La Pastorale Sauvage

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Liliane, femme riche, rescapée d’un camp de concentration, s’enfuit vers sa maison de campagne. Arrivent deux charmants jeunes étrangers. Derrière leurs masques de naïfs attendrissants se cache un couple dangereux.
C’est une parabole, un mélodrame, un conte de fées, une comédie galante qui cache une lutte sourde. Des jeunes gens, en temps de paix, s’adonnent allègrement à un “marivaudage équivoque”… guidés, à chaque instant, par l’exemple nazi. Un extrait de “La pastorale sauvage” a été inclus dans “La Plus Grande Grande Pièce du monde”, manifestation contre l’extrémisme, présentée au Théâtre du Rond Point.

LA  PASTORALE  SAUVAGE

 

d'Alan ROSSETT

 

 

 

 

 

 

Liliane

Mopsy

Carole

Johnny

Frédérik

Robert

 

 

Une maison de campagne...

 

 

 

Un extrait de "La pastorale sauvage" a été inclus dans "La Plus Grande Grande Pièce du monde", manifestation contre l'extrémisme, présentée au Théâtre du Rond (Les Editions de l'Amandier).

 

 

 

 

 

ACTE 1

 

 

Scène  1

 

(Dans le noir)

 

 

VOIX DE CAROLE

Il était une fois...

 

VOIX DE MOPSY

Johnny Lapin!

 

VOIX DE JOHNNY

Où es-tu? Mopsy Lapine!

 

VOIX DE CAROLE

Deux petits lapins se promenaient...

 

MOPSY

Là, troisième arbre à gauche ! Vite ! Avant que les chasseurs nous attrapent !

 

(Montée de lumière sur Mopsy et Johnny, face à une maison de campagne.. une façade qui suggère un petit rien de "féérique". Devant la maison, une balançoire suspendue.)

 

VOIX DE CAROLE   (rengaine d'enfant)

 

La guerre d'Algérie est terminée !

La guerre du Vietnam pas encore engagée ! Nous sommes à la campagne en temps de paix !

 

(Johnny a dix-huit ans environ ; Mopsy, dans les vingt ans, porte un ensemble pantalon style "militaire". Ils ont tous les deux un talkie-walkie en bandoulière.)

 

JOHNNY

Dis-donc. . .

 

 

MOPSY

Je l'ai vue la première!

 

          JOHNNY

Elle est sinistre, cette maison!

 

MOPSY   (parle dans son talkie)

Qui peut bien vivre ici ?

 

JOHNNY   (parle dans son talkie)

La Fée Carabosse ?

 

MOPSY

Les sept nains ?... Si on faisait une enquête...

 

JOHNNY   (directement)

Enfin Mopsy, peut-être bien que le propriétaire..-­

 

MOPSY   (le coupant)

... est le méchant loup ? Bof, depuis un certain temps, il est inévitable ! Petit lapin, je t'ai donné mon blé tout l'été : maintenant c'est mon tour ! On va manger cette maison !            (Elle se précipite sur la balançoire.)

 

Viens... Monte... Pousse-moi...

(Johnny saute sur la planche de la balançoire, debout derrière elle.)

Ah quelle quiétude...  quelle... Tu t'souviens de Ron Whitetree ?

 

JOHNNY

Au campus... le type à qui t'avais brisé le coeur...

 

MOPSY

"Coeur", en voilà un mot démodé ! Son "aorte", mon chéri ! Et qu'est-ce qui lui est arrivé, au petit Ron ?

 

JOHNNY

Mais... une balle dans la tête.

 

MOPSY

Suicide sentimental ? Bof ! Tu peux trouver mieux que ça !

 

 

 

JOHNNY

Ben... Le pauvre : il a simplement voulu se débarrasser d'un bouton sur le nez... et pan ?

 

MOPSY

Bravo.

 

JOHNNY

Mais tu m'avais dit... avant...

 

MOPSY

Avant... je t'ai menti... Vite... Un nom... Le premier qui te vient à l'esprit !

 

JOHNNY

Euh... Hubert.

 

MOPSY   (émue)

Johnny, c'est vache. Hubert... tout de même... a été mon mari !

(souriante, chatte)    J'ai jamais compris pourquoi tu prétends que  j'ai eu

un mari ?

 

JOHNNY

Parce que tu me l'as dit !

 

MOPSY

Et tu m'as cru ?

 

JOHNNY

Mopsy, les choses que tu m'as racontées... sur ta vie...

