Les esprits mènent l’enquête

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Quand Pierre meurt, assassiné par son épouse, il est très surpris, déjà de s’être fait tuer, mais aussi de découvrir l’au-delà. C’est un bien grand mot quand il s’aperçoit qu’il ne peut même pas quitter son appartement, et qu’en plus il n’est pas tout seul.
En effet un autre esprit squatte les locaux. Seule solution pour reprendre le cours normal de sa mort, que sa meurtrière avoue son forfait. Avec l’appui d’un autre revenant fort de son expérience de commissaire ils vont tenter d’aider la police. Un chassé croisé entre vivants, médium et fantômes qui va aboutir à un résultat, mais pas forcément celui souhaité par Pierre.

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                                          ACTE 1

 

                                    

Scène 1

L’action se passe dans le salon d’un appartement cossu des beaux quartiers de Paris

Pierre est derrière le canapé, il cherche de l’aspirine. Entre son épouse Myriam.

Pierre : Déjà là ! Tu ne devais pas passer prendre l’hystéro chez elle en sortant du boulot ?

(Myriam ne répond pas)

Pierre : Je ne me trompe pas, on est bien vendredi, c’est ce soir qu’elle dîne avec nous, non ? . . . J’ai pris du turbot comme tu me l’avais demandé, parce que Madame Sophie adore ce poisson.

(Myriam ne répond toujours pas)

Pierre : Qu’est-ce que tu as, tu es devenue muette . . . Tiens, tu ne saurais pas où est l’aspirine, j’ai un mal de tête pas possible. C’est venu d’un seul coup et je ne trouve pas ces foutus cachets ?

(Myriam reste silencieuse)

Pierre : (Plaisantant) Qu’est-ce qui t’arrive, tu ne vas quand même pas me laisser mourir comme ça, sans rien faire, on s’aime, non ?

(Myriam, toujours silencieuse sort un revolver de son sac et le pointe sur Pierre)

Pierre : (Voyant l’arme et voulant toujours plaisanter pour détendre l’atmosphère) On ne s’aime plus ? (Myriam tire alors sur Pierre) Apparemment non ! (Il s’écroule derrière le canapé. Elle va vers lui, lui prend sa montre, la regarde et sort très vite de l’appartement)

 

 

                                             NOIR

 

 

Scène 2

 

(Même décor, assis au bar, en fond de scène, Paul regarde la scène sans bouger, Pierre se relève de derrière le canapé, habillé tout en blanc et complètement hébété, avance jusqu’en avant-scène, et, se parle à lui-même)

 

Pierre : Elle est complètement cinglée, elle arrive, sans rien dire, et pan, elle me tire dessus. Heureusement qu’elle ne sait pas se servir d’une arme, sans ça . . . (Réfléchissant) Ou alors, c’était des balles à blanc. N’importe comment, c’est complètement dingue, elle n’est pas nette, il faut qu’elle consulte. Mais qu’est-ce qui lui arrive . . .

Ça va pas se passer comme ça, (mimant une scène célèbre d’un film culte) elle connait pas Raoul, ce soir elle va finir façon puzzle aux quatre coins de l’appart.

(En se retournant, Pierre découvre Paul assis au bar au fond de la pièce)

 

Pierre : Qu’est-ce que vous foutez là vous ? . . .  Qui êtes-vous ? . . . C’est ma femme qui vous a demandé de venir, pour finir le travail, au cas où ?

(Paul ne répond pas)

Pierre : C’est une nouvelle mode, ne jamais répondre, ou c’est moi qui deviens sourd ?

(Toujours pas de réponse)

Pierre : Foutez le camp d’ici ou j’appelle les flics !

(Paul quitte le bar et s’approche de Pierre)

Paul : (Très calmement) Ça ne sert à rien de s’énerver, restez calme, vous allez subir un choc et croyez-moi, la zen attitude est de rigueur.

Pierre : (Allant vers Paul l’air menaçant) C’est vous qui allez subir un choc, je vous en foutrais de la zen attitude ! (Il lève la main pour lui mettre une gifle)

Paul : Avant d’essayer de me taper dessus, allez voir derrière le canapé.

Pierre : Mais il me donne des ordres, l’asticot . . .

Paul : Allez voir, je vous dis, et je vous assure, je ferais tout ce que vous voudrez après.

Pierre : (Hésitant, il accepte d’aller voir derrière le canapé et pousse un cri, puis doucement) C’est qui ?

Paul : Regardez bien, je suis sûr que vous allez le reconnaître.

Pierre : (Hébété) C’est moi !

                                                                    NOIR

 

Scène 3

 

(Même décor, Pierre et Paul assis dans le canapé, Pierre à jardin, Paul à cour)

 

Pierre : (Effondré) Alors comme ça, c’est fini, je suis mort ! C’est donc ça la mort ?

Paul : Pas tout à fait.

Pierre : Comment ça, pas tout à fait.

Paul : Ben, je ne sais pas comment dire, disons que pour l’instant vous êtes en transit.

Pierre : En transit, qu’est-ce que ça veut dire ? Je suis mort ou je ne suis pas mort ?

Paul : Disons que . . . Vous n’êtes plus vivant !

Pierre : Mais il se fout de moi l’asticot, si je ne suis plus vivant, pour moi pas de doute, je suis mort.

Paul : D’abord, s’il vous plait, ne m’appelez plus l’asticot, dans notre état, ce n’est pas ce qui est le plus indiqué.

Pierre : (Surpris) Pourquoi, dans notre état ?

Paul : Parce-que moi aussi, je suis comme vous, pareil, en transit. Je vous explique.

Pierre : Vous aussi, vous êtes mort !

Paul : Comme vous, je vous dis. Voilà, d’après les informations que j’ai réussi à obtenir ; dans notre existence terrestre, il y a deux dates programmées, notre naissance et notre mort. Entre les deux, c’est quartier libre, on fait ce que l’on veut. Mais si un être humain s’amuse à vouloir modifier le programme, ça coince.

Pierre : Comment ça, modifier le programme ?

Paul : Attendez, laissez-moi finir. Pour la naissance, pas de problème, on nait et puis après, ça roule, mais pour la mort, si quelqu’un vous tue, comme ça, de sa propre initiative, ça, ce n’est pas prévu.

Pierre : Et qu’est-ce qui se passe ?

Paul : (Il se lève, va à cour) Eh bien, en attendant la date de votre mort programmée initialement, la vraie, celle qui vous emmène dans l’autre monde, vous restez là, à glander sans pouvoir quitter les limites de l’appartement.

Pierre : Et ça peut durer longtemps ?

Paul : Comme je viens de vous le dire, jusqu’à votre date de mort prévue initialement. (Un instant) Vous avez quel âge ?

Pierre : Cinquante ans.

Paul : Donc, s’il était prévu que vous mourriez à quatre-vingt-cinq ans, ça vous fait donc (Il réfléchit) trente-cinq ans à attendre.

Pierre : Trente-cinq ans !

Paul : (En plaisantant, s’appuyant sur le canapé) Je ne sais pas, j’ai dit ça comme ça, si ça se trouve, vous deviez peut-être être centenaire.

Pierre : (Paniqué, il se lève) Et il n’y a pas moyen de réduire le délai.

Paul : Si, il y a une possibilité de partir plus tôt.

Pierre : (Très intéressé) Comment ça ?

Paul : (Face public) Si votre meurtrier avoue son crime, alors vous pouvez partir. Mais c’est rare, il faut compter sur la police, et si j’en crois ma propre expérience.

Pierre : Pourquoi, ça fait longtemps que vous êtes là ?

Paul : Vingt-deux ans.

Scène 4

 

Pierre : Vingt-deux ans !

Paul : Eh oui, vingt-deux ans, mais j’ai eu de la chance, je ne suis pas resté tout seul tout ce temps.

Pierre : Comment ça, pas tout seul ?

Paul : Oui, ma femme est venue me rejoindre une semaine après m’être fait assassiner.

Pierre : Parce-que vous aussi, vous vous êtes fait tuer ?

Paul : Evidemment, sans ça, comment je serais là aujourd’hui.

Pierre : Et votre femme aussi ?

Paul : A la bonne heure, vous commencez à comprendre.

Pierre : Ici, dans cet appartement ?

Paul : Oui.

Pierre : Comment ça s’est passé pour vous ?

Paul : Comme dans beaucoup de cas, l’amant qui tue le mari.

Pierre : Et pour votre femme ?

Paul : Pareil, son amant. Attendez, je vous explique, (derrière le canapé) quand j’ai commencé ma carrière professionnelle dans l’immobilier avec la fortune que m’avait laissé mes parents, je n’étais plus très jeune. J’ai tout de suite créé une société avec deux amis, une architecte décoratrice, Laurence, qui est devenue ma femme, et un commercial qui est devenu son amant.

Pierre : Normal, et alors.

Paul : J’étais le gérant, mais très vite, le commercial a voulu devenir calife à la place du calife, et pour ça, il a commencé à draguer la femme du patron en se disant qu’ensemble ils deviendraient majoritaires.

Pierre : Et ça ne s’est pas passé comme prévu ?

Paul : Pas du tout, ma femme qui était très loin d’être idiote a tout de suite pigé et prise de remord elle a rompu. Du coup lui, vexé, a choisi la manière forte et (En montrant l’endroit où il s’est fait tuer) il m’a flingué. Mais là aussi, ma femme a compris et elle l’a menacé de tout dévoiler s’il ne se rendait pas.

Pierre : Et alors ?

Paul : Du coup, il l’a tué aussi, et il s’est débrouillé pour faire disparaître le corps et la faire accuser de mon meurtre par la police en disant qu’elle avait dû s’enfuir à l’étranger.

Pierre : Et il l’a tué ici.  . . . Et comment il s’est débarrassé du corps ?

Paul : Le plus simplement du monde, on venait d’acquérir cet immeuble, nous venions de le refaire à neuf. Dans cette pièce, avant, sur ce mur, (désignant une cloison en fond de scène) il y avait une grande cheminée très laide. Ma femme, en bonne décoratrice l’a supprimé, une cloison propre et nette a masqué l’énorme trou produit par la disparition de la cheminée. Et c’est là qu’elle a trouvé sa dernière demeure.

Pierre : (Effaré, en montrant le mur) Quoi, elle est dans le mur ?

Paul : Oui, tout était neuf, il a percé à l’emplacement du creux laissé par l’ancienne cheminée, la mise dedans et a rebouché. Tout le monde n’y a vu que du feu.

Pierre : Faut dire que c’était une cheminée.

Paul : De l’humour, (Un temps) je crois qu’on va bien s’entendre.

Pierre : (Réfléchissant) Mais alors, si je comprends bien, elle est encore là ?

Paul : Bien sûr, elle n’a pas pu s’enfuir par la cheminée, ce n’est pas le Père Noël.

Pierre : Mais j’ai vécu, ici, dans cet appartement avec un cadavre dans le mur !

Paul : Comme tout le monde depuis vingt-deux ans.

Pierre : C’est horrible. (Un instant) Et si je comprends bien, après sa mort, elle est revenue habiter ici.

Paul : Habiter, on peut dire comme ça.

Pierre : Et elle est repartie quand ?

Paul : (Nostalgique) Ça fait une dizaine d’année.

Scène 5

Pierre : (Ils s’assoient sur le canapé) Loin de moi l’intention d’être désagréable, mais je n’ai pas tellement envie de rester ici, avec vous pendant vingt-deux ans.

Paul : Rassurez-vous, je vous comprends. (Un temps) Mais comme je vous l’ai expliqué, il faudrait que votre femme avoue son crime, ce qui ne semblait pas être dans ses plans la dernière fois que nous l’avons vu.

Pierre : D’accord, mais il y a la police.

Paul : Je pense que cela va être très compliqué.

Pierre : Pourquoi ?

Paul : Parce que votre femme a bien manœuvré, elle s’est fait un alibi en béton.

Pierre : Ah oui, quel alibi ?

Paul : A l’heure de votre mort, elle dira qu’elle était chez son garagiste pour une panne d’essuie-glace.

Pierre : Oui, mais quand on interrogera le garagiste.

Paul : Eh bien il confirmera, (un instant) c’est son amant.

Pierre : Quoi ? Le responsable de la concession Mercedes !

Paul : Eh oui. Désolé, apparemment vous n’étiez pas au courant.

Pierre : Non, je le trouvais plutôt sympa ce type.

Paul : Votre femme aussi !

Pierre : Mais comment êtes-vous au courant de tout ça ?

Paul : Je l’ai souvent entendu parler à son amant au téléphone, et j’ai compris ce qu’ils manigançaient. Enfin surtout votre femme, parce que c’est elle le cerveau de l’affaire. Lui, niveau méninges, ça n’a pas l’air d’être son fort, il n’a pas l’air très fut-fut.

Pierre : (Faisant face à Paul) Mais pourquoi me tuer, le divorce ça existe, non ?

