Huit femmes

Le matin de Noël, alors que la maison et le domaine sont couverts de neige, on trouve le père de famille assassiné dans sa chambre… Très vite, on s’aperçoit que le criminel n’a pu ni entrer ni sortir… donc c’est une des huit femmes présentes. Oui, cet homme était entouré de femmes : sa femme, coquette et menteuse, sa belle-sœur, vieille fille aigrie, sa belle-mère, avare et ivrogne, sa fille aînée, peu vertueuse, sa cadette, mal élevée et gavée de romans noirs, la bonne, perverse, la gouvernante, joueuse… enfin sa sœur, ancienne danseuse retirée en province après une vie tumultueuse… Ces huit femmes sont bloquées dans la maison… Elles doivent faire leur police elles-mêmes… Les vérités éclatent… C’est une corrida cocasse et grinçante… Terrifiante aussi car la coupable continue de tuer !…




Huit femmes

Acte premier

Matinée d’hiver, un rayon de soleil un peu pâle fait jouer les vitraux. Atmosphère chaude et provinciale. Le feu pétille. Une pendule sonne dix coups, quelque part dans la maison.

On voit la grand-mère se glisser dans le salon et atteindre la bibliothèque. Elle se déplace dans un fauteuil à roulettes… (Note de l’auteur : ce fauteuil est facultatif.) Elle regarde à gauche et à droite, puis fait jouer un déclic dans les livres, déclenchant la porte d’une cachette. Mais elle entend du bruit, elle referme tout et se sauve. Mme Chanel descend l’escalier, écoute à la porte du père.

Soudain, on entend à l’extérieur un klaxon de voiture. Mme Chanel descend et court à la baie en s’essuyant les mains à son tablier.

Mme Chanel (Folle de joie.) La voilà ! La voilà ! (Elle fait de grands signes vers le parc, puis revient crier au bas de l’escalier.) Voilà Suzanne qui arrive ! Voilà Suzon ! Le mauvais temps n’a pas retardé le train ! (En haut des marches apparaît Louise, la bonne, un plateau à la main.) Voilà Mademoiselle !

Louise Oui ! Oui ! J’ai entendu !

Mme Chanel Ah ! si vous saviez comme ça me fait plaisir de retrouver ma Suzon… C’est moi qui l’ai élevée… Il y a dix ans, nous étions deux amies inséparables…

Louise Je sais…

Mme Chanel Mais les années vous poussent et voilà que ma Suzon a dépassé vingt ans ! Depuis qu’elle est partie dans ce collège anglais, je ne la vois plus que deux fois l’an. Quel beau Noël nous allons avoir !

Louise (Sans conviction.) Oui… Ça va !

Mme Chanel C’est un peu ma petite fille… Ah ! l’arbre !

Elle va à son gros paquet dont elle essaie de défaire la ficelle.

Louise Vous rabâchez la même histoire depuis deux mois que je suis ici.

Elle va débarrasser mollement la table encombrée de tasses.

Mme Chanel Quand on travaille dans une maison depuis quinze ans, on finit par croire qu’on est chez soi et que les enfants sont à vous !… Vous verrez !…

Louise Si vous croyez que je vais passer ma vie à faire la boniche !

Mme Chanel C’est un métier qui ne vous plaît pas ?

Louise Pas beaucoup.

Mme Chanel Alors, pourquoi le faites-vous ?

Louise (Interdite, puis.) Faut bien vivre…

Mme Chanel Vous êtes tombée dans une bonne maison, ici…

Louise Vous trouvez ?

Mme Chanel Ah ! de mon temps !… Je veux dire du temps où Mademoiselle Suzon était là, c’était plus gai !

Louise Évidemment ! C’est bien ma chance.

Mme Chanel Nous allons passer de merveilleuses fêtes de Noël !

Elle fouille dans le bureau à la recherche de ciseaux.

Louise (Qui croque le sucre qui reste.) C’est ça ! La veillée aux chandelles ! Que voulez-vous qu’on fasse d’autre ? On est à cinq kilomètres du village et avec toute la neige qui est tombée cette nuit, je ne pourrai même pas aller au bal. Quel dimanche ! Et même pas la télévision !

Mme Chanel La télévision ? Bah ! vous ne perdez rien, ça fait mal aux yeux !… (Louise hausse les épaules.) C’est le déjeuner de Monsieur que vous avez monté ?

