Ne me faites pas rire, docteur

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Avec son aisance habituelle pour varier les tons – humour noir, absurde, satire, etc. – l’auteur nous propose 16 sketches et saynètes sur la médecine.
Après une incursion dans un hôpital cauchemardesque où la lutte contre le déficit confine à l’absurde, on croisera entre autres, une visiteuse fofolle faisant le clown pour dérider un grand blessé ; un « médecin flou » spécialisé dans les symptômes vagues ; un « rirologue » tentant de guérir un patient affligé d’un rire idiot ; une maternité pour sketches où l’équipe médicale aide aux forceps un auteur à accoucher d’un texte qui ne veut pas venir ; autant de personnages surprenants et de scénarios décalés qui se succèdent pour notre plus grand plaisir.

Jean Legeay soigne par le rire nos angoisses devant la maladie et la mort en composant avec finesse une comédie humaine de la médecine où défilent des personnages dont l’apparente bouffonnerie cache, derrière le grossissement du trait, des caractères plus vrais que nature.

 

Hôpital an 2040

Deux employées (ou employés) d’un hôpital
Quatre infirmières (ou infirmiers)
Sept malades
Un chirurgien (ou une chirurgienne)

Les différents personnages, intervenant dans diverses saynètes indépendantes, pourront être joués par un nombre de comédien(ne)s allant au choix de quatre à quatorze, avec un minimum de quatre comédien(ne)s pour des raisons de rythme dans la succession des saynètes.

Le sketch pourra être introduit par un(e) comédien(ne) s’adressant directement au public.

Un comédien. — Vous avez vu ? Ils ont encore donné un tour de vis pour réduire le déficit des hôpitaux. À force de donner des tours de vis, vous verrez ce que ce sera, en l’an 2040, l’hôpital…

Suivent une série de saynètes.

Saynète 1. Une employée, un malade.

À l’accueil des urgences. Une employée assise derrière un bureau. Entre un malade qui se tient le ventre en gémissant de douleur.

Le malade. — Aah ! Aah ! Vite ! Vite !

L’employée, sur un ton administratif. — Vous avez votre carte de Sécu ?

Le malade. — Oui…

L’employée. — Eh bien, donnez !

Le malade, sortant une carte de sa poche. — Aah ! Aah ! Voilà…

L’employée. — Je vous rappelle qu’elle ne couvre que les prestations Sécu standard. (Parlant comme si elle récitait un règlement.) Circulaire du 15 juillet 2040, lutte contre les impayés dans les hôpitaux : pour tous les suppléments, il sera demandé un paiement en espèces et au comptant. En cas de décès, le corps ne sera rendu à la famille qu’après règlement intégral du forfait morgue, non remboursé par la Sécurité sociale. L’admission aux urgences ne sera effective qu’après le versement d’une franchise non remboursable de trois cents euros en espèces…

Le malade. — Aah ! Aah ! Trois cents euros en espèces ? Et si on n’a pas d’argent sur soi ?

L’employée. — Vous avez un distributeur au coin de la rue. Vous sortez, vous tournez à droite…

Le malade. — À droite… D’accord… (Il sort en gémissant.)

Saynète 2. Une infirmière, un malade.

Une infirmière poussant un diable (ou une brouette) où est allongé un malade traverse la scène à vive allure. Le malade pousse des hurlements de douleur.

Le malade. — Aah ! Aah !

L’infirmière. — Vous avez fini de hurler, oui ?

Le malade. — Aah ! Plus doucement, plus doucement !

L’infirmière. — Si vous êtes douillet comme ça, il fallait prendre le supplément brancard, monsieur !

Saynète 3. Une employée, un malade.

Une employée assise derrière un bureau. Arrive un malade marchant avec des béquilles.

L’employée, interpellant le malade au moment où il passe devant elle. — Eh ! oh ! Et le péage ?

Le malade. — Le péage ?

L’employée. — Circulaire du 18 août 2037, comblement du déficit des hôpitaux : les couloirs de l’hôpital sont à péage pour les malades se déplaçant par eux-mêmes. Vous arrivez d’où, là ?

Le malade. — Chambre 408, couloir C…

L’employée. — Et vous allez où ?

