CRÈCHE POUR VIEUX
(Personnages : 3 hommes, 1 femme)
Un parc pour enfants avec des jouets ; à l’intérieur du parc, un grand-père, à genoux, pousse une petite voiture en faisant « vroum vroum ».
La puéricultrice. – Mais tu vas t’arrêter quand ?! Ça fait un mois que tu me fais « vroum vroum » ! Je n’en peux plus, moi ! Au moins, change de bruit. Depuis le temps, ta voiture devrait ne plus avoir d’essence…
Le père, entrant. – Bonjour, madame…
La puéricultrice. – Ah ! ça y est ! Vous voilà enfin rentré de la Côte d’Azur ?!
Le père. – Avec ma femme, on s’est éclatés. Ne pas avoir ses parents sur le dos… ça, c’est des vacances. Votre garderie pour vieux, mais quelle trouvaille ! Et c’est quand même plus humain que de les abandonner dans une station-service. (Au grand-père.) Alors papa, t’as pris du bon temps ? (Le grand-père continue ses « vroum vroum ».) Il a l’air en forme, il a le poil soyeux…
La puéricultrice. – Il peut, je viens de le toiletter. (Au grand-père, comme à un gosse.) Barnabé, dis bonjour à ton fiston… (Le grand-père tire la langue.) Dis donc, tu veux une fessée ? (Le grand-père fait oui de la tête, l’œil lubrique.) Ça te ferait trop plaisir, hein, gros dégoûtant…
Le père. – Laissez. Quand il tire la langue, c’est son seul point commun avec Einstein. (Le grand-père reprend son « vroum vroum ».) Il a été sage ?
La puéricultrice. – Un vrai monstre, oui ! J’ai dû l’isoler, il voulait mordre tous les autres vieux. Même quand je lui avais confisqué son dentier. Et puis vous auriez pu me prévenir qu’il n’était pas propre…
Le père. – Ah oui ! Pardon… Nous, c’est vrai, on s’y est habitués. Comme dit ma femme : « À son âge, on ne le changera plus. » (Attendri en le regardant.) Qu’est-ce que vous voulez, on finit par s’attacher… Depuis le temps, il fait presque partie de la famille. Il faut en profiter maintenant…
La puéricultrice, prenant un sac. – Bon, son baluchon est prêt. Je vous ai remis son écuelle et les boîtes qu’il a refusées de manger.
Le père. – Pardon ? Monsieur a fait le difficile ? Alors que je lui avais acheté du « Royal Sénior » ?! Avec de la viande reconstituée ?
La puéricultrice. – Regardez ce qu’il vous a fait pendant votre absence : un collier de nouilles, un cendrier en pâte à modeler… et un superbe coloriage. (Elle montre une feuille sur laquelle est marqué en gros « salaud ».)
Le père. – Oh ! merci papa, ça me touche beaucoup ! (Il lui jette un bonbon. À la puéricultrice.) Je ne vous dois aucun supplément ?
La puéricultrice. – Non, non, vous aviez tout payé d’avance. On est obligé, sinon j’en connais plein qui ne reviendraient jamais chercher leurs parents. Et on ne peut tout de même pas les porter à la déchetterie…
Le père, prenant le sac. – Allez, papa, on rentre à la maison. (Entrée du fils avec un sac similaire à celui du grand-père.) Oh ! mon Cyril, t’es venu aussi ? Madame, je vous présente mon fiston.
Julien. – Madame… (Au grand-père.) Bonjour, papy. (À la puéricultrice.) Je peux vous dire un mot ? (Il lui chuchote quelques mots et lui tend des billets.)
Le père. – Alors ça c’est gentil d’être venu chercher ton papy. (À la puéricultrice.) Qu’est-ce que vous voulez, chez nous, de père en fils, on a la fibre familiale.
