L’homme qui parle

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Claude, jeune ouvrier menuisier, consume sa vie dans un rythme immuable, entre ses amis et son travail, dans son quartier et la périphérie de ce quartier. Pour lui, l’avenir est hier et aujourd’hui, tout est dit. Jusqu’à ce jour d’août 1914 : les cloches de l’église de sa paroisse déclarent que non, tout n’est pas dit. Alors, la vie de Claude bascule. Jusque dans les tranchées, il niera cette nouvelle vie en référant chaque évènement qu’il subit aux évènements de sa vie passée.

ACTE 1

Quelle histoire !

Que vous puissiez croire...

Enfin,

Ou « bien qu’enfin »,

La paix de vos âmes vous avez gagnée et,

Aujourd’hui sûrs de rien mais de vous,

Plus jamais cette chose-là n’arrivera !

Hein ?

Hier encore, je vous vomissais.

Aujourd’hui, ce matin même,

Une nausée vagabonde tenta

L’ingérence dans ma vie.

Pouah ! Lui dis-je,

Crachant quelques doses de nicotine,

Ou de je ne sais quoi d’autre.

Des résidus en tout cas.

Pouah  donc !

Tu ne m’auras pas,

J’en ai fini de tout ça.

Crois-je !

ACTE 2

Un jour,

Il y a eu cette aube…

Envahi de pensées routinières,

Comme chaque jour peut l'être bien,

Je l’ai trouvée ce matin-là,

« Tellement pure ...".

Comme à chaque fois,

La nuit s’est évadée là-bas ;

Vers le là-bas que je ne connais pas.

La nuit a pris son temps et le mien.

Lenteur douce, elle a éclairé, seconde après temps,

Cette journée d’août sans promesse,

Nue et offerte.

C’est aux nuits,

Quand elles quittent nos villes et nos campagnes

Et s'en vont réveiller les rêves antipodiens,

Que revient le devoir d’éclairer ;

Les jours, eux, nous assombrissent avant d'aller.

Et leur estompe s’efface.

Ainsi va le monde, comme on dit.

« Il va faire beau, aujourd’hui ! »

Ai-je murmuré à qui voulait l’entendre,

Peut-être ma cuisine

Et son alcôve

Et tous nos intimes secrets ,

Au troisième étage d’un immeuble qui en compte quatre.

Mon esprit s’évaporait,

A travers l’unique fenêtre qui voit

Et parfois regarde,

Le beau jardin de la maison d’en face

Que son concierge cultive en buvant du vin.

De la dive piquette.

Il y a des glaïeuls,

Un rosier sauvage apprivoisé,

D’autres fleurs,

Je ne connais pas leurs noms,

Et des légumes de saisons. Bons.

Et puis des fraises, bonnes aussi ;

Et des abricots, ils sont sucrés, c’est le moment.

Le cerisier se repose.

Samedi.

Demain, j’irai danser.

Au « Bal du Chat » à Montplaisir.

Avec les copains on parlera un peu des événements.

Chacun dira sa version. Chacun écoutera sa vision.

Au final, on s'en fout.

Aujourd'hui est un autre jour,

Le jour d'avant les bons moments...

Danser, aimer, danser, aimer…

« Il va faire beau, aujourd’hui ! »

Le coquemar qui vient de pousser sa locataire l’eau à bout,

Stridente et me répond :

« Twiiit ! Prépare le café, rase-toi et va bosser ! »

Les coquemars sont ainsi.

Ils poussent à bout.

Je suis menuisier.

J’aime le bois.

Le bonheur nous submerge quand on s’unit.

Salut les copeaux !

On est sept à l’atelier.

Le patron, les anciens, le Zef et moi.

Le Zef, je l'ai toujours vu à l'atelier.

Il boit tout le temps.

Quand il commence la journée, un litron, ça va.

Arrivé au troisième…

Le patron veut pas le virer ; il a pitié.

Qu’est-ce que c’est la pitié ?

Il l’engueule et hausse les épaules.

C’est ça la pitié du patron.

Alors, le Zef rougit de honte.

Et il attrape son quatrième litron.

Pour rougir d’ivresse.

Il préfère.

Je crois que nous aussi on préfère.

L’atelier donne sur la place Garibaldi.

A cent mètres de l’église.

A peu près.

Entre le matelassier et une boucherie.

Autour de la place, d’autres commerces cloîtrent notre monde.

Un café, une boulangerie, un marchand de vin, une autre boucherie,

J’y vais pas dans celle-là,

Un café,

Une épicerie-bazar-buvette "Le Zanzibar".

Et aussi les habitants des rez-de-chaussée et ceux des étages au dessus de ces rez-de-chaussée.

Mon Monde.

L’été, en soirée, ils sortent leurs chaises sur leur trottoir à eux.

Ils profitent.

Ils disent des mots,

Des morceaux de...

Ca fait des phrases de vie.

Des tranches de vie.

Au rythme des cloches de l’église, de la soupe et du simple esprit,

Ainsi est-il.

Ce samedi-là, je préambulais un chêne à démarrer une portée de portes.

Pas plus de trois, ce coup-ci.

L'humeur de l'atelier était bonne, gaie.

Le son des rabots, de la dégauchisseuse ;

Le crie d'une scie couvrait le siflotement d'une autre à la mode...

Bach : "Avec l'ami bidasseuuu, on'se quitte jamais on'se quitte jamais..."

Dans un coin, un glouglou zefien.

Le tocsin de l’église a tinté.

On savait, on l’attendait ;

Mais on ne savait pas que c’était ce glas là qu’on entendait.

Le rythme, de laborieux est devenu automatique.

La scie à la mode s'est tue, l'autre n'a rien entendu, on a continué nos affaires.

L’air de rien.

A toute volée, les cloches ont hurlé.

Je ne me doutais pas alors combien de secondes

Et de jours,

Ni d’années,

Je devrais attendre avant de les entendre rire.

Le chêne et moi,

On s’est séparé.

Les quartiers font les villes,

Les coins font les...

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