PARLEZ BRANCHE (JP Mourice / 3 m 15)
Un homme, une femme (ou 2 femmes ou 2 hommes)
Un homme (ou une femme) fait une conférence. Un traducteur (ou traductrice) (Elle ou il peut tricoter pendant que le conférencier parle)
Conférencier (e) / Mesdames et messieurs, bonjour ! Tout d'abord, permettez moi de vous présenter mes remerciements circonstanciés pour avoir bien voulu honorer par votre intrinsèque présence cette conférence thématique sur la manière dont il convient aujourd’hui de communiquer lors d’une relation verbale entre deux homo sapiens français. Interprète, je vous prie ?
Interprète / Ok ! Salut tout le monde ! Restez calme ! Alors, c'est simple : C'est lui qui cause ! C'est vous qu'écoute !
Conférencier / Le choix du vocabulaire revêt une importance capitale car les mots, au sens primitif, ne correspondent pas forcément à l’idée sous-jacente contenue dans le terme. Les vocables tels que nous les identifions ou plutôt tels que nous croyons les connaître s'évertuent malgré nous à tendre à une sorte d’émancipation souvent accentuée par l’évolution de la grammaire, ce qui leur permet d'aboutir finalement à une nouvelle signification.
Interprète / Yes ! Bon, si t’as pas les mots qu’y faut, t’as l’air d’un con.
Conférencier / Jean Paul Sartre disait : l‘existentialisme est le moyen de gagner mon existence.
Interprète / Il vendait un bouquin, il achetait un bifteck.
Conférencier / L’élaboration d’un mot ne sera jamais que la matérialisation du désir inconscient d’aller vers les autres, dans le but d’abolir les barrières invisibles des blocages de l’esprit, ce qui je le reconnais est peut-être difficile à admettre.
Interprète / Il le reconnaît !
Conférencier / Dans un groupe traversé par des échanges verbaux, sans le savoir, l'autre n'est là que pour permettre à son interlocuteur de se rassurer sur la certitude de son existence dont inconsciemment il doute. Lors d'un dialogue, chacun joue son propre rôle et se trouve être à tout instant le complément du sujet. Je ! En quelque sorte, le Je joue. Je ! Moi ! Tu ! Et parfois le Je tue.
Interprète / C'est clair ! Des fois, faut mieux la fermer !
Conférencier / Ainsi, dans le langage moderne, un instituteur devient un professeur des écoles, et un stade, un complexe sportif
Interprète / D'où les gamelles qu'on s'ramasse !
Conférencier / Prenons deux sujets de base : Soit un mammifère mâle et une mammifère femelle, que nous appellerons Robert et Josette. Imaginons que ces deux personnes aient eu envie de faire autre chose que regarder un match de rugby ou manger un œuf. Nous ne dirons plus : Josette a perdu sa fleur avec Robert dans une chambre à coucher, mais...
Interprète / Josette a eu avec Robert une relation de proximité dans un espace de convivialité.
Conférencier / De même, pour le langage technique, prenons une personne âgée tendant vers une forme de dépendance.
Interprète / Un vieux !
Conférencier / Vieux ! Dans ce mot se cachait l'idée qu'il n'était plus bon à grand chose. Ainsi, nous ne dirons plus :
Interprète / Robert est un vieux con qu'en fout pas une ramée.
Conférencier / Mais ?
Interprète / Robert est un être enfermé dans une oisiveté destructive, et qui peut encore bosser !
Conférencier / Ressaisissons notre exemple de Josette et Robert. Si je veux signifier que Josette a des relations problématiques avec Robert, je peux dire :
Interprète / Josette a une relation privilégiée avec un connard !
Conférencier / Bien. Puisque je vois que tout le monde comprend, nous allons pouvoir aborder ma conférence qui se divisera en deux parties, la première, puis une deuxième qui se déroulera après. Durant la première, je m’efforcerai de ne parler que du détournement des mots afin de mettre en relief l’aspect esthétique de ces mutations, puis dans la seconde...
