La Chambre mandarine

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« Par ici, Monsieur… Je vous donne la chambre 28, dite “la chambre mandarine” parce que… vous voyez, on l’a décorée avec des mandarines… Oui, chacune de nos chambres est arrangée originalement… Des fleurs, ou des fruits, ou des papillons… Ça fait chic et parisien ! »

Ça, l’hôtel Saint-Joseph est bien chic ! Chaque chambre à un décor unique, et la « mandarine » est de loin la plus exotique !
Elle en a vu passer des clients, attachants, mystérieux, excentriques !
Accompagnés de Loulou et d’Adrien, les deux piliers de l’hôtel, on assiste à leurs histoires loufoques et atypiques. Amour interdit, fraude fiscale, espionnage, romance tragique… Tout une farandole de situations cocasses et drolatiques !

Un classique du théâtre de boulevard, par Robert Thomas, l’auteur de “Huit femmes” et “Piège pour un homme seul”.

1

L’Agneau et la Tigresse

ROGER, timide et pleurnichard

DENISE, belle et volcanique

Bruit de clef dans la serrure. La porte s’ouvre et Adrien entre. C’est un aimable monsieur de 40-45 ans, le visage un peu enfantin, œil bleu, moustache de phoque. Il porte le gilet rayé. Adrien parle vers le couloir puis entre dans la chambre.

ADRIEN Par ici, Monsieur… Je vous donne la chambre 28, dite « la chambre mandarine » parce que… vous voyez, on l’a décorée avec des mandarines… Ça fait même un peu chinois aussi… rapport aux mandarins ! Oui, chacune de nos chambres est arrangée originalement… Des fleurs, ou des fruits, ou des papillons… Ça fait chic et parisien ! Surtout que, dans le quartier où nous sommes, les Batignolles, c’est le vrai Paris de Paris ! Et comme je vois que Monsieur a une tête de vrai Parisien… (Soudain, il réalise qu’il parle seul. Alors il revient vers le couloir.) Mais… entrez donc, Monsieur… c’est par ici ! (Apparaît Roger. Gentil garçon de 40 ans, timide et un peu livide. Col roulé et imperméable. Roger semble exténué ; visage abattu, œil cerné, cheveux tristes. Une tête de catastrophe ! Roger s’assoit sur le bord du lit et ne bouge plus, comme absent, une minuscule sacoche sur les genoux.) Vous n’avez pas de bagages, Monsieur ?

ROGER … Béé…

ADRIEN Tant mieux ! Parce que grimper les escaliers avec des valises à bout de bras, merci ! Je suis garçon d’étage, pas bagagiste ! Garçon d’étage ici depuis dix ans ! Ce n’est pas rien ! Mais, à voir comment le monde tourne à l’envers maintenant, il faut tout que je fasse ! Trouver du personnel, de nos jours, c’est un exploit ! N’est-ce pas ?

ROGER … Bééé…

ADRIEN Il me faudrait une jeune fille qui soit un peu aimable, aille chercher un journal, fasse un café par ici, un petit déjeuner par là… eh bien ppppt ! Introuvable ! L’arlésienne ! J’ai pas raison ?

ROGER … Bééé…

ADRIEN M. Postic – mon directeur – a mis une petite annonce, on verra bien ! Vous l’avez vu, mon directeur, M. Postic ? Le type qui m’a engueulé en bas !

ROGER Oui.

ADRIEN Comment vous le trouvez ?

ROGER (Grimace dégoûtée.) … Béé !

ADRIEN Je ne vous le fais pas dire ! Une punaise avare ! Un rat méprisant ! Un négrier sordide ! Et je supporte cette méduse depuis dix ans ! Il y a de quoi faire la grève ! Mais je suis trop bon ! N’est-ce pas ? Oui ?

ROGER … Béé…

ADRIEN Je ne vous ennuie pas avec mes histoires ? Non ?

ROGER … Béé…

ADRIEN J’aime bavarder ! C’est pas méchant, non ?

ROGER Béé…

ADRIEN … C’est pour une nuit ou c’est pour plusieurs ?… (Silence.) Plusieurs ? Oui, non ?

ROGER … Je ne sais pas…

ADRIEN Si vous avez besoin de quelque chose, vous décrochez le téléphone et vous le dites… Voulez-vous boire quelque chose ?

