L’Éolienne

Madame la maire a des soucis : la commune fait face à une sévère augmentation des tarifs d’électricité. Fort heureusement, elle a la solution : la construction d’une éolienne. Le moins qu’on puisse dire, c’est que sa décision ne fait pas l’unanimité. Qu’à cela ne tienne ! Elle se bat « pour le bien commun et pour la République ». Cependant, le journal local mène son enquête. Et si les intentions de la maire n’étaient pas si honorables ?
Une comédie menée tambour battant, pleine de suspense, de rebondissements… et d’éclats de rire !

Décor (1)

Le bureau de SophieL’action se déroule dans le bureau de Sophie, la maire.

 

Acte I

Scène 1

Sophie entre dans son bureau avec une pile de dossiers, elle le dépose sur son bureau et s’incline respectueusement devant la photographie officielle du président de la République. Léa entre.

Léa. — Dis-moi, maman…

Sophie. — Je t’ai déjà dit de ne pas m’appeler comme ça, ici !

Léa. — Tu préfères que je t’appelle Sophie ?

Sophie. — Appelle-moi Mme la maire, comme tout le monde ! Et tu me vouvoies, merci.

Léa. — Tu n’as pas l’impression d’en faire trop ?

Sophie. — Tu parles ! Déjà que ces imbéciles de Dominique et Valéry ont hurlé quand je t’ai fait embaucher par la commune, on ne va pas tendre le bâton pour se faire battre. Gardons nos distances !

Léa. — Nous sommes toutes seules…

Sophie. — Non, Léa, nous ne sommes pas seules.

Elle désigne du coin de l’œil la photo du Président.

Léa. — M’étonnerait qu’il nous entende.

Sophie, en plein recueillement. — Chut.

Léa. — Quand je disais que tu…

Sophie. — Vous !

Léa. — Que vous en faisiez trop…

Sophie. — On n’en fait jamais trop quand on est au service de la République.

Léa. — Bien sûr… Vous me rappelez combien il y a d’habitants dans la commune ?

Sophie. — Trois cent vingt-cinq. Trois cent vingt-cinq âmes dont j’ai la charge.

Léa. — Ah oui ! Carrément…

Sophie. — Tu ne sais pas ce que c’est, toi. Tu ne vois pas l’immense responsabilité qui est la mienne.

Léa. — J’en ai bien une petite idée.

Sophie. — Le ramassage des poubelles…

Léa. — C’est le mardi. Ça fait des années que c’est le mardi.

Sophie. — Les mariages…

Léa. — Il n’y en a pas eu depuis trois ans.

Sophie. — Et surtout, l’éclairage public !

Léa. — Ah ! ça…

Sophie. — La facture a doublé, Léa. Doublé !

Léa. — Oui, merci, je suis au courant.

Sophie. — C’est à moi qu’il incombait de trouver une solution. Et j’ai trouvé.

Léa. — Ah oui ?

Sophie. — Eh oui !

Léa. — Et qu’est-ce que c’est ?

On toque à la porte.

Sophie. — Va ouvrir. Tu sauras bientôt.

Léa. — Je te rappelle que tu as fixé une réunion publique dans la salle des fêtes à 14 h 30. C’est dans dix minutes.

Sophie. — Je serai à l’heure, comme toujours. (Léa va ouvrir. Sophie l’arrête.) Attends ! (Elle s’assoit en majesté à son bureau et éparpille ses dossiers devant elle.) C’est bon, ouvre.

Scène 2

Léa ouvre la porte. Victor entre.

Sophie. — Bonjour, monsieur l’ingénieur.

Victor. — Vous pouvez m’appeler Victor. (À Léa :) Et vous êtes… ?

Sophie. — C’est ma fi… ma secrétaire, Léa.

Victor, ébloui. — Absolument enchanté, Léa.

Il la regarde fixement, Léa est visiblement très gênée.

Sophie. — Asseyez-vous, Victor. Nous n’avons que très peu de temps. (Victor s’assoit, tout en continuant à regarder Léa.) La réunion publique commence dans dix minutes, il faut que j’aie toutes les informations. Léa, prenez des notes.

Léa, prenant un stylo. — Excusez-moi mais…

Sophie. — Léa, je vous prie de ne pas intervenir, nous sommes pressés. (Léa se renfrogne et s’apprête à écrire. Victor la fixe toujours.) Le terrain est donc constructible.

Victor. — Très constructible.

Sophie. — Ce sera prêt dans combien de temps ?

Victor. — Je dirais un mois puisque nous avons eu tous les agréments.

Sophie. — Parfait. Expliquez-moi comment ça fonctionne, mes administrés seront curieux. Léa, notez.

Léa. — Mais de quoi…

Sophie. — Allez-y, Victor. (Victor ne répond pas, il regarde toujours Léa.) Hou ! hou !

Victor. — Veuillez m’excuser. (Il se tourne vers Sophie et essaie de se concentrer.) Eh bien, les trois pales sont conçues pour réduire la traînée et maximiser la portance afin de permettre une rotation efficace.

Léa. — J’aimerais bien savoir de quoi on parle.

Sophie. — Contentez-vous de noter ! Continuez, Victor.

Victor. — Le mouvement de rotation est transmis au roton, lui-même connecté au générateur qui convertit le mouvement en énergie grâce à l’induction électromagnétique.

Léa. — Électro… ?

Victor, se tourne vers elle et lui dit d’un ton passionné. — …Magnétique.

Sophie, un peu perdue. — C’est bon, j’en sais assez.

Victor. — Je ne vous ai pas parlé des aimants ni des bobines de cuivres.