Paul : D’après ce qu’elle avait l’air de dire, point de vue économique, veuve c’est mieux que divorcée.

Pierre : Ce n’est pas croyable, et le Roméo de chez Mercedes il n’avait pas assez de pognon ? (Réfléchissant) Mais j’y pense, (surpris) ça veut dire que vous entendez les vivants quand ils sont là ?

Paul : Bien sûr, on les voit aussi, on vit avec eux vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

Pierre : Mais alors, quand j’étais ici, chez moi bien tranquille avec ma femme, vous étiez là aussi ?

Paul : Eh oui Pierre, je connais tous vos petits travers, ce que vous aimez, ce que vous n’aimez pas, vos programmes télé favoris et . . .

Pierre : Quand avec ma femme, . . . (Il se lève et va vers la chambre) Enfin vous voyez . . .

Paul : Eh oui, mais rassurez-vous, vous allez voir, au début on croit que ça va nous amuser, mais en fin de compte, on s’en fout, dans notre état, notre libido est au niveau des pâquerettes.

Pierre : Quand même, c’est très gênant !

Paul : Vous allez vite vous y faire, vous allez voir. (Un temps) Mais ça me fait penser à un détail qui a son importance dans notre situation.

Pierre : Qu’est-ce qu’il y a, vous m’inquiétez ? (Il se rassied)

Paul : Quand il y aura du monde dans l’appart, faites bien attention à ne pas vous faire traverser par un vivant, c’est très désagréable et surtout ça met un temps pas possible pour le retour à la normale.

Pierre : Qu’est-ce que ça veut dire ?

Paul : Ben vous comprenez, nous on les voit, mais eux, ils ne nous voient pas, alors il peut se produire des rencontres, des accidents quoi ! Eux, ils ne sentent rien mais nous on est complètement . . . Comment dire . . . Dispersé, éparpillé, tenez façon puzzle comme dirait votre copain Raoul. Et il faut un temps pour retrouver nos pièces, je ne vous dis pas !

Pierre : C’est pour ça, tout à l’heure que vous étiez assis au bar ?

Paul : Oui, là, j’étais tranquille, je ne risquais pas de me retrouver avec quelqu’un sur mes genoux.

Pierre : Heureusement que vous êtes là, je me serais fait avoir.

Paul : Peut-être, mais après une fois, on se planque.

Pierre : Je reviens à notre discussion, donc c’est ma femme qui a tout organisé, son retour prématuré, son alibi.

Paul : Oui, et elle a pensé à tout, une voiture de courtoisie pour venir ici incognito et pendant qu’elle était là, à vous flinguer, le vendeur de bagnoles passait un message à votre amie Sophie avec le portable de votre femme pour la prévenir de son retard. Après, il lui a suffi de rendre le véhicule courtoisement prêté par son amant, de récupérer sa propre voiture et de partir rejoindre votre amie.

Pierre : C’est bien pensé, bravo. (Puis réfléchissant au retour proche de Myriam et de Sophie) Mais attention, elles ne vont pas tarder à être de retour, il faut peut-être se planquer, non ? (Il se lève).

Paul : Eh, pas de panique, cool, (En se levant) on va tranquillement s’installer dans le fond de la pièce et attendre, vous allez voir, c’est drôle, c’est comme au théâtre.

                                                       NOIR

 

                                          ACTE 2

 

 Scène 1

 

(Même décor, Pierre et Paul sont assis au bar en fond de scène)

 

Paul : J’y pense, si l’on doit cohabiter un certain temps dans cet appart, on pourrait peut-être se tutoyer, vous ne trouvez pas ?

Pierre : Si tu veux, avec plaisir, moi c’est Pierre. (Il se lève)

Paul : Je sais, et moi c’est Paul, Paul Radabi. (Il se lève aussi)

Pierre : Enchanté (En essayant de lui serrer la main), ce n’est pas courant comme nom de famille.

Paul : C’est d’origine libanaise. (En regardant la main tendue) Pas la peine, ça ne marche pas. Tu veux serrer quoi ?

Pierre : Ah oui, pardon. (En parlant tout doucement) Ecoutez ! L’ascenseur, elles arrivent.

Paul : Tu peux parler normalement, elles ne nous entendent pas. (Ils se rassoient)

Pierre : C’est vrai, il faut que je m’y fasse.

(Entrée de Myriam en compagnie de Sophie)

 

Myriam : (Myriam, mimant l’inquiétude) Tiens, tu as vu, la porte était ouverte, bizarre !

Sophie : Arrête, tu me fous les jetons.

Myriam : (Evoluant dans la pièce, elle jette son sac sur le canapé sans passer derrière.) Tout est normal, il a dû oublier de fermer la porte (Puis l’appelant) Pierre, on est là   . . . Pierre, mon chéri, tu es là ?

Sophie : (Au porte manteau) Il a dû partir faire une course.

(Pendant que Sophie va mettre son vêtement sur un porte manteaux)

 

Pierre : Regarde, elle fait semblant de ne rien voir. Sacrée tordue !

Paul : Elle veut que ce soit Sophie qui te trouve, ça fait plus crédible.

Sophie : (En se retournant et découvrant le cadavre) Oh, mon dieu ! Regarde, il est là.

Myriam : Où là ?

Sophie : Mais là, derrière le canapé !

Myriam : (En poussant un cri, puis en gémissant, en allant en avant-scène) Ah ! Pierre. . . . Pierre, mon amour !

Pierre : (L’imitant) Pierre mon amour . . . Oh la salope, la faux-cul, non mais tu l’entends.

Paul : Tu vois, je te l’avais dit, c’est comme au théâtre.

Sophie : (Visiblement très troublée, s’adressant à Myriam) Il est mort ?

Myriam : (Debout derrière le canapé) Oui . . . Qu’est-ce que je vais devenir sans lui ?

(Sophie va chercher Myriam et l’assoie sur le canapé pour la réconforter, pendant ce temps . . .)

Pierre : Tu vas vendre des Mercedes, saleté !

Paul : Vas-y, ça soulage.

Sophie : Il faut appeler la police.

Myriam : Je ne peux pas !

Sophie : Je m’en occupe, ne reste pas là, vas dans la chambre.

Pierre : C’est ça, barre-toi.

                                                         NOIR

 

 Scène 2

 

Même décor, le corps de Pierre n’est plus là, la commandante Véronique Lefranc qui dirige l’enquête est présente, elle vérifie que tous ses collègues sont partis.

Commandante : C’est terminé, ils sont tous repartis, elles peuvent reprendre possession des locaux. Où sont-elles déjà ? . . . Ah oui, chez les voisins, (Elle appelle Sophie et Myriam) Mesdames . . . !!!

Pierre : (Pierre et Paul sont toujours à leur poste d’observation) T’as vu tout ce cirque et la flic a gobé tout ce que Myriam lui a raconté.

Paul : Oui, j’ai vu, je te l’avais dit, sacrée bonne femme !

Pierre : Ils vont battre tous les records de vente chez Mercedes.

(Arrivée des deux femmes avec la commandante.)

Commandante : Bien, Mesdames, on va vous laisser (S’adressant à Sophie) Vous pouvez rester ici cette nuit ?

Sophie : Oui, bien sûr, pas de problème.

Myriam : Vous allez trouver qui a fait ça ?

Pierre : Oui qu’ils vont trouver ! Et tu vas finir en taule ma vieille.

Commandante : On fait tout pour. Ah, encore une question, votre mari portait-il toujours une montre ?

Myriam : Oui pourquoi ?

Commandante : C’était quoi comme marque ?

Myriam : Une Rolex, pourquoi ?

Commandante : C’est ce que je craignais, depuis quelques semaines il y a un cinglé dans Paris qui vole des montres de luxe, tout porte à croire que c’est lui. Il est passé au stade supérieur : il tue maintenant. Je vous tiens au courant, vous pouvez me croire, on va le coincer.

Tachez de vous reposer, au revoir Mesdames (Elle sort, Sophie la raccompagne, Myriam va sur canapé).

 

Paul : Une Rolex, c’est bien, à ton âge tu avais déjà réussi ta vie, bravo.

Pierre : C’est malin, non mais tu te rends compte, pour eux, c’est quasiment réglé, c’est ce malade, l’obsédé du « tic-tac » qui est le coupable, ils ne cherchent pas plus loin.

Paul : Faudrait trouver un moyen de les aider.

Pierre : Tu crois que c’est possible ?

Paul : Nous, je ne vois pas ce qu’on peut faire, (réfléchissant) mais j’ai peut-être une idée !

Pierre : Ah oui ! Quoi ?

Paul : Le petit marquis.

Scène 3

(Sophie rejoint Myriam sur le canapé.)

 

Myriam : Tu te rends compte, tuer quelqu’un pour une montre.

Sophie : Oui, mais une « Rolex » quand même.

Myriam : Tu tuerais quelqu’un pour une « Rolex » toi ?

Sophie : Je ne sais pas, peut-être . . . (Myriam est surprise !)   Mais non, idiote

 

Myriam : (Craquant, faisant semblant de pleurer) Ce n’est pas possible, pas lui.

 

Sophie : (Prenant Myriam dans ses bras) Allez viens, (Elles se lèvent) je t’emmène au restaurant, tant pis pour mon turbot, on ne va pas rester là ce soir.

Myriam : Tu te rends compte, à sept heures il était là, (Montrant derrière le canapé) en vie, et puis maintenant . . .

Sophie : (Surprise) Comment sais-tu qu’il était en vie à sept heures, c’est toi qui l’as tué ?

Myriam : Ça ne va pas ! Pourquoi tu dis ça, t’es folle, je l’aimais tellement.

Pierre : (Pendant qu’elles partent prendre leurs affaires au porte manteau, en oubliant le sac à main)Mais ça ne lui coupe pas l’appétit, elle n’a pas dit non pour le resto.

Paul : J’ai l’impression que cette Sophie est loin d’être bête. (Ils vont s’assoir sur le canapé de part et d’autre du sac de Myriam)

Sophie : Dépêche-toi, on ne va plus rien trouver d’ouvert.

Myriam : Attend, je vais me repoudrer un peu, (elle fait un pas vers la chambre et se retourne) on voit que j’ai pleuré ?

Sophie : Mais non, ça va . . . D’ailleurs, tu n’as pas pleuré !

Myriam : Ah bon ! (Un temps puis elles sortent)

Scène 4

Pierre : (Reprenant leur conversation) Alors, c’est quoi le petit marquis ?

Paul : C’est qui ? Tu veux dire.

Pierre : Si tu veux, oui, c’est qui ?

Paul : C’est un ami qui passe me voir plusieurs fois par semaine.

Pierre : C’est possible ça ?

Paul : Oui, et je dois dire que c’est très chouette, comme ça, le temps passe plus vite, et en plus il est très sympa et très intéressant.

(Retour de Myriam qui court vers le porte manteau pour récupérer son sac, mais il est toujours sur le canapé)

 

Myriam : Où j’ai foutu mon sac ?

 

Paul : (en voyant le sac) Le sac ! On dégage !  (Pierre et Paul font un bond et passent derrière le canapé)

 

Myriam : (Puis voyant le sac sur le canapé, elle va le récupérer.) Attends-moi, j’arrive. (Elle sort)

 

Pierre : On a eu chaud !

 

Paul : Tu vois, il faut toujours être prudent.

Pierre : Oui, c’est ça être un « esprit » vif ! . . . (Ils retournent au canapé) Pourquoi tu l’appelles le petit marquis ?

Paul : Parce que c’en est un.

Pierre : Un marquis !

Paul : Mais oui, je te dis.

Pierre : Ah bon ! (Un temps, il réfléchit) Mais je croyais que l’on ne pouvait pas sortir des limites de l’appartement ?

Paul : C’est vrai, pour nous qui sommes simplement des esprits en transit c’est comme ça. Mais il y a une catégorie d’esprits, qui est plus communément appelé les « fantômes », qui dérogent à cette loi.

Pierre : Des fantômes, tu te fous de moi là ?

Paul : Non, mais on a remarqué qu’il y a comme un bug dans cette histoire de dates de morts programmées. Et tu vas voir, ce n’est pas marrant quand ça t’arrive.

Pierre : C’est quoi ?

Paul : Si tu te fais tuer le jour de ta mort naturellement programmée, ça coince, tu deviens un esprit, comme nous, mais c’est comme si ta mort n’était enregistrée qu’après un certain délai.

Et si ce délai dépasse le moment de ta mort programmée tu ne pourras jamais l’atteindre puisqu‘elle est passée.

Pierre : Je n’ai rien compris !

Paul : Supposons que tu te fasses tuer à huit heures et que ta mort programmée est prévue à dix heures. Et si le délai entre ton assassinat et son enregistrement est de douze heures, tu es considéré comme mort à vingt heures. Donc à partir de vingt heures on attend la date et l’heure de ta mort naturellement programmée pour te laisser partir. Mais tu ne l’atteints jamais puisqu’elle est déjà passée.

Pierre : Et. . . ?