ROGER Béé…

ADRIEN Si vous voulez ouvrir la fenêtre, ça donne sur le square des Batignolles, et même en vous penchant vous voyez la gare Saint-Lazare… Vous voulez voir la gare Saint-Lazare, Monsieur ?

ROGER Béé…

ADRIEN Là vous avez une penderie… Là vous avez la salle de bains… Est-ce que ça vous ferait plaisir que je vous fasse couler un bain, Monsieur ?

ROGER Non…

ADRIEN Mais Monsieur, pourquoi… faites-vous cette tête ?

ROGER (Gémit.) Ooooooh ! Béééé…

ADRIEN Qu’est-ce que vous avez, Monsieur ?

Roger semble alors émerger de son apathie et il dit très simplement, dans un pauvre sourire.

ROGER Ma femme me trompe !

ADRIEN Ah ? Oh ! C’est rien, ça !

ROGER Elle est partie avec un collègue à moi… Il y a quatre jours… Alors je me traîne de café en hôtel…

ADRIEN À qui avez-vous donc téléphoné, en arrivant à la caisse ? En bas ?

ROGER À une vieille cousine. Mais elle ne vendra pas la mèche ! C’est une sainte femme… Ici, je me sens tranquille… pour prendre une décision !

ADRIEN (Inquiet.) Une décision ? J’espère, Monsieur, que vous allez pas me faire une bêtise dans ma chambre mandarine, hein ?

ROGER Oh non !

ADRIEN Jurez-le-moi.

ROGER Je le jure.

ADRIEN Jurez-le sur la tête de votre vieille cousine.

ROGER Je le jure.

ADRIEN Évidemment ! Être trompé, ce n’est pas rigolo ! C’est la première fois ?

ROGER Oui… Enfin, à ma connaissance…

ADRIEN Eh ben, si ça peut vous consoler, vous n’êtes pas le seul ! Il y en a de plus en plus, des maris trompés ! Et je ne parle que de ceux qui le savent… Parce qu’alors… Mais vous, comment l’avez-vous su ?

ROGER Hélène m’a laissé un mot. Sur mon oreiller.

ADRIEN Sur votre oreiller ? C’est plutôt gentil ! Et ça lui a pris d’un seul coup, à votre femme, de s’en aller avec votre collègue ? Vous n’avez rien vu arriver ?

ROGER Oh, je ne suis guère malin, bien sûr ! Je suis sous-directeur à la banque d’Aquitaine !

ADRIEN C’est ma banque !

ROGER Bien noté par mes supérieurs… Faut dire que j’ai l’humeur tellement pacifique !… À la banque on m’appelle « l’Agneau »… C’est tout dire, bééé ? Il y a six ans, à un dîner, je rencontre Hélène… on se plaît… on se marie… elle organise notre petite vie… elle, son surnom c’est « la Fourmi » ! Le bonheur, quoi !… Et puis on se met à fréquenter mon directeur et sa femme. Lui, Olivier… un beau garçon, très amusant mais toujours à faire l’avantageux… toujours à faire la roue ! On l’appelle : « le Paon »… Vous voyez ? La femme du Paon, très jolie, mais un caractère ! Une femme de tête ! On n’a pas eu du mal à lui trouver un surnom : « la Tigresse »… Donc nous voilà tous les quatre, à sortir ensemble le dimanche… Vous me suivez, Monsieur ?

ADRIEN Sûr ! « L’Agneau, la Fourmi, le Paon et la Tigresse » ! Ça commence comme une fable de La Fontaine !

ROGER Une fable sans moralité, Monsieur ! Le Paon est parti avec la Fourmi ! Et moi, pauvre agneau, me voilà… tout seul !

ADRIEN Mon pauvre agneau… Eh… Monsieur ! Et la Tigresse, comment a-t-elle réagi ?

ROGER Bééé ! Pas contente !… Elle a tout cassé chez elle ! Elle a piétiné son congélateur, massacré son chauffe-bain et réduit en cendres sa cuisinière à gaz…

ADRIEN Et vous, qu’avez-vous fait ?

ROGER Moi ? Oh ! rien ! (Il a un gros soupir.) Moi, tout ce que je veux, c’est dormir… dormir ! Et que personne ne me dérange.

ADRIEN Je comprends votre situation, cher Monsieur. Le désir d’un client, c’est sacré ! Je vous promets le calme le plus absolu.

