SCENE 1
Dominique, Fernande, Adèle, Mado, Wilhelm, Jules
Dominique, guide touristique, est en coulisse avec son groupe de 5 touristes. On entend ses commentaires.
DOMINIQUE – Bienvenue au château de Saint-Irène ! Nous avons donc ici au bout du couloir un vitrail rajouté au XIIIème siècle sur commande du Duc René II de Saint Irène. On y voit une scène de chasse représentant le Duc lui-même ainsi que ses fils, François et Henri.
FERNANDE - Mon ! Ben un sanglier pareil, ça doit faire des sacrés dégâts dans les patates !
ADELE - Mais tais-te donc, te nous fatigue.
DOMINIQUE - Nous entrons maintenant dans la pièce principale du château qui servait à la fois pour les repas quotidiens et les fêtes. C’est par ici, si vous voulez bien me suivre.
Elle entre suivi des cinq visiteurs. Pendant toute la scène, Mado et Jules tournent dans la pièce et auscultent discrètement les murs, semblant chercher quelque chose de précis.
Le premier château a été construit au 10ème siècle et a subi bien évidemment de nombreuses modifications. Les ducs de Saint-Irène participent aux croisades, au 11ème et 12ème siècle. Ils en rapportent des richesses comme ce sabre oriental, orné de pierres précieuses, que vous voyez posé ici sur le linteau de la cheminée.
MADO - Des pierres précieuses ? Et c’est vraiment l’original.
DOMINIQUE – Non bien sûr. C’est une copie, l’original est au musée des arts orientaux à Paris. Une partie du butin ramené d’Orient est utilisé pour payer l’agrandissement et l’embellissement du château. Mais la majeure partie reste cependant possession des Saint-Irène. En 1475, le château subit un long siège par les troupes de Charles le Téméraire, Duc de Bourgogne. Le Duc Richard de Saint-Irène résiste, mais le château subit quelques dégâts. Il est ensuite encore embelli grâce à l’aide du roi de France, Louis XI, en remerciement du courage et de la fidélité du Duc Richard et de ses troupes.
FERNANDE (Elle est devant la cheminée face au portait très abîmé d’un noble ancêtre)- Oh la la ! Mais quelle horreur ce portrait !…
ADELE - Te vois point qu’c’est un miroir !
FERNANDE - ça m’aurait ben étonné que madame Adèle ne fasse point son intéressante avec son humour à trois sous.
DOMINIQUE - Mesdames… Je vous en prie. J’allais vous en parler. Ce tableau est l’un des mystères de ce château.
ADELE - Avec le fantôme ?
DOMINIQUE - Avec le fantôme, évidemment, dont je vous parlerai dans un instant. Ce portrait, très abîmé, date du 18ème siècle. Vous remarquerez que le tableau est percé au niveau des deux yeux. On ignore qui est la vieille et noble dame représentée.
WILHELM - C’est la marquise Eléonore de Longpré.
DOMINIQUE - Ah ? Vraiment monsieur ?
WILHELM - Oui, Eléonore de Longpré dont le château se dressait à une trentaine de kilomètres d’ici. Quand ce château voisin a été entièrement incendié en 1790 par les révolutionnaires, le marquis, son épouse et leur fille ont péri dans les flammes. Seul leur fils, Henri, réfugié ici à Saint-Irène lors du massacre a pu échapper. Dans le château de Longpré, réduit en cendres, on n’a retrouvé intacte que ce portrait noirci par les flammes.
DOMINIQUE – Mais enfin monsieur… C’est moi le guide !
WILHELM - Marie de Longpré, la fille du marquis, assassinée par les émeutiers, était fiancée au jeune Guillaume, le fils du duc Charles de Saint-Irène.
DOMINIQUE - Comment savez-vous cela ?
WILHELM – Je suis Wilhelm Erstein, assistant du conservateur du musée régional d’histoire à.............… (Ville de votre région.) Veuillez me pardonner de me mêler ainsi de votre commentaire, mais je me passionne particulièrement pour l’histoire de ce château.
DOMINIQUE – Je m’étonne de votre certitude quant à la personne représentée sur ce tableau… Votre patron, lui-même, le professeur Garnier, affirme n’avoir aucune information à ce sujet malgré ses recherches.
