Textes de théâtre en ligne

Ne m’appelle plus chérie, chéri !

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Pas facile d’imaginer une soirée tranquille quand votre femme vous annonce que bientôt vous allez être trois à vivre sous le même toit et que vous vous méprenez en croyant qu’elle est enceinte alors qu’il s’agit de votre belle-mère, complètement dépitée, qui vient s’installer quelques jours à la maison suite à l’annonce de son futur divorce ! Bon, admettons. Mais quand, par inadvertance, vous trouvez le moyen d’assommer et d’enfermer bêtement cette même belle-mère dans le dressing, alors là…

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ACTE I

 

Le rideau s’ouvre sur Brigitte, sortant du dressing, une panière débordante de linge. Elle porte un petit haut bien court avec l’étiquette du prix qui pend derrière. Elle va s’admirer devant un grand miroir genre psyché, ne tarissant pas d’éloges sur le petit haut.

Brigitte - J’adore et je l’adopte ! (Puis, elle commence à sortir quelques habits de sa panière avant de tomber sur une cagoule, genre cagoule militaire, avec juste les trous pour les yeux.) Tiens ? Qu’est-ce que ça fait là, ça ? (Elle l’essaie, se fait peur dans la glace en se regardant, puis la met de côté.) On verra plus tard…

Thérèse (entrant côté cour) - Les hommes sont des goujats !

Brigitte (surprise) - Maman ?… On avertit avant d’entrer ! On s’annonce, quoi ! On dit bonjour ou bonsoir si la journée est déjà bien avancée. On peut également s’inquiéter de l’état de la personne même si on s’en fout royalement. Un « Comment vas-tu, aujourd’hui ? », question de politesse. On peut se permettre aussi des petites fantaisies, des phrases toutes faites, du genre : « Quelle belle journée ! » Sauf si on est d’humeur maussade, bien entendu. Et seulement après, on peut entrer dans le vif du sujet. À toi !

Thérèse - Quelle journée pourrie ! Moi ça va pas du tout ! (Elle éclate en sanglots mais sèche ses larmes rapidement en se mouchant bruyamment.) Les hommes sont des goujats ! Même le tien ! J’en suis sûre ! Preuve en est : il rentre tard du travail. Si on peut appeler ça un travail ! Monsieur est vendeur en quoi déjà ?

Brigitte - Tu le sais bien enfin, il vend de tout. Des encombrants que les autres n’arrivent plus à liquider : des stocks déclassés, des fins de série qui embarrassent.

Thérèse - À l’image de ce qu’il est : pas grand-chose.

Brigitte - Maman, je ne te permets pas !

Thérèse - Ce moins que rien m’a volé ma fille, je peux quand même dire ce que j’en pense ! Et puis, je suis à fleur de peau à cause de ce fichu divorce. Alors ne me contrarie pas, s’il te plaît.

Brigitte - Je crois t’avoir suffisamment mise en garde, pourtant. Au bout de deux mois, tu avais déjà la bague au doigt.

Thérèse - La bague, tu parles, il veut la récupérer, alors…

Brigitte - Un peu trop entreprenant pour être sincère ton… (Cherchant.)… ton bonhomme, là !

Thérèse - Barnabé ! Tu pourrais au moins retenir le prénom de ton beau-père, aussi bref qu’il fut !

Brigitte - En tout cas, son passage dans la famille aura été aussi éphémère que le souvenir qu’il m’en aura laissé… Si ce n’est pas trop indiscret, qu’est-ce qu’il te reproche au juste ?

Thérèse - Allez demander à un homme ce qu’il ne sait pas lui-même !… Il m’aura quittée pour une morue, certainement. Si je la croise, je lui tords le cou !

Brigitte - Il l’a pêchée où sa morue ? Il a dû amorcer fort pour l’attraper celle-là !

Thérèse - Je suis sûre qu’elle ressemble à rien, il n’aura pas eu de mal à l’attirer dans son filet !

