L’Odéla
L’Odéla, jeune normande, a décidé de mettre fin à ses jours en se jetant du haut d’une falaise. Mais pourquoi ? Et quelqu’un peut-il encore l’en empêcher ?
L’Odéla, jeune normande, a décidé de mettre fin à ses jours en se jetant du haut d’une falaise. Mais pourquoi ? Et quelqu’un peut-il encore l’en empêcher ?
L'Odéla
Théâtre en trois actes et en vers classiques et néoclassiques
(Version PDF sur demande)
Création originale
Personnages:
Odéla Misamore: 21 ans
Knock: 30 ans
Commissaire Poule: âge mûr
Agent Taser: 25 ans
Dr. Légo: âge mûr
Le Diable
Adam: 35 ans
Eve: 35 ans
Vitae: âgée
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ACTE PREMIER
La falaise
ACTE PREMIER, SCENE PREMIERE
ODELA
La scène s’allume doucement. Odéla, vêtue d’une longue robe blanche tâchée de sang, à genoux, regarde droit devant elle, un parapluie bleu fermé à ses côtés, une feuille de boucher dans la main. Des bruits lointains de vagues se font entendre.
ODELA 1 J’ai beaucoup réfléchi à notre relation
Avant d’en arriver à cette solution.
Le bleu de la mer apparaît. Odéla tend la feuille au ciel.
Ô Vie, pardonne-moi ! Mon cœur est sans musique…
Sa rouge cavité n’a plus rien de magique.
5 Dans sa caverne hier abondant de danseurs
Seuls ne tournoient encor que des couples de pleurs.
Ô Vie, regarde-moi ! Et laisse-moi partir !
Je ne puis avec toi davantage faiblir.
Mon cher Amour est mort au bras d’une autre femme,
10 Et le deuil est si lourd car il est si infâme.
Vois, cette bague, vois, cette alliance en ma main
Comme elle peut voler quand il n’y a de chemin !
Odéla tient l’alliance dans sa paume de main. Elle ferme le poing pour la jeter avant de se raviser, la feuille de boucher dans l’autre main.
Sans lui, sans mon Joseph, plutôt quitter la terre !
Joindre un monde où l’affront pourrait enfin se taire.
15 Chassée de son regard pour un plus beau jouet,
Que je parais si seule, et le sourire âgé.
Et je ne peux porter le poids de la traitrise
Ni d’avoir épousé follement la méprise.
Et je m’en veux autant que j’en veux à Joseph
20 De m’être ainsi vêtue avancer sous la nef.
Le jour se fait. De l’autre côté de la scène, au loin, une chapelle se trouve posée sur une falaise.
Ô Vie ! Ma vague Vie ! Ô ma courte aventure !
Laisse-donc s’envoler ta triste créature.
Donne-moi de la force, une dernière fois,
Juste ce qui suffit pour passer à trépas.
25 Car comment contourner une souffrance telle,
Demander à un mort de lire sur sa stèle,
Comment s’habituer à autant de douleurs,
Attendre d’un cadavre une montée de pleurs.
Ô Vie ! Regarde-moi ! Et dis-moi quel fantôme
30 Puisse errer sans prétendre à revoir son royaume.
Je hais si fort Joseph, et je l’aime pourtant,
Joindre Dieu mettra fin à ce tiraillement.
J’ai tué mon mari, son amante, l’intruse,
Sur ma robe ce sang assurément m’accuse :
35 Alors je dois mourir en me jetant d’ici,
Mourir gracieusement comme un monstre adouci.
Plutôt qu’à la prison - pour une claustrophobe,
Je préfère cent fois un sol qui se dérobe.
Odéla récupère son parapluie bleu.
ACTE PREMIER, SCENE DEUX
KNOCK, ODELA
Durant la musique « First love is always pink » de Zhuang Xin, Odéla court sur les planches. La femme tente de s’envoler en sautant sur elle-même, ce, à plusieurs reprises, sans succès. Elle s’en va près du précipice, elle regarde, revient, et recommence à courir, à sauter et à tomber. Après une dernière tentative, elle s’écroule, reste à terre, et se met à pleurer. Knock apparaît alors sur la falaise.