La puéricultrice, saisissant le père pour le faire entrer dans le parc. – Bon, il va être bien sage, hein ? Il va jouer avec son papa avant d’aller faire un gros dodo.
Le grand-père, hilare de voir le père dans son parc, lui manifeste son affection.
Le père, dans le parc. – Quoi ? Mais vous plaisantez ?
Le fils, à la puéricultrice. – Toutes ses affaires sont dans le sac. Je repasserai pour la Toussaint…
Le père. – C’est comme ça que tu me remercies de t’avoir éduqué ?
Le fils. – Papa, tu m’as toujours dit : « Les enfants doivent suivre l’exemple des parents. » Eh ben, tu vois, j’obéis !!!
Créé par Amanda Lear, Sim,
Julien Courbet et Philippe Castelli
« Les Grosses Têtes », TF1
DÉPART DU TRAIN
(Personnages : 3 hommes, 1 femme)
Fenêtre de compartiment de chemin de fer, vue du quai. Des marches pour monter dans le train. Entrée d’un couple. L’homme et la femme sont emmitouflés dans des manteaux.
L’homme, à la Sacha Guitry, donnant sa valise à sa femme. – Amélie, dépêche-toi… Ton train part dans trente secondes…
La femme, au bord des larmes. – Mon chéri, tu vas me manquer, tu sais.
L’homme. – Oh oui ! Je sais. Toi, ça fait des années que tu me manques déjà… Ah ! si tu n’étais pas obligée de partir pour ta cure thermale… (La femme sanglote.) Oh ! non, mon petit, ravale tes larmes. Garde-les pour l’arrivée, c’est une ville d’eau. Ton départ m’arrache et le cœur… et… (Lui donnant des billets.)… 3 000 euros. Mais si c’est le prix à payer…
La femme, prenant les billets et voulant l’embrasser. – Un dernier baiser !
L’homme, se dégageant. – Oh non ! Ne remue pas la langue dans la plaie. Va, mon petit, je resterai à tes côtés jusqu’au bout. Jusqu’au bout du quai. (La femme monte dans le train. À lui-même.) Le départ d’une femme, c’est une chose qui se vérifie plutôt deux fois qu’une.
Entrée d’un voyageur, valise à la main.
Le voyageur. – Je ne trouve pas la voiture 15. Vous savez où elle est ?
L’homme. – Monsieur, je ne suis pas un centre de renseignements, mais le centre du monde. Allez graviter ailleurs. (Le voyageur, ahuri, ressort. La femme apparaît à la fenêtre. L’homme agite un mouchoir.) Bon voyage, mon petit… (À lui-même.) Mais pourquoi il ne part pas, ce train ?!
La femme, éplorée. – Mon chéri, ce ne sera pas trop long, un mois sans moi ?
L’homme. – Bien sûr que si. Ce sera un « mois » haïssable. La maison sera triste en ton absence. C’est inimaginable « un toit sans toi »…
La femme. – Et si je restais ?
L’homme. – Surtout pas. J’ai déjà eu tant de mal à me faire à l’idée de ton départ, tu ne voudrais pas que je me sois donné tout ce mal pour rien, n’est-ce pas ? Non, la question la plus douloureuse qui se pose c’est pourquoi il ne part pas ce train ?
La femme. – Mon chéri, à quoi tu vas occuper toutes tes journées ?
L’homme. – Mais… à t’écrire. (Regardant sa montre.) Et là, tu vois, je risque déjà de louper… la dernière levée. (À lui-même.) La dernière levée, une petite blonde bien boulotte. Mais il attend quoi ce foutu train ?
Le voyageur, revenant. – Je ne trouve toujours pas la voiture 15. Ici, c’est quelle classe ?
L’homme. – Monsieur, la classe, ça ne se trouve pas, c’est inné. Quand on pousse une femme à laisser la place à une autre… on lui prend la meilleure place. Car pour elle, c’est un enterrement de première classe.
