Ghazal

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Ghazal (Conversation avec une femme) est au croisement d’une écriture de l’intime, de matières mémorielles autour des histoires d’Ebtesam, Lena et Afraa.

Ces trois femmes sont syriennes et vivent en France. L’autrice, également anthropologue, et sa sœur, réalisatrice documentaire, les ont rencontrées en Picardie et à Paris. Trois femmes portent leurs histoires au plateau, ouvrent un espace d’écoute – sous l’angle de la sororité – autour du principe de la violence qui déracine, de la guerre en l’occurrence, et des mouvements divers que cela convoque – révolte, critique sociale, dévoilements de discours dominants, amitié et solidarité qui font monde.

Le texte est un tissage de ces voix multiples, par le filtre d’une expérience subjective, qui nous racontent la mémoire quand elle se confronte à l’Histoire, pour déplacer nos perceptions entre Je, Nous et Elles.

Liste des personnages (1)

Ebtesam, Lena et Afraa Trois femmes syriennes qui partagent leurs histoiresFemme • Adulte

1.
Journal
مذكرة

Ghita :
On commence?

لِنبدأ؟

Bonjour. J’espère que vous avez éteint vos téléphones portables.
Moi, je m’appelle Ghita. Je suis actrice.
En 2020, Marjory, la metteuse en scène du spectacle,
a rencontré trois femmes.
Lena, Ebtesam et Afraa.

لينا٫ابتسام٫عفراء

Ces trois femmes sont syriennes et elles vivent en France. Marjory les a rencontrées en Picardie et à Paris. Elle a mené avec elles des entretiens et petit à petit, au fil des semaines, des mois, elle a partagé leur quotidien, elle a appris leurs histoires, rencontré leurs proches.

Sa sœur, qui est photographe et réalisatrice documentaire, a commencé à les filmer, chez elles.

Régulièrement, Marjory prenait des notes et audébut des répétitions, elle nous a confié son journalde terrain. Dans ce petit carnet, il y a un peu de tout.Des impressions, des interrogations.

Là, par exemple, elle raconte un rêve. Une nuit, elle a rêvé du soir de la première.

Je vais vous le lire.

Le soir de la première, la lumière ne s’éteindra pas tout de suite.

Dans la salle, il y aura Lena, Ebtesam et Afraa.

Sur la petite table, dans le salon, il y aura une corbeille de fruits, des bananes, des pommes, des oranges - des tasses de café, des graines à croquer, une tulipe, une paire de boucles d’oreille couleur corail, comme chez Ebtesam.Derrière le mur, il y aura l’affiche du film Une journée particulière d’Ettore Scola.

Moi je préfère Nous nous sommes tant aimés, mais Sophia Lauren, c’est l’actrice préférée d’Ebtesam.Sur le plateau, il y aura Ghita, qui lira ce Journal à ma place, Soleïma, qui reprendra les mots de Lena et Ebtesam, Aïda et Guillaume, le musicien.

Chacune, chacun jouera son propre rôle, comme dans la vie.
Doc
وثائقي

Ghita :

Tout ça a commencé par une histoire d’amour.

كل ذلك بدأ بقصة حب.

Mardi 10 mars 2019, Marjory écrit:

La première fois que j’ai rencontré A. mon amour coupé en deux, on est tombé amoureux en deux petites minutes.

C’était l’hiver à Paris, en 2015. Juste après les attaques. Il est syrien.

Je ne connaissais pas bien la Syrie.

C’est lui qui m’a présenté Ghazal ,غـــزل

une jeune fille syrienne.

Là, elle a mis des guillemets. C’est Ghazal qui parle :

« Ghazal, ça veut dire… les poésies d’amour, mais les traductions moi j’aime pas.

En anglais, on dit « flirt ». En français, on dit « la drague »…


Mais en arabe, c’est comme dire… « Mon amour », « Je t’adore », C’est un tout. C’est quand tu dis des choses mignonnes à quelqu’un.
Et quand le ghazal il a commencé, c’était à une époque où les garçons ne pouvaient pas voir les filles, alors ça a été inventé pour… réduire la distance..»

 تقليص المسافات.

 

 

 

 

 

 

Conversation
محادثة


Ghita :
C’est beau, Ghazal ,غـــزلla sonorité.
C’est drôle d’appeler sa fille comme ça: «Poésied’amour »… Poésie d’amour!

Moi, je parle plusieurs langues mais j’ai toujours parlé d’amour en français.
Au Maroc, où j’ai grandi, j’ai l’impression qu’on le montre quand on aime les gens, mais on ne le dit pas vraiment…

Soleïma, tu sais, toi, comment on dirait ça, Je t’aime, en arabe syrien?

Soleïma : « La ! »
Je crois qu’on dit «Bahebak» mais je ne parle pas l’arabe.
J’ai par contre des souvenirs de mes tantes qui me disaient «Habibti habibti», ma chérie ma chérie.

Aïda : Moi, c’était mes cousines, avec mon prénom.
Elles faisaient des petites déformations. Elles me disaient «Ya Aidouda ya ta7founa ».

Ghita : Ça, c’est universel.
Au Maroc, on dit «Al kfita diali, al zouina diali, al kbida diali»!


Soleïma : J’avais un amoureux qui me disait «Hayati». Ça veut dire «Ma vie…» حياتي

Aïda : C’est beau… Ma vie… mais c’est beaucoup…

Ghita : C’est trop même!

Soleïma : J’ai appris un poème par cœur, en arabe.
C’est un ghazal, mais pour une ville.«Je cherche une ville où l’on écrit
ce qu’on veut sur ses murs»

أبحث عن مدينة ٫نكتب ما نشاء على جدرانها

Ghita : C’est de qui ce poème?
Ghazal_INT.indd 21 10/06/2022 15:00

Soleïma : De Nizâr Qabbânî .نزار قباني
C’est un poète syrien, né à Damas.

2.
Syrie 2011
سوريا ٢٠١١


9 février 2020, Laon, France


Lena :

C’était en… 20… en 2011, je crois.

C’est c’est là, voilà. C’était en 2011, au début de 2011. C’est au début de révolution syrienne, en fait.

Et… quand elle a commencé, en fait, au Sud de la Syrie… je me rappelle bien, en fait, ils ont caché les nouvelles toujours, en fait, voilà. On savait pas qu’est ce qui se passe exactement.
/
J’étais toujours, regarder la télé pour… voilà, pour voir qu’est ce qui se passe en Égypte. J’étais quelqu’un… très intéressante, parce que, voilà, j’ai souhaité que ça va venir chez nous. Et du coup – tous les syriens, hein, c’est tous les syriens, c’est pas juste moi - tous les syriens, on attend, on attend qu’est ce qui se passe, parce que, c’est, peut-être, ça va...

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