Le malade. — À la cafétéria…

L’employée, consultant une feuille. — Couloir C-Cafétéria… Tarif malade avec béquilles… Ça fera deux euros vingt…

Le malade. — Deux euros vingt ? Ça fait cher la balade dans les couloirs !

L’employée. — C’est le prix à payer pour conserver notre système de Sécurité sociale solidaire, monsieur…

Saynète 4. Une infirmière, un malade.

Un malade dans un lit. Une infirmière s’affairant à côté de lui.

Le malade. — Aah ! J’étouffe ! De l’oxygène !

L’infirmière. — Je vous l’ai déjà dit, monsieur. Circulaire du 12 août 2035, comblement du déficit des hôpitaux : l’oxygène n’est pas compris dans le forfait Sécu. Il est considéré comme élément de confort…

Le malade. — Aah ! J’étouffe ! De l’oxygène, par pitié !

L’infirmière. — Si vraiment vous y tenez, vous avez un distributeur d’oxygène à la tête de votre lit. Vous glissez les pièces dans la fente. C’est deux euros le litre…

Le malade. — Aah ! Je sais ! Mais j’ai pas de pièces !

L’infirmière. — Dans ce cas, désolée, monsieur. Vous connaissez la chanson de Brassens. « Chez l’épicier, pas d’argent, pas d’épices… Chez la belle Suzon, pas d’argent, pas de cuisse… Les malades de basse condition, c’est pas de notre juridiction… »

Saynète 5. Une infirmière, un malade.

Un malade dans un lit, gémissant et tendant une pièce d’un euro à une infirmière.

Le malade. — Aah ! Aah !

L’infirmière. — Un euro ? C’est tout ce que vous avez ?

Le malade. — Oui…

L’infirmière. — Ça va vous faire un pansement de Schtroumpf, ça, monsieur. (Elle sort un minuscule pansement.)

Le malade. — Aah ! Aah ! C’est tout ?

L’infirmière. — Je sais, un pansement comme ça pour une éventration, c’est une rustine sur la déchirure du Titanic, mais quand on n’a pas un sou en poche, monsieur, on ne joue pas au riche, on ne s’éventre pas !

Saynète 6. Une infirmière, un malade.

Un malade dans un lit. Arrive une infirmière.

L’infirmière. — Je voulais savoir, monsieur… Si l’opération tourne mal, vous souhaitez une évacuation du corps sur brancard ou vous vous contentez de la prestation Sécu standard ?

Le malade. — C’est quoi, la prestation Sécu standard ?

L’infirmière. — On évacue le corps par les toboggans à linge sale, la famille le récupère à la sortie…

Le malade. — Dans ce cas, je vais payer le supplément brancard…

L’infirmière. — Je vois que monsieur aime son petit confort…

Le malade. — Et ça coûte combien ?

L’infirmière. — Quatre cents euros pour le brancard et les deux infirmiers. Cent euros de plus si vous voulez que les infirmiers portent un nez rouge pour apporter une petite touche de gaieté toujours appréciée par la famille…

Le malade. — Quatre cents euros ? Mais c’est hors de prix ! Je ne les ai pas, moi…

L’infirmière. — Petit canaillou ! Voilà ce que c’est que de dépenser des fortunes en cicatrisant !

Saynète 7. Un chirurgien, un malade.

Un malade sur une table d’opération, un chirurgien penché sur lui, tirant pour lui retirer un organe du ventre.

Le malade. — Aah ! Aah ! (Hurlements de douleur.)

Le chirurgien. — Je vous l’avais dit, monsieur : pour une ablation de la rate, vous auriez dû prendre le supplément anesthésie… (Le chirurgien retire du ventre du malade un gros organe qu’il brandit. Hurlements redoublés du malade.) Je vous recouds la plaie ou vous vous contentez de la prestation Sécu standard ?

Le malade, tendant un billet, hagard. — Recousez, recousez !

Le ministre de la Santé, voix off. — Chères concitoyennes, chers concitoyens… Vous savez à quel point, en tant que ministre de la Santé, je suis comme vous attaché à notre système de Sécurité sociale solidaire permettant un accès aux soins égal pour tous… C’est cet attachement à une médecine de qualité pour tous qui m’amène aujourd’hui à prendre de nouvelles mesures destinées à sauver le système… À compter du 1er janvier 2041, seront considérés comme éléments de confort et ne seront donc plus remboursés par la Sécurité sociale… (L’intensité de la voix off baisse au fil de la dernière phrase, jusqu’au silence.)

