Dans les coulisses d’un théâtre, quelque part, en province. Un festival de théâtre.
Le rideau est baissé.
L’obscurité.
Musique. Un air mélancolique, bref, puis le silence.
Une porte située sur le côté de la scène s’ouvre (à cour). Le plateau est brièvement baigné de lumière. Suffisamment pour que nous puissions deviner la silhouette d’un jeune homme qui porte un étrange costume.
C’est MOUSE. Il est un peu enveloppé et très sentimental. Il suffoque quand il est fatigué et a parfois des problèmes de genoux. Nous ne saurons jamais quel est son vrai nom, dans quel type de maison il vit ou s’il a des frères et sœurs. Il est sur le point d’interpréter une pièce appelée MOUSE. C’est un seul en scène.
Mouse entre en scène et ferme maladroitement la porte derrière lui. L’obscurité, à nouveau.
Un temps.
Mouse allume une lampe torche. Elle est petite et peu puissante. Il la dirige de ça delà sur la scène et nous parvenons vaguement à deviner un amas chaotique de chaises, de tables et des pages de journaux roulées en boule.
La lumière de la lampe torche de Mouse parvient à trouver une chaise isolée quelque part vers le centre de la scène. Elle a l’air fragile, peu adaptée à une personne de son gabarit.
Il tente de s’en approcher mais se cogne dans une série de meubles. On entend parfois un grognement étouffé. Mouse se met ensuite à quatre pattes et progresse vers la chaise, louvoyant entre les objets.
Il finit par atteindre la chaise et l’inspecte rapidement avec sa lampe torche.
Mouse s’assied tout en éteignant sa lampe.
Presqu’instantanément, on entend la chaise se casser et Mouse tomber par terre.
Un grognement sonore accompagne sa chute, suivi par quelques gémissements brefs.
Dans l’obscurité, Mouse tente rapidement de se remettre sur pieds. On entend le froissement du journal tandis qu’il se démène, à la recherche de sa lampe torche.
Il la trouve puis s’immobilise net au moment où…
Une voix féminine sort du haut-parleur :
Annonce: Bonsoir… Mesdames et Messieurs. Nous… nous sommes au regret de vous annoncer qu’il y a un retard… dans le… lancement du programme de la soirée. Un court-circuit mettant en cause certains projecteurs… sur le… le… la console. La console lumière. Un technicien est en train de régler le problème… apparemment… et on espère pouvoir reprendre le cours du programme dans… environ une demi-heure… tout dépendra bien sûr du nombre précis de projecteurs… qui… ont… ont disjoncté et de… de la prompte intervention de notre technicien. Alors s’il vous plaît n’abandonnez pas vos sièges. Ou si vous les abandonnez, j’espère que ce sera pour profiter de nos en-cas… et… de nos boissons très abordables, disponibles juste dehors. Nous allons bientôt commencer avec notre première pièce intitulée… « MOUSE… Un monologue sans mots ». Merci… pour votre patience… par avance… comme toujours.
Fin de l’annonce.
À peine visible du public, Mouse pousse un soupir de soulagement et s’allonge sur le dos. Sa lampe torche reste éteinte.
Un court silence.
La porte du bord de scène (à cour) s’ouvre à nouveau, très légèrement cette fois. La petite tête d’une femme apparaît.
C’est Maya, autrice, metteuse en scène. Mouse interprète sa pièce. Elle parle vite et de manière ininterrompue, sans émotion ni retenue.
Elle se déplace avec un lourd sac à dos et un petit carnet de notes fermé par une lanière de cuir.
Maya:
Jetant un coup d’œil rapide, chuchotant fort.
Tu as entendu?… les projos ont sauté. J’ai dû faire l’annonce…
Maya entre en scène tout en parlant…
Les organisateurs sont trop gênés pour la faire eux-mêmes. Tu m’as entendue…? Tu trouves que j’avais l’air grave?
Le mec bizarre qui fait le son là, Nico, il m’a dit que j’avais l’air « grave »… Hé, t’es là?
Maya allume sa lampe torche. C’est une vraie lampe torche – imposante, avec un puissant faisceau, le genre de torche que les grands-pères qui possèdent des plantations de thé utilisent pour éclairer leur exploitation la nuit.
Maya la promène sur l’ensemble de la scène, sans vraiment chercher Mouse.
Ohé?… Mouse?… Mouse! Où es-tu?
Elle se cogne dans une chaise.
Aïe! Merde! Qu’est-ce qu’il y a? Tu flippes? Écoute, tu as un petit délai. T’as pas entendu l’annonce? Une demi-heure… c’est peut-être la chance de ta vie… mais t’es où, bon sang?
Maya continue de promener la lampe torche sur la scène puis la dirige vers le public.
Soudain, l’éclat faible, vertical, de la lampe de Mouse. Il semble dire « je suis ici ».
Maya l’aperçoit et se dirige brusquement vers lui sans prêter attention aux chaises qui les séparent.
Enfin te voilà! Je pensais que tu serais peut-être parti fumer -- ou faire caca, ou un truc dans le genre, ce qui aurait bien été ton style… ça va? Pourquoi t’es à l’horizontale…? Tu as entendu mon annonce??...
Elle envoie un méchant rayon de lumière dans le visage de Mouse. Il se protège les yeux d’une main, se tourne sur le flanc, puis tente de s’arracher du sol…
Super! T’as gardé ton costume… Je te disais que ce délai c’est peut-être la chance de ta vie, nan ?
Quand on y pense…
Mouse se débat. Problème de genoux.
Maya cesse de lui envoyer la lumière dans le visage et balaie à nouveau la salle…
… Il nous faut de la lumière ici. Sauf si les projos ont aussi sauté dans ce coin… Je vais vérifier…
Mouse tente alors, très...