Interprète / Ok !!! Alors... Il est encore temps de sortir, parce que dans cinq minutes on ferme les portes et on vous prévient, on n’a pas d’aspirine !
Générique
L'’ENVIRONNEMENT, ON EST POUR (JP Mourice / 3 m 15)
Un homme, une femme
Un couple, genre Versailles, entre.
Charles-Henri / Enfin, on respire.
Sophie-Charlotte / Y’a pas à dire. La campagne, c’est quand même autre chose.
Charles-Henri / Nous venons tous les week-end. Cinq heures d'automobile.
Sophie-Charlotte / Dans un petit chevreau.
Charles-Henri / Non, Sophie-Charlotte. Une Chevrolet. Heureusement. Parce que le bruit, les vapeurs d'essence, les gens... Mais ici, on respire.... (Il semble boire l'air tout autour de lui)
Sophie-Charlotte / Nous venons nous ressourcer.
Charles-Henri / Nous faisons le plein de bon air. Parce que nous, l’environnement, on est pour.
Sophie-Charlotte / Si nous, nous ne prenons pas soin de la planète, comment ils vont vivre, nos enfants ?
Charles-Henri / Nous n'avons pas d'enfants.
Sophie-Charlotte / Nous n'en voulons pas. Déjà que nous sommes trop nombreux. Savez-vous que ça grouille de vie à l'extérieur. Y'en a qui font des enfants, trop ! On devrait leur couper.
Charles-Henri / Les allocations.
Sophie-Charlotte / Et en plus, les enfants, c'est très salissant.
Charles-Henri / Les gens qui ont des enfants, ce sont des égoïstes.
Sophie-Charlotte / Ils ne ramassent pas les papiers quand ils mangent au bord de la route.
Charles-Henri / Nous, si.
Sophie-Charlotte / Si la terre est malade, ce ne sera pas à cause de nous.
Charles-Henri / Nous, nous sommes responsables.
Sophie-Charlotte / Toutes les pétitions, nous les signons. Pour sauver les arbres, les fourmis, les tibétains.. Nous sauvons tout.
Charles-Henri / Hier, nous avons sauvé une baleine.
Sophie-Charlotte / Une grosse.
Charles-Henri / Du Panama.
Sophie-Charlotte / Nous l'avons adoptée.
Charles-Henri / Elle avait perdu ses parents.
Charles-Henri et Sophie-Charlotte ensemble / Sauvons les baleines !
Sophie-Charlotte / Un jour, nous avons sauvé une sardine.
Charles-Henri / Dans sa boîte, elle respirait encore.
Sophie-Charlotte / Nous l'avons relâchée dans le lavabo.
Charles-Henri / Elle a disparu.
Charles-Henri et Sophie-Charlotte ensemble / Sauvons les sardines !
Sophie-Charlotte / Parce que nous, nous sommes contre le gaspillage.
Charles-Henri / Nous nous lavons à l’eau de vaisselle.
Sophie-Charlotte / Des fois, c'est l'inverse.
Charles-Henri / Nous nous lavons d'abord... Et après....
Sophie-Charlotte / Nous faisons la vaisselle.
Charles-Henri / Une fois par mois !
Sophie-Charlotte / Nous faisons la vaisselle demain.
Charles-Henri / Parce que nous, nous ne jetons rien.
Sophie-Charlotte / Vingt ans que nous sommes ensemble.
Charles-Henri / Nous faisons attention à tout.
Sophie-Charlotte / Nous roulons au jus de carotte.
Charles-Henri / 300 litres au cent.
Sophie-Charlotte / Comme ça, sur la route, nous sommes aimables.
Charles-Henri / Nous, la nature, on est pour !
Sophie-Charlotte / Bien sûr, nous avons le gaz, mais du gaz...
Charles-Henri / Naturel ! Notre chauffage, c’est du compost.
Sophie-Charlotte / Nous récupérons tout. Nous mélangeons avec les restes de la nourriture.
Charles-Henri / Bio.
Sophie-Charlotte / Et tout dans la poubelle, même en ville ! Dans notre immeuble, notre poubelle est sur le palier.
