La peur

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Irène, mère au foyer, est mariée à Fritz Wagner, un avocat pénal débordé par son activité professionnelle. Se sentant délaissée, elle succombe aux avances de son professeur de piano jusqu’au jour où une maîtresse chanteuse l’interpelle… Une spirale infernale dans le mensonge s’enclenche, jusqu’au coup de théâtre final.

 

SCÈNE 1

 

Un salon. Fritz travaille. Irène entre.

Irène. – Bonjour.

Irène embrasse son mari.

Fritz. – Bonjour. Bien dormi ?

Irène. – Oui, très bien, et toi ?

Fritz. – Bien, merci.

Irène. – Tu prends ton petit-déjeuner ?

Fritz. – C’est déjà fait.

Irène. – Ah…

Irène regarde l’horloge qui affiche huit heures. Elle se dirige à la cuisine, ouverte sur le salon. Elle allume un poste de radio qui diffuse une émission sur la mode. Après un temps pendant lequel Fritz regarde Irène.

Fritz, gentiment. – Tu pourrais baisser le son, s’il te plaît ?

Un temps.

Irène. – Oui, bien sûr. (Elle baisse le son.) Pourquoi ne vas-tu pas dans ton bureau ? Tu serais plus tranquille…

Fritz. – J’aime bien être au soleil. (Silence.) Ça t’ennuierait de couper complètement ? Je n’arrive vraiment pas à me concentrer… Excuse-moi…

Irène, avec douceur. – Je peux encore baisser…

Fritz. – Je préfèrerais que tu éteignes. S’il te plaît…

Irène coupe la musique, en prenant sur elle.

Irène. – Tu travailles beaucoup en ce moment…

Fritz. – Je suis débordé.

Un temps.

Irène. – Tu plaides aujourd’hui ?

Fritz. – Oui.

Irène. – Encore une grosse journée alors…

Fritz. – Comme tu dis…

Silence. Irène rejoint son mari à la table et s’empare de deux cahiers.

Irène. – Karl m’a redemandé des dessins. J’ai fait le croquis de deux robes magnifiques. Je vais te montrer.

Fritz. – Irène, je n’ai pas le temps de me distraire, j’ai du travail…

Irène. – Te distraire ?

Fritz. – Oui, je dois rendre ce dossier ce soir…

Irène. – Peut-être que cela te ferait du bien de te distraire…

Fritz. – Irène…

Irène. – As-tu remarqué qu’on se croise plus qu’on ne vit ensemble ces derniers temps ? (Fritz soupire.) Tu ne voudrais pas prendre quelques jours de repos ? On pourrait aller à la campagne avec les enfants.

Fritz. – Je suis loin d’y penser, Irène.

Irène. – Ah bon…

Fritz. – Écoute, on en reparlera mais là ce n’est pas le moment, Irène.

Irène. – Très bien, Fritz ! (Silence. Irène retourne s’asseoir à la cuisine et prépare son petit-déjeuner.) Je peux sortir ce soir ?

Fritz. – Euh… oui.

Irène. – Je t’ennuie ?

Fritz. – Non, j’essaie juste de travailler… (Irène se tait. Elle s’empare d’un mixer et l’actionne. Fritz la regarde. Elle éteint le mixer, Fritz recommence à travailler, elle rallume le mixer, plus longtemps.) Tu es vexée ? (Silence.) Irène, tu es vexée ?

Irène. – Hein, pardon ? Je suis concentrée, je ne t’ai pas entendu. Veux-tu du jus ?

Fritz. – Excuse-moi… Je suis tendu, les enjeux sont importants. (Il se lève.) Tu as raison, je te laisse tranquille. Je vais dans mon bureau. On se voit ce soir.

Irène. – Ce soir… tard.

Fritz. – Ah ? Pourquoi ?

Irène. – Je viens de te le demander, Fritz… Si je pouvais sortir…

Fritz. – Ah bon… Ah oui. Oui, bien sûr. Où vas-tu ?

Irène. – À un concert de piano.

Fritz. – Chopin, j’imagine ?

Irène. – Oui.

Fritz. – Je te connais bien, n’est-ce pas ? D’ailleurs, tu continues tes cours de piano ?

