Le coup du coucou

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Agent immobilier dans une petite localité de province, Antoine Belmont accumule les
conquêtes féminines jusqu’au jour où sa femme, prévenue par une maîtresse larguée, prend
conscience de son statut de femme trompée. Plus question pour elle de garder, sous son toit, un mari
volage…
La difficulté pour Antoine, c’est que l’agence, où il n’est qu’un simple associé, appartient à
sa belle mère qui entrevoit de se passer de ses services. Antoine n’envisage pas un seul instant de
quitter cette épouse qui lui assure un confort financier des plus agréables.
Son salut viendrait il de cet énigmatique Amédée, poète et vendeur de chaussures, qui
débarque du fin fond de sa province et qui se déclare amoureux de sa femme ? D’abord agacé par
cette rocambolesque déclaration, Antoine voit en ce mystérieux inconnu l’occasion de prendre sa
femme en défaut et d’inverser le rapport de force entre elle et lui…
C’était sans compter sur la pugnacité de cet amoureux transi qui, une fois la rencontre faite,
s’incruste dans la maison comme un coucou dans le nid d’un autre et ne veut plus en partir…
C’était sans compter aussi sur le retour de deux maîtresses d’Antoine qui n’entendent pas se
partager un amant aussi généreux…
Et sans compter, enfin, sur sa propre femme qui commence à trouver très attirant ce
courtisan poète d’un autre siècle…
C’en est trop pour Antoine qui, bousculé de toutes parts, va enfin révéler sa vraie
personnalité… celle d’un agent immobilier loin de tous reproches..

Décor : un salon/ Salle à manger/ salon très chic
Existe en version 4F et 3 H

ACTE I

Marjorie Belmont est dans son salon. Elle arrange quelques fleurs dans un vase. Son mari arrive, sortant de son bureau.

ANTOINE. – Tu voulais me parler, ma chérie ?

MARJORIE. – Si tu veux bien m'accorder quelques minutes de ton précieux temps...

ANTOINE. – Pas de problème, mon dernier client vient de partir à l'instant...

MARJORIE, calmement. – Cliente.

ANTOINE, surpris. – Pardon ?

MARJORIE, toujours aussi calmement. – Je disais que ce n'est pas un client qui sortait de l'agence, mais une cliente.

ANTOINE, un peu dérouté. – C'est possible...

MARJORIE. – Non seulement c'est possible mais c'est même certain. A moins que ce ne soit un écossais, il ne t'a pas échappé que ce « client » portait une jupe ?

ANTOINE, piqué au vif, s'énervant. – C'est quoi ces allusions à deux balles ? J'ai employé le terme « client » de façon générique pour désigner un habitué de l'agence... Il n'y a pas de quoi en faire tout un plat !

MARJORIE, calmement. – Ne t'énerve pas comme ça.

ANTOINE, très énervé. – Je ne m'énerve pas !.

MARJORIE, même jeu. – Si, un petit peu quand même... Ce n'est pas parce que j'ai reconnu ta maîtresse qu'il faut te mettre dans tous tes états.

ANTOINE, faussement outré. – Marjorie !

MARJORIE. – Je t'en prie Antoine, pas d'hypocrisie. Aie le courage d'assumer tes actes et ta conduite.

ANTOINE. – Ma chérie, je te jure sur ma tête que...

MARJORIE, le coupant. – Ne jure surtout pas ! Et encore moins sur ta tête, tu vas en avoir sacrément besoin dans les jours à venir.

ANTOINE, faisant le fier. – Tu te rends compte des accusations que tu formules à mon égard ? On est à la limite de la diffamation et si tu n'étais pas ma femme, je porterais plainte.

MARJORIE, toujours aussi calme. – Et tu perdrais ton procès. En règle générale les gens trompés sont souvent les derniers avertis. Il se trouve qu'une bonne âme a eu pitié de moi et m'a gentiment mise au courant de tes infidélités conjugales.

ANTOINE, bravache. – Et peut on connaître le nom de ce corbeau calomniateur ? Sans doute un anonyme soucieux de nuire à ma réussite d'agent immobilier ...