Charles-Henri / Faut qu'elle respire...
Sophie-Charlotte / Les voisins manifestent, mais les voisins...
Charles-Henri / On les emmerde.
Sophie-Charlotte / Ce ne sont pas des amis de la nature.
Charles-Henri / J'en ai vu qui ont des fleurs en plastique..
Sophie-Charlotte / Comme au cimetière..
Charles-Henri / Et pour le chauffage, nous sommes à la pointe.
Sophie-Charlotte / Nous avons quinze degrés dans notre duplex, en permanence.
Sophie-Charlotte / Et trois pulls, deux slips, et un chapeau par personne.
Charles-Henri / Mais à la campagne, nous nous chauffons au tas de fumier…
Sophie-Charlotte / Bio.
Charles-Henri / Trois mètres de haut !
Sophie-Charlotte / Devant la porte.
Charles-Henri / Et quand il fait trop froid, dans la chambre, nous avons un chauffage d’appoint.
Sophie-Charlotte / Une hollandaise...
Charles-Henri / Une vache.
Sophie-Charlotte / Y’en qui disent que ça sent pas bon. … Peut-être, mais ça sent...
Charles-Henri / Naturel !
Sophie-Charlotte / Les gens nous évitent.
Charles-Henri / Les gens sont jaloux...
Sophie-Charlotte / L’autre jour, mon mari n'était pas content. Il m'a demandé :
Charles-Henri / Mais dîtes-moi, Sophie-Charlotte, quelle est cette odeur ? »
Sophie-Charlotte / Mais c’est moi, mon amour. Ce matin, j’ai pris du savon.
Charles-Henri / (au public) La cochonne.
TETE DE NEGRE OU RELIGIEUSE (2 m 30)
2 femmes
Dans une pâtisserie, une cliente âgée et la pâtissière... (ou pâtissier) (Plutôt âgés)
Pâtissière / Bonjour madame Louchu ! Comment elle va madame Louchu ?
Cliente / Bonjour madame Chouvert. Ah ça va mal. Figurez-vous que j'ai mal au bras depuis hier. En plus, j'ai ma jambe qui me tire sur le côté. Je prends toujours des cachets contre la tête et j'ai des problèmes «gaztriques».
Pâtissière / Enfin. Tant qu'on a la santé ! Sinon, qu'est-ce qu'elle veut, madame Louchu ?
Cliente / Des pâtisseries. Parce que c'est mon anniversaire.
Pâtissière / Non ? Au fait, ça lui fait combien, à madame Louchu ?
Cliente / Vingt sept.
Pâtissière / Vingt sept ! Et moi qui vous donnais vingt quatre !
Cliente / Vous êtes trop bonne, madame Chouvert. Enfin, comme c'est mon anniversaire, je peux bien m'offrir une petite gâterie.
Pâtissière / Vous avez raison. Quand c'est son anniversaire, faut pas hésiter. Une bonne gâterie, une bonne bouteille ! Faut profiter d'la vie pendant qu'on est encore jeune ! Alors ? Qu'est-ce que je lui mets, à madame Louchu ?
Cliente / Je prendrai bien une tête de nègre.
Pâtissière / Une tête de nègre ? On peut pas.
Cliente / Mais une tête de nègre ? Je n'y ai jamais goûté.
Pâtissière / On peut pas. C'est à cause des racistes. On n'a plus le droit de vendre des têtes de nègre. Comme le chocolat noir.
Cliente / Je savais pas. Bon alors, une religieuse.
Pâtissière / Je fais plus la religieuse... C'est depuis l'affaire des rideaux qu'elles se mettent sur la tête. Interdit de vendre du raciste ou du religieux ! Ca fait trop d'histoires. Le Saint Honoré, pareil ! Même le croissant ! Trop marqué.... Je vous le dis, un de ces jours, les gens vont mourir de faim...
Cliente / Non ? Et des p'tits beurres ! On a quand même le droit de manger un p'tit beurre.
Pâtissière / Alors, la, vous n'y pensez pas. Un...