Le voyageur. – Je n’ai rien pigé. Vous devriez vous balader avec un interprète. (Il ressort.)
La femme, à sa fenêtre. – Mon chéri…
L’homme. – Ah oui ! Tu es encore là ! Tu sais, dès que tu montes dans un train, tu as le droit de t’asseoir avec les autres…
La femme. – Mais je veux profiter de toi jusqu’à la dernière seconde…
L’homme, lugubre. – Profite… Profite, Amélie…
La femme. – Et si je prenais le train suivant ?
L’homme. – Mais avec tout le retard qu’il a celui-là, c’est déjà le suivant. Peut-être qu’en agitant mon mouchoir, ça le décidera à partir… (Agitant son mouchoir de plus en plus vite.) Mais quand ce damné train va-t-il évacuer mon train-train quotidien ?!
La femme. – Mon chéri…
L’homme. – Présent, Amélie. Toujours présent dans les moments difficiles…
La femme. – Pendant mon absence, tu seras sage ?
L’homme, à lui-même. – Et voilà ! Si ce train était parti, elle se serait demandé ça à Orléans et elle se serait répondu à Vierzon. (À la femme.) Amélie, tu peux avoir confiance en moi… comme moi j’ai toujours eu confiance dans les horaires de trains. (À lui-même.) On ne m’y reprendra plus… croix de bois, croix de chemin de fer.
Sourires forcés, entrecoupés de temps morts.
La femme, après un temps. – Pourquoi tu ne me dis plus rien ?
L’homme. – Mais mon petit, parce qu’on s’est tout dit. Et qu’il me faut bien garder quelques mots pour ton retour. (Appelant à la cantonade.) S’il vous plaît, monsieur le contrôleur… (Entrée du contrôleur ; le prenant à part.) Je ne contrôle plus la situation. Quelle est la raison de ce retard qui va me faire perdre… toutes mes avances ?
Le contrôleur. – Le chef de gare est dans tous ses états. Il a découvert son infortune conjugale.
L’homme. – Mais tout le monde le sait qu’il est cocu, le chef de gare ! Y en a même qui le chantent ! De quoi se plaint-il ? Il devrait en être fier. C’est grâce à son professionnalisme qu’on peut dire de sa femme que seul le train ne lui est pas passé dessus.
Le contrôleur. – Ça y est, il me fait signe… (Il siffle.) C’est parti !
L’homme, agitant son mouchoir. – Sauvé ! Adieu, mon petit… (S’éloignant pour composer un numéro sur son portable.) Allô !… 01 Sablons 36 12 ? Ça y est ma grande, Amélie est partie pour Amélie-les-Bains. Le mariage est un train sur des rails… mais toi tu es mon erreur d’aiguillage. Je passe te prendre ?… Impossible ? Pourquoi ?… Ton mari vient d’appeler ?… Il a loupé son train, il ne trouvait pas la voiture 15 ? Ah !!!… Eh bien, tu vois, quand un cocu vous offre le meilleur de ce qu’il a… on ne doit jamais lui refuser un petit service. Car cet abruti me ferait presque regretter le départ de ma femme.
Créé par Amanda Lear, Michel Galabru,
Vincent Perrot et Philippe Castelli
« Les Grosses Têtes », TF1
ESPACE FRIMEUR
(Personnages : 4 hommes, 2 femmes)
La scène est partagée par un paravent. De chaque côté, une table. Côté jardin, un panneau « Espace Non Frimeur » avec un couple ordinaire ; côté cour, un panneau « Espace Frimeur » avec un couple de snobs.
Maître d’hôtel, décrochant le téléphone qui sonne. – « Restaurant des deux Espaces », bonjour. C’est pour réserver une table ?
Le snob, baissant sa carte, parlant à son téléphone portable. – Non, mon brave, ça fait dix minutes que je suis dans vos murs et j’aimerais bien passer ma commande.
Maître d’hôtel. – Oh ! pardon !...