Sophie. — Léa, notez !

Victor, en regardant Léa. — Aimants…

Léa. — Et bobines de cuivre, c’est noté.

Sophie, regardant sa montre. — Merci, Victor.

Victor, toujours à Léa. — C’était un plaisir, Mme la maire.

Sophie prend les notes de Léa.

Sophie. — C’est illisible, ma pauvre fille.

Léa. — Si j’avais su de quoi on parlait, aussi…

Scène 3

Claude entre, essoufflé.

Claude. — Pardon, m’dame la maire…

Sophie. — Ah ! voilà Claude ! Victor, pompeusement, pendant que Claude reprend son souffle :) Je vous présente Claude, notre inventif employé, superviseur de l’entretien des espaces verts et des bâtiments publics.

Léa. — Voilà. Il tond la pelouse et il fait le ménage.

Sophie. — Que vouliez-vous nous dire, Claude ?

Claude, haletant. — J’ai couru… Pour vous t’nir au courant… Plus d’courant !

Sophie. —ça ?

Claude, plus fort. — Dans la salle des fêtes !

Sophie. — Ah ! ça, c’est ennuyeux.

Claude. — On n’y voit plus rien !

Victor. — Même avec la lumière du jour ?

Claude. — Ça se voit que vous connaissez pas la salle des fêtes, vous.

Victor. — Je n’ai pas cet honneur, en effet.

Claude. — On a muré les fenêtres.

Victor. — Pourquoi ?

Claude. — Quelqu’un a volé les volets.

Victor. — Vous avez muré les fenêtres parce que les volets ont été volés ?

Sophie. — C’était malheureusement la seule solution.

Léa, à Victor. — Je vous rassure, je n’ai toujours pas compris non plus.

Sophie. — Toujours est-il que notre réunion ne peut plus se tenir dans la salle des fêtes.

Léa. — Nous n’avons qu’à la tenir ici, ma… dame la maire.

Sophie. — Nous n’aurons jamais la place ! Trois cent vingt-cinq habitants, tout de même !

Claude. — C’est pas grave, y a jamais personne qui vient à vos réunions.

Sophie. — Vous êtes bien là, vous !

Claude. — Personne sauf moi, Valéry, Dominique…

Sophie. — Oh non ! Pas Dominique !

Claude. — Des fois Danny et la p’tite Clara. On rentrera tous ici.

Léa. — Claude a raison, Mme la maire.

Sophie, résignée. — Bon… Allez les prévenir, Claude.

Claude. — Y vaudrait mieux que vous v’niez avec moi. Dominique me croit jamais quand j’dis des trucs.

Sophie, soupirant. — C’est mon rôle de maire, après tout. (À Léa, solennelle :) Léa, je vous confie la mairie. Nous revenons au plus vite.

Elle sort avec Claude.

Scène 4

Silence.

Victor fixe Léa qui lui jette, de temps à autre, des coups d’œil gênés.

Léa et Victor, en même temps. — Je…

Léa. — Oui ?

Victor. — Non, allez-y.

Léa. — Vous d’abord.

Victor. — Je voulais dire que… Il fait chaud, non ?

Léa. — Oui, le chauffage est toujours à fond ici. Mme la maire est très frileuse, ces derniers temps.

Nouveau silence.

Victor. — Elle est sympathique, votre maire.

Léa. — Ah ! vous avez deviné ?

Victor. — Quoi ?

Léa. — Que c’est ma mère.

Victor. — Euh… oui.

Léa. — Elle essaie d’être discrète là-dessus.

Victor. — Ah bon ?

Léa. — De toute façon, ça ne sert à rien, tout le monde est au courant.

Victor. — J’imagine, oui.

Nouveau silence

Léa. — Je n’ai pas bien compris de quoi vous parliez tout à l’heure.

Victor. — Quand ?

Léa. — Tout à l’heure, avec ma mère.

Victor. — Vous n’êtes pas au courant ?

Léa. — De quoi ?

Victor. — Des projets de votre maire.

Scène 5

Danny entre en trombe.

Danny. — Salut, la jeunesse !

Léa. — Bonjour, Danny.

Danny. — J’ai croisé ta mère avec Claude, ils m’ont dit que la réunion se ferait là.

Léa.  Pourquoi ils ne sont pas avec toi ?

Danny. — Ils attendent Dominique et la petite Clara.

Léa. — Tu sais si Valéry vient ?

Danny. — J’espère pas.

Victor. — Voulez-vous vous asseoir ?

Danny. — Je reste debout, c’est mieux pour les quadriceps.

Léa. — Comment ça avance, tes recherches sur les nouveaux oiseaux de la région ?

Danny. — Très bien, regarde ! (Danny sort une plume de son sac.) C’est un faisan de Colchide.

Léa, à Victor. — Danny a une vraie passion pour l’ornithologie.

Danny. — Je viens de passer deux jours sans bouffer ni dormir pour pas manquer les grues cendrées.

Victor. — C’est remarquable.

Léa. — Nous avons d’ailleurs une nouvelle volière dans la commune. Danny en prend le plus grand soin.

Victor. — C’est passionnant.

Danny. — Et vous, vous êtes qui ?

Victor. — Victor, ingénieur.

Il lui tend la main.

Danny, ignorant sa main. — Ah ! un ingénieur… (À Léa :) Qu’est-ce que tu fais avec un ingénieur ?

Léa. — Rien du tout.

Danny. — Méfie-toi, ma petite. Un ingénieur, ça invente n’importe quoi pour détraquer la nature.

Scène 6

Valéry entre et serre la main de tout le monde de...

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