 

MOPSY

Que de mensonges, mon petit... peut-être ! Voilà ce qui arrive quand on se lie à des inconnus ! On croit les connaître mais on ne les connaît pas du tout ! Fais gaffe ! Je suis très imprévisible !

 

JOHNNY

Tu étais mariée au moins ? La dernière fois au lit avec lui... avant  sa mort...

 

MOPSY   (souriant)

... Ne te regarde pas ! Pousse un peu plus fort, Johnny, allons, encore plus fort ! Sois un homme... un soldat !

 

 

JOHNNY

Un... quoi?

 

MOPSY

... Oui... quand ton cher petit papa t'a envoyé à l'école militaire... parce qu'il avait horreur de toi ! Couille Molle!   ("voix d'homme")   "Dans mon bureau, Soldat Lapin ! On veut que des mecs ici, des vrais, des vrais durs! Ah moi, je vais m'occuper de toi !"

(Mopsy saute de la balançoire, Johnny chancelle... )

Ah toi... Tes émotions... Quand vas-tu les balancer ?

 

JOHNNY

 

Bientôt.

 

MOPSY

 

Maintenant. Terminé "La Pause Sentimentale".

(elle le fait tomber de la balançoire.)

A genoux. Plus bas. Mopsy ne supporte pas les pleurnicheurs. Plus bas. C'est peut-être de ma faute, remarque. Peut-être que je ne suis vraiment pas la fille qu'il te faut.

 

JOHNNY

Mopsy, je... je ne dis pas ça...

 

MOPSY

Chéri, nous pouvons rester copain-copine sans nous faire d'illusion. Je dirais plus. Si seulement je pouvais trouver la fille qu'il te faut, je vous mettrais dans les bras l'un de l'autre ! Je me demande même si ce n'est pas le fait d'être avec moi jour après jour depuis trois mois qui t'a amené à cet état de... comment le dire gentiment...  décrépitude... ?

 

.         JOHNNY

Dans un sens... oui...  c'est possible...

 

MOPSY   ("blessée")

Ah je vois. Tu ne me trouves même pas sympa. Ce n'était que mon sale argent qui t'a attiré ? Ah Johnny, il y a tant de choses en moi que tu ne veux pas voir... les meilleures... (maligne)  les pires! Au fond, tu ne me connais pas du tout.

 

 

JOHNNY

Je connais ce que tu me permets de connaître. Je n'ai jamais essayé de forcer la porte... de violer tes souvenirs... "d'antan"...

 

MOPSY

 

... "d'antan"... ?

 

JOHNNY

Hum... d'où tu viens vraiment ?…  Les traumatismes que t'as dû subir au

berceau ?

 

MOPSY

 

Ah tu veux aller au pays "Embryon". Je te préviens, le paysage y est semé de fleurs d'oubli sous un ciel immense, étoilé de peur. Il faut être courageux pour ce voyage... t'as assez de cran? Prouve-le-moi. Offre-moi un souvenir informe...

un souvenir d'avant la mémoire... ton premier.

 

(Un temps.

 

JOHNNY

 

Je... on m'a emmené voir... quelqu'un...

 

MOPSY

 

Qui ?

 

JOHNNY

... Un appartement... Ça puait l'antiseptique...

 

MOPSY

L'indice de la mort.

 

JOHNNY

... Elle m'a attrapé... Ses seins... gonflés de médicaments... grandissaient... moi, je me faisais tout petit... je disparaissais... personne ne s'en est aperçu.

 

MOPSY

Nous sommes tous de petits anges. Nous disparaissons tous.

 

 

JOHNNY

Un garage... des planches... des journaux empaquetés... dans un coin, un homme, une femme...

 

MOPSY   (vicieuse)

Et qu'est-ce qu'ils faisaient, mon ami ?

 

JOHNNY

Quelque chose avec un marteau.

 

MOPSY

Un quoi !?

 

JOHNNY

L'homme ricane... comme s'il m'attendait. Doucement il m'emmène dans l'ombre... pour continuer...

 

MOPSY

Continuer quoi ?

 

JOHNNY

J'sais pas.

 

MOPSY

Moi si.   (un temps)   Ils fabriquaient un cercueil.

 

JOHNNY

Pour la malade... ?

 

MOPSY

Pour toi.

 

(Un temps.)

 

JOHNNY

Comment peux-tu savoir ?

 

MOPSY

J'étais-là... dans l'ombre. Ce travail, je leur avais promis de le terminer. Depuis ce temps-là, je t'ai suivi partout.   (Silence lourd... Elle éclate de rire.)