ROGER Oh, merci, Monsieur. (À ce moment-là on entend un branle-bas terrible dans le couloir… des cris, et surtout une voix de femme qui hurle : « Roger ! Roger ! Où est-il, ce misérable ?… Laissez-moi monter, etc. » En entendant cela, Roger, terrifié, annonce.) Ça y est ! La voilà ! C’est elle, la Tigresse ! Mais comment a-t-elle pu savoir où j’étais ?… Ah, c’est ma vieille cousine qui a vendu la mèche ! Ah, la sale bête ! J’en étais sûr ! J’en étais sûr !

Adrien s’était avancé dans le couloir pour essayer d’endiguer la catastrophe, mais il bat en retraite devant Denise qui fait une entrée fracassante.

C’est une belle femme de 35 ans, bien en chair, l’œil rond, la pommette haute, le cheveu blond, l’allure martiale. Elle fonce sur Roger.

DENISE Roger !

ROGER Denise…

DENISE Enfin, je vous trouve !

ROGER Quelle surprise !

DENISE Non, quelle déception ! Ah ! Vous n’êtes pas beau à voir ! Une vraie loque ! Roger ! Il nous faut réagir ! Votre femme est partie avec mon mari ? Parfait ! Les hostilités sont ouvertes ! On va se battre ! À mort !

ROGER Oh non ! Non ! Non !…

DENISE Oh si ! Si ! Si !

ROGER C’est fini…

DENISE Non, ce n’est pas fini ! « Nous avons perdu une bataille, mais nous n’avons pas perdu la guerre ! » Comme disait le maréchal Pétain !

ADRIEN (Choqué.) Oh ! C’est pas Pétain qui a dit ça, c’est de Gaulle !

DENISE Quoi ? Qu’est-ce que c’est que ce type qui discute politique ?

ADRIEN Je suis le valet d’étage.

DENISE Et alors ? On ne va pas se battre pour un militaire ! Dehors ! Quittez cette chambre ! (Horrifié, Adrien sort vite.) Je dois avoir avec vous, Roger, une conversation…

Elle casse une chaise.

ROGER À bâtons rompus !

DENISE Quoi ? Roger !

ROGER Oh, pas de cris… pas de scandale… ça sert à rien…

DENISE Si ! Ça soulage ! Que vous gémissiez, ça vous regarde ! Moi, je refuse la situation !

ROGER Oh ! ben quoi… Nous sommes cocus !

DENISE Vous peut-être, pas moi ! Apprenez qu’un homme est cocu… une femme n’est que trompée !

ROGER Nuance !

DENISE Il va y avoir du sang !

ROGER Ooooh…

DENISE Secouez-vous ! (Elle le secoue et il tombe lamentablement par terre.) Ah, heureusement que nous sommes là, les femmes ! D’ailleurs, d’après les dernières statistiques, nous sommes en majorité sur la terre ! Le sexe fort, désormais, c’est nous, les femmes ! Tous les jours on en a la preuve ! D’ailleurs, regardez-vous, regardez-moi… et concluez !

ROGER Oh… laissons faire les choses…

DENISE Non ! On va monter contre ces deux traîtres une machination diabolique ! Féminine ! Je vais aller trouver le directeur de sa banque. Je me jetterai à ses pieds et je lui dirai : « Pitié pour mon mari ! Pitié ! Oui je sais qu’il a volé dans les coffres ! Qu’il a des opinions anarchistes, et essaye de violer les clientes ! Mais ce n’est pas sa faute ! C’est un grand malade ! » (Elle glousse de joie.) Je ne lui en donne pas pour huit jours !

ROGER Oh non… C’est pas bien…

DENISE Pas bien ? Vous en avez des délicatesses ! Il y a des circonstances dans la vie où il faut avoir la franchise de mentir ! Et ce n’est qu’un début ! Dès que je les retrouve tous les deux, je les égorge !

ROGER Quelle horreur…

DENISE La vengeance, c’est bon !

ROGER C’est mesquin…

DENISE C’est humain ! Hahaha, j’ai une autre idée bien plus excitante ! Nous allons tromper Hélène et Olivier… Et les tromper ensemble, vous et moi !

Elle veut s’allonger sur le lit avec lui.

ROGER Oh non !…

DENISE Comment non ? Pourquoi non ?

ROGER Ben… j’ai pas le cœur…

DENISE L’opération ne se situe pas à ce niveau-là ! C’est un règlement de comptes ! Œil pour œil… Vous voyez ce que je veux dire ! Roger, vous allez être mon amant… Tout de suite !