Brigitte - C’est pas une morue, alors, mais un thon !… Et tu comptes ramer encore longtemps comme ça ? Dans quelles eaux troubles comptes-tu t’immerger maintenant ?

Thérèse - Alors, justement, comme tu abordes le sujet…

Brigitte - Tu comptes débarquer ici le temps de te retourner, c’est ça ?

Thérèse (sans même lui laisser le choix) - Merci ma fille ! Je savais que tu serais compréhensive. Je me ferai toute petite. Tu ne verras même pas que je suis là. Tel un poisson dans son aquarium…

Brigitte - T’as pas fini de tourner en rond !

Thérèse - T’inquiète ! Je compte pas buller très longtemps. J’ai des projets.

Brigitte - Ah oui ? Et lesquels ?

Thérèse - Je compte monter une agence matrimoniale. Enfin, pas dans l’immédiat, les hommes me dégoûtent trop ! J’en ai ma claque ! Rien que de prononcer leur nom, j’en ai la nausée !

Brigitte - Une agence matrimoniale sans prétendants, je crains que tu n’aies guère de candidates !

Thérèse - Toutes ces femmes injustement blessées vont venir faire le bonheur de mon agence avant même de faire le leur.

Brigitte - N’en fais pas une affaire personnelle. Excuse-moi du peu mais si tu viens habiter quelques jours à la maison, tu seras bien obligée de cohabiter avec le mien.

Thérèse - J’avais pas pensé à ça, dis donc ! C’est contrariant, oui ! (Réfléchissant.) Mets-le dehors, tant qu’il est encore temps !… En tout cas, il peut se vanter d’avoir une belle-mère compréhensive. C’est un boulet, comme les autres ! Tu vas voir qu’un jour, perdu dans ses pensées parce qu’une très jolie cliente lui aura fait de l’œil, monsieur va rentrer avec un sapin sous le bras, croyant qu’il est déjà Noël !

Brigitte - En plein mois d’octobre ? Maman, tu exagères !

Thérèse - C’était une image pour te faire comprendre comment les hommes peuvent très vite perdre les pédales !

Brigitte - Cette rupture te les fait perdre aussi, à ce que je vois.

Thérèse - Il m’a jetée comme une vieille chaussette ! Un vieux linge sale qui pue ! C’est dégradant !

Brigitte - En parlant de linge… (Désignant le petit haut qu’elle porte.)… je l’avais acheté, rangé, et tellement bien que je l’avais oublié. Donne-moi ton avis.

Thérèse - Je crains que ce ne soit guère au goût de ton mari : un peu court… (Regardant l’étiquette.)… trop cher et surtout à la mode ! Tu vas droit au scandale, là !

Brigitte - Tu crois ? Attends, je vais passer autre chose alors… (Elle entre dans le dressing.)

Thérèse (seule) - Monsieur est plutôt du genre rétrograde, démodé, limite périmé !

Brigitte (ressortant quasi immédiatement, changée, et avec le petit haut à la main qu’elle pose dans un coin) - Tu disais ?

Thérèse - Je disais que les hommes avaient une date de péremption !

Brigitte - Tu les connais mal, maman…

Thérèse - Avec l’expérience, tu comprendras que c’est bien tous les mêmes… Un jour ils t’aident à te construire, et le lendemain ils te détruisent totalement !

Brigitte - Je pense au contraire qu’en te quittant, il t’a rendu un fier service ! Encore quelques jours et tu retrouveras ta fraîcheur !

Thérèse - Tu vois, je suis complètement défraîchie ! Avariée ! À mettre au rebus ! Ma vie aura été une succession d’échecs ! C’est lamentable ! Complètement déprimant ! Jamais je ne remonterai la pente ! Tout est fichu ! Finissons-en ! (Elle retrouve bizarrement le sourire.) En tout cas, je te remercie pour ta proposition. J’accepte volontiers que tu m’héberges ici quelques jours, le temps pour moi d’y voir plus clair. Dès demain, si c’est possible. Et même si la présence de ton mari risque fortement de m’incommoder.

