Parfum d’arnaque

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Essayer de vendre en son absence la villa d’un lord anglais à un comte russe plus libidineux que réellement fortuné, ce n’est ni simple ni triste mais c’est une belle arnaque. C’est celle que veut monter Désiré pour sauver sa sœur Vanessa et son futur beau-frère Julien des griffes de Gros Lulu, un gangster patibulaire à qui ils doivent de l’argent.
Seulement voilà, Vanessa, bimbo évaporée et Julien, fiancé jaloux et pas très futé, n’y mettent pas vraiment du leur et Désiré doit composer avec les deux gardiennes de la villa, les sœurs Castagnère, sympathiques mais encombrantes méditerranéennes hautes en couleur.

Tout ne semble pourtant pas si mal commencer mais la situation se complique subitement avec l’arrivée impromptue des propriétaires britanniques et de la comtesse russe qui s’avère être une véritable harpie. Mais quand le Gros Lulu menace de débarquer à son tour pour empaler tout le monde, il y a vraiment urgence et Désiré est alors contraint d’utiliser son arme secrète, un parfum qui fait tourner la tête de celles ou ceux qui le respirent. Évidemment, le remède se révèle pire que le mal, déclenchant une série de catastrophes à un rythme exponentiel en plaçant les personnages dans un imbroglio assez inouï.

Vous n’avez là que la trame succincte d’une comédie désopilante et très rythmée, facile à monter et dont les rôles sont assez équilibrés. Ceux qui ont aimé “T’emballe pas”, “Colonel Betty” ou encore “Alirazade” devraient adorer “Parfum d’arnaque”.




Parfum d'arnaque

Acte I

Le rideau s’ouvre sur le décor d’une villa niçoise de style très contemporain. Vanessa est à l’étage, Désiré arrive par l’entrée principale.

Désiré. — Vanessa !… Vanessa ! C’est bon. Je viens de le voir au bar du Negresco ! Il faut faire vite. Vanessa, où es-tu ?

Vanessa, apparaissant par l’escalier. — Je suis là. Dis donc, frérot, les apparts sont d’une luxure, là-haut ! C’est trop top ! Alors ? Comment va notre comte de Machintruc ?

Désiré. — Le comte est bon… Ou plutôt mûr ! Ah ! ah ! M. le comte Vassili Dimitrievitch Popoutine ne marche pas, il court. J’aurais pu lui vendre la tour Eiffel.

Vanessa. — Trop cool ! C’est le pigeon idéal ?

Désiré. — Je veux, oui ! Il est plein aux as, le cosaque. Il a tellement mordu à l’hameçon qu’il est pressé, maintenant, cet âne. Il veut à tout prix venir visiter la villa ce soir.

Vanessa. — Ce soir ?

Désiré. — Oui, ce soir. Ça ne nous laisse que quelques heures pour nous préparer.

Vanessa. — Merde alors ! Faut se bouger le train.

Désiré. — Il faut surtout s’assurer que ton Julien a tout compris.

Vanessa. — Je lui ai tout bien expliqué, ça devrait aller.

Désiré. — Oui, mais il n’a encore jamais fait ça. Rien qu’au niveau du langage, il a du boulot pour passer pour un grand bourgeois.

Vanessa. — Julien fait beaucoup d’efforts pour se correctionner, tu sais.

Julien, entrant. — Eh ben, putain ! Ça c’est de la bicoque de rupins congestionnés du portefeuille ou je m’y connais pas !

Désiré. — Beaucoup d’efforts ?

Julien. — Qu’est-ce que je vous avais dit, hein ? C’est pas de la cabane de jardin que je vous ai dégotée, hein ? Hein ? Hein ?

Vanessa. — T’es trop le meilleur, mon chéri.

Julien. — Je sais, mon amour.

Désiré. — Bref ! On arrête les effusions et on se met au boulot.

Julien. — Toujours aussi sentimental, ton frangin. (Voyant le tableau.) Oh ! la vache ! C’est quoi cette horreur ?

Désiré. — Un Yong Tsou. Un jeune peintre coréen bourré de talent.

Julien, essayant de regarder le tableau à l’envers. — Ça, pour être bourré ! Il doit pas être souvent à jeun, ton Chinois.

Désiré. — Coréen. C’est de l’art contemporain, ignare. C’est même un must.

Julien. — Eh ben, moi, je trouve ça moche, même si c’est un must. (Il prononce à la française.)