Elle veut ouvrir les draps du lit. Il panique.

ROGER Ça n’avance à rien, ils ne le sauront pas !

DENISE Ils le sauront ! On fera des photos !

ROGER Ça me gêne de vous refuser, franchement vous êtes une jolie femme… mais je me sens si fatigué…

DENISE (Méprisante.) Ah ! Je vois ! Monsieur est un tocard : le jour du Grand Prix, il refuse de sauter la rivière des Tribunes ! Mais qu’est-ce qu’elle a donc pu vous trouver, Hélène, pour vous épouser ?

ROGER Je suis un doux, ça a dû lui plaire. Le sexe « faible »… c’est moi !

DENISE Sans doute ! Les complémentaires ! Tout le drame des couples est là ! C’est pour ça que moi, qui suis si discrète, je suis tombée folle de mon mari qui est un m’as-tu-vu ! C’est la vie ! On court après son complémentaire !

ROGER Eh oui… les complémentaires…

DENISE (Hurle soudain.) Eh bien, je ne veux plus être une complémentaire !

ROGER Ne criez pas…

DENISE (D’une bonne foi totale.) Mais je ne crie pas ! Je suis victime de mon dynamisme ! De ma bonne santé ! Et surtout de mon intelligence, c’est là mon point faible ! Car, le vrai homme, il court uniquement après les minettes, après les petites dindes ! Et savez-vous pourquoi ? Parce qu’il veut protéger ! Parce qu’il veut qu’on l’admire ! Il veut qu’on lui dise : « vous êtes fort… fort… fort ! » Voilà !

ROGER Effectivement, vous, on n’a pas tellement l’impression que vous avez besoin d’être protégée…

DENISE (Hurle.) Qu’en savez-vous ? Ah, elle est comblée, la femme, de nos jours ! Au moins, au Moyen Âge, la femme savait qu’elle n’était rien ! Elle se taisait ! Maintenant on lui explique qu’elle est tout mais elle doit encore se taire ! Je vote, donc je suis, donc je pense, donc je dis la vérité à mon mari, donc il part avec une idiote !

ROGER (Logique et naïf.) Est-ce que c’est ça qu’on appelle l’émancipation de la femme ?

DENISE Et les drames vont se précipiter, mon cher, car maintenant qu’on envoie les filles à l’école jusqu’à dix-sept ans, le nombre de dindes à épouser va se rétrécir de jour en jour ! Alors vous pensez, dans quelques années, ces messieurs vont s’arracher les dernières bécasses !… Et nous autres, les femmes sensées : nous n’aurons plus d’hommes !

ROGER Vous vous échauffez !

DENISE Oui, je m’échauffe ! Parce que, être lucide et être laissée pour compte, c’est trop injuste ! Non ?

ROGER Oh, moi…

DENISE Oh, oui ! vous ! Descente de lit, va ! Sexe « faible » ! (Elle fulmine.) Moi je ne vais plus parler sentiment mais réalisme : je vais coller des avocats aux trousses de mon mari. Je vais le ruiner ! Bientôt il n’aura plus de quoi s’acheter un morceau de pain sec et moi je mangerai du caviar à tous les repas.

ROGER J’aime pas ça, le caviar !

DENISE Moi non plus. Mais je me forcerai !

ROGER Oh ! Quel courage ! Je vous admire !

DENISE (Dans un rire diabolique.) Ah ! Ça y est ! J’ai une autre idée ! Nous allons organiser un crime parfait contre eux ! Un poison glissé dans leurs aliments, pour qu’ils se tordent de douleur pendant vingt-quatre heures !

ROGER Mais vous ne savez pas où ils sont !

DENISE C’est vrai ! Eh bien, nous allons faire mieux ! Nous allons nous tuer ! Oui, tous les deux ! Pour les mettre dans leur tort et pour que, le restant de leurs jours… ils crèvent lentement de remords ! Comme l’œil de Caïn dans la tombe de Victor Hugo. Je vais aller acheter un revolver et deux balles : une pour vous, une pour moi ! Pan ! Pan !

ROGER Oh, ben alors, ça c’est une bonne idée ! Tirez-moi vite une balle dans la tête… vite !

DENISE Comment, « tirez-moi » ? Mais c’est à l’homme de faire le travail ! Ah, quel goujat ! Ah, si seulement je savais où sont ces deux canailles !

ROGER (Doucement.) À Rambouillet.

