ACTE 1
SCENE 1
JO - GAETAN
Le rideau s’ouvre sur le salon. Des vêtements, des canettes de bière et de la vaisselle traînent ici ou là sur le canapé, sur les chaises et au sol. Bruit de clé dans la serrure. Jo (élégante, attaché-case.) rentre du boulot, s’immobilise et contemple ébahie son salon.
JO – Non mais je rêve ! C’est quoi ce bordel ? (Elle fonce vers l’autre porte et hurle.) Gaëtan ! Gaëtan ! (Elle revient toujours énervée et commence à mettre un peu d’ordre.) Ah le porc ! C’est pas possible… Pire que d’habitude ! (Tandis qu’elle s’affaire, Gaëtan apparaît à la porte d’entrée, débraillé et nonchalant).
GAETAN – Coucou, chérie !
JO – Ah ben te voilà ! Tu peux m’expliquer ?
GAETAN – T’expliquer quoi ?
JO – Mais tout ca ! C’est quoi ? Une tornade ?
GAETAN (un peu agacé) – Oh lala !
JO - Alqaïda ? Un attentat !... Une perquisition ?
GAETAN – Ah ! Là, Jo, tu approches.
JO – Quoi ? J’approche… La perquisition ?
GAETAN – Oui, mais pas ici…
JO – Gaëtan ! Accouche !
GAETAN (il la regarde gêné) – Mouloud !
JO – Quoi Mouloud, ne me dis pas qu’il est venu ici !
GAETAN – Ben… Si.
JO – Je comprends mieux (elle vient lui renifler l’haleine)… Et en plus, tu as bu !
GAETAN – Tout de suite : j’ai bu ! Je me juis zuste déjaltéré… Ze me juis zuste... Juste…
JO – Eh ben… T’alignes même plus deux mots !
GAETAN – Deux mots ! Faut toujours que tu éza que tu exég…que tu é-xa-gères !
JO – Tu vois !
GAETAN – Jo, tu sais que j’ai toujours eu du mal avec ce genre de mot comme “ ezag-gérer “. Et pourtant, je m’entraîne : “je veux gé xé zige“, non… “Je veux zé zé xi gue…“
JO – “Je veux et j’exige“, bon… Venons-en aux faits : Mouloud ! Il est venu faire quoi ?
GAETAN – Ben…
JO – J’attends !
GAETAN (se faisant attendrissant) – Tu sais Jo, Mouloud, il a de gros soucis.
JO – Non : pas possible ! Mouloud : des soucis ! Mais c’est pas un scoop : il est programmé pour les emmerdes comme le paratonnerre pour la foudre.
GAETAN – Oui mais là…
JO – Bref il a des emmerdes et il est venu te taper… Combien ?
GAETAN – Tu te trompes Jo !
JO – Il t’a pas tapé ? (Il fait non de la tête.)… 100 euros ?... 50 euros ? Même pas 10 euros ?
GAETAN – Rien.
JO – Alors là…
GAETAN – Mais… Mais… (Il ravale sa salive.)
JO – Oh lala ! J’aime pas ce “Mais“… Je sens venir l’aveu de la grosse connerie… Mais quoi ?
GAETAN – Ben… (Silence gêné) Il peut plus rentrer chez lui, son appartement a été perziqui… perquisitionné. Y-a autant de keufs dans son salon que de candidats présidents au salon de l’agriculture !
JO – Je vois ! Et ils sont sensés chercher quoi les flics dans son appartement ?
GAETAN – Bon, tu le connais… Y’avait des trucs… Des produits plus ou moins autorisés
JO – Plutôt moins à mon avis !
GAETAN – Des tas de trucs aussi, tu sais : du genre tombés des camions.
JO – Tombés des camions ! Ben tu m’étonnes ! Encore ce soir en rentrant, j’ai du slalomer sur le périph’ entre les palettes de congélateurs et les cartons de MP3. Bon, Mouloud… S’il est pas venu pour te taper, il voulait quoi ?
Gaëtan lève les yeux au ciel, la regarde, elle ne comprend pas. Il recommence une fois puis une autre, accompagnant son regard avec son bras et son index levés vers le plafond.
Oh non ! La chambre de bonne sous les toits ! Ne me dis-pas que tu planques Mouloud là-haut ?
GAETAN – Ben… Si, je te le dis.
JO – T’es con ou quoi ? Tu sais ce qu’on risque ?
GAETAN – Tu voulais quoi Jo ? Que je le laisse à la rue.
JO – Mais il a des potes en pagaille ! S’il préfère venir ici c’est uniquement parce qu’on est clean et qu’il se sait en sécurité.
Silence.
GAETAN – Bon alors… Maintenant, on fait quoi.