Louise Non, c’est celui de la petite.

Mme Chanel Vous avez averti Monsieur que la voiture vient d’arriver ? Madame est allée chercher Suzon à la gare…

Louise Monsieur m’a dit hier de ne pas le réveiller.

Mme Chanel Ne pas le réveiller quand sa fille arrive pour les vacances de Noël ! Allez lui porter son déjeuner… (Elle a trouvé ses ciseaux et s’attaque aux ficelles du paquet.) Avertissez aussi Mamy et Mlle Augustine.

Louise (Qui ricane.) Oh ! Rassurez-vous, Mlle Augustine est certainement déjà au courant ! Ce ne serait pas la peine qu’elle écoute aux portes !

Mme Chanel Ne soyez pas aussi insolente. Je n’aime pas vos réflexions.

Louise Et moi, je n’aime pas qu’on me donne des leçons de morale ! Parce que la morale !…

Elle disparaît vers l’office.

Mme Chanel (Seule.) Cette fille-là, on n’en fera jamais rien ! J’aimais mieux Gisèle ! Enfin !

Elle a coupé les ficelles du paquet. Apparaît un arbre de Noël. Elle l’installe sur un meuble.

Mamy (Entre dans sa voiture.) Elle est déjà là, ma bonne Chanel ?

Mme Chanel Oui, Madame, votre petite-fille arrive… Regardez le beau sapin. On va le décorer !

Mamy Ça vous fait plaisir, n’est-ce pas ?

Mme Chanel Oh oui !…

Mamy Ah ! vous êtes gentille, vous !

Mme Chanel Pourquoi moi ? Mais tout le monde est gentil avec vous ici !

Mamy Oui, bien sûr ! Je suis heureuse que Marcel m’ait accueillie avec ma fille Augustine… Mais, vous savez, nous ne sommes quand même pas chez nous… (On entend une voix de jeune fille qui appelle, dehors.) La voilà ! Les chiens l’ont reconnue, ils n’ont pas aboyé…

Mme Chanel C’est un record pour ces gueulards…

Par la baie, on voit arriver Suzon. Elle entre, dépose sa valise et elle se jette dans les bras de Mamy qui l’embrasse.

Suzon Mamy !

Mamy Ma Suzon ! Ma petite-fille !

Suzon (Qui voit Mme Chanel.) Chanel ! Ma grosse Chanel !

Mme Chanel (Riant.) Toujours aussi grosse !

Suzon Tu permets que je t’embrasse ?

Mme Chanel Ma Suzon, bien sûr !… Avec la permission de Madame !

Mamy Je vous en prie !

Mme Chanel et Suzon s’embrassent. Gaby entre. Belle femme dans un grand manteau de fourrure.

Gaby Elle est magnifique, n’est-ce pas ?

Mamy C’est une vraie jeune fille à marier !

Suzon (Riant.) Tout à fait de ton avis… À marier très vite, Mamy…

Mamy Ton père va être heureux de te voir. Lui qui se fait tant de soucis pour toi, il est averti, Mme Chanel ?

Mme Chanel Il aurait donné ordre qu’on ne le réveille pas !

Suzon Comment ? Il n’est pas encore descendu, à onze heures ?

Mamy Il a dû travailler dans sa chambre, hier, très tard.

Mme Chanel Oui, il doit être fatigué. Il se tue à la tâche !

Gaby Il se tue à la tâche ! Il a dû lire toute la nuit, sans doute.

Gaby sort déposer son manteau. Un silence. Mamy et Mme Chanel ont échangé un coup d’œil.

Suzon Comment « sans doute » ? Ils font chambre à part ?

Mme Chanel (Pour dire quelque chose.) Et cette Angleterre, comment est-ce ?

Suzon Very interesting with many people.

Mme Chanel Quoi ?

Suzon C’est de l’anglais !

Mme Chanel Oh ! moi, l’anglais ! Tout ce que je sais dire, c’est : goodbye, God save the Queen et kiss me.

Suzon Comment, kiss me ? Tu as déjà dit kiss me à un Anglais ?

Mme Chanel Bien sûr. Comme tout le monde, à la Libération, au premier que j’ai vu, pour avoir du chewing-gum. (Elles rient. Mais Gaby revient et Mme Chanel se ressaisit.) Mais je raconte ma vie et j’oublie le petit déjeuner !…

Elle sort très vite vers l’office.

