Je suis ton père !

Normalement, lorsqu’un beau-père, sale comme un peigne, puant le bouc et massacrant tout ce qu’il touche, débarque par surprise et s’incruste dans la vie d’un jeune couple, les projets de mariage font long feu et l’histoire d’amour vacille. Normalement peut-être, mais dans cette comédie rien ni personne n’est normal, alors…

Jusqu’où peut-on aller par amour pour ses enfants ? Certainement plus loin qu’on peut l’imaginer, tout dépend tellement des circonstances et des aléas de la vie.
Vous avez aimé ? Ne manquez pas la lecture de Je suis ta mère !, un autre texte fameux de votre auteur qui continu de nous faire rire et de nous émouvoir autour de ce thème riche qu’offre la relation filiale.




Je suis ton père !

Je suis ton père !

Au lever du rideau, Antoine est assis sur le canapé et se prépare à prendre son petit déjeuner constitué d’un café et d’un croissant tout en tapotant sur son ordinateur.

Antoine. — Bon, cet article, c’est fait ; mais alors ce papier-là, y a encore un sacré boulot et, bien sûr, ça presse-purée, comme dirait le rédac chef. Mais avant, un petit café avec un petit croissant. Le dernier croissant, il est pour bibi… Zut, le sucre ! (Il sort à la cuisine.)

Océane, venant de la chambre en s’étirant. — Ouah ! J’ai dormi comme une marmotte. Quelle nuit !… Le p’tit déj est servi ! Merci, mon biquet ! (Elle s’assoit sur le canapé et se jette sur le croissant.) Mmm… il est délicieux, ce croissant !

Antoine, revenant avec le sucrier. — Profites-en, c’est le dernier.

Océane. — Oh ! pardon ! Tu le voulais ?

Antoine. — Non, non. C’est pour toi, mon amour.

Océane. — Tu as déjà déjeuné ?

Antoine. — Houla, oui ! Ça fait un moment. Tu penses… Un sucre ?

Océane. — Non, merci. Jamais de sucre… (Faisant la moue :) Ma ligne.

Antoine. — Moi je l’adore, ta ligne. Ou plutôt tes lignes. Tes lignes courbes, tes lignes régulières, tes lignes de flottaison… Tu es ma ligne de mire, ma ligne d’horizon…

Océane, tout en dévorant le croissant. — Ce que tu parles bien, toi, alors ! Ça se voit que tu es journaliste. (Antoine reprend son ordinateur sur les genoux.) T’es un amour. Je peux regarder mes mails ?

Antoine. — Ben c’est-à-di… Oui… Je finirai mon article plus tard…

Océane, en lui prenant l’ordinateur. — Je dois en avoir un paquet, je te dis pas !

Antoine. — Prends ton temps, je vais aller prendre ma douche pendant que tu…

Océane, courant à la porte de la salle d’eau. — Non, non, non ! Moi d’abord !

Antoine. — Mais… Océane…

Océane. — S’il te plaît. Biquet ! Mmm ! S’il te plaît. S’il te plaît. S’il te plaît. (Elle l’embrasse furtivement.) Merci. (Elle s’éclipse dans la salle d’eau.)

Antoine. — Ouais, bon ! Faut-il que je l’aime, celle-là !… Allez, mon petit Antoine, au boulot ! (Il reprend place sur le canapé. Il grignote quelques miettes de croissant et siffle un fond de café.) C’est vraiment un très très petit déjeuner… Bref ! Voyons cet article… (Il tape sur le clavier.) Gnagnagna…

Océane, off. — Biquet ! Où sont les serviettes propres ?

Antoine. — Dans le premier tiroir, mon ange ! (Il replonge sur son clavier.) Alors, gnagnagna…

Océane, off. — Biquet ! Je peux prendre ton shampoing ?

Antoine. — Bien sûr ! (Il replonge sur son clavier.) Bon, gnagnagna…

Océane, off. — Biquet ! J’arrive pas à régler l’eau !

Antoine. — J’arrive ! (Il se dirige vers la salle d’eau en se frottant les mains et en faisant un clin d’œil au public.)

Océane, off. — Ah ! si, si ! Ça y est ! Te dérange pas !

Antoine. — Ah ! (Au public :) Tant pis… Retournons au travail. (Il replonge sur son clavier.) Alors, gnagnagna…

Océane, off. — C’est pas vrai ! J’ai oublié mon peignoir dans la chambre.

Antoine, en soupirant. — O.K. ! J’y vais ! (Il se lève et Océane entre.)

Océane, entrant. — Non, laisse. Il faut aussi que je choisisse mes dessous… Mais tu peux venir m’aider, si tu veux.

Antoine. — Ah ! j’aimerais bien mais… (Moue suggestive d’Océane.) Il faut que… Parce que… J’arrive… (Clin d’œil au public.) Hé, hé ! (Il va entrer dans la chambre quand on sonne à la porte d’entrée.)

Baptistine, off. — C’est le courrier !

Antoine. — Et zut ! (Il va ouvrir.) Bonjour, Baptistine.

Baptistine. — Bonjour, mon petit Antoine. En forme, ce matin ?

Antoine. — Faut le dire vite.

Baptistine, très vite. — Bonjour, mon petit Antoine. En forme, ce matin ?

Antoine. — Toujours le mot pour rire, Baptistine.

Baptistine. — Un jour où on rigole pas, c’est un jour perdu, qu’il disait mon Ristou. Té, voici le courrier. Rien que des factures et de la pub, et peut-être une carte postale qui vient des Younaïlletides Stades Américains. C’est marqué sur l’enveloppe. Vazinton, USA.

Antoine. — Oui, bon, merci. (Jusqu’à l’entrée d’Océane, il essaiera de reconduire poliment Baptistine qui s’incruste.)

Baptistine. — Eh oui ! Les gens les mettent sous enveloppe en croyant que ça va aller plus vite.

Antoine. — Sans doute…

Baptistine. — Mais les gars de la poste ils font comme moi : ils secouent l’enveloppe et ils voient tout de suite que c’est plus raide que du papier.

Antoine. — Certainement.

Baptistine. — Donc que c’est une carte postale. Et ils la mettent où ?… Dans les cartes postales, pardi !

Antoine. — Évidemment.

Baptistine. — Avec celles qui arrivent dix jours après qu’on est rentré de vacances… Remarquez, moi, les vacances…

Antoine. — Vous avez bien raison. Allez, bonne journée !

Océane, entrant en peignoir. — Ah ! bonjour, Baptistine ! Un petit café ?

Antoine, bas, au public. — Et zut !

Baptistine. — Volontiers. (Elle va s’installer sur le canapé.) Vous, alors, vous êtes braves. C’est pas tout le monde qui me paierait le café tous les matins !

Océane. — Ce n’est rien, Baptistine. Vous nous montez bien le courrier tous les matins…

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