MARJORIE. – L'anonyme s'appelle Françoise Duchemolle.

ANTOINE, se forçant à rire. – Françoise Duchemolle ! Il y a de quoi rire.

MARJORIE, très sérieuse. – Mais je ris, je ris. Ça ne se voit peut être pas extérieurement mais intérieurement, qu'est ce que je me bidonne !

ANTOINE, chargeant. – Une folle excentrique, radoteuse et nymphomane...

MARJORIE, toujours aussi calmement. – Françoise Duchemolle qui fut ta maîtresse pendant six mois et que tu recevais dans l'agence, trois soirs par semaine, en fin de journée, comme dernier « client »...

ANTOINE, en rajoutant une louche. – Tu ne vas pas t'abaisser à croire les affabulations de cette détraquée sexuelle ? Pas toi Marjorie, pas une femme de ta classe.

MARJORIE, expliquant. – La femme de classe voudrait bien ne pas croire la « détraquée sexuelle », mais quand celle-ci me décrit avec précision les endroits où sont placés tes grains de beauté sur ton anatomie de mâle viril et conquérant... alors là !

ANTOINE, au bord de la débâcle. – Une folle je te dis et soit disant astrologue de surcroît.

MARJORIE. – J'en conclus que si elle n'a pas vu ça dans les astres, le marc de café ou dans sa boule de cristal, cela signifie qu'elle t'a vu à poil suffisamment longtemps pour cartographier et mémoriser avec attention tous ces emplacements intimes. Qu'en penses tu ?

ANTOINE, entre ses dents. – Oh la salope !

MARJORIE. – Eh oui, les femmes sont toujours des salopes quand elles se vengent.

ANTOINE. – Bon d'accord, j'avoue que j'ai cédé aux avances de cette névrosée mais c'était purement physique... Je n'ai jamais cessé de penser à toi.

MARJORIE, cynique. – Tu n'imagines pas comme ça me fait plaisir de savoir que tu pensais à moi tout en pelotant Françoise Duchemolle.

ANTOINE, essayant de se racheter. – Oui, mais tout ça, c'est terminé, fini, balayé, oublié...

MARJORIE, le coupant. – Dans les bras de Salomé Francesco, danseuse effeuilleuse au cabaret les Oies sauvages...

ANTOINE, dépassé. – Oh putain !

MARJORIE. – Tu as le chic pour trouver les mots justes, mon chéri.

ANTOINE, tentant autre chose. – Avoue que tout ça n'est pas de ma faute.

MARJORIE, faussement étonnée. – Ah bon ! Quel est donc alors l'odieux responsable ?

ANTOINE, culotté. – Mon sex- appeal ! Reconnais que je suis plutôt beau gosse, drôle...

MARJORIE, moqueuse, le coupant. – Surtout en ce moment.

ANTOINE. – Et efficace dans mon travail...

MARJORIE. – Effectivement, tu ne ménages pas tes heures supplémentaires.

ANTOINE. – Tu peux rire. N'empêche que ce n'est pas facile tous les jours de résister sans succomber à la tentation.

MARJORIE. – Quel supplice épouvantable ! Tu dois souffrir le martyre par moment, mon pauvre Antoine.

ANTOINE. – Ajoute à cela mon agence immobilière qui fonctionne plutôt bien et qui fascine les gens...

MARJORIE. – De maman...

ANTOINE, perdu. – Comment ça... de maman ?

MARJORIE. – L'agence immobilière … de maman... dans laquelle tu es juste associé, grâce à ton beau mariage avec sa fille unique.

ANTOINE, outré. – Oh que c'est petit ça... oh que c'est mesquin de me rappeler que je ne suis pas chez moi... Tu me déçois beaucoup, tu sais Marjorie. Je te croyais au dessus de ces basses considérations matérielles. !

MARJORIE. – Désolée de ne pas avoir ta largesse d'esprit. Cela dit, quels sont tes projets ?

ANTOINE, faiblement. – Quels projets ?