Paul : Et bien tu es coincé là pour l’éternité.

Pierre : Pour l’éternité !

Paul : Oui, (Il se lève et va à la porte pour voir si le marquis arrive) la seule consolation, c’est que tu n’es pas coincé dans les limites de l’endroit de ta mort, tu peux circuler comme tu veux.

Pierre : Et il n’y a pas d’issue possible ?

Paul : Non . . . (Sans regarder Pierre) A part si ton meurtrier avoue son crime, alors là, (Face public) tu te barres.

Scène 5

Pierre : Bon d’accord. C’est dingue cette histoire. (Il se lève et va vers Paul) Mais il devrait passer quand, ton petit marquis ?

Paul : Il devrait être déjà là.

Pierre : Et tu crois qu’il pourrait nous être utile ?

Paul : Ben oui, depuis le temps, il connait pas mal de monde.

Pierre : Comment ça, il connait pas mal de monde ?

Paul : C’est que depuis sa mort, il a peut-être rencontré des cas ou les contacts avec les vivants étaient possibles.

Pierre : Comme avec des médiums ?

Paul : Par exemple.

Pierre : Depuis sa mort !  Et ça fait longtemps qu’il est mort ?

Paul : Tout est relatif, pour lui c’était en 1750.

Pierre : En 1750.

Paul : Oui, sous Louis XV

Pierre : Et il . . . comment dire, (Il réfléchit) il erre comme ça depuis plus de (Il compte dans sa tête) deux cent soixante-dix ans ?

Paul : Comme je t’ai dit, il est bloqué pour l’éternité. Remarque, lui, il a trouvé de quoi s’occuper, il était flic quand il s’est fait tuer, commissaire au Châtelet, alors toutes les personnes avec qui il peut discuter, passer un moment quoi, ce sont des gens comme nous, des esprits. Mais des esprits qui se sont fait assassiner, forcément. Alors il participe à sa façon à l’enquête, ça lui rappelle le boulot, le temps où il était vivant. Il informe les victimes de ses trouvailles. Etant donné qu’il peut se balader chez les suspects sans être repéré, il trouve souvent les coupables avant la police.

Pierre : Tu sais, dans la plupart des cas, les victimes connaissent leur assassin.

Paul : Pas toujours, si tu te fais tirer dessus dans le dos par exemple, ou si tu te . . .

Pierre : (Le coupant) Ok, j’ai compris, et pour mon affaire, il était au courant ?

Paul : Oui, je lui en avais parlé, comme ça fait bien deux semaines que ta charmante femme avait mis son plan au point, on avait eu l’occasion d’en discuter.

Pierre : Et il en pensait quoi ?

Paul : Il n’y croyait pas, il pensait (il regarde la voiture) que le vendeur de voitures se dégonflerait. Alors, comme il est du genre curieux, il s’est arrangé pour être au garage les jours précédant le meurtre, pour voir si tout se passerait comme prévu.

Pierre : Vous vous amusez bien . . . Bien, maintenant que c’est fait, il devrait être au rapport, non ?

Paul : Oui, c’est bizarre, (Faisant semblant de s’inquiéter) pourvu qu’il ne lui soit rien arrivé ?

Pierre : (Ne comprenant pas cette réaction) Mais . . .

Paul : Non, je déconne, que veux-tu qu’il lui arrive, qu’il se fasse tuer. T’inquiètes, il ne va pas tarder, tu sais, lui, il a tout son temps.

Scène 6

 

(Même décor, arrivée du petit marquis, en costumes XVIIIème, côté jardin)

 

Paul : Quand on parle du loup ! Ah ! Vous voilà, nous commencions à nous inquiéter.

Marquis : Pas de souci mes amis, mais vous savez, en fin d’après-midi, je prends pas mal de précautions pour circuler.

Paul : Tenez, permettez-moi de vous présenter notre nouvel ami, Pierre, enfin, vous le connaissez déjà, mais là, il est des nôtres.

Marquis : Serviteur Pierre, alors quel effet cela fait de se faire « homicider » ?

Pierre : Ravis de vous connaître . . .  Enfin ravis, c’est une façon de parler. Quant à se faire « homicider », comme vous dites, j’aurai préféré m’en passer et je dois dire que depuis, je vais de surprises en surprises. (En le regardant) Et avec vous ça continue, j’ai l’impression d’être à « secret d’histoire », il ne manque plus que Stéphane Bern.

Paul : (Au marquis) Vous voyez, je suppose que c’est comme tous, d’abord la surprise de se faire assassiner, de comprendre ce qu’il leur arrive, de réaliser que la femme de leur vie est plutôt la femme de leur mort et surtout la période de transit.

Marquis : Bien sûr, et encore il n’a pas à se plaindre, s’il était à ma place.

Paul : Revenons à notre affaire s’il vous plaît, vous êtes resté longtemps, il y a eu des rebondissements imprévus.

Marquis : Non, pas du tout, j’aurai dû partir plus tôt de là-bas, mais je me suis fait avoir par une grève de la RATP, trop de monde sur les quais, j’ai préféré attendre. De mon temps, c’était quand même plus simple.

Pierre : (Surpris) Quoi ? Il prend le métro !

Paul : Je vous expliquerai. (Au marquis) Et vous êtes resté jusqu’à quelle heure ?

Marquis : Dix heures. Oh mais il faut que je vous raconte. Dans l’après-midi, en attendant « l’alibi », je ne me suis pas ennuyé, j’ai fait une chose dont je rêvais depuis un bon moment.

Paul : Ah bon, mais quoi donc ?

Marquis : (En s’installant dans le canapé comme dans un cabriolet) J’ai testé un cabriolet.

Paul : Tester un cabriolet !

Marquis : Oui, j’allais partir faire un tour quand le garage s’est fait livrer une série de voitures neuves et d’occasions, dont une magnifique 190 D décapotable des années soixante toute refaite à neuf, un vrai bijou.

Paul : Mais comment . . .

Marquis : Bien évidement, le responsable de la concession a voulu l’essayer, très sympa cet homme (Regardant Pierre) disons très commercial, sympa je vous laisse juge.

Donc, c’était l’occasion ou jamais, une décapotable, j’ai pu me glisser dedans sans problème et roule ma poule, on a fait une sacrée balade, au moins vingt bornes comme vous dites. J’ai retrouvé des sensations, les cheveux au vent, la vitesse, comme mes cavalcades autour de Versailles avec mes . . .

Pierre : (Le coupant) S’en vouloir vous déranger, mais pour mon affaire ?

Marquis : Bien sûr, votre affaire. Eh bien tout s’est passé comme prévu, la réparation, le message au téléphone, aucun problème. (En aparté) Enfin, aucun problème, vu le temps qu’il a mis pour écrire ce message, je ne vous dis pas, il n’est pas prêt pour entrer à l’académie le voiturier. Donc, plus personne n’était présent au garage sauf le mécanicien qui a effectué la réparation dans son atelier et votre ami, enfin l’ami de madame, qui a fait semblant de recevoir votre femme dans son bureau de direction.

Ah si, un petit détail qui m’a beaucoup amusé, à son retour votre épouse a offert à son amant un petit présent. C’était très touchant.

Pierre : Et en plus elle lui fait des cadeaux !

Marquis : Vous savez ce que c’était ?

Pierre : Non, comment voulez-vous que je le sache ?

Marquis : Une jolie montre, une « Rolex ».

Pierre : Oh la vache, elle lui a refilé ma montre. . .

Paul : Mon cher Marquis, nous aurions une question, ou plus exactement une requête à vous faire

Marquis : Mais faites donc, je vous en prie.

Paul : Notre nouvel ami se demandait s’il n’était pas possible, grâce à toutes vos connaissances accumulées au cours des années, de contacter une personne, je veux dire un esprit, susceptible de communiquer avec les vivants.

Marquis : Je vois, oui, une sorte de médium.

Pierre : Quelque chose comme ça, oui.

Marquis : Des esprits, non, mais des personnes vivantes j’en connais plusieurs.

Pierre : C’est formidable, si l’une d’elle pouvait venir ici pour que l’on puisse les mettre sur la voie pour la résolution de mon affaire.

Marquis : Ce serait formidable, comme vous dîtes. Mais il y a un, même deux problèmes.

Paul : Ah oui, lesquels ?

Marquis : D’abord, je les connais pour les avoir vu à l’œuvre, seulement moi je ne peux pas communiquer avec elles. Il faudrait que ce soit elles qui essaient d’entrer en contact avec moi. C’est toujours elles, les médiums, qui doivent être à l’initiative, et encore en suivant une procédure pas très simple. Deuxièmement, le contact ne peut avoir lieu qu’avec des morts, comment dire, définitifs, pas en transit, et qui ont une empreinte encore très forte dans l’espace concerné.

Pierre : (Triste) Alors ce n’est pas jouable ?

Marquis : Je crains bien que non, mon jeune ami.

                                                                       NOIR

 

Scène 7

(C’est le lendemain matin, Pierre est allongé sur le canapé. Entre Paul qui vient de la chambre d’ami et va derrière le canapé)

 

Paul : Alors, bien dormi.

Pierre : Tu parles, être obligé de dormir sur son canapé, chez soi, tu aurais pu me laisser la chambre d’ami.

Paul : Et le privilège de l’ancienneté, qu’est-ce que tu en fais ? Ici, c’était chez moi avant toi.

Pierre : D’accord, n’importe comment, je n’aurai pas pu fermer l’œil, avec tout ce qui vient de m’arriver.

Paul : Comme ça, pas de regret. Et puis je l’ai échappé belle, si Sophie avait voulu l’utiliser. J’aurai été marron.

Pierre : C’est vrai . . . Tu as vu dans quel état elles sont rentrées.

Paul : Surtout ta femme, quelle cuite ! Elle ne voulait . . .  Elle ne pouvait même pas se coucher toute seule. Heureusement que Sophie était là, et heureusement que ta femme lui a demandé de rester dormir avec elle.

(Entrée de Sophie, elle vient de la chambre et va vers la cuisine)

 

Sophie : (Parlant fort) Dépêches toi, t’as vu l’heure ?

Pierre : (En s’asseyant) Qu’est-ce qu’elle fout la veuve joyeuse ?

Paul : Elle cuve.

Pierre : Ah non, la voilà.

Myriam : (Entrant à son tour, l’air complètement défait.) Oui, je suis là. Parle moins fort, s’il te plait !

Sophie : Oh la-la, ça n’a pas l’air d’aller très fort, Je te fais un café ?

Myriam : Non, oh si ! . . . Ça va me faire du bien . . . Oh la vache, ma tête ! et je ne trouve pas ces foutus cachets d’aspirine.

Pierre : Et je n’tire pas dessus pour ça, moi !

Myriam : J’ai l’impression d’avoir un trente tonnes dans la tête.

Pierre : Un « Mercedes » j’espère . . . Non mais tu as vu ça, c’est avec ça que j’étais marié !

Sophie : (Allant vers la cuisine) Et deux cafés, deux.

Myriam : (Regardant son portable) Tiens, j’ai un message de la police.

Pierre : Ah, ils se réveillent.

Sophie : (Off, de la cuisine) Qu’est-ce qu’ils veulent ?

Myriam : (Ayant du mal à lire) Attend, ce n’est pas net. Ils ont un truc important à me dire. Ils vont venir ce matin.

Sophie : (Off, de la cuisine) Ils ne pouvaient pas te le dire par téléphone.

Myriam : Apparemment non. Attend, j’arrive. (Elle va dans la cuisine)

Pierre : Ils viennent l’arrêter ?

Paul : Ne rêve pas.

Pierre : Et le Marquis, il est parti hier soir, il passe où ses nuits quand il est par là ?

Paul : A l’hôtel « Mercure », tu sais, un peu plus bas, à l’angle avec le boulevard.

Pierre : Oui merci, je sais où c’est. (Plaisantant) Mais comment il fait, il réserve une chambre par téléphone ?

Paul : Non, il reste dans les salons, en bas, c’est très confortable.

Pierre : Comment il fait pour entrer ?

Paul : Avec l’habitude, l’expérience devrais-je dire, il peut passer au travers certaines portes, question de densité dit-il, le verre et le bois ne lui résiste pas. Si tu veux, il t’expliquera, mais pour nous, ça ne peut pas servir à grand-chose.

Scène 8

Coup de sonnette,

 

(Arrivée de la police, Sophie va ouvrir.)

Sophie : (A Myriam) Dépêche-toi, j’y vais.  . . . Oui, j’arrive.

Commandante : Bonjour Madame, j’ai laissé un message à Madame Deligny pour la prévenir de ma visite.

Sophie : Oui, elle me l’a dit, elle va arriver, elle se prépare, vous savez, elle a passé une nuit terrible.

Pierre : Tu parles, elles sont gonflées.

Commandante : J’en ai bien conscience, je ne sais pas si ce que je vais lui apprendre atténuera un peu sa douleur, sa colère peut-être.

Sophie : Vous avez arrêté le coupable ?