Suzon Ah ! que c’est bon de se retrouver chez soi ! Ma chère vieille maison !

Gaby Oh ! ta chère vieille maison ! Un grand coup de peinture ne lui ferait pas de mal ! Mais elle plaît à ton père ainsi, alors ! (Entre Louise qui vient chercher les bagages de Suzon.) Voici Louise, notre nouvelle femme de chambre.

Suzon Bonjour, Louise.

Louise Bonjour, Mademoiselle. J’espère que Mademoiselle a fait un bon voyage…

Suzon Très bon. Malgré un temps épouvantable. En traversant la forêt, tout à l’heure, le vent faisait tomber la neige des arbres. Quelle solitude, on se serait cru en plein ciel !

Gaby En plein ciel ? En plein désert, tu veux dire ! Il faut faire des kilomètres pour voir un visage ! Sans le téléphone et la voiture, avec ce mur qui entoure la propriété, que serions-nous ? Des Chartreux ! Enfin, ton père tient plus à cette maison qu’à notre avis. Ça le repose de l’usine, paraît-il ! Il oublie qu’il est parti toute la journée et que nous, ici, nous mourons d’ennui ! Enfin, c’est comme ça !

Elle s’installe, fumant une cigarette blonde, feuilletant des journaux, dépouillant des lettres.

Louise Puis-je vous débarrasser, Mademoiselle ? Quand devrai-je réveiller Monsieur ?

Gaby Dans quelques minutes.

Suzon Et si j’y allais, moi, tout de suite ?

Gaby Non, laisse-le se reposer encore un peu. Il a demandé qu’on ne le réveille pas… Merci, Louise !

Louise sort, emportant manteau et sac de Suzon.

Suzon Elle est bien, cette fille.

Gaby Oui, très bien… J’en suis ravie !

Mamy (Comme à contrecœur.) Oui, très bien…

Gaby Et accepter de s’enfermer ici ! C’est une chance pour nous !

Mamy Une chance… oui !

Suzon (S’allongeant sur le canapé.) Toujours aussi confortable !

Mamy Ne fais pas de gymnastique dessus comme ta sœur ! Si tu savais comme Catherine est devenue turbulente !…

Gaby C’est de son âge, maman ! (Elle appelle vers l’escalier.) Catherine, lève-toi ! (Augustine apparaît en haut des marches : style vieille fille sans âge, cheveux tirés, robe ordinaire.) Ah ! c’est toi ? Est-ce que Catherine se lève ?

Augustine Est-ce que je sais ?

Suzon (Allant vers elle.) Bonjour, Tante Augustine. Comment vas-tu ?

Augustine Toujours pareil… Comme je peux… Mes reins, mon cœur… et puis la neige réveille mes rhumatismes. Enfin ! (Elle embrasse Suzon.) Alors, déjà de retour ?

Suzon Pourquoi dis-tu « déjà » ?

Augustine On t’a renvoyée du collège ?

Suzon Mais non, au contraire, j’ai de très bonnes notes !

Augustine Je sais… Ta mère nous a montré ton carnet scolaire… Seulement, un carnet, ça se maquille !

Mamy Pourquoi dis-tu ça ? Ça n’est pas gentil…

Augustine Ma nièce arrive et je ne peux pas lui demander si elle s’est bien conduite ?

Suzon C’est pour cela que je te dis : tout va bien !

Gaby (Moqueuse.) En voilà une, au moins, contente de son sort !

Augustine C’est pour moi que tu dis ça ?

Gaby Je dis que ma fille est heureuse, voilà tout… C’est l’essentiel !

Augustine (Vexée.) Alors ! Puisque c’est l’essentiel !

Suzon (Gentiment.) Tante Augustine, tu as des ennuis ?

Gaby (Incisive.) Non, mais elle s’en crée…

Augustine Quoi ? Je m’en crée ? Quoi, je m’en crée ?

Mamy (S’interposant.) Mes petites… je vous en prie… Ne recommencez pas !

Augustine Je suis heureuse, moi ? Voilà du nouveau !

