Kilt ou double

Genres :
Distribution :
Durée :

Tout commençait si bien pour William, le majordome stylé du château de Lady Gladys Mackintosh. Cette dernière part en voyage à Venise pour quinze jours avec l’un de ses amants et le domestique comptait bien en profiter en faisant venir au château sa petite amie infirmière, la sulfureuse Jane pendant l’absence de sa patronne. Mais l’arrivée de Richard, le neveu français de Gladys, qui fait croire à son amie, la très hautaine Delphine, qu’il est propriétaire du château, va contrarier ses plans. La situation se complique lorsqu’un architecte très B.C.B.G. et sa compagne croyant aux âmes réincarnées viennent pour louer une chambre d’hôtes alors qu’ils n’étaient pas franchement attendus. Seulement, Gladys ne prend pas l’avion et rentre prématurément chez elle. William sera obligé de lui mentir et de la faire passer pour la bonne pour sauver Richard et lorsque Jane qui est une des anciennes maîtresses de Richard arrive, elle va révolutionner cette paisible demeure écossaise menacée de destruction. Des gags et des rebondissements franco-britanniques, des quiproquos et des personnages hauts en couleurs et surtout une fin inattendue sont les secrets de cette pièce aussi irrésistible pour le public que pour les comédiens eux-mêmes. A monter sans modération !

 

ACTE I

 

Le rideau s’ouvre sur un décor raffiné britannique. Petit salon d’un château en Ecosse : murs et colonnes en pierre, meubles de style, tapisserie rouge et tentures ocres.

Au premier plan jardin, chambre de Lady Gladys Mackintosh.

Au deuxième plan jardin, pan coupé qui mène à la salle à manger, aux cuisines.

Entre les deux, un meuble sur lequel se trouve le téléphone. Au-dessus de ce meuble, un tableau.

Au premier plan cour, chambre dite « rose ».

Au deuxième plan cour, chambre dite « bleue ».

Entre les deux, un meuble sur lequel est posé un plateau avec des verres et une petite lampe.

Au fond, en pan coupé, un couloir qui dessert le hall d’accueil et les chambres à l’étage. A droite de l’ouverture, une grande bibliothèque remplie de livres reliés. A gauche, une fenêtre à petits carreaux. Sous cette fenêtre, un grand coffre où se trouvent les bouteilles d’apéritifs. A côté, un meuble avec le téléphone.

Au centre de la pièce, deux fauteuils de style, un guéridon.

Un samedi après-midi du mois de juillet, il pleut. Tout est calme. Soudain un coup de tonnerre éclate accompagné d’éclairs. On entend la pluie. La scène est alors plongée dans l’obscurité. Un temps. Puis Gladys sort de sa chambre avec un chandelier allumé dans une main et un pull-over dans l’autre.

Gladys (en maugréant) - Encore un de ces maudits orages ! (Théâtrale.) Orage !… oh ! Ecosse ennemie ! Que n’ai-je donc vécu pour avoir tant de pluie ! (S’arrêtant net.) Qu’est-ce qui m’arrive, moi ? Ce doit être les plombs qui ont sauté ! Par Saint André ! Juste au moment où je m’apprêtais à partir ! (Appelant.) William !… William !

William (apparaissant du fond également, un chandelier à la main et très flegmatique) - Oui, Madame !… vous m’avez fait appeler ? Qu’y a-t-il ?

Gladys - Qu’y a-t-il ? Qu’y a-t-il ? Vous ne voyez pas ?

William - Non, justement je ne vois pas !

Gladys - Forcément, il n’y a plus de lumière !

William (s’approchant à tâtons et se retrouvant près d’un tableau) - Oh ! Ça doit venir du tableau !

Gladys - Si vous croyez que c’est le moment de s’intéresser à la peinture !

William - Je parlais du tableau… électrique, Madame ! Il faudra quand même penser à changer l’installation un jour ou l’autre !

Gladys - Encore des dépenses ?… Voyez donc ce que vous pouvez faire en attendant !

William - Bien, Madame !

Gladys (observant son pull-over) - Il est vraiment parfait !

William (le prenant pour lui) - Merci, Madame, je sais !

Gladys - Je parlais du pull-over !… Ne trouvez-vous pas qu’il est du tonnerre ?

(A ce moment, un coup de tonnerre retentit.)