WILHELM – Je sais… Il y a ce que j’ai appris scientifiquement sur l’histoire de ce lieu et puis il y a… Comment dire… Je ne me l’explique pas moi-même : des intuitions soudaines… Comme devant ce tableau !
DOMINIQUE – Vous voulez dire que c’est à l’instant en voyant ce tableau…
WILHELM – Pour la première fois, je précise, sauf en reproduction…
DOMINIQUE – Soit… Donc vous affirmez que c’est en voyant ce tableau en réel qu’il vous est venu à l‘esprit qu’il s’agissait de cette Eléonore de…
WILHELM – Eléonore de Longpré.
ADELE – Il a l’air d’en connaître un rayon !
FERNANDE – Ouais, comme si ça lui venait par magie… Inspiration divine ! J’ai vu ça une fois dans un film au festival Fantastica à Gérardmer. C’était une femme, mais attention hein, une femme aussi normale que moi…
ADELE - L’exemple n’est peut-être pas très bien choisi…
FERNANDE - Une femme qui racontait des trucs qu’on lui soufflait de l’au-delà.
WILHELM - Devant la menace grandissante, le Duc a fait conduire son fils Guillaume et le jeune orphelin, Henri de Longpré en sécurité, de l’autre côté du Rhin. Les deux jeunes héritiers masculins de chaque dynastie ont été les seuls survivants.
DOMINIQUE – Mais comment pouvez-vous être certain de ce que vous avancez ?
Bref ce qui est certain en revanche, c’est que le duc Charles quant à lui n’a pas voulu quitter ses terres. Ce qui lui a valu d’être arrêté par les révolutionnaires en 1791 lorsque ce château à lui aussi été en grande partie détruit. Mais la légende dit que le duc a eu le temps de dissimuler ici tout ce qui restait des trésors amoncelés par ses ancêtres au cours des croisades.
JULES - Des trésors ! Moi, je trouve ça bougrement intéressant.
MADO (elle s’adresse à Wilhelm) - Et où qu’il aurait caché ses trésors le grand Duc ?
DOMINIQUE – ça, c’est la question ! On n’a jamais rien trouvé et c’est pas faute de recherches ! Dans la région les gens racontent encore une vieille légende : les fantômes des deux jeunes fiancés de 1789, Guillaume de Saint-Irène et Marie de Longpré, reviendront un jour et que leur amour ouvrira la porte qui mène à ce trésor.
JULES – En tout cas, cette légende est idiote : comment voulez-vous que deux jeunes gens qui ont vécu au 18ème siècle puissent revenir dans ce château ?
MADO – Ouais, et c’est donc pas eux qui vont nous renseigner pour ce trésor !
JULES (coup de coude à Mado) – C’est pourquoi il vaut mieux s’intéresser aux explications de notre guide : pour nous cultiver…
DOMINIQUE – Bien… Euh… Où en étais-je ? Ah oui, à propos de cette pièce, on dit que c’est ici qu’apparaît le fantôme du dernier Duc de Saint-Irène. Le duc Charles, arrêté en 1791, emprisonné, puis guillotiné plus tard à Paris.
WILHELM – Le 13 juillet 1793 précisément… Le jour même de la mort de Marat.
ADELE – Dans sa baignoire.
FERNANDE – Comme Claude François !
MADO (en aparté à Jules) – Ce jeune homme pourrait bien en savoir plus qu’il ne veut bien le dire le sur le trésor planqué ici.
DOMINIQUE - Je disais donc : Le fantôme ! La première apparition connue date de 1820. Après des années d’abandon, le château venait d’être confié à des moines franciscains. Ceux-ci occuperont le château jusqu’en 1870, chassés par les armées prussiennes. Tout au long des 50 années qu’ils passeront ici, les religieux feront état par écrit de plus de 200 apparitions. Ces témoignages d’hommes de foi écartent toutes les hypothèses de superstition. Ils sont conservés aux archives départementales.
FERNANDE - Alors y-a ben un fantôme ?
ADELE - C’est que nous, on est venu un peu pour ça !
FERNANDE - Et c’est quand qu’on le voit ?
DOMINIQUE - ça ma brave dame, c’est en principe imprévisible. Mais à part les années où le château était inoccupé, on a noté des apparitions quasi systématiques chaque année les nuits du … au … (Adapter à la date du spectacle.)
FERNANDE - La nuit du...