Vanessa. — Moi j’aime bien le must, ça sent trop bon.

Julien. — Must, pas musc.

Vanessa. — Ah oui ? C’est rigolo. Moi, j’ai toujours dit mu…

Désiré. — Stop ! Au boulot ! Pour l’instant le Russkof a tout gobé, mais il ne va pas tarder à débouler. Il faut que tout soit prêt dans deux heures maxi.

Julien. — Je suis prêt, moi. Qu’est-ce que je dois faire ?

Désiré. — Tu devrais le savoir.

Julien, faussement. — Je le sais mais… mais j’ai oublié comment ça commence… Et puis l’arnaque, c’est pas mon truc. Je te rappelle que je ne marche dans tes combines que pour protéger ma fiancée.

Désiré. — Dis plutôt pour la surveiller. T’es jaloux comme un pou.

Julien. — Oui. Oh ! Hein ! Bon !

Désiré. — Et moi je te rappelle qu’on fait tout ça pour essayer de trouver rapidement l’argent que Vanessa et toi devez à un certain Lucien Morissot, dit Gros Lulu, dit l’Empaleur. Un artiste du surin, un virtuose de la kalachnikov. Bref, un poète qui n’a pas pour habitude de plaisanter quand il parle de flouze. Surtout quand il s’agit du sien.

Vanessa. — T’énerve pas, frérot. On sait que tu fais ça pour nous. T’es cool.

Désiré. — C’est ça, mais vous, vous l’êtes un peu trop… cool, comme tu dis. Il faut vous y mettre, et vite. Sinon autant aller tout de suite voir le Gros Lulu, pieds et poings liés.

Julien. — O.K., O.K. ! On t’écoute.

Désiré. — Bon, pour commencer, notre pigeon russe doit croire que tu es le riche et noble propriétaire de cette villa et que tu as accepté de nous la louer pour le tournage d’un film. C’est pas trop compliqué ?

Julien. — Ça ira. Et qu’est-ce qu’on tourne comme film, déjà ?

Vanessa. — On te l’a dit vingt fois : le film s’appelle La Danseuse de l’amour. Désiré est le metteur en film et moi, je suis la vedette.

Julien. — C’est vrai que question danse, t’assures grave.

Désiré. — Le Russe est un coureur de jupons invétéré. Quand je lui ai parlé des scènes nues, il ne se tenait plus. Il n’y a plus qu’à le ferrer.

Julien. — Minute, papillon ! Pas question que Vanessa se déshabille devant tout le monde !

Désiré. — Je te rappelle que tout est faux. On ne le tournera jamais, le film. On veut juste tirer du pognon au Russkof.

Julien. — Ah oui ! C’est vrai.

Vanessa. — L’objectif c’est de lui faire acheter cette baraque pour les besoins du filmage.

Julien. — Mais il a dit louer.

Désiré. — C’était l’amorçage, ça. Tu comprends vraiment pas vite.

Julien. — Oui. Oh ! Hein ! Bon !

Désiré. — Je lui ai refait le coup de la triple bande.

Julien. — La triple bande ?

Désiré. — C’est un type d’arnaque très connu. Un, je lui ai demandé de nous aider en louant cette maison pour nous. Deux, je l’ai embobiné, ficelé, emballé au point que, trois, ce soit lui qui finisse par me proposer d’acheter la villa et de nous la prêter aussi longtemps qu’on en aurait besoin.

Julien. — T’es fortiche, quand même, dans l’art du baratin ! Bravo ! Mais alors, ça va être la vie de château. Champagne, domestiques et tout le tremblement.

Vanessa. — C’est trop top !

Désiré. — Oh ! punaise ! Les domestiques ! On n’a pas de domestiques !

Vanessa. — Il nous en faut absolument. Dans une bicoque pareille, il devrait y en avoir plein.

Julien. — Ben y a bien mes tantes, mais elles ne sont que les gardiennes de la baraque.

Vanessa. — C’est déjà grâce à elles qu’on peut déposer de la propriété. Elles sont gentilles, mais de là à les affranchir…

Désiré. — Ça, on ne peut pas décemment leur dire qu’on va essayer de vendre la villa de leurs patrons… (Après réflexion.) Mais on peut leur faire croire qu’on prépare une bonne blague à un ami russe.

Vanessa. — Et qu’il faut qu’elles passent pour nos domestiques. Super ! Elles marcheront ?