William (qui n’a pas bougé) - Du tonnerre est le mot qui convient, en effet !… Au fait, j’ai réparé la visière du casque de l’armure, Madame ! Maintenant, elle s’ouvre bien !… J’ai également trouvé ce que nous prenions pour un fantôme au-dessus de votre chambre : c’était un rat !

Gladys - Un rat ? Quelle horreur !… il faudra également que je songe à faire réparer le toit !… Bon ! Dépêchez-vous ! Vous savez que je suis pressée !

William (calme) - Oui, Madame ! (Encore plus lentement.) J’y cours ! (Il sort hall d’accueil en s’éclairant de son chandelier.)

Gladys - Ah ! Je me demande ce que je ferais sans lui !… Il est intelligent, toujours courtois, jamais un mot plus haut que l’autre… (On entend William jurer dans le hall.) Enfin presque !… Il est vrai qu’il y a fort à faire ici ! Ce château est comme moi : il a besoin d’un bon coup de fraîcheur !… Heureusement, nous louons des chambres à peu près toute l’année ! Ça nous paie les factures !

(Elle sort dans sa chambre. Un temps pendant lequel on entend la pluie tomber et l’orage gronder. La lumière revient.)

William (revenant et à l’attention de Gladys) - Ça y est, Madame ! C’était simplement un plomb qui avait sauté !

Gladys (toujours son chandelier à la main) - Oui ! Merci, William !… Mais où l’ai-je mis encore !… Et le taxi qui arrive dans une minute ! Je sens que moi aussi je vais péter les plombs !

William - A ce propos, je signale à Madame qu’elle est encore allumée !

Gladys - Eh ! bien, William ! Un peu de respect, je vous prie !

William - Oh ! Madame ! Vous n’y êtes pas du tout !… il s’agit des bougies !

Gladys (réalisant) - Ah ! Oui ! Excusez-moi !… je suis tellement nerveuse à cause de ce voyage en Italie ! Ce n’est pas tous les jours que l’on part en voyage de noces avec son fiancé ! (Elle donne le chandelier à William.) Tenez ! Vous avez raison, il faut faire des économies ! (Elle retourne dans sa chambre.)

William - Oh ! Des économies de bouts de chandelles, Madame ! (Il souffle sur les bougies et pose le chandelier sur le petit meuble.)

Gladys (revenant et portant un déshabillé vaporeux) - William ! J’ai une question indiscrète à vous poser ! Et ce n’est pas au domestique mais à l’Homme que je m’adresse !… Que pensez-vous de ce déshabillé ?… (William écarquille les yeux.) Trouvez-vous qu’il soit encore convenable pour une femme de mon âge qui va bientôt se fiancer ? (Elle entame un pas de danse romantique.)

William - Oh !… au point où en est Madame !

Gladys (s’arrêtant net de danser) - Pourquoi dites-vous ça ?

William - Mais parce que Madame s’en va en voyage à Venise avec un homme de trente ans son cadet ! Un homme qu’elle ne connaît que depuis trois mois et qui parle déjà de mariage !… Alors que Madame porte ce déshabillé ou non !

Gladys (piquée) - Et alors ? Il est tombé amoureux de moi ! Qu’est-ce qu’il y a d’étonnant à ça ? Il n’y a pas d’âge pour aimer ni pour être aimé ! On a tort de croire que l’Amour est l’apanage de la jeunesse !… Oui, je pars avec un jeune ! Les hommes de mon âge m’ennuient ! Et comme disait ma mère : la femme est un univers mais l’homme est « un continent » ! Surtout à partir d’un certain âge !… Alors oui ! Je pars à Venise avec un jeune ! D’ailleurs, moi j’aime les jeunes ! Ils m’aident à oublier que je vieillis !… Voyez-vous, William, les femmes sont comme les falaises : plus elles sont anciennes, et plus elles sont majestueuses !

William (pour lui) - Oui et plus elles deviennent friables !

Gladys - Ah ! Quel dommage que mon regretté Edward ne soit plus là ! Ça, c’était un homme, comme il n’y en a plus !

William - Merci pour moi, Madame !

Gladys - Oh ! Vous, William, ce n’est pas pareil, vous êtes un domestique ! (Dans ses souvenirs.) Avec Edward, j’ai eu tout de suite le coup de foudre !

(Coup de tonnerre à l’extérieur.)

William - Pourvu que les plombs tiennent le coup !

Gladys - Et quel amant !… j’en oubliais parfois qu’il était mon mari !… C’était de plus un antiquaire hors pair !… Et il m’a toujours aimée à ma juste valeur !