MARJORIE. – Avec tes conquêtes, voyons ! Apparemment, la mère Duchemolle est reléguée au rayon des antiquités mais quid de l'effeuilleuse ? Toutes ses feuilles sont tombées ou tu attends la fin de l'automne ?

ANTOINE, péteux. – Ce n'est pas un sujet facile à débattre pour moi...

MARJORIE. – Alors que pour moi, c'est un jeu d'enfant...

ANTOINE, lui prenant les mains. – Ecoute Marjorie, ne pourrions nous pas faire table rase du passé et repartir sur de nouvelles bases toi et moi ?

MARJORIE, moqueuse. – Ah oui ? Et en faisant quoi par exemple ?

ANTOINE, brusquement enflammé. – Tiens, je t'invite à dîner chez Jeannot, le spécialiste du poisson.

MARJORIE, moqueuse. – Une immersion parmi les maquereaux et les morues, en quelque sorte... (Avec humour.) Je me sentirai moins sole...

ANTOINE, déçu. – Tu n'y mets pas beaucoup de bonne volonté.

MARJORIE, brusquement sérieuse. – Ton cynisme est déconcertant. Ecoute moi bien Antoine. Je suis une honnête femme, droite et fidèle. J'aurais pu me venger en te trompant. Ce ne sont pas les occasions qui m'ont manquée.

ANTOINE, réagissant, matcho. – Ah non, pas toi. Tu n'as pas le droit. Qu'auraient pensé les enfants de la conduite de leur mère ?

MARJORIE, brusquement sérieuse. – Nous n'avons pas d'enfants, Antoine...

ANTOINE. – Eh bien c'est heureux... Tu imagines leur déception si on en avait eu ?

MARJORIE. – J'ai ma fierté mais ce n'est pas pour autant que je vais supporter tes frasques qui m'humilient et me rendent ridicules aux yeux de mes proches. Cocue certes, mais cocue consciente !

ANTOINE, faux cul. – Je peux te comprendre tu sais... c'est humain...

MARJORIE. – Aussi, je vais demander à maman de se chercher un autre associé et tu continueras tes fréquentations hors des murs de notre maison.

ANTOINE, minable. – Tu ne peux pas me faire ça !

MARJORIE. – Chiche ?

ANTOINE, de + en + minable. – Marjorie, ma chérie... en souvenir de toutes les belles années passées ensemble...

Elle lui tourne le dos et, face au public, elle lui fait un doigt d'honneur.

MARJORIE. – Va te faire voir, minable baratineur !

Elle sort côté chambre.

ANTOINE, en colère. – Et merde, merde, merde et merde !

On sonne à l'entrée.

ANTOINE, énervé. – Marjorie, on sonne ! (Réalisant et se radoucissant.) Oui, bon, c'est peut être pas le moment de l'énerver davantage.

Il va vers la porte d'entrée et ouvre. Un homme entre. C'est Amédée. Poète, rêveur, à l'allure dégingandée, vêtu sobrement mais proprement et avec goût. Ne pas en faire l'idiot du village...

AMÉDÉE, tendant la main à Antoine. – Bonjour. Je m'appelle Amédée...

ANTOINE, ne répondant pas à sa poignée de main. – J 'en suis désolé pour vous, croyez le bien.

AMÉDÉE, retirant sa main gauchement. – Bouard... Amédée Bouard...

ANTOINE, moqueur. – En plus ! Eh ben dîtes donc, avec un nom pareil, vous partez avec un sacré handicap dans la vie.

AMÉDÉE. – Pas facile à porter tous les jours... Mes amis m'appellent Dédé.

ANTOINE. – C'est très sympathique, mais je ne pense pas faire partie de vos amis. Vous êtes venu me voir pour un conseil ?

AMÉDÉE, s'enhardissant. – Oui... enfin non.... enfin... c'est à dire que voilà... c'est pour un avis... d'ordre personnel... très personnel même...

ANTOINE. – Je ne fais pas dans l'assistance sociale, cher monsieur Ception.

