Le couple dans tous ses états

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De la rencontre à la rupture, Jean Legeay dresse un portrait savoureux du couple d’aujourd’hui et de demain. Un sanglier qui cherche sa biche, un mari cocu par accident, un problème insoluble de signes astrologiques, ou encore une boîte de petits pois bien louche : autant de situations plus ou moins loufoques que l’on traverse avec régal.
D’une plume fine et subtile l’auteur compose une galerie de personnages hauts en couleur, drôles et attachants. Jean Legeay forge avec une grande intelligence et non sans humour des caractères taillés pour la scène.
Après avoir longuement écrit pour la télévision, notamment pour des émissions comme “La Classe” et “Bouvard du rire”, Jean Legeay a réuni pendant près de 15 ans ses sketches dans la série des “Télé-sketches”. “Le Couple dans tous ses états” en est une sorte de hors-série thématique, composé de sketches inédits et d’anciens sketches remis au goût du jour.




Le couple dans tous ses états

Ils se cherchent

Mouette cherche goéland

Une femme, un homme.

Une femme assise sur un banc, un journal à la main. Arrive un homme, visiblement timide, ayant à la main le même journal.

D’abord courte scène muette. Il reste un petit moment debout un peu en arrière du banc, hésitant, avant de finalement s’approcher. Il dira le début du dialogue qui suit d’un ton timide et embarrassé, alors qu’elle restera directe et naturelle.

Lui, tenant en évidence son journal. Pardon… Je ne me trompe pas ? Vous êtes bien…

Elle, tenant également en évidence son journal. Oui… Et vous, vous êtes…

Lui. — Oui… (Un temps de silence.) Vous permettez que je m’assoie ?

Elle. — Oui, bien sûr…

Il s’assoit à l’autre bout du banc. Un temps de silence.

Lui. — Quel beau temps…

Elle. — Oui… Un peu pluvieux peut-être…

Lui. — Oui, bien sûr… pluvieux… mais beau…

Elle. — C’est sûr, pour ceux qui aiment la pluie, c’est un beau temps…

Un temps de silence.

Lui. — J’espère que vous n’êtes pas déçue en me voyant ?

Elle. — Non, je vous trouve plutôt pas mal…

Lui. — Ça tombe bien parce que… moi aussi, je vous trouve… C’est même miraculeux… Faire connaissance comme ça, par petite annonce, et tomber sur… sur ce dont on a toujours rêvé…

Elle. — Eh bien si on se plaît, tant mieux, hein…

Lui. — C’est drôle, mais dès que j’ai lu votre annonce, j’ai senti qu’entre nous, ça allait marcher… C’est tellement rare de nos jours, les femmes restées romantiques… (Il récite d’un air sentimental.) « Tendre mouette blessée et romantique cherche goéland solitaire pour affronter ensemble les tempêtes et les embruns de la vie… »

Elle. — Attendez… Ce n’est pas du tout mon annonce !

Lui. — Comment ça, ce n’est pas votre annonce ? Vous n’êtes pas la tendre mouette blessée et romantique qui cherche un goéland solitaire ?

Elle. — Mais pas du tout !

Lui. — Attendez… Que les choses soient bien claires… Vous n’êtes pas la mouette romantique qui a mis l’annonce numéro 4062 364 P 23788 XY 422 ?

Elle. — Pas du tout ! Moi je suis la nana marchant au super qui cherche un mec pompe gros calibre !

Lui, éberlué. Vous êtes quoi ?

Elle. — Je suis la nana marchant au super qui cherche un mec pompe gros calibre !

Lui. — Salope !

Il la gifle et s’enfuit.

Elle, se tenant la joue. Mais il est taré, ce mec !

Sanglier cherche biche

Une femme, un homme.

Sketch en trois scènes.

Scène 1

Lui, chez lui, rédigeant une petite annonce « Rencontres ».

Lui. — Jeune loup aux dents longues… (Il fait non de la tête et rature.) Jeune cerf aux cornes naissantes… (Il rature.) Jeune chêne au feuillage vert tendre… (Il tire une mèche de cheveux devant ses yeux, la regarde puis rature.) Vieux sanglier solitaire… (Un temps de réflexion. Puis un signe d’acquiescement.) Vieux sanglier solitaire cherche jeune biche blessée… (Un temps de réflexion.) … cherche jeune biche blessée pour partager bauge… (Il rature.) … cherche jeune biche blessée pour partager nid… pour partager nid et grogner ensemble… (Il rature.) … pour partager nid et bramer de concert sous la lune…

Scène 2

Elle, chez elle, lisant dans un journal les annonces « Rencontres ».

Elle. — Arbre encore droit mais commençant à perdre feuilles cherche plante encore verte pour échange chlorophylle… (Mimique montrant qu’elle trouve ridicule l’annonce qu’elle vient de lire.) Mec paumé cherche compagne de route… (Même jeu.) Lampadaire haute tension hors d’usage suite court-circuit cherche jeune prise femelle pour branchement… (Même jeu.) Grand-père bon pied cherche grand-mère bon œil pour faire bout de route ensemble… (Même jeu.) Vieux sanglier solitaire cherche jeune biche blessée pour partager… (Relisant plus lentement, visiblement intéressée.) Vieux sanglier solitaire cherche jeune biche blessée pour partager nid et bramer de concert sous la lune…

Prenant un stylo, elle entoure l’annonce.