Brigitte - Tu devras t’en accommoder, justement !

Thérèse - J’en ai bien peur… Au fait, je ne t’ai pas dérangée ? Que faisais-tu ?

Brigitte - Je rangeais mon dressing, toute une aventure… Pour te dire, j’ai même retrouvé la robe que j’avais mise pour mon premier rendez-vous avec Maurice ! (Elle la sort de la panière.)

Thérèse (pas emballée) - Épargne-moi ce genre de détail, s’il te plaît !

Brigitte - Pardon ! Alors, dans un autre genre, j’ai également trouvé cette cagoule. Complètement inutile ! Pourquoi j’ai acheté ça, allez savoir… (Elle l’enfile à nouveau, on ne lui voit que les yeux.)

Thérèse - Effrayant ! Toi et les fringues, c’est tout et n’importe quoi ! T’as vu la taille de ton dressing ? On pourrait y loger trois personnes ! Y a même des recoins dans les coins !

Brigitte (enlevant la cagoule avant de la poser en évidence sur un meuble) - C’est un tel fourbi dans ce dressing !

Thérèse - Ma vie aussi est un véritable fourbi ! D’ailleurs, j’ai encore quelques détails à régler pour les papiers. Le divorce est prévu pour Noël. Tu vois, je ne pensais pas qu’il allait mettre aussi cher dans mon cadeau ! (Elle sort.)

Brigitte colle alors la fameuse robe contre elle pour aller s’admirer dans la psyché, hésitant à la passer, pour finalement renoncer avant de tout remettre dans la panière et repartir avec dans le dressing, oubliant le petit haut et la cagoule. La voisine entre sans prévenir.

Brigitte (ressortant du dressing, surprise) - Vous m’avez fait peur !

La voisine - Si je fais peur maintenant…

Brigitte - Non, non, l’effet de surprise, vous comprenez…

La voisine - Je ne vous dérange pas au moins ? (Et sans même lui laisser le temps de répondre.) J’ai cru voir partir votre mère.

Brigitte - On ne peut rien vous cacher. Vous risquez d’ailleurs de la voir circuler régulièrement dans le quartier maintenant. Elle va passer quelques jours ici.

La voisine - Ah oui ? Et comment va-t-elle ?

Brigitte - Elle va comme une femme qui a perdu son mari.

La voisine - Il est mort de quoi ce pauvre homme ?

Brigitte - Je crois qu’il est mort d’ennui et il l’a quittée.

La voisine - Eh bien, elle en a de la chance ! C’est pas à moi que ça arriverait !

Brigitte - De quoi vous plaignez-vous ?

La voisine - Je ne me plains pas, je constate qu’on n’a plus rien à faire ensemble. On n’a plus rien à se dire. La dernière fois qu’il m’a adressé la parole, c’était pour me demander de me taire !

Brigitte - Il avait certainement ses raisons. Regardait-il la télévision ? Écoutait-il la radio ? Lisait-il son journal ?

La voisine - Rien de tout ça ! Il tenait son chat ! Je le suspecte d’ailleurs de préférer son animal à sa femme.

Brigitte - C’est peut-être que vous ne ronronnez pas assez !

La voisine - Vous croyez ?

Brigitte - Certainement ! Essayez !

La voisine - C’est que je n’ai pas le talent de son chat.

Brigitte - Eh bien ! Je ne sais pas, moi, que savez-vous faire ?

La voisine - J’imite très bien la poule.

Brigitte (comme pour se débarrasser) - Eh bien, gloussez alors !

La voisine - C’est entendu !… Tiens ! Vous me faites rappeler que j’ai une poule au pot sur le feu. Je file et merci du tuyau ! (Elle sort.)

Brigitte, s’apprêtant à retourner à ses occupations, est interrompue par l’arrivée de Maurice, visiblement épuisé par sa journée de travail, traînant bizarrement derrière lui un sapin de Noël artificiel ou naturel qu’il va poser dans un coin sur le devant de la...

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