Commandante : Non, mais l’étau se resserre.

(Arrivée du Marquis à cour)

Marquis : Ah quand même, la police . . .  Enfin, la police, (En la regardant sous toutes les coutures) une femme, n’importe quoi.

 

Pierre : Bonjour Marquis, vous n’appréciez pas les femmes ?

Marquis : (Il se déplace de l’autre côté du canapé) Mais si mon jeune ami, je les appréciais, mais dans mon lit, pas comme chef de la police.

(Arrivée de Myriam de la chambre)

Myriam : (Faisant semblent d’essuyer des larmes) Bonjour Madame, vous désiriez me parler ?

Pierre : Regarde-moi ça ce cinéma !

Commandante : Oui Madame, je m’excuse de vous déranger mais nous avons reçu les résultats de l’autopsie de votre mari, et je tenais à vous en faire part.

Myriam : Les causes de la mort ne font pas de doute je suppose.

Commandante : Non, bien sûr, il est bien décédé des suites de la blessure par arme à feu.

Myriam : Bien, alors qu’est-ce qui vous chagrine ?

Commandante : J’y viens, lors de l’autopsie, le médecin légiste a noté quelques petits détails dans les analyses du sang de votre mari, qui ne correspondaient pas à ce que l’on a l’habitude de voir dans ces cas-là.

Myriam : Alors ?

Commandant : Alors il a poussé plus loin ses recherches et au scanner il a . . .

Myriam : Il a quoi ? Qu’est-ce qu’il a trouvé ?

Commandante : Votre mari est bien mort suite au coup de feu, mais à ce moment-là, il était en train de faire un AVC, et vu l’état de l’hémorragie au moment du décès, il ne lui restait plus qu’une ou deux heures à vivre.

Myriam : Qu’est-ce que ça veut dire,

Commandante : Ça veut dire que même s’il ne s’était pas fait tirer dessus, quand vous seriez rentrée, vous l’auriez trouvé mort.

Myriam : (Face public) Oh le con ! (Pierre se rassoit brutalement dans le canapé)

                                                                       NOIR

                                          ACTE 3

 

(Même décor, Sophie réconforte Myriam en « pleure » sur le canapé. La commandante assise à leurs côtés, les esprits à leurs places habituelles)

 

Scène 1

 

Paul : Tu vois, même sans ta charmante épouse, tu ne serais plus de leur monde.

Marquis : Il ne serait même pas avec nous, ce serait dommage (S’adressant à Pierre) Je vous trouve très plaisant mon jeune ami. (Réalisant son erreur, en avant- scène) Mais non qu’est-ce que je raconte. (Attendant et ménageant son effet) Et je me réjouis d’autant plus que nous allons certainement passer de longues années ensemble.

Pierre : Pourquoi donc ?

Marquis : Bienvenue au club, comme vous dites maintenant !

Pierre : Pourquoi bienvenue au club ? (A Paul) Qu’est-ce qui lui arrive à son altesse ?

Paul : Merde, mais oui, il a raison, je n’avais pas « tilté »,

Pierre : Tu n’avais pas tilté quoi ? Explique-moi, je ne voudrais pas mourir idiot ?

Paul : Idiot, je ne sais pas, mais mourir, c’est fait !

Marquis : Ce que votre ami vient de « tilter » . . . Vous avez de ces expressions aujourd’hui « tilter » . . . de comprendre donc, c’est que de toute évidence votre homicide s’est déroulé le jour, à l’heure près, de votre mort programmée.

Paul : Et donc, tu n’es pas seulement un esprit, mais comme je te l’ai expliqué hier, tu es à coup sûr un . . . « un fantôme ».

Marquis : (Plaisantant) Eh oui, mon jeune ami, mais rassurez-vous, les fantômes de maintenant ne sont plus obligés de se promener avec un drap blanc sur la tête et un boulet au pied, voyez, nous sommes en civil.

Pierre : Quoi ! je vais être bloqué ici pour l’éternité !

Paul : Attend, tout n’est pas perdu, il y a la police.

Marquis : (En regardant la commandante) La police, une femme !

Paul : Et ta femme va peut-être avoir des remords.

Pierre : Myriam, des remords, faut pas rêver.

 

Scène 2

 

(Pendant le dialogue des esprits, Sophie apporte à boire à Myriam)

 

Commandante : (Sur le canapé, à côté de Myriam) Ne vous excusez pas, chère Madame, le choc, apprendre quasiment deux fois de suite le décès de son époux, ce n’est pas commun.

Pierre : Le choc ! Mon œil oui, elle se rend compte qu’elle a fait tout ce « binz » pour rien.

Myriam : Quand je l’ai quitté, hier matin, il allait très bien, comment aurait-on pu deviner ?

Sophie : On ne peut pas savoir, ma chérie.

Myriam : On avait encore tellement de choses à vivre, tellement de choses à se dire.

Pierre : Tu parles, elle ne me disait plus un mot, même pas où elle a planqué l’aspirine.

Paul : Dans le tiroir de sa table de nuit.

Pierre : Quoi dans sa table de nuit ?

Paul : Ben, l’aspirine.

Myriam : J’aimerai tant pouvoir lui parler.

Pierre : Comment tu sais ça toi ?

Paul : Quoi ?

Pierre : Où elle a rangé l’aspirine.

Commandante : Je vais vous laisser, (A Sophie) prenez soin d’elle. Au revoir, mesdames. (Elle se lève)

 

Sophie : Je vous raccompagne, (En l’accompagnant à la porte) je vais rester avec elle tout le week-end. Au revoir Madame.

Commandante : Vous êtes très gentille. (Elle sort.)

 

Marquis : (En prenant la place de la flic) On l’a vu le mettre quand vous êtes rentrés du cinéma l’autre soir. (Pierre est surpris, il réfléchit)

Pierre : On l’a vu ! . . . Il était là aussi, son altesse, dans ma chambre, c’était soirée spectacle quoi, peep-show !?

Paul : Mais non, Pierre, rappelle-toi, il faisait très chaud cette nuit-là, dans ces cas-là tu laisses la baie vitrée de la terrasse ouverte, et nous étions là, dans les transats, tout simplement.

Sophie : Je vais passer chez moi prendre quelques affaires, je reviens le plus vite possible.

Myriam : Merci ma chérie, je ne sais pas ce que je deviendrais sans toi. (Sophie prend ses affaires et sort, Myriam prend un téléphone rose dans son sac et compose un numéro).

Pierre : (Voyant ce téléphone, surpris). Qu’est-ce que c’est que ce téléphone ?

Marquis : Elémentaire, mon cher, un téléphone pour le mari, un autre téléphone avec carte prépayée pour l’amant.

Pierre : Je vois que son altesse se met très vite au courant des technologies modernes.

Marquis : Et oui, mais de mon temps c’était plus sûr, un domestique pour le mari, un autre pour l’amant, et ça marchait aussi bien.

Pierre : Beaucoup moins rapide.

Marquis : Peut-être, mais pas de trace et pas de borne relais pour se faire repérer.

Paul : Eh arrêtez, vous deux, écoutez plutôt ce qu’elle raconte.

Scène 3

Myriam : (Au téléphone) Chéri c’est moi.  . . . Oui, tout se passe comme prévu, les flics sont convaincus que c’est le voleur de montre qui a fait le coup, . . .  C’est une femme, gentille mais elle n’a pas l’air très maline, pas de problème de ce côté-là, . . .  Par contre j’ai Sophie dans les pattes, et elle a décidé de rester avec moi tout le week-end . . .  On ne pourra pas se voir . . .  Non, je ne vais pas la virer, ça ferait bizarre, et puis elle est aux petits soins pour moi. . . .   Ah dis-donc, tu aurais pu faire attention en écrivant le message à Sophie . . . Ben l’orthographe, les fautes quoi ! . . . Je te montrerai, apparemment ils n’ont rien remarqué donc pas de problème. Tu sais ce que m’a appris la police ce matin ? . . .  Eh bien, Pierre, il était en train de faire un AVC quand je lui tirais dessus.   . . . Un AVC, je te jure, il était en train de claquer. Il n’aurait pas pu s’y prendre dans l’après-midi cet abruti, nous faire faire tout ça pour rien.  . . .  La montre, je te l’aurais donnée quand même idiot.  . . . Oui, le plus tôt possible.  . . .  Oui, moi aussi.  . . . Bon je vais raccrocher . . . Non il n’y a personne, mais des fois que la police rapplique et puis il y a peut-être l’esprit de l’autre con qui rôde encore par là . . . Je t’aime, à plus. (Elle raccroche et sort de la pièce.)

 

Pierre : (Hors de lui) L’esprit de l’autre con qui rôde encore par là. ! Vous avez entendu ?

Paul : Le pire, c’est le vendeur de bagnoles. Il semble plus intéressé par la montre que par ta femme !

Marquis : (En riant) Vous ne voyez pas que ce soit lui le voleur de montres.

Paul : (A Pierre) Et ta femme sa complice.

Pierre : Ben ça va, marrez-vous, c’est ma vie ça !

Paul / Marquis : (En riant, ils font semblant de se taper dans les mains) Ta mort, plutôt !

                                                           NOIR

 

 

Scène 4

(Retour de Sophie avec un petit sac de voyage)

 

Sophie : (En allant vers le porte manteau) Coucou, c’est moi ! T’es où ? (Pas de réponse)

Myriam je suis revenue, qu’est-ce que tu fais ?  . . .  Mais où est-ce que tu es, répond ? (Toujours pas de réponse, Sophie paniquée cours vers la chambre en l’appelant.) Myriam

(Elle revient en supportant Myriam) Il ne faut pas rester comme ça, dans le noir, à ruminer, regarde dans quel état tu es, ressaisie toi.

Myriam : Je l’aimais tant.

Pierre : Non mais ce n’est pas possible, elle veut un « Molière » !

 

Myriam : Je voudrais qu’il soit là, avec nous, je voudrais tellement lui parler, lui dire combien je l’aimais.

Paul : C’est vrai, elle joue bien, (s’adressant au Marquis) vous ne trouvez pas ?

Sophie : (La prenant dans ses bras) Pleure, si tu veux, vas-y, ça fait du bien (Elle lui donne un mouchoir)

Marquis : La prose, c’est pas mal, mais l’intention n’y est pas.

Myriam : (Prenant le mouchoir mais ne s’en servant pas) Merci

Marquis : Vous voyez, elle ne sait pas pleurer. (Le marquis et Paul s’assoient dos aux publics sur les chaises.)

Sophie : Tu sais, en rentrant chez moi, j’ai pensé à quelque chose.

Myriam : Oui, quoi ?

Sophie : Jure-moi que tu ne vas pas te moquer de moi.

Myriam : Mais non, pourquoi veux-tu que je me moque de toi ?

Sophie : Parce-que ce que je vais te dire est un peu « bizarre », mais moi j’y crois, et puis ça ne coûte rien d’essayer.

Myriam : Mais de quoi tu parles, je ne comprends rien ?

Sophie : Tu sais qu’avec Jean-Paul, mon ex, nous fréquentions un groupe d’amis dans lequel il y avait cette femme, celle que tu appelais la sorcière.

Myriam : Oui, eh bien (Puis réalisant) Oh non, tu n’as pas fait ça ?

Sophie : (Hésitante) Non, bien sûr, mais tu désires tellement lui parler, entrer en contact avec lui.

Myriam : (Ne la croyant pas) Tu l’as appelé !

Sophie : (Après un silence) Oui

Myriam : (En colère) Non mais ça ne va pas, faire tourner les tables, et puis quoi encore, tu es complètement cinglée ma pauvre fille.

Paul : (A Pierre) Ah, un médium, c’est peut-être ton jour de chance !

Marquis : Ne vous emballez pas, les vrais médiums sont rares, et il faut une coopération de toute l’assistance, et puis appeler qui ? Pierre, il est « encore » en transit, comme vous.

Pierre : Et en plus, croyez-moi, ma femme ne va pas montrer un zèle au-delà du raisonnable.

Marquis : J’en suis certain.

Myriam : Et qu’est-ce que tu vas lui demander à ta sorcière, qu’il m’envoie un SMS, ou qu’il vienne prendre l’apéro. (Silence) Tu n’es vraiment pas bien. Téléphone-lui que ce n’est pas possible, je ne veux pas la voir.

Sophie : (Elle prend son téléphone) Trop tard, elle est déjà en bas de l’immeuble, elle vient de me laisser un message.

Paul : Ah, on va avoir du spectacle !

Pierre : Non mais arrêtez de vous marrer, c’est peut-être ma seule chance.

 

Marquis : Ne rêvez pas.

 

Coup de sonnette

 

Sophie : J’y vais, promet-moi d’être gentille avec elle, elle fait ça pour me rendre, enfin, pour te rendre service.

Myriam : OK, mais elle ne s’éternise pas ici, une « médium », tu es bien cinglée quand même !