Une histoire à dormir debout et ce gosse fait toujours dans sa culotte ! Pas vrai ? Pas vrai ?

 

(Johnny sort un couteau de sa poche et l'ouvre.)

 

JOHNNY

Mets-toi là.

 

MOPSY

Johnny !! Non !!

 

JOHNNY

Grouille-toi... Salope !

 

MOPSY

 

Mon Dieu ! Qu'est-ce que tu vas me faire ?

 

JOHNNY

Ha ha ! Je vais t'attacher à un arbre, moi. Ta peau sera arrachée... lambeaux par lambeaux ! Lentement... lentement... ta gorge sera tranchée. Ta tête se détachera. Puis moi, Johnny, je pourrai enfin regarder à l'intérieur pour savoir qui tu es !

 

(Il tient la pointe du couteau contre elle.)

 

MOPSY   (nonchalante)

Hé ben, qu'est-ce que t'attends ? Je vais finir par croire que tu m'aime trop pour me zigouiller. C'est gentil. Pourtant tu dois avoir rudement besoin de zigouiller quelqu'un : tu deviens nerveux !Tiens, c'est pas con comme idée. La première personne que nous rencontrerons...  qui que ce soit... il faut que nous lui jouions un tour. "Nous" ça veut dire "moi et toi" !

(Elle se retourne vers la maison.)

Mais qui peut bien habiter ici enfin ?

(Tout à coup elle entre en sautillant dans la maison.)

 

JOHNNY

Mopsy... Mopsy... !

 

(Le talkie-walkie grésille : Johnny se précipite dans la maison.

 

La façade de la maison - simple toile de théâtre - disparaît pour faire place à l'intérieur : Une salle commune avec plusieurs aménagements inachevés. Johnny vient de franchir la porte centrale.

 

Pour la lecture on va suivre l'action dans un véritable décor... Mais le décor peut être simplifié selon les possibilités et le goût du metteur en scène.

 

Par ses structures, cette salle semble avoir été faite pour un subtil jeu de cache-cache. Une sortie vers la cuisine fermée par un rideau. Une porte de chambre. Une deuxième porte de chambre, si possible en haut d'un escalier. A quelque distance de cette porte, sur le mur, une ouverture, genre de fausse fenêtre, cachée par un rideau, donnant sur le vide.

 

Un tabouret renversé près d'une cheminée : sur le sol, un grand livre d'enfant. Une vieille malle. Mopsy est assise à une table sur laquelle se trouvent les reliefs d'un repas pour trois personnes, et un cendrier plein de mégots de cigares...

 

Toute la pièce en effet est pleine de toiles d'araignée, de poussière etc.)

 

MOPSY

 

Trois personnes habitent... ou ont habité... ? cette maison... Elles ne sont jamais revenues...

(Elle ramasse une serviette avec des traces de rouge à lèvres.)

Une dame !   (soulevant le cendrier)   Un gentleman ?

 

JOHNNY

Et la troisième ?

 

MOPSY

Pas d'indice. Trouve-moi un indice.

(Johnny cherche un peu dans la pièce. Il trébuche contre le tabouret. Tandis que machinalement il le remet sur pied:)

 

MOPSY

Renversé? Et. qu'est-ce qu'il y a à côté?

 

JOHNNY

Un livre.

 

MOPSY

Que l'un d'eux était en train de lire? Lis, Johnny...

 

JOHNNY   (lisant)

"Il était une fois au milieu de la forêt... une maison abandonnée. Deux troubadours s'y étaient réfugiés."

 

MOPSY   (elle lui fait un salut "d'époque")

À qui est, cette maison, enfin...

 

JOHNNY

"Elle avait appartenu jadis à une grande dame qui y passa une enfance heureuse.

(Pendant le suite, Mopsy, désinvolte, mime l'histoire : )

Aujourd'hui la dame vit ailleurs avec sa famille, son beau chevalier et sa fidèle servante. Pourtant elle n'est plus heureuse. Des fantômes se sont glissés dans la maison. Ils hantent ses miroirs. Ils ricanent... Ils disparaissent... Ils apparaissent. La dame s'enfuit... accompagné de son chevalier Frédérik et sa fidèle servante. Ils ont chevauché nuit et jour et ne se sont arrêtés qu'à la porte de la maison abandonnée. Que vont-ils trouver ?"

 

MOPSY

Deux espiègles troubadours... ?

 

JOHNNY

 

"Les troubadours disent à la dame :

'Nous chasserons...

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