Scène 1

 

 

Piste 1 : Grateful Dead Ripple

On entend des aboiements des chiens.

Elles arrivent côté jardin, l’une d’elles, Providence, soutenue par les autres, boitille.

Berthe arrive en douce.

 

ROXANE — Les chiens, on les a semés ?

BERTHE — Oui, grâce à la rivière. Comment t’as su ça toi ? Que les chiens, ils ne nous retrouveraient pas ?

ROXANE — Tout le monde le sait ! Les chiens c’est comme les hommes, ça n’aime pas l’eau !

MILADY — Sûr, mon homme il n’aime que le whisky. Et mon chien c’est pareil d’ailleurs ! Mon homme, il dit toujours que l’eau c’est pour ses vaches. Il ne se lave jamais. Alors dans le gosier, tu m’as compris !

BERTHE — Le mien, une fois par mois quand il va au bordel.

PROVIDENCE — Ton chien ?

BERTHE — Mais non mon homme !

 

 

PROVIDENCE — Je blague. Le mien, il ne sort pas quand il pleut. Il attend que ça passe, il a peur de fondre. Et après il évite les flaques, des fois que ça rouille ses éperons...

MILADY — Tiens, les flaques, ça me rappelle une histoire. Vous voulez que je vous la raconte ?

ROXANE — Ouaip, après.

PROVIDENCE — Après quoi ?

ROXANE — D’abord on va rentrer là-dedans et trouver des armes avant qu’ils ne retrouvent notre piste. Au saloon, ils sont tous bourrés. Y a que les ivrognes, nos hommes, ils sont au rodéo. Ça va être facile.

Elles déclenchent une bagarre dans le saloon (en coulisses) et ressortent armées jusqu’aux dents.

Piste 2 : bagarre (trouvée sur le site de la bibliothèque sonore de la BBC)

Pendant qu’elles parlent elles s’harnachent.

Piste 3 : Buffalo Springfield For What It’s Worth

 

 

 

 

 

Scène 2

 

 

ROXANE — Alors ton histoire ?

MILADY — C’est ma nourrice qui me l’a racontée. Pluie-Toute-Droite, elle s’appelait, c’était une Indienne, une Cree. Bon voilà : il était une fois une vieille femme. Elle était l’épouse d’un vieil étang.

BERTHE — L’épouse de qui ?

MILADY — D’un vieil étang, oui, c’est une histoire d’Indiens. C’est des poètes. Bon, un jour, il avait fait si chaud que l’étang était vide, le soleil avait bu toute l’eau de l’étang, Le soleil avait bu son mari quoi.

PROVIDENCE — C’est idiot ton histoire.

MILADY — Attends ! C’est les Indiens je te dis !  Pendant longtemps la vieille femme a attendu près du trou où vivait son mari. Une nuit il y eut un orage, mais au matin il n’y avait toujours pas d’eau dans le trou.

PROVIDENCE — C’est pas possible, si il y a un orage, il pleut, et s’il pleut, l’étang se remplit.

MILADY — Ben c’est une histoire, tu m’agaces à m’interrompre tout le temps. Puisque c’est comme ça je m’arrête.

PROVIDENCE — Chochotte !

ROXANE — Mais non ! Continue, te vexe pas. (à Providence) Et toi, tais-toi !

MILADY — La femme part à la recherche de son mari en suivant les flaques qui marquaient les pas de l’orage et après plusieurs kilomètres, deux porcs-épics à peu près et ...

BERTHE — Deux porcs-épics ?

MILADY — Oui les Crees mesurent les distances en territoire de porcs-épics.

PROVIDENCE — Ils doivent être crevé tes Indiens !

MILADY — Crevés ?

PROVIDENCE — Ben ouais, porc-épic, crevé…pffffffffffffft

MILADY — Très drôle…Tu me gonfles… Bon après deux kilomètres, si tu préfères, elle trouve son mari dans un trou. « Mais tu t’es trompé de trou », qu’elle lui dit ! Et après elle ramène son mari dans l’étang !

BERTHE — C’est tout ?

MILADY — Non, elle le ramène petit à petit dans le creux de ses mains. Voilà, là, c’est tout.

PROVIDENCE — C’est n’importe quoi, ton histoire.

ROXANE — Moi je trouve ça joli. Si on pouvait ramener nos maris dans le droit chemin comme cette vieille Indienne, ça serait merveilleux.

PROVIDENCE — Pouf, mon mari, cette brute, je te le noierais, moi. C’est pas moi qui lui apprendrais à nager à ce voyou.

ROXANE — Tu sais nager, toi ?

PROVIDENCE — Non ! Mais c’est manière de parler.

BERTHE — Moi non plus. Et mon homme, il a beau être Mexicain, il ne vaut pas mieux qu’un Américain ! Peut-être pire. On l’appelle Téquila-Muerte, c’est vous dire. Allez hop, au Rio Bravo ! Et sans glaçons !

MILADY — Moi pareil. Mais avant j’y dirai : « tu vois, Bob, le monde se divise en deux catégories : ceux qui flottent et ceux qui coulent ? Toi tu coules ! »

ROXANE — Moi aussi, mon Gordon, une corde autour des bottes, bien lestée d’une pierre et hop, à la baille ! Sinon, gros comme il est, avec les bouées là, sur les hanches, il ne coulera jamais !

MILADY — Leur gueule quand ont les plaqués là, au rodéo.

ROXANE — Ouaip, deux baffes que je lui ai mises, un aller et retour, et aussi sec je me suis cassée.

MILADY — J’t’ai vue faire, j’ai fait pareil.

BERTHE — Moi j’me suis tirée en douce.

