La propriété, c’est le vol

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Cinq femmes sont convoquées à la police pour un vol commis sur leur lieu de travail. Elles ont été dénoncées par leur patron, un impresario richissime et odieux. Elles sont tour à tour interrogées par un inspecteur de police qui tient absolument à trouver la ou les coupables. Il y a Marie-Pierre la bourgeoise hautaine qui n’aurait même pas besoin de travailler; Vanessa la lolita qui séduit tous les hommes qui l’approchent; Claudine qui a un coeur d’or et qui ne comprend pas grand-chose; Jenny-Laure la fille branchée qui vit ses interrogatoires comme une nouvelle expérience; et enfin Sophie qui se bat pour élever honnêtement son enfant. Une enquête policière sarcastique et déjantée avec un regard acide et plein dhumour sur un monde aux valeurs instables.

PROLOGUE

 

Sophie (seule, au téléphone) - Allô ! Police judiciaire ? (…) Sophie Pagès à l’appareil. Je suis convoquée chez vous pour « une affaire me concernant ». Excusez-moi mais j’aimerais en savoir un peu plus… (…) Oui. (…) Accusée de vol par M. Brochet, imprésario en musique classique ? (…) C’est mon patron ! (…) Oui, c’est ça, Sophie Germaine Pagès. (…) Non, laissez tomber Germaine. (…) (Petit rire, consternée.) Non, ce n’est pas ma complice, c’est mon deuxième prénom ! (…) (En colère.) Non, je n’aime pas Germaine, je trouve que ça fait vieux ! (…) Ah ? (Très gênée.) Je suis désolée. (…) Non, mais pour une petite fille c’est pas pareil, ça passe très bien je trouve. En plus ça revient à la mode… (…) Mais si, c’est très joli Germaine. (…) Mais non, on ne va pas se moquer d’elle à l’école. (…) Ah ! votre femme n’était pas d’accord ? Oui, je comprends ça, oui. (…) (Elle se ressaisit.) Pas du tout ! Je veux dire que je vous comprends, pas que je suis d’accord avec elle. (…) Je suis sûre que ça lui va très bien. (…) Voilà, quand je viendrai, vous me montrerez les photos. (…) C’est ça. (Elle raccroche.) Germaine ! Je vous jure ! Pourquoi pas Mandarine ou Zébulon ?

Noir.

Marie-Pierre (au téléphone, avec un ton à la fois autoritaire et affecté) - Allô ! (…) Oui, Marie-Pierre Dufour à l’appareil. Ecoutez, j’ai reçu une convocation… (…) Oui, police judiciaire. C’est chez vous ? (…) Oui. (Rire crispé.) Alors écoutez, je voulais savoir de quoi il s’agissait parce que je pense que c’est une erreur. Je n’ai jamais eu affaire à la police et… (…) Accusée de vol ? Moi ? Mais par qui ? (…) L’imprésario Brochet, mon employeur ? (En colère.) Et vous acceptez ça, vous ? (…) Comment, ce n’est pas à vous de juger ? On vous paye pour quoi faire alors ? (…) (Choquée.) Comment ? (…) Faites attention, je connais très bien le commissaire Picard ! (…) (Soudain radoucie.) Il a pris sa retraite ? Ah bon ? (…) Bien sûr que je vais venir, je n’ai rien à me reprocher monsieur. Je viendrai et… Allô ! Allô ! (Elle raccroche violemment.) Quel goujat !

Noir.

Jenny-Laure (au téléphone) - Allô ! (…) (Voix snob mais vaguement inquiète.) Oui, bonjour, Jenny-Laure Delmonica à l’appareil. J’ai reçu une convocation dans vos services et j’aimerais savoir de quoi il s’agit. (…) Oui, parce que figurez-vous que le même jour je suis invitée au vernissage de Martin Lumière. Vous connaissez Martin Lumière, le spécialiste de la déconstruction rebâtie ? (…) (Très soulagée.) Ah ! c’est pour un vol… Bon, ça va alors. (Elle sniffe un peu de poudre rapidement dans sa main.) J’avais cru que… (…) Non, rien… Mais dites-moi, c’est une expérience très originale, interrogée par la police… On dit tant de choses… Il faut que j’amène moi-même mes annuaires de téléphone ? (…) Non, vous avez ce qu’il faut ? Très bien. Ecoutez, je vais venir. Tant pis pour le vernissage. (…) Non, ce n’est pas grave, c’était la partie déconstruction. J’y retournerai quand il l’aura rebâtie… (Elle raccroche.)

Noir.