William - Ah ! Ça ! Monsieur s’y connaissait en vieux tableaux !… (Réaction de Gladys.) Enfin je voulais dire en vieilles choses !… enfin en objets de valeur, quoi !… (Changeant de sujet.) En parlant de Monsieur, j’ai encore trouvé un billet de dix pounds ce matin en nettoyant l’escopette de la grande salle des gardes !

Gladys - Dans l’escopette ? Quelle idée de cacher de l’argent dans un fusil !

William (montrant le billet) - C’est peut-être pour montrer que l’argent part en fumée !

Gladys - Peut-être ! Il est vrai que mon Edward était spirituel ! En revanche, cette manie qu’il avait de cacher de l’argent partout ! Il aurait mieux fait de me le donner !… (Elle lui arrache le billet de la main.) Enfin ! Continuez, William, plus vous en trouverez, mieux ce sera ! (Moue de William.)

William (fausse sortie) - Ah ! Est-ce que Madame sait quand elle compte revenir ?

Gladys - Oh ! Quand on aime, William, on ne compte pas revenir !… En revanche, je crois me souvenir que Bobby a réservé pour une quinzaine de jours ! En attendant mon retour, je vous laisse carte blanche pour la gestion du château !

William - Je ferai comme d’habitude, Madame !

Gladys - C’est vrai que vous vous occupez si bien de tout ! Vous êtes plus que mon majordome, vous êtes une perle ! C’est comme si vous étiez un peu mon fils !

William - Oh ! Maman ! (Se reprenant.) Je veux dire, Madame !… Ah ! J’y pense ! Comment fait-on avec le remplaçant du marmiton qui est tombé malade la semaine dernière ?

Gladys - Le marmiton est encore malade ? Mais qu’est-ce qu’il a ?

William - Une dépression nerveuse… à cause du chef-cuisinier ! Forcément, il n’arrête pas de hurler alors il fait peur à tout le monde !

Gladys - Eh ! bien, il faut le remplacer !

William - Le cuisinier ?

Gladys - Non ! Le marmiton !… je ne tiens pas à me séparer de mon chef cuisinier, c’est le moins cher de toute la région !

William - Je ne sais pas si j’ai bien fait mais j’ai laissé une petite annonce chez les commerçants !… mais c’était gratuit !

Gladys - Je sais, j’ai eu la même idée pour les locations !

William - Et si quelqu’un se présente ?

Gladys - Recevez-le et embauchez-le si vous pensez qu’il résistera au chef ! Je n’ai pas le temps de l’attendre !… Mais méfiez-vous si c’est un Anglais ! Ils sont tellement avares qu’ils tirent toujours sur les prix ! Alors embauchez… mais à pas cher !… Bon ! Sur ce, je me sauve ! Pouvez-vous porter ma petite valise dans la cour ! Je n’ai pourtant emporté que quelques affaires mais ça pèse tout de suite son poids !

William - Bien, Madame ! (Il entre dans la chambre de Gladys.)

Gladys (regardant par la fenêtre) - Oh ! Quel déluge !… Ah ! Voilà mon taxi ! Vite, William, voilà le taxi qui arrive !

William (revenant avec une énorme valise qu’il a du mal à traîner) - Mais bon sang ! Qu’avez-vous mis là-dedans ?

Gladys - Rien que des affaires légères !… Vite, William, le compteur tourne !

William (aux prises avec sa valise) - Vite ! Facile à dire !… J’espère que le Bobby est costaud ! (Regardant Gladys qui a toujours son déshabillé.) Oh ! My God ! Madame ! Vous n’allez pas sortir comme ça !

Gladys - Sortir comment ?

William - Comme ça !

Gladys - Non bien sûr, je vais mettre mon imperméable ! (Elle réalise.) Oh ! Suis-je étourdie ! (Elle enlève son déshabillé.) Après tout, je n’en ai pas besoin, je resterai en chemise de nuit !… Dommage ! Ça aurait été plus excitant !

(Elle lui donne le déshabillé et sort dans sa chambre.)

William (détaillant l’objet et pour lui) - Plus excitant ça ?… si on veut !

(Il le pose sur un fauteuil.)