AMÉDÉE, corrigeant, timidement. – Amédée Bouard, pas Amédée Ception. Dédé pour les intimes.

ANTOINE, agacé. – Mes déboires, mes déceptions, c'est quasiment pareil. Vous voudrez bien m'excuser mais je viens d'avoir une journée très chargée et j'aspirerai à un peu de repos si cela ne vous ennuie pas. De surcroît, je ne reçois que sur rendez vous

AMÉDÉE, timidement. – J'arrive de Chausson les Ribouis, dans les Vosges...

ANTOINE, agacé. – Et alors ?

AMÉDÉE. – Je ne voudrais pas avoir fait ce long voyage pour rien...

ANTOINE, l'invitant à s'asseoir, à contre coeur. – Je vous écoute, mais soyez bref.

AMÉDÉE, embêté. – Ça ne va pas être facile...

ANTOINE, l'invitant à parler. – Vous souhaitez vous installer dans notre région ? Je peux vous aider à trouver une maison et m'occuper de vos affaires ?

AMÉDÉE, étonné. – Ah, parce que vous êtes habilité à cela ?

ANTOINE, agacé. – Je suis agent immobilier, vous n'avez pas vu ma plaque à l'entrée de la propriété ?...

AMÉDÉE. – Désolé, je n'ai pas prêté attention... dans la hâte de faire votre connaissance.

ANTOINE, de + en + agacé. – Soyons brefs. Vous voulez un conseil sur l'achat d'un bien ?

AMÉDÉE. – Non point...j'ai une coquette petite maison qui me suffit amplement à Chausson les Ribouis... dans les Vosges.

ANTOINE, de + en + agacé. – Je pense qu'il serait temps d'arrêter de vous moquer de moi !

AMÉDÉE, en toute bonne foi. – Je ne me moque pas de vous.

ANTOINE, de + en + agacé. – Dans ce cas, quel est le but de votre visite chez moi ?

AMÉDÉE. – C'est une longue histoire...

ANTOINE, n'y tenant plus. – Je n'ai aucune aptitude à écouter les histoires en général et celles des autres en particulier....

AMÉDÉE. – J'entends bien, mais dans celle ci, monsieur Belmont, vous y jouez un tout premier rôle.

ANTOINE, bras croisés. – Ah oui ? Et qu'est ce qu'un agent immobilier de l'ouest de la France vient faire dans l'histoire d'un habitant des Vosges ? Je vous le demande ! (A actualiser selon vos positions.)

AMÉDÉE. – Je vais vous l'expliquer mais essayez de ne pas m'interrompre...

ANTOINE, regardant sa montre. – Eh bien, on n'est pas couché. Je vous donne cinq minutes, pas une de plus !

AMÉDÉE. – J'approche de la quarantaine (à voir.) et voilà bientôt vingt ans que je suis représentant de commerce dans la chaussure...

ANTOINE, moqueur. – Et vous habitez Chausson les Ribouis. Vous le faîtes exprès ?

AMÉDÉE. – Et que je suis toujours célibataire...

ANTOINE, avec humour. – Vous n'avez pas trouvé chaussure à votre pied. (Il rit.)

AMÉDÉE. – J'apprécie votre humour monsieur Belmont et je m'en félicite. Cela ne pourra que faciliter notre discussion future.

ANTOINE, le relançant. – Ne vous arrêtez pas, je vous prie. Célibataire donc ?

AMÉDÉE. – C'est cela oui. Disons que j'ai consacré toute ma vie à la godasse … et à la poésie.

ANTOINE, même jeu d'humour. – La poésie qui va forcément avec les pieds... (Il rit à nouveau. Tête de Amédée.) Les pieds... les rimes... pour la poésie... vous avez compris ?

AMÉDÉE, se forçant à rire. – Ah ah ah ah ! Très drôle celle là aussi. Vous êtes un comique monsieur Belmont.

ANTOINE, se renfrognant. – On ne peut pas vraiment dire ça... tout dépend des jours. Mais continuez, continuez...

AMÉDÉE. – Entre...

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