KNOCK Si vous désirez tant sauter de la falaise,
40 Du bord certainement vous seriez plus à l’aise,
A moins de préférer, les yeux sur l’horizon,
Attendre en sanglotant l’effet de l’érosion.
ODELA Vous ne comprenez rien au mal qui me traverse.
KNOCK J’en connais sa hauteur…
ODELA 45 Non Monsieur, je m’exerce.
Je ne peux me tuer sans savoir que mon cœur
N’aura pas essayé de donner le meilleur.
KNOCK Vous n’avez donc confiance en votre grande peine
Pour que si durement la mort ne vous parvienne ?
50 Je peux vous entraîner, cela est si facile…
ODELA Ne vous approchez point !
Knock touche l’épaule d’Odéla qui sursaute et s’écarte.
KNOCK Ne soyez imbécile,
Il est là évident, sans vouloir vous heurter,
Qu’un petit coup de main de mal ne peut causer.
55 Vous lorgnez le grand saut mais n’avez point les ailes,
Ce que je peux offrir…
ODELA Vos grandes mains cruelles
Devant ma volonté me sont que des genoux ;
Car le vide est plus grand en moi que face à nous !
60 Vous défiez mon courage…
KNOCK On parle d’altimètre
Partez donc maintenant, seule j’ai besoin d’être
Pour bien me préparer à mon nouveau dessein,
Pour qu’heureuse la Mort puis me donner son sein,
65 Avant de m’entrainer vers l’étoile, en silence :
Odéla lève la tête au ciel.
Une geôle, un exil, une juste sentence !
Ne me retenez pas, la mort a ses parloirs,
Ses gardes dans des tours, ses gardiens de couloirs,
Et ses travaux forcés, et ses pioches, ses pelles,
70 Ce bruit lourd et ferreux des chaines éternelles.
KNOCK Je partirais, Madame, et même empressement,
Mais nos sorts ici-haut sont liés dorénavant.
ODELA Nous sommes liés en rien qu’à ce glissant calcaire,
Qu’à ce plateau verdi, qu’à ce vent délétère,
75 Qu’ à cette vue plongeante en attente d’un corps
Odéla s’approche de Knock pour s’emparer de l’écharpe autour du cou.
Justement ce qu’il faut pour m’exercer encor
KNOCK Je ne comprends pas tout, j’ai du mal à comprendre,
Vous préférez sauter ou bêtement vous pendre ?
Odéla se met à courir en tenant l’écharpe au-dessus d’elle. Elle saute puis s’écroule au sol à plusieurs reprises, avant de s’arrêter, et de se remettre à pleurer. Knock se met à son tour à pleurer.
Quelqu’un pleure, et voilà, je ne peux m’empêcher,
80 Pourtant de votre sort et de votre pêché,
Croyez-moi, je m’en fous. Je ne vous connais guère
Jusqu’à votre prénom. Tout en vous m’indiffère.
Mais c’est plus fort que moi. Quelqu’un pleure, et voilà…
Je suis lié à vous, un double nœud sans doute.
85 Sautez-donc, sautez-donc, balisez-moi la route,
Mais retirez la robe et tout le sang nuptial,
Que la létalité ait un taux maximal.
Odéla lève la tête.
ODELA Je n’y avais pensé.
KNOCK Mon Dieu, cette jeunesse…
ODELA 90 Retournez-vous, Monsieur, que ma robe je baisse.
Knock se retourne d’un quart.
Complètement, Monsieur !
Knock lui tourne le dos. Odéla se déshabille.
KNOCK Est-ce aussi par pudeur
Que lors du saut réel je cacherais mon cœur ?
Allez-y, après tout. Otez ce « parachute »,
95 Je veux voir la beauté avant son point de chute.
Ramassant la feuille de boucher, Knock l’inspecte.
Vous me brisez la cloche à chercher le courage,
Alors que pour de vrai, cela est hors d’usage.