Scène 5

 

Sophie : Entre, (Présentant Myriam) je te présente Myriam, mon amie

Bérangère : (Entrée à cour de Bérangère, un vrai moulin à parole) Bonjour Madame, nous nous étions déjà rencontrées je crois, permettez-moi d’abord de vous présenter toutes mes condoléances, Sophie m’a expliqué ce qui vous arrive, c’est terrible. Dans quelle époque on vit de nos jours, se faire assassiner pour une montre. . .

Paul : (Intervenant en cours de conversation) Une Rolex quand même !

Bérangère : Vous vous rendez compte . . .

Pierre : Ecoute, arrête de déconner.

Bérangère : J’en parlais l’autre jour à une amie qui vient de perdre son mari également, un drame épouvantable, il est mort aux toilettes, il vivait dans un vieil immeuble, vous savez où les chasse d’eau ont un réservoir en hauteur. Eh bien, en tirant la chasse, ça s’est cassé et ça lui est tombé sur la tête, fracture du crâne, il est mort sur le coup, heureusement d’ailleurs, sa femme l’a retrouvé en rentrant du boulot, il avait la tête dans la tinette, il aurait pu mourir noyé et . . .

Sophie : (la coupant) Bérangère, ce n’est pas le moment !

Marquis : (A Pierre) Je connais cette femme, vous n’êtes pas tiré d’affaire mon jeune ami !

Bérangère : Tu as raison, excusez-moi chère Madame, mais tous ces drames, ça me bouleverse, heureusement que vous avez Sophie près de vous, elle est formidable, vous savez on s’est connues par son ex qui . . .

Sophie : (Criant) Bérangère ! ! ! (Elle se tait.)

Myriam : (Distante) Bonjour Madame. Installez-vous. (Bérangère regarde dans la pièce à la recherche d’un guéridon)

Pierre : (Au Marquis) Pourquoi vous dites ça ?

Marquis : Je crois qu’elle n’a jamais réussi une seule fois à provoquer un dialogue. Elle s’y connait en théorie mais point de vue pratique elle est nulle. Et en plus, ça ne sert à rien, comme je vous l’ai expliqué, nous, on ne peut rien pour elle.

Bérangère : Vous n’avez pas de guéridon ?

Myriam : (Ironique) Non, désolée, fallait prévenir, je serai allée en acheter un chez IKEA. Tant pis on a qu’à reporter cette conversation avec mon mari à une autre fois. Je suis sûre que les esprits ne nous en voudront pas, ils ont tout leur temps, n’est-ce-pas.

Sophie : (Voulant calmer Myriam) Myriam, s’il te plait !

 Bérangère : Ce n’est pas grave, j’ai un guéridon pliant dans ma voiture, je vais aller le chercher. (Elle se dirige vers la porte et au moment de sortir elle se retourne vers Myriam.) Vous êtes caustique chère Madame.

Myriam : Qu’est-ce que c’est que cette tordue, tu te rends compte le niveau de connerie.

Quand elle revient, je la vire elle et son pliant.

Sophie : Ça fait longtemps que je ne l’avais pas vu, elle a dû changer. Mais ne la vire pas, s’il te plait, essaye, juste une fois, pour me faire plaisir.

Myriam : Non.

Sophie : Juste une fois . . .  Une petite fois.

Myriam : C’est débile.

Sophie : (Implorant) Je l’entends qui revient . . .  Aller, dit oui !

Scène 6

 

(Entrée de Bérangère avec son guéridon et un sac d’accessoires)

 

Bérangère : Coucou, me revoilà, heureusement que j’avais une place de stationnement pas trop loin, parce que dans le quartier, ce n’est pas facile, ça me rappelle une fois où je devais intervenir chez . . .

Sophie : (La coupant) Stop !

Bérangère : Bon ! voilà, vous allez voir, j’ai amené quelques accessoires pour mettre un maximum de chances de notre côté. (Elle installe son guéridon, un chandelier avec sa bougie, elle vaporise du parfum dans la pièce . . .)

Marquis : Je savais qu’elle avait une réputation de tordue, mais là, on atteint des sommets.

Myriam : Qu’est-ce que c’est que tout ce bazar ?

Bérangère : Ne vous inquiétez pas, je remettrai tout en place à la fin de la séance. Vous avez une photo du défunt avec qui vous voulez entrer en contact ?

Myriam : (Ne l’écoutant à peine) Quel défunt ?

Bérangère : (Très surprise) Ben, votre mari, non !

Myriam : Ah oui pardon, pourquoi ? (Elle montre le cadre sur le meuble)

Bérangère : Ça va vous aider à vous concentrer (Elle va prendre le cadre sur un meuble et le regarde avec attention)

Myriam : Ça vous va comme ça ou il vous faut sa carte d’identité pour vérifier que c’est la bonne personne ?

Paul : Oh l’ambiance, si ça continu, ce n’est pas un esprit qui va se pointer, mais on va avoir un nouveau cadavre sur les bras.

Bérangère : Je ne sais pas si je vais pouvoir continuer, je sens très bien que Madame n’est pas réceptive. (Elle va mettre le cadre sur le guéridon, près du chandelier et allume la bougie.)

 

Sophie : (En s’adressant à Bérangère mais en regardant Myriam d’un air réprobateur) Mais si Bérangère, il ne faut pas lui en vouloir, avec tout ce qui lui arrive.

Bérangère : (Hésitante) Bon d’accord, allez on y va, je vous explique la procédure, on s’installe (Paul et le marquis vont sur le canapé) et l’on plaque les mains sur le guéridon en faisant en sorte que nos doigts se touchent. (Toutes obéissent, mais au moment de commencer.) Ah, la lumière, il faut éteindre, c’est mieux pour la concentration. (Sophie va éteindre)

 

Myriam : Vous ne pensez pas que les esprits risquent de se casser la figure, dans le noir ?

Bérangère : Non décidément, ce n’est pas possible, j’arrête.

Sophie : (A Myriam) Non mais arrête, ce n’est pas drôle.

Myriam : Bon d’accord, je me tais.

Sophie : Allez Bérangère, on y va . . . concentrez-vous. (Silence)

 

Paul : (Au marquis) Il y a vraiment besoin de tout ce cirque pour que ça fonctionne ?

Marquis : Je n’en sais trop rien, d’après ma petite expérience, ce sont la concentration d’une part et la volonté d’autre part qui comptent le plus.

Pierre : Eh bien avec ma femme, point de vue concentration, ce n’est pas gagné.

Marquis : Aucune chance, vous voulez dire, s’il y en a une qui ne souhaite pas que ça fonctionne, c’est bien elle.

Scène 7

Bérangère : Esprit, es-tu là ? (Silence)

 

Pierre : (S’approchant du guéridon) Oui, j’arrive !

Paul : Qu’est-ce que tu fais ?

Pierre : On ne sait jamais, si ça marche, il vaut mieux être prêt à répondre, non.

Marquis : Ce n’est pas comme ça que ça marche, vous répondez par oui ou par non en faisant bouger le guéridon.

Pierre : Ah bon ! On ne cause pas !

Paul : Ce n’est pas le café du commerce.

Pierre : Mais nous on ne peut même pas faire bouger des tous petits objets, alors un guéridon !

Marquis : Nous, non, mais les revenants, les vrais, les morts pour de bon quoi, grâce à la concentration des participants, ils le peuvent, eux.

Bérangère : (De nouveau) Esprit, es-tu là ? (Myriam regarde partout dans la pièce)

Sophie : (A Myriam) Qu’est-ce que tu as ?

Myriam : Ben je regarde.

Sophie : Tu regardes quoi ?

Myriam : Ben, s’il arrive.

Sophie : Myriam !

Bérangère : Mais taisez-vous ! (De nouveau) Esprit, es-tu là ? (Silence) Si tu es là frappe une fois. (Pierre essaie de faire bouger le guéridon, sans succès)

 

Myriam : Et s’il n’est pas là ? (Regard exaspéré de Sophie)

 

Pierre : Je n’y arrive pas.

Marquis : Je vous l’avais dit.

Bérangère : (De nouveau) Esprit, es-tu là ? (Silence) Si tu es là frappe une fois.

 

Myriam : Ça dérange beaucoup si on remet un peu de lumière, cette obscurité, ça m’angoisse ?

Bérangère : Chut, mais concentrez-vous bon sang.

Myriam : Dans le noir, j’ai la frousse et ça m’empêche de me concentrer.

Bérangère : Mais ce n’est pas possible . . . Bon allez-y, mais après, pour se donner un maximum de chance de succès, on se concentre pendant cinq minutes.

Sophie : (A Myriam) Ne bouge pas, j’y vais. (Elle se lève et va allumer une petite lampe sur le bar)

 

Scène 8

(Quand la lumière revient plus fort sur le plateau, on voit une femme qui se tient debout à côté du guéridon. C’est Laurence, la femme de Paul.)

 

Paul : (Voyant Laurence) Laurence, ma chérie qu’est-ce que tu fais là ?

Laurence : Paul ! Tu es là, qu’est-ce que ça me fait plaisir de te voir.

Paul : Et moi, donc. Mais qu’est-ce qui se passe, ils ont ramoné la cheminée !

Laurence : Arrête, (Montrant la séance) un appel et j’ai encore des restes pas trop loin, alors ! . . . Oh mais tu es en compagnie du petit Marquis, formidable.

Marquis : Et oui, vous voyez, toujours fidèle en amitié chère Laurence . . . Vous n’avez pas changé !

Laurence : Vous non plus.

Marquis : Oh vous savez, à mon âge, 330 ans.

Paul : Permet-moi de te présenter notre nouvel ami Pierre.

Laurence : Enchantée Pierre. Si vous êtes là, c’est que vous vous êtes fait assassiner, je suppose.

Pierre : Eh oui, vous supposez bien !

Laurence : Vous savez, on est tous passés par là.

Pierre : Et oui, bien sûr, mais moi j’ai été dispensé de la cheminée.

Laurence : Et il est drôle, en plus. Alors comme ça, vous êtes en transit.

Paul : Non, malheureusement pour lui, il s’est fait assassiner le jour de sa mort programmée, il risque d’être coincé là si sa meurtrière n’avoue pas, comme notre ami le Marquis. Mais parle nous de toi, de ta nouvelle vie, comment ça se passe de l’autre côté ?

Laurence : Désolée, je ne peux absolument pas vous parler de ma nouvelle vie comme tu dis, rigoureusement interdit ! . . . (S’adressant à Pierre) Alors comme ça vous êtes coincé là ?

Pierre : Eh oui, ma femme qui est toujours trop pressée, m’a assassiné une heure avant ma mort programmée.

Laurence : Crime passionnel ?

Paul : Oui, elle a une passion pour l’argent.

Marquis : Et les Mercedes !

Pierre : Et la seule façon de m’en sortir, c’est que l’enquête de la police la confonde, la force à avouer, mais ça ne va pas être facile, elle est coriace.

Marquis : D’autant plus, ma chère Laurence, et n’y voyez là rien de personnel bien sûr, que l’enquêtrice est une femme.

Laurence : Vous ne changez vraiment pas mon cher Marquis. Et cette séance a été organisée pour entrer en contact avec vous Pierre, je suppose.

Pierre : Oui, par notre amie Sophie qui est persuadée que mon épouse veut absolument avoir une dernière conversation avec moi, son amour si tragiquement disparu.

Laurence : Je ne voudrai pas paraître pessimiste, mais je suis quasiment certaine que cette séance n’aboutira pas, pour que cela fonctionne il faut une majorité de participants très impliqués, très concentrés sur l’objectif.

Paul : Et là, ce n’est pas le cas ? Pourtant il y a Sophie qui est dedans à fond, la « médium », c’est son boulot, mais bien sûr Myriam n’y tient pas plus que ça, mais ça fait deux sur trois quand même, ça devrait marcher.

Laurence : Vous avez raison, ce qui ne va pas c’est la médium, aucune concentration sur l’objectif, tout pour le texte, les accessoires, la lumière, elle devrait plutôt postuler pour une place de régisseuse dans un théâtre, ou même metteuse en scène, mais surtout pas comme actrice et encore moins comme médium.

Bérangère : (De nouveau) Esprit, es-tu là ? (Silence) Si tu es là frappe une fois

 

Pierre : Ah, elles se réveillent, sans vous commander, si vous alliez essayer de répondre avant qu’elles ne raccrochent, on ne sait jamais.

Laurence : Si vous voulez, mais c’est bien pour vous faire plaisir.

 

Coup de sonnette

 

Bérangère : Ah non ! c’est infernal, on n’y arrivera jamais dans cette maison, j’abandonne !

                                                                     NOIR

 

 

 

                                        ACTE 4

 

Scène 1

 

(La lumière est revenue sur la scène, Myriam est allée ouvrir au visiteur, Bérangère range ses affaires, Laurence a disparu.)

 

Myriam : Ah, c’est vous, entrez, je vous en prie. (Elle introduit la commandante dans la pièce)

 

Commandante : Bonjour Madame, (Voyant le dérangement) Oh, je suis désolée, j’aurai dû vous prévenir de ma visite, mais comme j’étais dans le quartier.

