Acte 1
Préambule
Un mas provençal entre Montélimar et Orange, la nuit tombe. Dans le jardin, une porte éclairée d’où provient de la musique très forte. Sur le côté droit, une table de jardin en bois recouverte par divers jouets pêle-mêle. Sort une femme qui parle au téléphone.
MARIE : Voilà, c’est mieux. Tu m’entends là? Non je te disais que je ne crois pas que tu aurais beaucoup aimé la soirée. Je préfère que cela se passe comme ça. Pour le moment en tout cas. Oui, je sais. Oui, il est là. Je l’ai vu. Je vais lui parler, promis. Toi, par contre, tu fais attention à toi. Tu ne rentres pas trop tard. (un temps) S’il… S’il te plaît, écoute-moi ! Non, non, écoute moi… pour une fois, écoute moi ! Je ne suis pas sûre que ce soit une bonne idée ! (un temps) Rappelle-toi ce qui est arrivé la dernière fois. Rappelle-toi … Quoi, je radote... Je ne te demande pas grand-chose franchement…C’est juste que je ne le sens pas trop. Donc s’il te plait, pour me faire plaisir, ne rentre pas trop tard… Ok ? Allo ? Allo ? Allo Thibault ? Thibault tu es toujours là ?
Marie va s'asseoir dans le jardin.
Scène 1
La musique reprend de plus belle comme si une porte avait été entrouverte. Une femme en sort en dansant, tout de suite suivie par un homme assez déterminé avec deux flutes et une bouteille de champagne.
JULIEN : (faisant un salut théâtral et imitant le bossu de notre dame) Ne vous détournez pas princesse de beauté et laissez tomber vos regards sur le plus indigne de vos serviteurs…
GWENDOLINE : Ça marche vraiment ce genre d'accroche ?
JULIEN : Je ne sais pas, c’est la première fois que j’essayais.
GWENDOLINE : A d’autres !
JULIEN : Je vous assure, c’est vrai. Je vous ai vue vous éclipser de la fête par la porte de derrière et je n’ai pas pu m’empêcher de vous suivre. Je ne savais pas trop ce que j’allais vous dire alors… alors j’ai essayé ce poème… Ce n’est pas tous les jours qu’on voit une vraie princesse. Bon désolé... désolé ! je suis pas vraiment doué, je crois. Et comme j’ai un peu trop bu, je dis des conneries...
GWENDOLINE : Franchement, des dragueurs de supermarchés, j’en ai eu un paquet mais là, vous tenez le pompon…
JULIEN : Et oui ! Mais c’est ça d’être une aussi jolie fille ! … Non non, ne dites rien… je le pense vraiment et surtout je ne cherche plus à vous draguer. Ok ? Je rends les armes. (il dépose les deux verres et la bouteille de champagne par terre)
GWENDOLINE : Vous êtes con !
JULIEN : Ouf ! J’ai eu peur. L’espace d’un instant, j’ai cru que vous alliez me mettre une grosse baffe dans la tête !
GWENDOLINE : Faites attention, je peux toujours !
JULIEN : Alors il faut que je me méfie. Attendez ! (Il va chercher des frites en caoutchouc et en tend une à Gwendoline) Je préfère ça que les baffes.
GWENDOLINE : Bien visé, ça peut faire aussi mal.
JULIEN : Ouch! Il y a pas à dire, vous savez viser ! D'habitude, je mise plutôt sur l’esquive.
GWENDOLINE : Je ne savais pas que je parlais avec un vrai moine shaolin !
JULIEN : J’ai au moins une ceinture jaune de gym aquatique. A l’école, on m’appelait le Jackie Chan de la piscine Jean Bouin. Je faisais quand même le 50 mètres nage libre en deux minutes vingt en troisième !
GWENDOLINE : Vous avez encore de beaux restes…
JULIEN : Merci, j’avoue que j’essaye de continuer à prendre un peu soin de mon corps. Je me suis inscrit à un cours de crossfit, boulevard Salengro, à Avignon.
GWENDOLINE : Ah et euh…vous y allez…souvent ?
JULIEN : Disons que je viens de m’inscrire. Alors c’est vrai, je vous plais un petit peu.
GWENDOLINE : Mmmoui, mais enfin, quand je compare avec ce qu’il y a à l'intérieur, il y a encore du boulot ! Faudra revenir me voir dans quelques séances…
Julien n'est pas à l’aise et ne sait pas comment rebondir. Gwendoline profite de son avantage et fait durer la situation. Un ange passe…
GWENDOLINE : C’est étonnant quand même de trouver des frites de piscine, sans piscine.
JULIEN : C’est normal, elle est de l’autre côté de la maison.
GWENDOLINE : Vous avez l’air de bien connaître le coin...
JULIEN : Je crois qu’on pourrait se tutoyer. Quand on commence à se donner des coups de frites, alors le tutoiement est de rigueur. Sinon, pour la question, oui, je connais pas mal la maison. Max est mon meilleur ami.
GWENDOLINE : Ah ! je ne savais pas que vous étiez le meilleur ami de Max !
JULIEN : Oui, il faut croire que les contraires s’attirent. Lui a tendance à se foutre de tout. Il est prêt à tout pourvu que ça le fasse rire…Moi j’ai un peu plus de mal.
GWENDOLINE : C’était son idée, n’est ce pas ?
JULIEN : Quoi?
GWENDOLINE : De m’aborder comme ça, avec ce poème ridicule.
JULIEN : Ah ça ! Oui… Mais j’avoue que je suis bien content qu’il m’ait posé ce pari stupide. Sinon, je n’aurais jamais osé vous adresser la parole. (Il se baisse pour reprendre la bouteille et les verres ) Alors, finalement, on va réussir à se tutoyer avant la fin de la soirée ?
GWENDOLINE : Je ne sais pas. Mais en tout cas, pour faire passer cette entrée en matière vraiment foireuse, je crois que c’est toute la bouteille qui va devoir y passer.
JULIEN : Va pour toute la bouteille, je crois qu’il y en a d’autres dans la cuisine de toute façon.
Scène 2
Noir. Poursuite sur Gwendoline seule dans le jardin.
GWENDOLINE : Je ne suis pas une cruche. Souvent on me prend pour une blonde, mais il y en a, là-dessous. Je ne sais pas ce qu’il y a de pire dans la vie. Qu’on te prenne...