Gladys (revenant en enfilant son imperméable) - Au revoir et à très bientôt, mon petit William ! (William soupire.) Et ne faites pas cette tête-là, c’est moi qui vais sur le pont des soupirs, pas vous ! (Façon italienne.) Ciao, William ! A moi Venise, ville mythique des amoureux ! A moi les regards langoureux devant le Palais des Doges et les baisers fougueux sur la place Saint-Marc parmi les pigeons !… Arrivederci ! (Et elle sort.)

William (la suivant péniblement) - Les pigeons ! Les pigeons ! Pour l’instant, j’ai bien l’impression que c’est moi le pigeon !

Gladys (voix off) - Alors William, cette valise, ça vient ?

William - Oui, voilà, ça vient ! Ça vient !

(Il sort en ronchonnant. On entend à nouveau la pluie. Un temps. Le téléphone sonne plusieurs fois. Revenant en ôtant quelques gouttes de pluie de son gilet.)

Oui ! Voilà, ça vient ! Ça vient !… Ah ! My God ! Quel vent ! (Il décroche.) Allô !… ah ! Non ! Désolé Monsieur, Madame ne vend pas ! Et elle ne vendra sous aucun prétexte !… C’est ça Monsieur, au revoir ! (Il raccroche.) Maudits requins, toujours à l’affût !… Et maintenant, après l’effort, le réconfort ! (Il se sert un verre.) Comme dit la célèbre formule écossaise : l’alcool, non !… mais le whisky, oui ! (Il s’approche de la fenêtre et regarde à l’extérieur.) Quel vent, mes ancêtres ! Quel vent !… (Le téléphone sonne à nouveau. Il décroche.) Allô ! Miss Jane ? Quel bon vent ?… Comment ? Votre Maman est malade et vous êtes obligée de venir la soigner ? Mais c’est formidable, ça !… Non, pas qu’elle soit malade bien qu’elle soit d’un âge où les médicaments commencent à coûter plus cher que sa garde-robe ! Non, je disais : « C’est fantastique ! » parce que Madame est partie en voyage pour quinze jours et comme Madame votre mère est l’une de nos voisines, on pourrait peut être se voir ici au château !… Oui ! Ce serait mieux qu’à l’hôtel, c’est sûr !… Alors préparez vos bagages et moi je prépare la chambre !… la mienne, bien entendu !… C’est ça, je vous attends de pieds fermes !… Oui, et le reste aussi, Miss Jane ! (Il raccroche en souriant, finit son verre et va s’en resservir un autre. Il s’assoit sur un fauteuil et sirote son élixir.) C’est quand même beau la vie de château !… Me voilà enfin seul ! (On sonne à la porte d’entrée.) Enfin presque !

(Il sort et revient accompagné de Richard, la trentaine, vêtu d’un imperméable. Il a l’air très angoissé et porte une petite valise.)

Richard (à William qui le regarde avec des yeux ronds) - Hello ! Edgar !

William (rectifiant et toujours son verre à la main) - William, Sir !

Richard - Ah ! Yes, William ! (Pour lui.) Comment vais-je lui dire tout ça ? Mon anglais est si loin ! (Il prend le verre des mains de William qui ne réagit pas et le boit d’un trait.) Voilà ! Aille ame vairi glade tou si you eugaine beute aille ouante tout sai you zate aille ame… Comment dit-on « désolé » déjà ?

William - Sorry ! Tout simplement !

Richard - Ah ! Merci !… (Prêt à continuer sa phrase, il réalise soudain.) Comment ça : « tout simplement ! », mais alors you speak français ?

William - Voyons, Monsieur, vous avez oublié que j’ai fait toutes mes étu­des en France !… Quant à vous, vous êtes Richard Leblanc, le neveu de Madame, n’est-ce pas ?

Richard - Ah ! Vous m’avez reconnu ? Il y a si longtemps ! Cinq ans déjà que je ne suis pas revenu au château !… mais cette fois-ci, je suis très embarrassé et…

William (lui proposant de lui prendre sa valise et le verre) - Puis-je vous débarrasser, Monsieur ? (Il prend la valise et le verre.)

Richard - Oh ! Edgar, c’est affreux !… (William en entendant le mauvais prénom lève les yeux au ciel, pose le verre sur le plateau et pose la valise devant la porte de la chambre bleue.) Voilà ! J’ai un...

Il vous reste 90% de ce texte à découvrir.


Achetez un pass à partir de 5€ pour accédez à tous nos textes en ligne, en intégralité.




Acheter le livre


Retour en haut
Retour haut de page