Claudine (au téléphone) - Allô ! (…) Oui, écoutez, je comprends pas ce qui se passe. J’ai rien fait et je suis convoquée à la police, alors je voudrais savoir si j’ai fait quelque chose ? (…) Comment je m’appelle ? Mais vous le savez puisque vous m’avez envoyé une lettre ! (…) Ah ! c’était pas vous ? (…) Criez pas, je pouvais pas savoir… Je suis Claudine Bonnel. (…) (Un temps.) Accusée de vol ? Encore ! Et par qui ? (…) M. Brochet, mon patron ? Ben, ça alors ! Il est gonflé ! C’est le plus voleur de tous et il accuse les autres. Entre nous, si c’est lui, j’aurais bien fait de le voler. (…) (Fataliste.) Ça y est, c’est encore pour ma pomme.

Noir.

Vanessa (au téléphone) - Allô ! (…) Bonjour, Vanessa Eden. Je vous appelle parce que j’ai reçu une invitation à la police judiciaire et je voulais savoir si je pouvais venir avec une copine qui n’a pas été invitée. (…) (Un temps.) Ah oui ! C’est une convocation, pas une invitation. Excusez-moi… (…) Oh ! ben je crois que je vais venir quand même. Je voudrais juste savoir… (…) Non, pas de quoi il s’agit, mais comment il faut s’habiller ? (…) Normalement ? Euh… d’accord, je vais essayer… Vous avez une très belle voix, vous savez ? (…) Vingt-trois ans avant-hier. (…) Non, ce n’est pas trop tard pour me le souhaiter. (…) Merci, c’est gentil. Vous vous appelez ? (…) Max ? Alors au revoir, Max. A bientôt… (Elle raccroche.)

Noir.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

SCÈNE 1

 

Les cinq filles sont au commissariat. Elles sont interrogées à tour de rôle par un inspecteur que l’on ne voit pas.

Marie-Pierre - Dufour Marie-Pierre née La Vallière, résidence Beverley à Dupuy. Vous voyez les nouveaux bâtiments juste au-dessus des jardins avec vue sur toute la ville ? On a un F4. (…) Non, on n’a pas d’enfant. (…) Oui, c’est pas mal, il y a une piscine. (Condescendante.) C’est sympa. Enfin, on est quand même en négociation pour acquérir une villa avec trois hectares sur les hauteurs pour être un peu plus tranquilles. (…) Oui, alors vous comprenez cette histoire de vol d’enveloppe ça me fait doucement rigoler. (…) D’ailleurs, je ne l’ai jamais vue cette enveloppe, ni les billets qui étaient soi-disant dedans. (…) Non, je ne l’ai pas vue ! Je ne savais même pas qu’elle existait. (…) Ecoutez, quand on a les moyens de s’acheter une villa on ne s’amuse pas à voler une poignée de billets. (…) Oui, ben trente mille euros, c’est quoi ? (Blasée.) Ça paierait les toilettes… Peut-être… (…) Non, je n’ai pas dit que ceux qui n’avaient pas les moyens d’acheter une villa avaient tous le droit de voler. Je vous dis juste que si j’avais envie de voler je ne volerais pas ça, je ferais plutôt genre le train postal ou la Société Générale à Nice. Vous voyez ? (…) Des bijoux ? Oui, à la rigueur, des bijoux ça me plairait. (…) (Soudain inquiète.) Quelle bijouterie ? (…) Mais je n’y ai jamais mis les pieds ! (…) (Affolée.) Je n’ai jamais cambriolé aucune bijouterie ! Ça ne va pas, non ?! J’ai dit que « si »… (…) C’est une femme qui a volé mais ce n’est pas moi ! (…) Comment, le signalement correspond ? Vous n’êtes pas sérieux tout de même ? (…) Ecoutez, c’est vrai que j’ai vu cette enveloppe pleine de billets. Elle était sur le bureau de M. Brochet mais je n’y ai pas touché, d’accord ? Tous ceux qui entraient et sortaient pouvaient la voir. Vous êtes content ? (…) Vous laissez tomber pour la bijouterie ? (…) Merci…

Noir.

Jenny-Laure - Jenny-Laure Delmonica, 10 passage de l’Ancienne Poterie. (…) Oui, c’est dans la vieille ville. J’ai tout retapé en gardant les pierres apparentes et la mansarde. Ça donne une authenticité à l’ensemble. (…) Non, pas mariée. J’ai un ami. (…) Un ami. (…) Un compagnon. (…) Oui, un fiancé, si vous voulez. (…) Il est dans la pub, il travaille aussi sur des concepts marketing. (…) José Dos Santos… (…) (Scandalisée.) Comment, le peintre en bâtiment ? Vous voulez dire le décorateur d’extérieur ! (…) Oui, c’est lui… Et il n’est pas peintre en bâtiment, il crée des enseignes publicitaires et puis quand il est lancé, il peint aussi la façade… Tant qu’à faire… Ça s’appelle du marketing global. Vous comprenez bien que si...

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