Mamy Augustine… nous ne sommes pas à plaindre. Sois calme… Gaby nous a recueillies ici, gentiment… Grâce à elle…

Augustine Pas grâce à elle ! Grâce à ton père, Suzon, qui nous estime à notre juste valeur, qui sait respecter une dame âgée et infirme comme ta grand-mère, une femme vertueuse et droite comme moi ! Grâce à Marcel…

Mamy Grâce à eux deux, bien sûr…

Suzon (Prend gentiment Augustine par le bras.) Tante Augustine, ne sois pas triste. Nous t’aimons toutes ici, sans exception. Ne nous fais pas de peine.

Augustine (Touchée.) Pardonne-moi… Je n’ai pas pu dormir de la nuit… Pardon, Gaby, ma chérie, grâce à toi, je suis heureuse et je mange à ma faim…

Un affreux moment de gêne… Mme Chanel entre avec le plateau du café.

Mme Chanel Voilà le déjeuner !…

Suzon Le café de Chanel se sent de loin…

Elle s’installe pour manger. Augustine s’approche.

Augustine Oh ! des brioches toutes chaudes !… Je n’ai eu droit qu’à du pain grillé, moi !

Mme Chanel Comme tout le monde, Mademoiselle Augustine… Ces brioches sont mon cadeau personnel à ma Suzon retrouvée.

Elle sort, toute ravie.

Suzon (Lui tend l’assiette.) Tante, si ça te fait plaisir…

Augustine Oh oui !… (Elle se jette sur les brioches.) J’aime les brioches. Merci. J’ai du chocolat dans ma chambre… Je vais le chercher. Les gâteaux, c’est toujours meilleur avec du chocolat…

Elle disparaît, toute joyeuse.

Mamy (Très émue.) Il faut être indulgente, c’est une vraie gamine ! Ta mère est très gentille de tolérer ses petites manies sans se fâcher…

Gaby Tu appelles ça des manies ?… Ce sont presque des insolences. Elle me provoque tout le temps, maman ! (À Suzon.) Mais puisque ton père la tolère…

Suzon Papa est un homme adorable…

Mamy (Qui tricote.) Oui, toujours gai, toujours de bonne humeur ! Pourtant ses affaires ne vont pas comme il voudrait !

Suzon Ah !

Gaby Tu sembles mieux renseignée que moi sur les soucis de Marcel, maman ! J’ignore même s’il en a !

Mamy (Bafouille.) C’est-à-dire… par hasard…

Gaby Et c’est très bien comme ça ! J’ai mes problèmes, il a les siens et on ne s’en parle jamais ! Tout est pour le mieux !

Mamy Je l’ai consulté dernièrement pour la vente de mes titres… et incidemment, il m’a dit quelques mots…

Gaby Et tu les as vendus, tes titres ?

Mamy (Hésite, puis.) Non… Marcel m’a conseillé d’attendre…

Gaby (Moqueuse.) Garde-les, tu as raison ! On ne sait jamais ! (Elle va à l’escalier.) Catherine !

Voix de

Catherine Voui ?

Gaby Voyons ! Lève-toi ! Ta sœur est arrivée !

Suzon Elle est sage, Catherine ?

Gaby Oui, très.

Suzon Elle travaille bien à l’école ?

Gaby Oui, ça peut aller. Elle a beaucoup grandi, elle va bien, et c’est le principal.

Mamy Très exubérante, comme la nouvelle génération…

Gaby Tu la voudrais neurasthénique, comme Augustine ? Elle a seize ans !

Apparaît Catherine, en pyjama, physique de petit chat sauvage. Nattes.

Catherine Salut les mères ! Salut sister !

Elle enjambe la rampe d’escalier, se lance sur Suzon et la chahute.

Mamy Attention aux tasses…

Gaby (Riant.) Mais laisse-les donc tranquilles !

Catherine Tu m’apportes un cadeau pour Noël ?

Suzon Oui, des chocolats !

Catherine Et bien, vrai ! Tu ne t’es pas creusé la cervelle !

Suzon Je croyais qu’à quinze ans, on aimait les chocolats.

Catherine Quinze ans ! Et le pouce ! J’en aurai seize en février.

Suzon Tu m’as l’air en pleine forme !

Catherine « Ça gaze, ça carbure, ça fonctionne… »

Suzon En un mot, ça « boume » !

Catherine Dis donc, l’Angleterre t’a drôlement dessalée !