Myriam : Ne vous excusez pas, débarrassez-vous. (Elle pose son imper sur le canapé).

 

Paul : (Triste) Merde, Laurence a disparu !

Marquis : La séance est finie.

Pierre : (Triste) C’était ma dernière chance ! C’est foutu maintenant !

Marquis : (En chantonnant) C’était sa dernière séquence et le rideau sur l’écran est tombé. Allez, ne désespérez pas, un revenant, ça revient, c’est fait pour ça, non ?

Myriam : (Inquiète) Rien de grave, j’espère.

Commandante : Non, rassurez-vous, au contraire. (Embarrassée) Vous étiez avec des amies, continuez, ne vous dérangez pas pour moi, j’ai cinq minutes.

Myriam : Non, pas de problème, nous avions terminé.

Bérangère : (En finissant son rangement) Je vous laisse la place Madame, j’espère pour vous que Madame Deligny sera plus attentive à vos propos qu’elle ne l’a été pour les miens et pour mon travail.

 

Sophie : (Très gênée) Ne soit pas fâchée, c’était certainement trop tôt. Tu as besoin d’aide pour descendre à ta voiture.

 

Bérangère : (Très sèche) Non, ça ira, merci. (A Myriam, pète sec) Au revoir Madame (Elle sort en emportant tout son barda, sauf le chandelier qu’elle oublie.)

 

Sophie : (En l’accompagnant à la porte) Au revoir Bérangère, je te rappelle très vite.

 

Pierre : Qu’est-ce qu’elle va annoncer, je crains le pire.

Scène 2

Sophie : (A Myriam) T’es vraiment pas sympa, on avait fait ça pour toi, et toi tu sabotes tout son travail.

Myriam : Faire tourner les tables, tu n’as rien trouvé d’autre, on est au 21 ème siècle ma chérie. (A la commandante)Excusez-nous, vous aviez donc des nouvelles concernant le meurtre de mon mari ?

Commandante : Oui Madame, une bonne et une moins bonne. Je commence par laquelle ? (Le marquis et Paul quittent le canapé, le marquis au bar, Paul vers la chambre.)

 

Myriam : La bonne s’il vous plait.

Commandante : D’accord, (un instant, ménageant son effet) nous avons mis hors d’état de nuire le meurtrier présumé de votre mari.

Pierre : (Enthousiaste) Bravo, il va pouvoir parler, (Au Marquis) vous voyez, une femme flic, ça peut donner des résultats.

Marquis : Attendons la suite.

Myriam : Comment ça, mis hors d’état de nuire ?

Commandante : Nous avions mis sous surveillance un suspect potentiel, et ce matin, juste quand je sortais de chez vous, on me prévient qu’il vient de s’introduire par effraction dans un appartement pas très loin d’ici. Nous sommes intervenus quasiment tout de suite pour le prendre en flagrant délit.

Sophie : (Inquiète) Et vous l’avez arrêté ?

Commandante : Malheureusement non.

Myriam : (Soulagée) Comment ça non ?

Commandante : Au moment où nous avons pénétré dans l’appartement, pris de panique, il a voulu s’enfuir en passant par le balcon pour rejoindre les toits, et ce n’était pas un acrobate de talent, il a fait une chute du sixième étage.

Sophie : Et alors ?

Pierre : Et merde, il ne pourra jamais nier mon assassinat.

Marquis : Vous voyez, une femme flic !

Commandante : Et alors ! . . .  Madame, du sixième, il est mort.

Myriam : (Très heureuse) Tant mieux, je suis bien contente, un salop de moins.

Sophie : (Visiblement très contrariée) Myriam, je ne te reconnais pas, toi qui étais contre la peine de mort, te réjouir comme ça de la mort d’un homme !

 

Myriam : (Sautant de joie) Une crevure oui, (à la commandante) vous aviez raison, c’est une très bonne nouvelle.

Commandante : Vous voulez connaitre la moins bonne ?

Pierre : (Plein d’espoir) Allez, accouche !

Myriam : Oui, bien sûr allez-y.

Commandante : Nous avons perquisitionné son appartement et nous n’avons retrouvé aucune montre, que de l’argent, je crains bien que nous ne retrouvions jamais celle de votre mari.

Pierre : Et merde, l’absence de ma montre, le seul indice qui pouvait les mettre sur une autre piste que cet obsédé du tic-tac.

Marquis : (A Paul) Il disait quoi, ah oui, une femme flic !

Pierre : (Enervé) Ah ça va oui.

Myriam : (Mimant la tristesse) Ce n’est pas vrai, il n’y a aucune chance de la retrouver ?

Pierre : Quel cinéma !

Commandante : Elle doit déjà être loin, je suis vraiment désolée.

Paul : Pas si loin que ça. Elle est chez Mercedes à Neuilly.

Myriam : Il y tenait tellement à sa montre, il ne s’en séparait jamais, c’est moi qui lui avais offerte, un objet de famille, un souvenir que j’aurais voulu garder de lui. (Elle s’assoie sur le canapé en sanglot, Sophie va la consoler)

Pierre : Mais tu l’as gardé sale raclure, vous entendez ça les gars.

Marquis : Elle ne l’a pas gardé, elle l’a offerte à votre successeur, nuance.

Pierre : Mais j’y pense, quand elle me l’a offerte, elle m’a bien dit que c’était une montre qui lui venait de sa famille.

Paul : Et alors ?

Pierre : Quand on s’est rencontré, elle était veuve.

Paul : Et il est mort de quoi son mari ?

Marquis : Ce serait très intéressant de le savoir, n’est-ce pas ? Si j’étais le représentant de cette grande marque de berlines de prestige d’outre Rhin, je me méfierais.

Commandante : Bien, Mesdames, j’ai déjà bien assez abusé de votre temps en venant à l’improviste, je vais vous laisser.

Myriam : (Se ressaisissant et allant prendre ses affaires) Ne vous excusez pas, je dois y aller, j’ai rendez-vous à l’église pour l’organisation des funérailles de mon mari. Au revoir Madame, à tout à l’heure Sophie, je pense que j’en ai pour au moins deux heures. (Elle sort)

Scène 3

 

Commandante : (En reprenant son imper) Bien Madame, je vais vous laisser aussi, bonne fin de journée. (Elle se dirige vers la sortie)

Sophie : (L’arrêtant avant qu’elle ne sorte, un peu gênée) S’il vous plait, Madame, je peux vous parler ?

Commandante : Bien-sûr Madame, qu’y at-il ?

Sophie : (Hésitante) Ce que je voudrai vous dire est très délicat. Je trouve l’attitude de mon amie très bizarre, je ne la reconnais pas, bien-sûr, après ce qui lui arrive c’est normal d’être chamboulée, mais là, c’est autre chose.

Pierre : Ah ! Quand même une qui se réveille.

Commandante : Vous vous rendez compte de sa situation, son mari assassiné chez elle, on serait chamboulée pour moins que ça.

Sophie : Je suis d’accord, mais ce n’est pas seulement son comportement, il y a ce message sur son portable.

Commandante : Quel message ?

Sophie : Le message qu’elle m’a écrit quand elle était en retard, de chez son garagiste, le soir du meurtre.

Commandante : Oui, message qui atteste de sa présence au garage au moment de la mort de son mari, et qu’est-ce qui ne va pas ?

Sophie : Ben, les fautes d’orthographe.

Commandante : (Un peu gênée) Quelles fautes d’orthographe ? Vous savez, les messages sur les portables, ce n’est pas de la littérature.

Sophie : Quand même, pour une professeure de français et de langues anciennes à l’université, ça fait désordre.

Paul : Je vous avais bien dit qu’elle était pas mal cette petite.

Commandante : Dans la précipitation.

Sophie : Une faute d’accord, passons, mais trois quatre, et puis vous avez vu comment elle a écrit « turbot » ?

Commandante : Non, j’avoue que je n’ai pas fait attention.

Sophie : « TURBO », le poisson, sans « T », pour un mécano, à la rigueur, mais pour une agrégée en littérature !

Commandante : (Réalisant) En effet, je n’avais pas percuté, c’est étrange.

Sophie : Oui, puis il y a son comportement, au début, j’étais sous le coup moi aussi, alors je n’y ai pas porté attention, mais maintenant, je trouve que ça sonne faux.

Commandante : Vous êtes en train de me dire que vous pensez qu’elle aurait quelque chose à voir avec la mort de son mari.

Sophie : Non . . . Oui . . . Je ne sais pas, mais vous voyez, elle pleure en disant sans arrêt qu’elle voulait lui parler, une dernière fois, alors moi je lui organise une séance de spiritisme pour tenter le coup, je sais qu’elle était assez adepte de ce genre de truc et bien elle, elle fait tout pour que ça échoue. Ça ne colle pas !

Commandante : Une femme qui tue son mari. (Réfléchissant) C’est drôle, enfin façon de parler, quand j’ai évoqué au commissariat notre affaire, un ancien enquêteur m’a raconté qu’il y a vingt-deux ans, ici, dans cet appartement, dans cette même pièce, un homme a été tué par sa femme, attendez (elle sort un carnet qu’elle consulte pour de plus amples renseignements)

Paul : (Sautant de joie) He les gars, c’est de moi qu’elle parle, vous vous rendez compte, c’est moi le mec qui s’est fait tuer.

Marquis : D’accord, mais vous ne vous êtes pas fait assassiner par votre femme si je ne me trompe ? Oh dites-moi, c’était déjà une femme qui enquêtait à l’époque ?

Commandante : Ah voilà, j’avais noté, la victime, un certain Paul Radabi assassiné par son épouse Laurence, épouse que nous n’avons jamais retrouvée d’ailleurs ! cela ne vous dit rien.

Sophie : Ça me dit vaguement quelque chose, mais je dois me faire un film !

Commandante : Non le film c’était Laurence d’Arabie, pas Radabi

Sophie : Qu’est-ce que vous dites ?

Commandante : Rien, laissez tomber. Votre amie Myriam, elle connaissait le responsable de chez Mercedes ?

Sophie : Je n’en sais rien. C’est là qu’ils ont acheté leur voiture, donc elle a dû le voir de temps en temps, mais c’était surtout Pierre qui était fan de Mercedes.

Paul : Lui les voitures, elle les vendeurs, chacun son truc.

Scène 4

Sophie : (Voyant la commandante perdue dans ses pensées) Vous croyez que je me fais des idées.

Commandante : Non, pas du tout, bien au contraire. C’est étrange ces deux affaires, c’est comme si l’histoire se répétait . . .  Deux hommes se font assassiner au même endroit à vingt-deux ans d’écart.

Sophie : Les deux femmes seraient les coupables ?

Commandante : Ce n’est pas si simple, dans le premier cas, on n’a jamais retrouvé la femme. Cette Laurence, malgré les recherches et les planques devant l’appartement pendant des semaines, a tout simplement disparue de la circulation. Quant à votre amie Myriam, ce n’est pas parce qu’elle fait des fautes d’orthographe que cela fait d’elle une meurtrière.

Sophie : Les femmes sont malines.

Pierre : Des salopes oui !

Paul : Cette Laurence est ma femme, je te rappelle.

Pierre : Pardon.

Commandante : C’est vrai, d’autant plus que pour cette Laurence, les collègues l’avaient vu entrer dans l’appartement, mais jamais en ressortir.

Sophie : C’est dommage que Myriam ait saboté la séance de spiritisme, qui sait, on aurait pu apprendre des choses.

Commandante : Quelles choses ?

Sophie : Je sais pas, des trucs sur la mort de Pierre.

Commandante : Vous savez que dans certaines affaires, la police a fait appel à des médiums quand elle se retrouvait dans une impasse.

Marquis : On n’est pas dans une impasse, mais sur un boulevard !

Sophie : Ah oui, et ça donnait des résultats ?

Commandante : Je crois, des fois, oui. J’aurai bien voulu assister à leurs trucs, ça doit être original. (Mimant la scène)Esprit êtes-vous là, si vous êtes là, veuillez décliner votre identité, nom, prénom, âge et qualité et présentez une pièce d’identité.

 Sophie : Je ne pense pas que ce soit si formel que ça. Vous n’avez jamais participé à une séance de spiritisme ?

Commandante : Non jamais.

Sophie : Si j’osai, je rappellerai bien Bérangère, mais elle doit être en pétard après la séance avec Myriam.

Commandante : Bérangère, c’est la personne qui était là quand je suis arrivée.

Sophie : Oui, c’est une « médium », une amie.

Commandante : Vous voulez la rappeler pour tenter de refaire une séance de . . .

Sophie : Oui . . . ça ne vous tente pas ?

Commandante : (Hésitante) Si, par curiosité, mais ça reste entre nous, si les collègues apprennent que je cherche à résoudre mes affaires en invoquant les esprits, je vais passer pour un clown.

