

 

Le président

Ah ! Ryan.

Alors ?

 

Le conseiller

Le rapport de la NASA monsieur le président.

 

Le président

Oui. Je m’en doute que c’est le rapport de la NASA, Ryan.

Je vous ai justement envoyé le chercher, ce putain de rapport de la NASA, Ryan.

 

Le directeur de la communication

Mickey ?

 

Le président

Quoi ?!

 

Le directeur de la communication

Du calme…

 

Le président

Du calme ? C’est tout ce que tu trouves à dire ?

J’ai dû m’arrêter en pleine partie de golf pour une histoire de fin du monde sans queue ni tête… et toi, mon directeur de la communication, tu me demandes de me calmer ?

 

Le directeur de la communication

Oui. Ça sert à rien de t’énerver…

Tu vas être tout rouge. Tout rouge et en sueur.

C’est ça que tu veux ? Avoir l’air d’un plouc de sudiste devant les caméras ?

 

Le président

Oui, ben… la maquilleuse fera une retouche !

Au moins ça lui fera du boulot à la petite…

Comment elle s’appelle déjà ? Ah oui ! Ariana…

Elle est bien cette petite Ariana. Elle a un sacré…

 

Le directeur de la communication

Mickey !

 

Le président

Quoi ?!

 

Le directeur de la communication

Le rapport…

 

Le président

Ah oui.

Et bien Ryan ! Ça vient ce rapport ?!

 

Le conseiller

Euh… oui. Pardon monsieur le président.

 

Il prend le rapport, le regarde et s’emporte de plus belle.

 

Le président

Rah ! On y comprend jamais rien à leur foutu charabia.

Faut toujours qu’ils se croient obligés de faire les malins dans cette agence à la con.

A quoi ça sert tous leurs trucs et leurs machins ?

C’est imbitable !

 

Le directeur de la communication

C’est normal, Mickey, ce sont des scientifiques à la NASA.

 

Le président

Oui ben, tu sais quoi Bill ?

Ils m’emmerdent à la NASA.

Je m’en branle moi, de leurs trucs et de leurs machins, à la NASA.

Ils peuvent pas faire simple, non ?

C’est la fin du monde, oui ou merde ?

 

Le conseiller

Oui, monsieur le président.

 

Le...

Il vous reste 90% de ce texte à découvrir.


Connectez vous pour lire la fin de ce texte gratuitement.



Retour en haut
Retour haut de page