DENISE Qu’est-ce que vous dites ?

ROGER Oui, à Rambouillet… Ils ont loué une petite maison à Rambouillet !

DENISE Mais vous savez ça depuis quand ?

ROGER Depuis hier…

DENISE Mais comment l’avez-vous su ?

ROGER Ils ont téléphoné confidentiellement à ma vieille cousine, elle a vendu la mèche… Elle vend toujours la mèche !

DENISE (Dans un cri.) Parfait ! Alors elle va nous servir, la mèche ! Je vais acheter une charge de dynamite, je la place délicatement sous la maison ! Et baoum ! Plus personne ! Nettoyage total !

ROGER Oh ! Et vous irez en prison !

DENISE (Fière.) Je m’en fiche ! Je serai très contente d’aller en prison ! Je serai ravie d’être condamnée ! Je travaillerai à la confection de couronnes en perles ou de chaises de paille, bravo ! Je boirai de l’eau, le monde m’oubliera, je prendrai des rides et des cheveux blancs, tant mieux ! (Elle a un sanglot.) Mais au moins j’aurai prouvé à la face du monde que le sexe fort… que le sexe fort… c’est… la femme ! (Soudain elle pleure lamentablement sur l’épaule de Roger.) Ah, tout de même, ça me fait mal de savoir où ils roucoulent et de ne pas agir !

ROGER Oh, ça alors, je peux vous rassurer : ils ne roucoulent plus !

DENISE Ah oui ? Pourquoi ?

ROGER Eh ben, voilà pourquoi. Quand j’ai su où ils étaient, je me suis dit : « Oh non, c’est trop bête, trop triste de se séparer comme ça ! » Alors je suis allé les voir, à Rambouillet… pour leur demander un arrangement, quoi… Alors, ils se sont moqués de moi ! « L’Agneau ! L’Agneau ! Bêêêê, bêêêê, bêêêê ! » Voilà ce qu’ils m’ont dit ! Ça m’a pas fait plaisir ! Oh non ! C’est sensible, un cocu… Alors, vous savez ce que j’ai fait ? Eh bien, j’ai pris une hache… (Il sort une hache de sa sacoche et la lui montre avec fierté.) Et ma femme et votre mari je leur ai fendu leurs têtes en deux ! Toc ! Toc ! Voilà ! Bien fait ! Et devant leurs deux cadavres, vous savez ce que j’ai fait ? « Bêêê, bêêê, bêêê… l’Agneau, il vous dit mèèè ! » (Denise, livide, n’en croit pas ses oreilles.) Tout ça pour vous dire, ma chère Denise, de ne pas vous inquiéter : votre mari et ma femme, ils ne roucoulent plus !

DENISE (Effarée, admirative.) Oh, vous alors ! Quel homme ! Dans le fond, vous êtes un vrai mâle ! Moi si fragile… et vous si fort !… Nous étions les complémentaires parfaits !… Mais… Puisque le « Destin » a frappé, nous sommes veufs ! Alors ? Pourquoi pas ?

ROGER Oui, j’ai un doux aveu à vous faire… Je vous attendais avec une affectueuse impatience ! Je savais que ma bavarde cousine vous téléguiderait vers moi !

DENISE (Aux anges.) Non ? Mais alors ?…

ROGER Alors… ma chère Denise… vous allez être ma « complémentaire » ! Tout de suite !

DENISE (Ravie.) Ah oui ?

ROGER (Lui passe la hache dans la main.) Tenez-moi ça une minute ! Vous allez voir ! J’ai une bonne nouvelle pour vous ! (Denise prend la hache et attend, sourire aux lèvres. Alors Roger soudain bondit à la porte et hurle dans le couloir.) Au secours ! À l’assassin ! Police ! Au secours ! (Apparaît Adrien, épouvanté de voir Denise brandissant sa hache.) Regardez ! Cette femme a voulu m’assassiner pendant mon sommeil ! De plus, elle vient de m’avouer qu’elle a massacré, avec cette hache, son mari et ma femme, dans une maison à Rambouillet ! Appelez la police ! Il faut l’arrêter ! Vous êtes témoin, n’est-ce pas ?

ADRIEN Oui. Je suis témoin ! J’appelle la police !

Il sort vite. Roger alors vient vers Denise qui est restée médusée par la rapidité des évènements, et il lui dit, diaboliquement, en enlevant ses gants.

ROGER Alors, ma chère...

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