Sophie : Ça restera entre nous, promis. Je la rappelle. (Elle compose le N° sur son portable)

Marquis : On dirait bien, mon jeune ami que vous allez avoir droit à votre deuxième chance.

Pierre : Parce que vous croyez que l’autre tordue va accepter de revenir ?

Marquis : j’en suis sûr, regardez (leur montrant le chandelier oublié) elle a oublié un accessoire de sa mise en scène, son chandelier.

Sophie : Allo Bérangère, c’est Sophie . . . Je voulais encore m’excuser pour tout à l’heure . . .  Je sais que ce que vais te demander peut te paraître bizarre, mais je voudrais que tu reviennes . . .  Mais non, Myriam est partie, on a tout notre temps. Je suis sûr que ça peut marcher, je ressens dans cet appartement comme une présence . . .

Paul : (A Sophie) Je dirais même trois, pour commencer !

Sophie : (Poursuivant) Si, si je te le dis, et puis tu sais que dans cet appart il y a eu déjà un autre meurtre . . . Mais si, je te jure, c’est la policière qui vient de me le dire . . . Oui, la dame qui est arrivée quand tu es partie . . . C’est elle qui insiste, elle pense que tu peux aider à résoudre l’enquête . . . Ne la force pas à te réquisitionner . . . Merci, je t’adore, à tout de suite.

Commandante : La réquisition, c’est pas un peu beaucoup ?

Sophie : Comme ça, elle se sent utile, importante, et elle revient, c’est ce qui compte, non ?

Paul : Décidément, cette Sophie me plait bien.

Pierre : Sophie, ça peut aller, c’est l’autre barjot qui m’inquiète.

Scène 5

 

Coup de sonnette

 

(Arrivée de Bérangère.)

Sophie : Déjà (A Bérangère) J’arrive (Elle va ouvrir) Entre, tu as fait vite, je viens à peine de raccrocher.

Bérangère : J’étais sûre que tu allais me rappeler, je le sentais, alors j’ai fait demi-tour, je suis comme toi, je suis sûre que cette pièce est habitée,

Paul : Quel culot, elle vient juste récupérer son chandelier.

Bérangère : (Poursuivant) Ça me rappelle quand . . .

Sophie : (La coupant) Je te présente Madame, heu madame comment déjà ?

Commandante : Lefranc, Commandante Lefranc. (A Bérangère) Bonjour Madame. (Elle lui tend la main, commence alors une poignée de mains qui n’en fini pas)

Sophie : Madame Lefranc donc, Madame est la personne chargée de l’enquête sur la mort de Pierre.

Bérangère : Bonjour Madame, quelle clairvoyance, faire appel à moi, votre enquête va avancer à grands pas, vous allez voir ! Vous savez, je connaissais la victime, sa femme, cette pièce va nous dire tout ce qu’il s’est . . .

Sophie : (La coupant) Préparons-nous, s’il te plait, Madame n’a pas beaucoup de temps à nous accorder. (Bérangère commence à installer son matériel et allume la bougie)

Paul : Elle ne doute de rien cette cinglée.

Marquis : Paul, ne découragez pas notre ami, c’est peut-être sa deuxième et dernière chance, on ne sait jamais, elle a déjà réussi à faire revenir votre femme tout à l’heure, et Myriam, l’empêcheuse de tourner en rond, (en mimant le geste des spirits) c’est le cas de le dire, n’est pas là.

Pierre : Vous êtes gentil Marquis mais quand je vois l’autre tordue !

Marquis : Allons, haut les cœurs, et rapprochons-nous, (Les esprits vont au guéridon) soyons prêt à toute éventualité.

Bérangère : (Qui a fini son installation) Allons, en place (à la commandante) vous avez déjà participé à une séance.

Commandante : Non, jamais.

Bérangère : Ce n’est pas compliqué, vous vous concentrez bien, vous entrez en communion avec nous sur les questions que nous allons poser aux esprits. Attention, si des événements inattendus se produisent, surtout ne paniquez pas, restez calme, je gère la situation, d’accord ?

Commandante : Pas de problème, je suis à vos ordres.

Bérangère : Bien, installons-nous. (Bérangère va éteindre la lumière)

Commandante : S’il vous plait, peut-on laisser une lumière allumée, je préfère voir ce qu’il se passe autour de moi quand je suis en service ?

Sophie : (A Bérangère) Ne te dérange pas, j’y vais. (Elle va allumer une petite lampe sur le bar)

Bérangère : C’est bon, on peut commencer ?

Commandante : Je vous en prie.

Scène 6

Bérangère : (Elle commence en parlant avec une voix d’outre-tombe, à la Malraux) Esprit, es-tu là ?

Paul : Oh là, ça commence bien, vous l’entendez cette allumée ?

Bérangère : (Idem pour la voix) Esprit es-tu là ? (Rien ne se passe) Si tu es là, frappe un coup. (Rien) Esprit es-tu là ? Si tu es là frappe une fois. (Toujours rien, devant le regard inquiet des participantes) Ne vous inquiétez pas, il faut lui laisser le temps d’arriver !

Restez concentrées.

Pierre : Alors, qu’est-ce qui se passe ? Ça devrait marcher, Myriam n’est pas là !

Marquis : Un peu de patience, elle a raison, laissons-lui le temps d’arriver.

Paul : (En riant) Si c’est pour Laurence, elle n’est pas si loin que ça, (Montrant le mur) elle est dans le mur.

Bérangère : Esprit es-tu là ? Si tu es là tape une fois. (Rien, plus sèchement,) Esprit es-tu là ? Comme je viens de te le dire, si tu es là, frappe une fois sur le guéridon.

Paul : Vous avez entendu, le temps se gâte.

Pierre : Il faut qu’elle se calme, elle va tout faire foirer cette imbécile.

Bérangère : Esprit es-tu là, (Rien, hystérique) tu vas répondre bordel de merde !

Sophie : Mais calme toi Bérangère !

Paul : Oh que je le sens mal.

Marquis : Vous avez raison. Mais ça commence à être plaisant.

Commandante : Ne vous mettez pas dans un état pareil, si nous n’aboutissons pas, ce n’est pas dramatique.

Bérangère : (A moitié en pleur) Je voudrais tellement que ça marche, pour une fois.

Sophie : (Surprise) Comment ça, pour une fois ?

Commandante : Qu’est-ce que vous voulez dire ?

Bérangère : Mais rien excusez-moi, je suis désolée, je me laisse emporter par la passion, reconcentrons-nous s’il vous plaît.

Sophie : OK, ça va aller, on reprend.

Bérangère : (Plus calmement) Esprit es-tu là ? Si tu es là frappe une fois. (Toujours rien)

Scène 7

(Marquis derrière la commandante, entrée de Laurence à cour)

Laurence : Coucou (Surprise chez les trois, sursaut de Pierre, le plus troublé)

Pierre : Ah c’est vous, vous m’avez fait peur.

Laurence : Ah oui, peur de quoi ? De mourir peut-être !

Paul : Ah c’est malin, Laurence, comme ça me fait plaisir, nous commencions à désespérer.

Marquis : Ma chère Laurence, votre présence est un enchantement. (Ils marchent vers le canapé) Un enchantement d’autant plus inattendu que la maitresse de cérémonie à l’air de pédaler pas mal dans la semoule, comme vous dites. (Ils s’installent, Laurence à cour, marquis côté jardin)

Bérangère : Esprit es-tu là, si tu es là, frappe une fois, merci.

Laurence : La pauvre, elle est trop impatiente, il faut du temps, et puis nous on n’a pas que ça à faire.

Pierre : Comment vous sentez la situation, Myriam n’étant pas là, on a des chances non ?

Laurence : C’est sûr que sans votre charmante épouse, les probabilités de réussite sont nettement meilleures.

Paul : J’aimerai bien pouvoir discuter encore avec toi, mais vu la situation et le caractère de l’autre cinglée, je pense qu’il vaut mieux ne pas trop tarder à lui répondre avant qu’elle ne fasse tout foirer encore une fois.

Laurence : Tu as raison, soyez bien attentif car si j’ai bien compris, c’est le sort de Pierre qui est en jeu.

Paul : Et le mien, si l’on peut faire d’une « Pierre » deux coups. J’aimerai tant pouvoir te rejoindre.

Laurence : Comme c’est mignon. Allez, au boulot. (Et elle rejoint le guéridon, elle éteint la bougie, regards effarés des participantes)

 

(Laurence s’installe entre Bérangère et la commandante.)

Bérangère : Esprit, es-tu là ? On arrête de rigoler maintenant, si tu es là frappe une fois.

Laurence : (Aux esprits) Elle est gonflée cette idiote, si ce n’était pour vous je laisserais tomber, non mais pour qui elle se prend. Bon allez, j’y vais. (Et elle tape un coup sur le guéridon)

 

Bérangère : (En voyant le guéridon bouger, elle pousse un cri et quitte la table affolée et dit à Sophie et à la commandante) C’est vous qui avez fait ça ?

 

Laurence : Oh quelle tarée !

Sophie : Mais non je n’ai touché à rien, (s’adressant à la commandante) et vous ?

Commandante : Moi non plus je vous assure.

Pierre : C’est pas gagné !

Bérangère : Arrêtez de rigoler, ce n’est pas drôle.

Sophie : Mais arrête toi, si on te dit que ce n’est pas nous.

Bérangère : Vraiment, ce n’est pas vous, mais alors . . .

Sophie : Dit donc Bérangère, tu t’es bien fichu de nous, toi la grande « médium », c’est la première fois que ça t’arrive, c’est ça, hein.

Pierre : A l’entendre, on avait l’impression qu’elle passait ses week-end à jacter avec tous les pensionnaires du Père Lachaise.

Bérangère : (Piteuse) Oui.

Sophie : Bien revient, si ce n’est pas trop tard, on dirait bien que nous avons un contact.

Bérangère : (En revenant tout doucement) J’arrive.

Laurence : Grouille, on ne va pas y passer la nuit.

Marquis : Je n’aurai voulu rater ça pour rien au monde.

Sophie : Bon ça va, tu es prête. Allez, on recommence.

Bérangère : Esprit, es-tu là, si tu es encore là, frappe une fois.

Laurence : Oui, je suis encore là (Mais elle ne bouge pas le guéridon)

Paul : (A Laurence) Qu’est-ce que tu attends ?

Laurence : Un peu de suspense, j’ai le droit de me marrer moi aussi.

Sophie : (A Bérangère) Tu vois tu as tout fait rater.

Commandante : En effet, c’est dommage.

Sophie : (A la limite de se mettre à pleurer) J’aurai tellement voulu que ça marche avec Pierre.

Paul : (A Pierre) Eh dis-donc, tu avais la cote avec Sophie, on dirait.

Marquis : (En se levant et mimant la banlieue). Ouai, elle le kif grave le Pierre, la meuf. (Il se dirige à côté de la commandante.)

 

Pierre : Ça me fait une belle jambe maintenant, Laurence, s’il vous plaît.

Laurence : C’est bien pour vous faire plaisir et vous sortir de là, attention, on y retourne. (Et elle tape une fois sur le guéridon)

 

Scène 8

 

Bérangère : (Paralysée par le trac, elle bafouille) Esprit, qui es-tu ?

Laurence : Mais ce n’est pas vrai, des questions qui appellent des réponses par oui ou par non. (Aux esprits) Vous n’êtes pas sortis de l’auberge les gars.

Sophie : Voyons Bérangère, il ne peut répondre que par oui ou non.

Bérangère : (Toujours perturbée) Oui, tu as raison, attend, je recommence.

Commandante : Laissez tomber, j’ai plus l’habitude des interrogatoires, je prends la suite.

Bérangère : Si vous voulez.

Sophie : Merci Madame, je crois que c’est mieux.

Paul : Ah, les pros s’en mêlent.

Marquis : Les pros, oui, mais une femme !

Laurence : Marquis, on se calme, vous savez ce qu’elles vous disent les femmes.

Pierre : Vous arrêtez vous deux !

Commandante : Esprit, êtes-vous Pierre Deligny ?

Laurence : Ah bien voilà, on avance (Elle frappe deux fois)

 

Bérangère : (A la commandante) Deux coups cela veut dire non.

Commandante : (A Bérangère) J’avais compris, merci . . . (Reprenant) Êtes-vous une femme ?

Laurence : Perspicace, cette fliquette, n’est-ce pas Marquis ?

Marquis : Je ne dis plus rien. (Laurence tape une fois)

Commandante : Esprit, êtes-vous Laurence Radabi ?

Laurence : Droit au but, bravo. (Elle tape une fois)

Pierre : (A Paul) Ça marche, pour toi.

Commandante : Esprit, êtes-vous en contact avec Pierre Deligny ?

Laurence : Mais oui ma p’tite dame. (Elle frappe une fois)

Commandante : Esprit, Pierre Deligny sait il qui est son assassin ?

Pierre : (En regardant le Marquis) Oh, qu’elle est bonne !