Suzon Tu devrais frapper à la porte de papa…

Catherine Il n’est pas encore réveillé ? Quel flemmard ! On va le virer ?

Gaby (Se tordant.) « Le virer ! »

Mamy (Choquée.) Catherine ! (Voyant Gaby rire dans ses mains.) Enfin, du moment que ça fait rire ta mère ! Dans cette maison, le respect n’étouffe personne.

Catherine Oh ! Mais je le respecte, mon père ! À ma manière, voilà tout ! Et surtout, je l’admire. Il s’habille comme à Londres, il est gai, il conduit comme un champion, il brasse des fortunes comme un chercheur d’or… Nous avons de la chance, Suzon… Notre père, c’est un héros de roman… Tu sais qu’il m’a promis de m’apprendre à conduire ?… On s’entend bien tous les deux… On est deux complices… Et puis, c’est le seul homme de la maison ! (Rire général. Augustine paraît.) Tiens, voilà la plus belle !

Augustine Ah ! je t’en prie, je suis très mécontente.

Catherine (Plaisantant.) À quel sujet, « baronne » ?

Augustine Tu as laissé ta lumière allumée jusqu’à je ne sais quelle heure et à travers la porte vitrée, ça m’a empêchée de dormir ! Tu lisais encore, sans doute, tes livres abominables !

Suzon Quels livres abominables ?

Catherine (Riant.) Tante Augustine appelle livres abominables des romans policiers, d’espionnage, d’aventures…

Augustine Ce n’est guère de ton âge !

Catherine Ah ! Mon âge !

Gaby (Claironne, cachée derrière son journal.) Lire ne fait de tort à personne… Mais aller cinq fois dans la salle de bains, la nuit, ça réveille les voisins.

Augustine (Vient à elle, baisse le journal. On voit Gaby, le sourire sur les lèvres.) C’est moi qui y suis allée, parfaitement.

Gaby Tu étais malade ?

Augustine Je ne pouvais pas dormir… Je suis allée boire. Excuse-moi.

Gaby Ça n’est pas grave !

Elles se fixent. Louise traverse le salon avec le déjeuner de Monsieur.

Louise Puis-je aller réveiller Monsieur ?

Gaby Je vous en prie…

Louise gravit l’escalier et frappe à la porte du père.

Augustine Je t’offrirai un abat-jour pour ta lampe, Catherine ! Comme ça, je pourrai dormir !

Catherine Merci, tu me choisirais le Petit Chaperon rouge ou la Belle au Bois dormant… Tu me donneras l’argent et j’irai l’acheter moi-même.

Augustine Comme tu voudras…

Louise (Qui frappe en vain.) Madame… Monsieur ne répond pas…

Gaby Entrez, Louise.

Louise Bien, Madame…

Louise frappe à nouveau et entre, laissant la porte entrebâillée.

Augustine Il a de la chance de pouvoir dormir… avec tout le bruit que nous faisons. Moi, dès que j’entends une pendule sonner à l’autre bout de la maison, je sursaute… Ah ! les hommes… ils ont d’autres nerfs que nous !… (Dans la chambre, là-haut, on entend un cri et le bruit du plateau qui tombe.) Oh ! quelle maladroite ! Bonne idée que vous avez eue d’engager cette fille ! On se demande où elle a appris son métier !

Louise apparaît, défigurée, tremblante… Le plateau vide au bout du bras. Puis elle crie soudain comme une folle.

Louise Madame !… Madame !…

Gaby Qu’y a-t-il ?

Louise (Dans un délire.) Monsieur… Monsieur… C’est affreux… (On se regarde. Louise descend les marches.) Monsieur est mort, sur son lit… Un couteau dans le dos… Le sang…

On la soutient.

Gaby Vous êtes folle… Qu’est-ce que vous dites ?

Louise Monsieur est mort… et le sang partout…

Catherine s’élance et disparaît dans la chambre, tandis qu’on fait asseoir Louise. Toutes les femmes font un groupe autour d’elle. Gaby fait un pas vers l’escalier quand Catherine sort de la chambre, hurlant comme folle, claquant la porte. Elle se précipite dans les bras de sa mère.

Gaby Comment ? Tu étais montée… ? Ma petite fille… Ma chérie…

Mamy Quel horrible spectacle pour cette enfant !…

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