Deux femmes

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Au premier acte, deux femmes se désespèrent de leur solitude. Soudain l’une d’elles rencontre l’homme de sa vie. Il est marié mais se libère toutes les nuits sous prétexte d’opérations humanitaires nocturnes. L’autre à son tour, connaît ce qu’elle croit être le grand l’amour. Un homme marié, lui aussi, mais libre la journée car il ne travaille pas. Il vit de ses rentes. Malheureusement très vite, elle se rendent compte que leurs amoureux ne font qu’un. L’une d’elles ne supporte pas cette situation et tue le traître. Au second acte, elles se retrouvent en garde à vue dans un commissariat. Pour s’en sortir, l’une joue la carte du charme physique avec le policier qui l’interroge, l’autre celle du sentiment avec celui qui la prend en charge. Chacun des policiers promet une libération prochaine à condition de se revoir. Les deux femmes acceptent avec enthousiasme. Mais lorsqu’elles quittent le poste de police, elles se rendent compte qu’elles ont eu à faire au même policier. Une fois encore, elles ont partagé le même homme, sans le savoir. Au troisième acte, elles s’avouent avoir de nouveau trouvé l’amour. Et surprise, pour l’une comme pour l’autre, il s’agit d’un gangster. Elles craignent alors d’être de tombées une fois encore, sur le même individu. En décrivant chacun son amoureux, elles se rassurent. L’un est un grand brun, l’autre un petit blond ! Mais le lendemain, elles lisent dans les journaux, leurs arrestations, et leur condamnation probable à la prison à vie. Décidément, elles sont destinées à vivre seules ! A l’épilogue, devenues de vieilles dames, elles s’occuperont de la tombe abandonnée d’un homme. Ce défunt inconnu, elles accepteront de se le partager et cette fois-ci pour l’éternité !

ACTE I

LA SOLITUDE

 

SCENE 1

 

La salle de séjour de Femme 1.

Femme 1 seule, assise sur le canapé, la tête entre les mains.

Un temps.

On frappe à la porte.

Femme 1 se lève à contrecœur pour aller ouvrir.

Femme 2 apparaît.

 

Femme 1 -  (ton lugubre) Ah, c'est toi !

Femme 2 -  Tu attendais quelqu'un d'autre ?

Femme 1 -  (même ton) Non. Malheureusement, je n'attendais personne.

Femme 2 -  Dis-moi, ça n'a pas l'air d'aller ?

Femme 1 -  Exact. Ça ne va pas du tout.

Femme 2 -  Qu'est-ce qui t'arrive ?

Femme 1 -  Justement, rien.

Femme 2 -  Comment rien ?

Femme 1 -  (agressive) Tu ne comprends pas ? Rien de rien, pas un homme à l'horizon. La solitude complète.

Femme 2 -  Ça ne va pas durer.

Femme 1 -  (toujours agressive) Eh bien pourtant ça dure.

Femme 2 -  Incroyable ! Une belle fille comme toi ! D'habitude si pleine d'allant. Toujours prête à partir à l'aventure. Une battante comme l'on dit aujourd'hui.

Femme 1 -  (découragée) Ce n'est sans doute pas ce que les hommes cherchent. Ce qu'ils veulent, c'est des bobonnes bien tranquilles qui s'occupent de tout à la maison pendant qu'ils font carrière.

Femme 2 -  Allons, ils ne doivent pas être tous comme ça.

Femme 1 -  Si. Et ces bobonnes, quand elles ont mis le grappin sur l'un d'eux, elles ne le lâchent plus, c'est tout de suite la bague au doigt.

Femme 2 -  Tu exagères. Le nombre de mariages est en chute libre.

Femme 1 -  Était. Était en chute libre. Maintenant, la tendance s'est inversée, il faut lire les journaux. Pour une journaliste, tu la fiches mal !

Femme 2 -  Ne te désespère pas. Ton tour viendra. J'en suis certaine.

Femme 1 -  Décidément, tu ne comprends vraiment rien. Je ne veux pas être la boniche d'un homme, moi, je veux le grand amour.

Femme 2 -  On veut toutes ça.

Femme 1 -  J'en doute. Toi, par exemple, tu l'as trouvé le grand amour ?

Femme 2 -  Non.

Femme 1 -  Alors, tu as mis de l'eau dans ton vin ? Tu as accepté de jouer les boniches ?

Femme 2 -  Non.