Mourir un peu avant, et vous poussez après ,
Je vois ce scénario tellement de plus de près.
Odéla, en soutien-gorge, rejoint Knock et lui passe devant. Elle lui caresse le bas-ventre.
ODELA 100 Je m’appelle Odéla, qui êtes-vous comme homme ?
Vous n’êtes pas Adam ? Lui n’avait qu’une pomme.
Odéla appuie sur les épaules de Knock pour l’allonger sur le sol. Ce dernier y repose l’arme. La lumière s’estompe tandis qu’elle commence à l’embrasser.
NOIR
Une lumière bleue se fait. Odéla et Knock sont allongés sur la falaise, fixant l’horizon. Odéla est toujours en soutien-gorge, Knock est maintenant en caleçon.
ODELA Votre prénom, ce Knock, court et bon tel un snack,
Je le trouve craquant, un peu comme d’un Knack.
Lui caressant le caleçon.
KNOCK De parents horlogers d’origine alsacienne.
ODELA 105 Le mien est sans saveur, sans âme, sans domaine…
Odéla. Odéla. Quel prénom médisant !
KNOCK Contrairement à vous, je le trouve luisant.
Ne pensez vraiment pas que de vous je me paye,
Votre mort étant proche, il vous sied à merveille.
ODELA 110 Vous si êtes gentil.
KNOCK Je dis la vérité,
Odéla, c’est très beau, ça vole, c’est léger,
Dessinant avec sa main des formes harmonieuses dans l’air.
Comme un joli prénom qu’on donne à une oiselle.
ODELA Vous me touchez beaucoup par ce doux parallèle.
115 Mais n’en faîtes pas trop, la mort m’attend ce soir,
Je dois me préparer pour ne pas décevoir.
Odéla prend sa feuille de boucher et déchire sa robe de mariée de toute part. Elle l’enfile avant de tendre l’arme à Knock qui se lève à son tour. Puis elle regarde la montre au poignet de Knock, elle se relève subitement.
Oh ! La ! La ! Le temps passe et je ne suis pas prête !
Déchirez toujours plus, je dois être parfaite !
Dépêchez-vous, allez, creusez de longs sillons,
120 Faites de cet habit de somptueux haillons
Qu’il ne puisse s’ouvrir ainsi qu’un parachute,
Qu’en tombant l’attraction ne soit pas une lutte,
Je souffre tellement, je ne peux me rater,
Et je veux plaire à Dieu, et je veux l’épater.
125 Allez-y, mon cher Knock, griffez ce « parapente »
Pour que je tombe à pic, non pas tourbillonnante.
Knock prend la feuille de boucher que lui tend Odéla, et commence à fendre la robe.
Ne soyez pas si mou, fendez complètement !
Fendez-la aussi fort que mon corps à l’instant !
KNOCK Il ne vous plairait pas vous jeter toute nue…
ODELA 130 Et ressembler en bas à une ombre ingénue,
Certainement que non ! Je veux cacher ma peau,
Sur l’eau ou les rochers être un joli dépôt.
Je veux que de très loin l’on aperçoit un ange,
Comme dans un berceau un bébé dans sa lange.
135 Les corps nus retrouvés sont bien moins enchanteurs,
Derrière eux apparaît la patte des tueurs.
Knock avance la lame.
Tailladez maintenant d’une coupure sèche.
San blesser au-dessous la belle viande fraîche.
Knock recule à nouveau.
Découpez ! Tailladez ! Percez ! Crevez encore !
140 Qu’une fleur en le ciel ne puisse pas éclore…
Knock s’exécute et lézarde la robe.
KNOCK Mais cessez de parler, puis cessez de bouger !
Ne seriez-vous donc point déjà en grand danger ?
-silence -
Des gyrophares éclairent un côté des planches. Odéla reprend la feuille de boucher qu’elle jette du haut de la falaise.
La police, Odéla, je la crois à vos trousses,
Vos méfaits de la nuit jusqu’ici éclaboussent…
Odéla tire Knock par la main. Ils se cachent dans la...