Laurence : (A Pierre, s’amusant) Qu’est-ce que je réponds ?

Pierre : (Etonné) Ben oui, c’est Myriam, ma femme, on vous l’a dit tout à l’heure.

Laurence : Vous êtes sûr, c’est important, je ne voudrais pas mettre la pagaille dans votre couple.

Pierre : Vous rigolez, mon couple il est mort depuis un moment.

Laurence : Oui, surtout maintenant.

Commandante : Je répète, Esprit, Pierre Deligny sait il qui est son assassin ?

Laurence : Oh y a pas le feu, j’arrive. (Elle tape une fois)

Sophie : (Enthousiaste) Oui, il le sait.

Commandante : Elle sait qu’il sait, mais elle, sait-elle qui c’est, on ne sait pas.

Sophie : Je sais !

Commandante : Bon, on continue. Esprit, est-ce que l’assassin de Pierre est sa femme Myriam ?

Pierre : Oui, on tient le bon bout.

Laurence : C’est pas drôle, il n’y a même pas de suspense (Puis elle tape une fois)

Sophie : Qu’est-ce que je vous disais, voyez, j’avais raison.

Commandante : D’accord, mais maintenant, il va falloir le prouver. Tenez, encore une question.

Bérangère : D’accord, mais faites vite, je suis épuisée.

Sophie : Mais tu n’as rien foutu !

Commandante : Esprit, avez-vous été tué dans cet appartement par la même personne qui a tué votre mari, Monsieur Radabi ?

Laurence : Ça c’est pour toi Paul, tu pourras la remercier, je crois qu’elle a compris. (Elle tape une fois)

 

Bérangère : Je n’en peux plus, j’arrête ! (Elle se lève)

 

                                                       NOIR

 

 Scène 9

(La séance est terminée, Bérangère a tout rangé, Laurence a disparu, les esprits sont au bar)

Paul : Dommage que Bérangère ait stoppé la séance si brutalement, on n’a même pas pu dire au revoir à Laurence.

Bérangère : (En sortant) Désolée pour cette fin de séance brutale, mais je n’en pouvais plus, ça me stresse trop.  (A Sophie) Tu ne m’en veux pas ? A bientôt Sophie.

Sophie : Ce n’est pas grave, on a pu obtenir toutes les réponses aux questions qui nous intéressaient. Rentre bien, a plus. (Bérangère sort)

Commandante : Vous avez raison, nous on sait, mais maintenant le plus dur reste à faire.

Sophie : Quoi ?

Commandante : Comme je vous disais, il nous faut des preuves, et ça ne va pas être facile, le SMS et les esprits ne suffiront pas et si elle ne fait pas d’erreur, elle peut s’en sortir, croyez-moi.

Pierre : Ah non, ce n’est pas vrai, vous entendez ?

Sophie : Vous plaisantez ?

Commandante : Malheureusement non. La seule consolation, c’est que je crois que je vais pouvoir résoudre une affaire vieille de vingt-deux ans. Cette Laurence a été tuée ici et son corps n’a jamais été retrouvé. Je vais faire sonder tous les murs de l’appartement et je vous fiche mon billet qu’elle nous attend, bien gentiment avec toutes les preuves pour faire arrêter son assassin.

Sophie : (Enervée) Mais je m’en fou moi de cette vieille affaire.

Paul : Pas moi, je pourrai peut-être gagner quelques années.

Marquis : Certainement, (à Pierre) ne vous inquiétez pas trop Pierre, votre Myriam, même si elle s’en sort aujourd’hui, elle finira sûrement par se trahir ou qui sait, même avouer.

Paul : C’est sûr, tu verras, quand elle en aura marre de rouler en Mercedes.

Commandante : Je vais vous laisser, avec tout ça j’ai du travail qui m’attend au bureau, je vous tiens au courant. De votre côté, si vous avez d’autres infos, appelez-moi.

Sophie : Pas de problème.

Commandante : (En sortant) Au revoir Madame, et encore merci pour cette après-midi très instructive. Ah si, un dernier petit conseil, ne restez pas à proximité de cette femme, elle est dangereuse. (Elle sort)

Sophie : C’est ça oui, occupes toi de l’emmurée, moi je me charge de Myriam.

Paul : Oh, ça ne sent pas bon.

                                                                  NOIR

 

 

Coup de sonnette

Scène 10

Myriam : Entre, c’est ouvert. (Entrée de Sophie, une bouteille de whisky à la main) Oh mais qu’est-ce qu’on arrose ?

Sophie : Rien de spécial, j’avais un petit coup de blues, alors je me suis dit que ça te ferait plaisir, un petit scotch entre amies. (Elle se dirige vers le bar, Pierre s’écarte, Paul et le marquis vont s’assoir à cour)

Myriam : Tu as raison. Tiens, j’ai eu la police tout à l’heure, ils vont faire des sondages dans l’appart, ils pensent qu’il y a un cadavre dans le mur, tu te rends compte.

Sophie : Un cadavre dans le mur ! C’est la seule chose qui les intéresse, et ton affaire, le meurtre de ton mari, ils en pensent quoi ?

Myriam : De ce côté-là, ça avance rapidement, j’ai appelé la commandante ce matin pour avoir des nouvelles, rien de neuf, l’affaire va être bouclée, le meurtrier étant mort, la procédure va s’arrêter. C’est elle qui m’a dit pour le cadavre dans le mur.

Sophie : (Visiblement déçue) L’affaire va être bouclée, tu es sûre ?

Myriam : Cache ta joie. C’est terminé, je te dis, j’ai appelé le notaire pour les papiers, tout est en ordre et dès que c’est fini, je quitte cet appartement, trop de cadavres à mon goût. Allez, viens on va arroser ça.

Sophie : (En allant vers le bar derrière le canapé) Allez, à ta nouvelle vie.

Myriam : (En quittant le canapé et allant vers le bar) Alors, qu’est-ce que tu nous as amené de bon ?

Sophie : (Montrant les papiers sur le canapé) C’est quoi, les papiers du notaire ?

Myriam : Le testament de Pierre. (En regardant la bouteille) Oh tu ne t’es pas fichu de nous.

Sophie : Ça t’arrive de penser à lui, de temps en temps.

Myriam : Oh là, ça ne va pas toi . . . Allez, le passé c’est le passé, la vie continue.

Sophie : Tu as raison, la vie continue. Tiens, tu vas chercher des glaçons.

Myriam : Des glaçons là-dedans, tu es folle.

Sophie : (Très sèche, hystérique) Si, j’ai besoin que tu ailles chercher des glaçons.

Myriam : (Surprise par la réaction de Sophie) Bon, si tu veux, calme, mais c’est une erreur, un breuvage pareil. (Elle va à la cuisine, pendant ce temps, Sophie sort de sa poche une petite fiole de poison qu’elle verse dans le verre destiné à Myriam).

Sophie : (A elle-même) La vie continue comme tu dis, mais pas pour tout le monde, salope.

Pierre : Mais elle en train de tout foutre en l’air cette andouille, si Myriam claque, moi je prends perpette.

Paul : C’est pour toi qu’elle fait ça, pour te venger. Tu te rends compte, elle te kif grave comme dit le marquis, c’est dingue non.

Pierre : C’est dingue, comme tu dis, Je l’ai toujours trouvé excessive, cette hystérique, mais à ce point-là !

Marquis : C’est sûr elle en pinçait pour vous mon jeune ami, vous n’avez jamais rien remarqué.

Pierre : Si, bien sûr, mais quitter une folle pour une cinglée, merci bien.

Paul : (Réalisant puis paniquée.) Oh non, si elle claque ici, bonjour la cohabitation.

Myriam : (De retour de la cuisine avec les glaçons) Les glaçons de madame sont avancés.

Sophie : (En mettant un glaçon dans son verre) Merci bien (En trinquant) A ton avenir, allez, cul sec.

Myriam : A l’avenir (Pierre essaie d’empêcher Myriam de boire, mais elle boit son verre cul sec).

Scène 11

Pierre : (Devant le bar, à proximité de Myriam) Elle a tout bu, ce n’est pas vrai, je fais un cauchemar.

Paul : Désolé Pierre, je crois qu’on se prépare à des moments difficiles.

Marquis : C’est sûr, il va y avoir de l’ambiance.

Myriam : Je le pensais meilleur ton whisky, il avait un goût amer, tu ne trouves pas ?

Sophie : Non, le mien ça allait, mais pour le tien, ça ne m’étonne pas.

Myriam : Ah bon, pourquoi ?

Paul : Oh, je le sens mal.

Sophie : (En sortant le flacon vide de sa poche) Parce que, en souvenir de Pierre, je l’ai arrangé avec ça, mais rassure-toi, ce n’est que des plantes, rien que du naturel, à base de ciguë.

Myriam : (Paniquée) Du poison ! Non mais tu déconnes, tu n’as pas fait ça, tu es complètement folle. (Puis commence l’effet du poison)

Sophie : Je vois que l’effet commence à se faire sentir, pense un peu à Pierre, à ce qu’il a dû ressentir quand tu lui as tiré dessus, parce que c’est toi qui l’as tué, avec ton petit ami vendeur de bagnoles, ne nie pas, Pierre nous l’a confirmé.

Myriam : Pierre vous l’a confirmé, mais tu es complètement maboule ma pauvre fille. (Avec difficultés, Myriam se dirige vers le porte-manteaux sur lequel est son sac.)

 

Sophie : Ne cherche pas à t’enfuir, c’est trop tard, tu vas claquer ma vieille.

Myriam : (Prenant un pistolet dans son sac et se retournant vers Sophie) Je vais peut-être claquer, comme tu dis, mais pas toute seule.

Paul : Il n’y aura jamais assez de place dans cet appart.

Sophie : Oh tu peux me tuer, ça ne me dérange pas, comme ça je retrouverai Pierre et je le rendrai heureux.

Pierre : En plus c’est vrai, si elle lui tire dessus, elle va se pointer. On est mal, les amis.

Myriam : (Avec de plus en plus de mal à se tenir debout) Pierre, avec toi, ça me ferait mal, il t’a toujours prise pour une dingue, une hystéro.

Sophie : C’est ça oui, allez crève au lieu de cracher tes vacheries, tu me donnes envie de gerber.

Myriam : (Elle tire en s’écroulant derrière le canapé) Prend ça, tarée.

Sophie : (Sophie, en s’écroulant à son tour,) Pierre, j’arrive.

Scène 12

 

Pierre : Oh c’est la merde, je suis désolé Paul, mais je peux pas rester là avec ces deux timbrées. Marquis, ça vous dérange si je pars avec vous ?

Marquis : Pas de souci.

Paul : Je te comprends, dommage que je sois coincé ici, j’aurai tant voulu être des vôtres.

Marquis : Avec le ramonage de la cheminée, votre sort devrait s’arranger assez rapidement, la cohabitation avec son ex et son amie ne devrait pas s’éterniser.

Pierre : (Pressé) Tu nous excuses, on ne s’attarde pas, je ne tiens pas à les croiser.

Paul : (Résigné) Bien sûr, allez-y, adieu Pierre, adieu Marquis, vous allez me manquer.

Marquis : Vous aussi vous allez nous manquer Paul. Vous embrasserez Laurence pour moi. (A Pierre) Allez, venez. Avec un peu de chance on peut avoir le 15 heures 45. Vous connaissez Versailles, le château, vous allez voir, c’est plus grand qu’ici. (Ils sortent) Et en plus . . .

(Au même moment, Myriam et Sophie sortent de derrière le canapé, elles se font face.)

 

Myriam : Qu’est-ce que tu fous là, tu n’es pas morte ?

Sophie : Et toi ?

 

Ensemble : On s’est ratées ?

Paul : Non, rassurez-vous.

Myriam : (En voyant Paul, surprises) Qu’est-ce que vous foutez là vous ?

Paul : Je vous attendais.

Myriam : Vous nous attendiez ! Comment êtes-vous entré, et qui vous êtes d’abord ?

Paul : Paul Radabi, mais mon nom ne vous dira rien.

Sophie : (Réfléchissant) Mais si, vous êtes le mari de la morte, celui qui s’est fait tuer il y a . . . (elle comprend) Mais alors !

Myriam : Qu’est-ce que tu racontes encore comme conneries.

Sophie : Ce ne sont pas des conneries . . .  Et on est bien mortes.

Scène 13

(Entrée du commandant en trombe, son arme à la main)

Commandante : Qu’est-ce qui se passe ici, j’ai entendu un coup de feu ? (Mais ne voyant personne elle fait le tour du canapé et découvre les deux cadavres) Et merde, ça continue (Elle prend son téléphone et compose un numéro) C’est moi, ici c’est le merdier, j’étais en planque en bas quand j’ai entendu un coup de feu venant de l’appartement . . . non, deux victimes, envoie-moi la scientifique. (Puis elle s’apprête à ranger son portable et se ravise et recompose un autre numéro et attend son interlocutrice)

Oui, Bérangère . . . . . .

                                        NOIR

 


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