Irène. – Oui, bien sûr. Cela fait partie de mes divertissements…

Fritz. – Bien. Tiens, je te remets la radio. (Il rallume le poste de radio.) C’est très intéressant !

Irène. – C’est de la réclame !

Fritz. – Ah… (Irène éteint la radio.) Bonne soirée alors. (Il disparaît puis réapparaît.) Je crois avoir entendu Laura pleurer, je te laisse t’en occuper…

Il sort. Irène va ranger la vaisselle dans la cuisine puis vérifie que son mari est bien parti. Elle décroche le téléphone.

Irène. – Allô. Édouard ?… Bonjour. Mme Wagner à l’appareil. Vous allez bien ?… Je voulais savoir s’il était possible que je vienne assister à votre concert ce soir ?… Oui, j’ai réussi à me libérer… C’est possible ? Fantastique ! Je me réjouis de vous voir… Merci beaucoup. À ce soir.

 

 

 

SCÈNE 2

 

Même scène que précédemment, Fritz lit des articles.

Irène. – Bonjour.

Fritz. – Bonjour. Bien dormi ?

Irène. – Oui, merci.

Fritz. – Moi aussi… Tu es déjà habillée ?

Irène. – Oui… Tu as pris ton petit-déjeuner, j’imagine…

Fritz. – Non, je t’ai attendue.

Irène. – Oh !… Tu n’es pas pressé aujourd’hui ?

Fritz. – J’ai envie de prendre un peu de temps avec toi.

Irène, en souriant. – Quel honneur ! Tu veux te faire pardonner d’hier ? Et des autres jours ?…

Fritz. – Juste profiter de toi. Ça devrait te faire plaisir, toi qui me reproches de t’oublier… (Un temps.) Peut-être est-ce trop tard…

Irène. – Trop tard pour quoi ?

Fritz. – Pour me rattraper…

Il se lève, rejoint Irène, l’enlace, l’embrasse dans le cou.

Irène. – Café ?

Fritz. – Non.

Il prolonge l’étreinte et l’embrasse de plus en plus.

Irène. – Café ?

Fritz. – Café. (Il prend la tasse que lui tend sa femme et s’éloigne. Un temps.) Ça ne va pas ?

Irène. – Si, pourquoi ?

Fritz. – Tu es un peu… froide.

Irène. – Non, pas du tout. Tu as eu le résultat de l’affaire Schultz ?

Fritz. – Oui

Irène. – Et alors ?

Fritz. – On a gagné…

Irène. – Pardon ?

Fritz. – On a gagné.

Irène. – Tu plaisantes ?

Fritz. – Non. Bénéfice du doute, il est relaxé.

Irène. – Ça m’écœure.

Fritz. – La justice a donné son verdict…

Irène. – La justice ?! Il est coupable et tu appelles cela la « justice » ?!

Fritz. – Que veux-tu ? Les preuves manquent et il continue à clamer son innocence.

Irène. – Un soir, il t’a avoué que c’était lui…

Fritz. – Oui, et il est revenu sur ses paroles, prétextant que l’alcool l’avait poussé à dire n’importe quoi, qu’il était à bout.

Irène. – Et tu le crois ?

Fritz. – Non, mais il refuse de plaider coupable malgré toutes nos discussions ! Et il manque des éléments au dossier, c’est indéniable.

Un temps.

Irène. – Excuse-moi mais je n’arrive pas à m’y habituer. Défendre un coupable et lui obtenir gain de cause, je ne comprends pas…

Fritz. – Qu’est-ce que tu ne comprends pas ?

Irène. – Toi qui parles toujours de logique, là ça ne te choque pas ? Tu libères un coupable !

Fritz. – Je n’ai libéré personne, Irène. Je suis avocat, pas juge. Et il n’est peut-être pas coupable. Tant que les preuves manquent, nous devons appliquer la présomption d’innocence.

Irène. – Si demain il récidive, ça ne te perturbera pas ?!

Fritz. – Non.

Irène. – Tu ne te sentiras pas responsable ? Tu ne t’en voudras pas de l’avoir défendu...

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