Scène 3

Elle et lui, sur les lieux du rendez-vous qu’ils se sont donné. Ils cherchent d’abord en parallèle dans la salle, sans se voir, chacun tenant une rose rouge (ou tout autre signe de reconnaissance). Elle s’adresse à différents spectateurs, en leur demandant à chaque fois : « Vieux sanglier solitaire ? », lui s’adresse à différentes spectatrices en leur demandant : « Biche blessée ? ». Soudain ils se retrouvent l’un face à l’autre. Dans un geste réflexe, chacun cache sa rose rouge derrière son dos, mais trop tard.

Elle. — Antoine !

Lui. — Sandrine !

Elle. — Elle est bonne, celle-là ! Si je m’attendais à tomber sur toi…

Lui. — Ça c’est vrai, elle est bonne… Elle est très bonne…

Elle. — Alors c’est toi qui…

Lui. — Non non, c’est pas moi… Enfin si, c’est moi… Je veux dire : c’est une blague que je voulais faire…

Elle. — Ah bon ? Toi aussi c’était une blague ?

Lui. — Oui… Depuis le temps que j’avais envie de savoir qui pouvait répondre aux annonces « Rencontres »… Alors j’ai écrit une annonce bidon histoire de rigoler…

Elle. — C’est marrant, moi c’est pareil… À force de me demander quelle tête pouvaient avoir les types qui écrivaient des annonces « Rencontres », eh bien histoire de rigoler, j’ai écrit une réponse bidon…

Lui. — Elle est bien bonne, celle-là…

Elle. — C’est sûr, elle est bien bonne…

Lui. — Enfin… On aura bien ri… C’est déjà ça…

Elle. — C’est sûr, on aura bien ri…

Lui. — Bon, eh bien alors à lundi, au bureau…

Elle. — C’est ça, à lundi, au bureau…

Ils partent chacun de son côté. En aparté :

Lui. — Et merde !

Elle. — Et crotte !

Ils se sont trouvés

Ambition

Un couple.

D’abord elle, seule, habillée avec soin, faisant les derniers préparatifs dans son appartement (décor plus ou moins réaliste) avant l’arrivée d’invités. Par exemple finissant d’arranger des fleurs dans un vase.

Elle. — Voilà… Tout est prêt… (Regardant sa montre.) Mais qu’est-ce qu’il fait ? Il va être bientôt huit heures… (Passant en revue la table – non nécessairement représentée sur scène.) Alors… Les fourchettes à huître, les repose-couteaux, les rince-doigts… Je crois que je n’ai rien oublié…

Arrive lui, censé venir de l’extérieur et habillé de façon décontractée, en jeans et blouson.

Lui. — Excuse-moi, je suis en retard…

Il enlève son blouson et le jette sur un élément de décor.

Elle. — Je ne te le fais pas dire… Huit heures moins cinq ! Pour un peu, les invités seraient arrivés avant toi !

Lui. — Je suis désolé… Au moment où j’allais partir, Popov est venu me dire au revoir… Tu sais, le collègue russe qu’avait un poste de chercheur associé pour six mois… Il repart demain en Russie, je ne pouvais pas le planter là…

Elle. — Oui, bon, ben va vite t’habiller, alors…

Lui. — Mais je suis habillé, là…

Elle. — Habillé ? T’appelles ça habillé ? Tu sais bien que le doyen est toujours en costume cravate et qu’il attache beaucoup d’importance à ce qu’il estime être le respect des convenances… Alors pour une fois qu’on l’invite, tu vas faire un effort, tu vas mettre une veste et une cravate…

Lui. — Une veste et une cravate ? Non mais tu rigoles ! J’ai accepté d’inviter le doyen et sa femme parce que t’as insisté… Pour ma « carrière », comme tu dis… Mais une veste et une cravate, ça non ! Il est hors de question que je me déguise pour eux…

Elle. — Il ne s’agit pas de te déguiser… Il s’agit de faire un effort pour produire une bonne impression sur le doyen, et augmenter tes chances d’obtenir la chaire de professeur qui vient de se libérer…

Lui. — Tu ne crois pas que j’ai déjà fait un bel effort en l’invitant ? Une vieille barbe pontifiante qui va nous raser toute la soirée…

Elle. — Mais une vieille barbe qui joue un rôle prépondérant dans l’attribution de la chaire à pourvoir… Alors tu vas me faire le plaisir de mettre une veste et une cravate !

Lui. — C’est hors de question !

Elle. — Dis tout de suite que t’as envie de rester toute ta vie maître de conférences…

Lui. — Et pourquoi pas ? Ça n’a rien de déshonorant… Je me sens très bien, moi, dans ma peau de maître de conférences…

Elle. — Oui, eh bien moi, je ne me sens pas bien du tout dans ma peau de femme de maître de conférences !

Lui. — Ça recommence…

Elle. — Oui, ça recommence ! Et ça recommencera tant que t’auras pas compris que je ne supporte pas d’avoir l’air d’une minable aux yeux d’une amie comme Catherine dont le mari est passé prof depuis longtemps… Monsieur est bien dans sa peau de maître de...

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