JO – Rien ! C’est trop tard pour reculer : t’as décidé tout seul, tu te démerdes tout seul. Mais, je te préviens, ton Mouloud… Je lui donne 48 heures pour trouver une autre planque, 48 heures ! Pas une de plus !
GAETAN –Je le savais… Jo, je t’adore. (Il s’avance vers elle pour l’embrasser.)
JO (s’échappant) – Ne me touche pas ! Je suis en colère et… Et je vais prendre une douche, ça me calmera. Et tu sais pas hein, … Et bien t’en profites pour me remettre ce salon comme il était avant le passage des hordes barbares !
Elle sort vers l’appartement et continue à parler en off.
Et tu te changes, parce que tu pues la bière et les ships, Dagobert-Gaëtan de Belfontaine !
GAETAN (à lui-même) – J’aime pas quand elle m’appelle “Dagobert- Gaëtan de Belfontaine“.
JO (off - qui l’entend parler au public) – C’est pourtant bien ce qu’il y a d’écrit sur ta carte nationale d’identité, mon chéri.
GAETAN (ignorant Jo, il continue à se parler à lui-même ou public tout en changeant de chemise) – A vrai dire, si j’avais choisi, je me serais appelé Michel Dupont, Gérard Martin, François Pignon ou François Hollande ou Fillon… Un truc con, qui passe inaperçu quoi…
JO (off) – Ouais, mais voilà, monsieur est né “Vicomte De Belfontaine “.
GAETAN (prenant le public à témoin) – C’est pas de bol hein ? Un père aristo, une mère héritière d’un magnat de l’industrie chimique… Vous auriez fait quoi à ma place ?
On entend légèrement le bruit de la douche. Jo hausse sa voix.
JO (off) – Tu veux j’ te dise, vicomte ? Et ben à ta place ils auraient assumé, tous, sans exception ! Ils auraient tout accepté : la particule, le château, les usines, les Ferrari et le pognon. Les gens, c’est comme ça, Dagobert !
GAETAN (enlevant son pantalon pour en enfiler un autre trouvé dans le salon) – Arrête avec ce prénom !
JO – Moi j’aime bien… Dagobert. C’est beau. Beau et rare.
GAETAN – Je vous dis pas comment j’en ai chié dès l’école primaire avec ce prénom ridicule ! Vous imaginez ?
JO (qui justement se met à chanter) – C’est le roi Dagobert qu’a mis sa culotte à l’envers…
GAETAN – Qu’est-ce que je vous disais !
Il s’aperçoit justement qu’il est train d’enfiler son pantalon à l’envers, tandis que Jo continue à chanter sous la douche.
Non mais là, aujourd’hui, ça va trop loin. Ça tourne au harcèlement moral… (Regardant ses jambes nues). Voire harcèlement sexuel !
Il réajuste son pantalon, s’énerve se prend les pieds dans la ceinture.
La porte d’entrée s’ouvre, Mouloud entre, il dissimule ses mains sous un imperméable.
SCENE 2
MOULOUD – GAETAN - JO
MOULOUD – Qu’est-ce tu fous à moitié à poil… (Il entend Jo chanter)… Ah ! Elle est rentrée la princesse ?
GAETAN (finissant de se rhabiller) – Ouais et un peu nerveuse… Je l’ai affranchie pour toi…
MOULOUD – Tu lui as tout dit ?
GAETAN – Ben non juste que t’étais hébergé là haut suite à une perquis chez toi.
MOULOUD – Et alors ?
GAETAN – Ben t’as 48h de répit, après faut que tu dégages ailleurs.
MOULOUD – C’est bon. D’ici 48h le dispositif policier sera relâché. Je pourrai sortir… (Prêtant l’oreille au bruit de l’eau.) Qu’est-ce qu’elle fait là ? Elle prend une douche ? (Il va passer la tête par la porte de l’appartement.) Hé… Mais elle est toujours aussi bien roulée la princesse hein !
GAETAN (Il attrape Mouloud par le bras et le ramène vers le centre de la pièce) – Jo, je t’ai déjà dit de fermer la porte de la douche.
(à Mouloud) Comment ça : “elle est toujours aussi bien roulée“ ? Tu l’as déjà vue à poil ?
MOULOUD – Ben… Oui… Peut-être… Sans doute.
GAETAN – Où et quand ?
MOULOUD – Je sais plus bien… Attends… Une porte ouverte comme aujourd’hui ? A la piscine en maillot ?... Ou plutôt dans les vestiaires quand on était tous les trois au club d’athlétisme… Tu te rappelles… Tiens : le dernier meeting à Charlety ?
GAETAN – Evidemment !... ça fait… 15, 16 ans… Non plus de 20 ans déjà (adapter à l’âge des comédiens)
MOULOUD – Bon, c’est pas tout faut que tu trouves une solution pour ça ! (Il tend vers l’avant ses...