L’appartement du jeune homme

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De retour du Canada, après une absence de plusieurs années, un homme prend un studio en location dans une maison du centre ville. Mais les rapports avec sa logeuse sont étranges, à la fois tendus et provocateurs, ironiques et sarcastiques, aguicheurs et mordants. Le studio, loué d’ordinaire à de jeunes étudiants, est aussi la cause de certaines tensions. Il y a un mystère enfermé entre ces quatre murs mansardés. Et l’homme est curieux de nature. Et la femme  indocile. La situation devient peu à peu étouffante. Et le secret finit par se révéler.

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SCÈNE 1

 

La femme est au centre du studio.

L’homme entre avec un gros sac de voyage au bout de chaque bras.

Elle. – Voilà.

Lui. – Ah ! c’est ça la chambre de bonne ?

Elle. – Non, c’est un studio.

Lui. – C’est quoi la différence ?

Elle. – Une chambre de bonne c’est sans cuisine et les toilettes sont sur le palier. Ici vous avez… (Elle s’y dirige.)… le cabinet de toilette…

Lui. – Avec douche ?

Elle. – Venez voir.

Il y va, regarde.

Lui. – J’aime mieux.

Elle. – Et là… (Elle ouvre le placard.)… de quoi faire un peu de cuisine.

Lui, après avoir regardé. – Très peu.

Elle. – J’ai dit un peu. Si vous voulez vous empiffrer, il y a la brasserie au coin de la rue.

Lui. – J’avais repéré en arrivant, je suis un gros mangeur.

Elle. – Voilà donc… le studio. Il vous intéresse ?

Lui. – Au Québec, le Studio c’est un studio d’enregistrement, à Morin-Heights. Ils ne se sont pas foulés pour trouver le nom.

Elle. – Vous venez de là-bas ?

Lui. – Oui. Pourquoi ? J’ai l’accent ?

Elle. – Non, un écusson sur votre sac de voyage.

Lui. – Observatrice.

Elle. – Assez, oui. Vous le prenez ?

Lui. – Oui. Une semaine ou deux. Je ne sais pas encore.

Elle. – Ah non ! Je loue au mois. Et même la plupart du temps à l’année.

Lui. – Ah bon ? À qui ?

Elle. – Des étudiants. La fac est trois rues plus loin, après le commissariat.

Lui. – Les jeunes sont très surveillés, ici, on dirait.

Elle. – Oui. Un mois, ça vous va ?

Lui. – Vous avez le sens des affaires.

Elle. – Je ne vous force pas. Si vous préférez l’hôtel…

Lui. – Non, va pour un mois.

Elle. – Je peux m’occuper de votre linge, si vous voulez.

Lui. – Moyennant supplément ?

Elle. – Évidemment.

Lui. – Si vous avez encore d’autres services à monnayer, dites-moi tout d’un coup et qu’on n’en parle plus.

Elle. – Bon, je ne dis plus rien.

Lui. – Je plaisante.

Elle. – Vous êtes français ou canadien ?

Lui. – Français. Vous voulez voir ma carte d’identité ?

Elle. – Arrêtez de m’agacer. Vous allez vivre un mois dans ma maison, j’ai bien le droit d’en savoir un peu sur vous.

Lui. – Eh bien, remplissons une fiche que vous irez remettre au commissariat, c’est trois rues au-dessus.

Elle. – C’est ce que je devrais faire, en effet.

Lui. – Mais vous ne le ferez pas. Parce que dans cinq minutes vous allez me demander de vous payer en liquide et que ça sera toujours autant que les impôts n’auront pas.

Elle. – Et alors ?

Lui. – Et alors, rien ! Je veux seulement que vous sachiez que je vois clair en vous et que je ne suis pas dupe.

Elle. – Bon, écoutez, si vous êtes ici pour me chercher des histoires, il vaut mieux que vous alliez loger ailleurs.

Lui. – Je ne cherche pas d’histoires.

Elle. – Trop tard. Vous m’avez énervée. La visite est terminée.

Lui. – Dites donc, vous avez… du caractère, comme on dit.

Elle. – Je n’aime pas les emmerdeurs.

Lui. – Vous avez raison. Ce sont des gens insupportables qui vous gâchent la vie.

Elle. – Vous allez me dire que vous n’en êtes pas un.

Lui. – Moi ? Pas du tout.

Elle. – J’ai l’impression que vous avez besoin d’un bon dictionnaire, vous semblez ignorer la définition de mots simples comme « studio », « emmerdeur ».

Lui. – En revanche, je connais très bien la définition du mot « charmante ».

Elle. – Eh bien, servez-vous-en avec une autre, ce sera huit cents et pas un euro de moins.

Lui. – Ça me va.

Elle. – Je peux avoir ne serait-ce qu’un prénom ? Ou préférez-vous que je vous siffle en cas de besoin ?

Lui. – Vous savez siffler ?

Elle. – Et même aboyer.

Lui. – En principe, c’est celui qu’on siffle qui aboie.

Elle. – Mais les deux peuvent mordre.

Lui, lui tendant la main. – Nicolas.

Elle. – Séverine.

Lui. – Je comprends mieux.

Elle. – Quoi ?

Lui. – L’influence du prénom sur le comportement. Séverine, c’était une journaliste libertaire et féministe, non ?

Elle. – Macho !

Lui. – Pas plus que vous.

Elle. – Vous dites n’importe quoi.

Lui. – Seulement quand je ne sais pas quoi répondre.

Elle. – Et que vous voulez avoir le dernier mot. Vous me faites rire.

Lui. – Vous aussi.

Elle. – Interdit de fumer dans la chambre.

Lui. – Je croyais que c’était un studio ?

Elle sort en fermant la porte.

Il regarde autour de lui. Marche dans la pièce, regarde le mobilier, touche les murs.

Il ne se comporte pas comme quelqu’un qui loue normalement un appartement, on sent en lui quelque chose de plus mystérieux.

Il lève la tête et regarde le lustre au plafond.

Puis il se secoue, prend ses sacs et les balance dans le placard sans les ouvrir.

La porte s’ouvre, elle le voit faire.

Elle tient deux serviettes de toilette dans les mains.

Elle. – Vous avez un sens du rangement très masculin.

Lui. – On ne vous a pas appris qu’il fallait frapper avant d’entrer dans la chambre d’un homme ?

Elle. – Vous n’aviez qu’à fermer. La clé est à l’intérieur.

Lui. – J’aurais pu être nu.

Elle. – Oh là là ! Qu’est-ce que ça aurait changé ? D’ailleurs, je vous apporte des serviettes de toilette.

Lui. – C’est combien ?

Elle. – Gratuit.

Lui. – Hum, je crois qu’il faut que je vous dise merci.

Elle. – Pas obligé, c’est compris dans le loyer.

Lui. – Alors vous allez perdre de l’argent avec moi, je prends quatre douches par jour.

Elle. – Vous transpirez beaucoup ?

Lui. – Non, j’aime me doucher.

Elle. – Pourtant vous venez d’un pays où il ne fait pas si chaud que ça.

Lui. – Détrompez-vous :...

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