Bonjour, les petits amis !

Un blessé
Une visiteuse (ou un visiteur) d’hôpital

D’abord le blessé seul sur scène, allongé dans un lit et couvert de bandages. Optionnel : il pourrait avoir un tuyau dans le nez et une jambe suspendue à une poulie.

Entre, façon entrée de clown, la visiteuse d’hôpital, affublée d’un nez rouge.

La visiteuse. — Bonjour, les petits amis ! Alors, on a envie de rigoler aujourd’hui ?

Le blessé. — Pas beaucoup…

La visiteuse, enlevant son nez rouge. — En fait, je ne suis pas clown. Je suis Mme Sapin, visiteuse d’hôpital. J’ai fait une entrée façon entrée de clown histoire de vous faire rire et de vous remonter le moral…

Le blessé. — Oui, ben c’est raté…

La visiteuse. — Le moral, c’est le plus important quand on est à l’hôpital. C’est pour ça que mon principe à moi, c’est : faire rire le malade de ses malheurs. Car une maladie dont on rit, c’est une maladie dont déjà on gai-rit. Gai-rit G-A-I tiret R-I-T, vous saisissez ?

Le blessé. — Oui, mais ça me fait pas rire…

La visiteuse, reprenant une gestuelle de clown, par exemple écartant les coudes et agitant la tête de droite à gauche et de gauche à droite. — Qu’est-ce qu’on me dit, petit veinard ? Vous allez entrer dans le Livre Guinness des records avec vos cinquante-sept fractures en un seul accident ? Ah ! il vous a pas raté, le trente-huit tonnes qui vous a éparpillé façon puzzle ! Il paraît que les ambulanciers ont cru avoir trouvé le chaînon manquant entre l’homme et le hachis parmentier ! Je plaisante, bien sûr, histoire de vous détendre. Y a de la joie, la vie est belle !

Le blessé. — Ça dépend pour qui…

La visiteuse. — En plus, vous savez combien il fait dehors aujourd’hui ? Moins quinze degrés. Et un verglas à se rompre les os à chaque pas. Et vous, petit veinard, vous êtes là bien au chaud, peinard, allongé sur le dos, les doigts de pied en éventail. Avec de jolies infirmières pour vous nourrir à la petite cuillère et une désopilante visiteuse bénévole pour vous faire rire…

Le blessé. — Me faire rire, c’est vite dit…

La visiteuse. — Alors voulez-vous bien me quitter cet air grognon ! Y a de la joie, la vie est belle ! (Déroulant légèrement une des bandelettes du blessé.) Vous avez vu ? Pour le prochain carnaval, vous avez même déjà les serpentins ! Il ne vous manque plus que les confettis… Petit veinard ! (Elle tord le nez du blessé.)

Le blessé. — La paix. Fichez-moi la paix…

La visiteuse, faisant des guilis à travers les bandages du blessé. — Guili guili ! Allez, on fait une risette ! Oh ! le vilain blessé qui ne veut pas faire une risette à Mme Sapin ! Mme Sapin, quand on la voit, ça sent le sapin ! Je plaisante, bien sûr !

Le blessé. — Mais vous allez bientôt me foutre la paix !

La visiteuse. — Bon, c’est pas tout ça, on rigole, on rigole, mais l’heure tourne, il est temps que j’aille remonter le moral du blessé de la chambre à côté. Lui, vous allez rire, il a été moissonné-battu par une moissonneuse-batteuse. Kinder Surprise, je le surnomme. Parce que les médecins n’ont aucune idée de ce qu’ils vont trouver au démoulage… Allez, je vous laisse dans votre petit cocon…

Le blessé. — C’est pas trop tôt…

La visiteuse, remettant son nez rouge et se dirigeant vers les coulisses, bras en V. — Bonjour, les petits amis ! Alors, on a envie de rigoler aujourd’hui ?

Un docteur formidable

Un homme (ou une femme)

Le personnage, genre un peu simplet, parle directement au public.

Le docteur Gérard, il est formidable. Quelle chance j’ai eue qu’il vienne s’installer près de chez moi !… C’est un médecin homéopathe. Il soigne à l’homéopathie… Docteur Gérard, il s’appelle. Et il est...

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