PROVIDENCE — Moi il m’a foutu une rouste : « Barre-toi » qu’il m’a dit. L’andouille, je l’ai pris au mot ! Il va s’en mordre les doigts… Enfin les trois qu’il lui reste. Mais en attendant j’ai du mal à marcher.

ROXANE — Ouaip, on s’est bien trouvées, toutes les quatre. Ras le bol de ces sauvages… Et toi, t’inquiète, on va te trouver un chariot !

Elle rentre dans le saloon et revient avec une béquille.

ROXANE — Ça ira ? J’ai pas trouvé mieux.

PROVIDENCE — Faut voir, la canne fait pas la jambe, c’est sûr. Mais tu plantes ta canne et le lendemain un rosier a poussé !

Un temps, l’une se roule une clope, l’autre crache etc…

MILADY — Vous avez des gosses vous ?

LES TROIS AUTRES — Non.

MILADY — Moi non plus. J’aimerais bien en avoir, des mioches. Mais pas ici, pas dans cette ville pourrie ! Y a même pas d’école, et le seul doc, c’est le véto !

ROXANE — Ouaip, l’inséminateur.

BERTHE — L’est pas plus véto que doc ! Quand je le vois, moi, je change de côté de rue.

PROVIDENCE — Ce type, c’est une épidémie à lui tout seul.

MILADY — Sûr, avec sa perruque en peau de fesses, tu lui palpes la paluche et c’est la pelade que tu chopes !

ROXANE — On devrait s’en aller. Partir loin d’ici.

BERTHE — Pour aller où ? Et pourquoi ? Et faire quoi : s’en aller et battre la campagne, errer, se perdre dans un canyon.

PROVIDENCE — On dit que le gouvernement cherche des femmes blanches pour épouser des Indiens.

MILADY — Moi j’aimerais bien aller dans les Blacks Hills ; ma nourrice, elle m’a parlé des Cheyennes. Ils sont gentils.

BERTHE — Tu parles, tant que leurs squaws turbinent, ils sont gentils. Mais va-t’en te reposer, les Cheyennes, ils sont pas meilleurs que nos hommes. Ni pires, tu me diras, mais ni meilleurs, ça c’est sûr ! Pour la parlotte autour du feu ils sont forts, ah ça oui, mais pour aller chercher l’eau à la rivière, t’as intérêt à te grouiller ! Demande même pas un coup de main, c’est un coup de pied au cul que tu recevras !

ROXANE — Ouaip ! Et puis ils commencent à picoler, eux aussi… Avant écolo… maintenant alcoolo… L’eau de feu qu’ils disent. Et l’eau de feu on sait ce que ça donne : la baston.

PROVIDENCE — Ouaip, au lieu de le fumer, le calumet, ils feraient mieux de nous la foutre, la paix. Tous les hommes, autant les Indiens que les Blancs. Et même les hommes Blancs-Noirs, comme ils disent.

MILADY — Ah ça ! Pour refaire le monde sont fortiches, oui, mais pour le faire, j’t’en fiche ouais, c’est pour bibiche !

ROXANE — C’est toujours les femmes qui ont mené le monde et les hommes ne sont là que pour jouer avec et le casser !

TOUTES — À nous de le réparer.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Scène 3

 

A C D C Ride on

Le shérif arrive pour les arrêter. Elles se placent en demi-cercle.

 

KID DOUBLE VUE — Haut les mains, et pas d’histoires.

PROVIDENCE — Qui c’est celui-là ?

BERTHE — Le shérif, l’est bien pâle.

MILADY — Un shérif ? Ce débris, ils l’ont trouvé dans un baril de mélasse ! Regardez, on dirait qu’il a les pieds collés par terre. Son œil droit dit bonjour au gauche. M’étonnerait qu’il ait des cadavres au compteur…

KID DOUBLE VUE — Eh, oh ! respect s’il vous plaît, Kid Double Vue pour vous servir, Mesdames. Croyez-moi le croque-mort n’est pas au chômage ici. Soyez raisonnables, donnez-moi vos colts. Sinon à défaut de servir je sévis !

MILADY — Oh, mais c’est un baveux, notre shérif. Fait dans l’humour et le beau parler. On va voir s’il manie aussi bien le six-coups que sa belle langue. À mon avis il a les foies…

ROXANE — Ouaip, son sang n’a pas fini son dernier tour…

BERTHE — Matez-le, il est blanc comme un panty tout propre. Et il n’est pas sec. Regardez comme il transpire… Va falloir l’étendre (sous-entendu « le tuer »)

KID DOUBLE VUE — Pas d’embrouilles, Mesdames, donnez-moi vos colts. Et toi la vieille, ta Winchester.

PROVIDENCE — Hé dis donc, la vieille ? Tu pourrais être poli, le gringalet. Espèce de blanc-bec. J’t’en fiche moi : « la vieille ». Je m’appelle Providence !

Elle lui tire dessus, le chapeau s’envole.

PROVIDENCE — On enlève son chapeau quand on parle aux dames !

PROVIDENCE — Pied-tendre ! (Un autre coup de feu, il tient son pantalon)

PROVIDENCE — Cul-terreux ! (Un troisième coup de feu, le pantalon tombe)

KID DOUBLE VUE — Hé, c’est pas loyal ça !

Puis, à chaque interjection elles lui tirent dessus, il s’effondre au ralenti criblé de balles.

ROXANE — Moi c’est Roxane, racaille à vérole ! Crapule à scarlatine ! Attends que je choisisse mes rimes, Ah Voilà :

Toi, shérif de mes deux, j’en fais de la bouillie,

D’un coup de pistolet, sur le sol je te couche

Toi, rascal à l’étoile, chacal...

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