Femme 1 -  L'homme avec qui tu vis, c'est quoi alors ?

Femme 2 -  Personne.

Femme 1 -  Comment personne ? Alors toi aussi tu es seule.

Femme 2 -  Complètement seule. On ne peut plus seule !

Femme 1 -  Ça n'a pas l'air de te traumatiser plus que ça.

Femme 2 -  Détrompe-toi. Ça m'est insupportable.

Femme 1 -  Tu caches bien ton jeu.

Femme 2 -  (irritée) J'ai horreur de geindre.

Femme 1 -  (vexée) Tu dis ça pour moi ?

Femme 2 -  Je parle pour moi, c'est tout.

Femme 1 -  D'ailleurs, rassure toi, je ne vais pas geindre longtemps.

Femme 2 -  Tu vois bien que ton horizon n'est pas si bouché que ça.

Femme 1 -  Si, mais je vais le déboucher... radicalement.

Femme 2 -  Que veux-tu dire ?

Femme 1 -  Je vais te faire voir.

Elle se lève et se dirige vers une commode, ouvre un tiroir et en sort un petit revolver.

Femme 2 -  (effrayée) Tu veux tuer quelqu'un ?

Femme 1 -  Oui.

Femme 2 -  Mais qui mon Dieu ? Un homme qui t'as quittée ?

Femme 1 -  Non. Personne ne m'a quittée puisqu'il n'y avait personne.

Femme 2 -  Parle, à la fin. Tu me rends folle. Qui veux-tu éliminer ?

Femme 1 -  Moi.

Femme 2 -  Quoi : moi ?

Femme 1 -  Je vais me tirer une balle dans la tête.

Femme 2 -  (se précipitant sur elle) Arrête. Je t'en prie.

Femme 1 -  (l'évitant) Rassure-toi, je ne vais pas faire ça devant toi.

Femme 2 -  Devant moi ou pas, je t'interdis de le faire. Donne-moi cette arme.

Femme 1 -  Il n'en est pas question. Ça pourrait te donner des idées. Après tout, toi aussi tu dois souffrir de ta solitude.

Femme 2 -  Pas au point de vouloir me supprimer.

Femme 1 -  On ne sait jamais. Les suicides, quelle qu'en soit la cause, sont beaucoup plus fréquents chez les individus possédant une arme. L'occasion faisait le larron ?

Femme 2 -  C'est ton cas.

Femme 1 -  Peut-être, mais ça ne regarde que moi.

Femme 2 -  Ça me regarde aussi, tu oublies que je suis ta meilleure amie.

Femme 1 -  Dans une situation comme la mienne, meilleure amie ne veut plus dire grand-chose. Quand on a pris une telle décision, on est déjà sur une autre planète, de l'autre côté du miroir.

Femme 2 -  (changeant d'attitude) Très bien. Reste donc sur ta planète. C'est pour quand ce passage à l'acte ?

Femme 1 -  Dans huit jours.

Femme 2 -  (étonnée) La raison de ce sursis ?

Femme 1 -  Une dernière chance.

Femme 2 -  (soulagée) Tout n'est donc pas perdu. Tu m'as fait peur.

Femme 1 -  Ne te réjouis pas trop vite. Une chance minime. Presque inexistante. La recherche d'un dernier échec pour me prouver qu'il n'y a vraiment plus rien à espérer.

Femme 2 -  "Tant qu'il y a de la vie, il y a de l'espoir".

Femme 1 -  Une formule idiote. Dans mon cas, tant qu'il y a de la vie, c'est du désespoir qu'il y a.

Femme 2 -  Et pendant ces huit jours, qu'est-ce que je vais faire, moi ? Te téléphoner toutes les cinq minutes pour savoir où tu en es ? Accourir si tu ne réponds pas ? Faire enfoncer la porte, terrorisée à l'idée de trouver ton cadavre allongé sur la moquette ? Tu veux que je vive une pareille angoisse pendant toute une semaine?

Femme 1 -  Non. Je te téléphonerai tous les soirs à dix neuf heures précises. Le soir où il n'y a pas d'appel, préviens la police.

Femme 2 -  Tu découpes l'angoisse en tranches, une par jour. C'est tout aussi monstrueux. J'ai peur de ne pas pouvoir le supporter.

Femme 1 -  Tu m'embêtes à la fin. Après tout c'est de ma mort dont il s'agit, pas de...

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