Julien. — Elles ne peuvent rien me refuser, je te dis. J’ai toujours été leur chouchou. Déjà, pour nous prêter la bicoque pendant que leurs patrons angliches sont en croisière, faut qu’elles m’aiment, non ? Je vais les chercher.

Il sort à l’office.

Désiré. — Alea jacta est ! Bon, toi, tu sais ce que tu dois faire ?

Vanessa. — T’inquiète, je vais te le caresser dans le sens des plumes, ton pigeon.

Désiré. — Je compte sur toi pour le rendre complètement dingue. Il faut que tu l’envoûtes.

Vanessa. — Je ne te cache pas que j’ai un peu les foies, quand même.

Désiré. — Tu t’en tireras très bien, petite sœur. Quand tu veux, tu ferais se damner un régiment de séminaristes, alors tu vas nous l’allumer comme un sapin de Noël.

Vanessa. — Je suis pas une fille comme ça, moi. Je sais pas si je saurai.

Désiré. — Tu t’en sortiras très bien, j’en suis sûr. Il faut lui faire perdre les pédales juste le temps de lui faire signer deux ou trois paperasses. On lui demande un énorme acompte en liquide, on encaisse l’oseille en lui donnant un beau reçu pour faire vrai et on disparaît. Bref ! Tu lui joues la femme fatale, il perd la boule et le tour est joué.

Vanessa. — Oui, mais je ne suis que danseuse, moi, pas comédienne.

Désiré. — Au besoin, je t’aiderai un peu avec ça. (Il sort de sa poche une petite fiole de parfum.)

Vanessa. — Qu’est-ce que c’est ?

Désiré. — Mon arme secrète. Avec ça, tu séduirais un réverbère.

Vanessa. — Oui, mais Julien est si jaloux…

Désiré. — Julien, j’en fais mon affaire.

Julien, entrant avec Baptistine et Patricia. — Je vous présente mes tantes : Baptistine et Patricia Castagnère.

Baptistine. — Bonsoir, messieurs-dames. Je m’essecuse mais j’étais en train de nettoyer le poisson. Alors comme ça on veut rigoler un petit coup aux dépens d’un copain ? (Avec l’accent : « coping ».) Dis bonjour, Toune !

Patricia, se cachant derrière sa sœur. — Bonjour, messieurs-dames.

Julien. — Elles sont d’accord. Je vous l’avais bien dit !

Baptistine. — À condition que ce ne soit pas méchant, hé ?

Désiré, Julien et Vanessa. — Oh non ! Bien sûr !

Baptistine. — Et qu’on n’abîme pas la maison ou les jardins, hé ?

Vanessa. — Vous inquiétez pas, vous n’aurez aucune grondance de vos patrons.

Baptistine. — Pardon ?

Désiré. — Aucune remontrance.

Baptistine. — Oh ! les remontrances, je m’en fous ! C’est le boulot que ça me donnerait que je crains, peuchère !

Julien. — Aucun danger, je te dis. C’est une blague que avec la tchatche. On touchera à rien.

Désiré. — Tu leur as expliqué ce qu’on attendait d’elles ?

Baptistine. — Eh oui ! Je suis la soubrette et elle c’est la gouvernante. La commandante, quoi.

Patricia. — Pour une fois que c’est moi qui vais commander, vous pensez si je suis d’accord !

Baptistine, crescendo. — N’oublie pas que c’est qu’un jeu, petite rascasse, une blague, un semblant, un pour de faux !

Patricia, apeurée. — Mais je plaisantais, Titinette, je plaisantais. Oui, je l’appelle Titinette, c’est plus affectueux.

Baptistine. — Et moi je l’appelle Toune. C’est le diminutif de Patoune qui vient de Patricia. C’est Toune et Titinette, quoi !

Désiré. — C’est très bien, mais ce soir, pas de Toune et pas de Titinette. Vous devrez passer pour des domestiques très stylées.

Baptistine. — Vous en faites pas, on a un peu l’habitude. Eh oui, les patrons débarquent tout le temps avé leurs domestiques de là-bas, de London, vaqueucinés avé la cuillère à thé mais ils n’ont pas de santé. C’est souvent qu’on en remplace un ou deux au pied levé.

Vanessa. — Mais c’est trop bien, ça !

Baptistine. — Ma Toune, elle parle même l’anglais, alors !

Julien. — Merveilleux ! Ça fera encore plus classe.

Baptistine. — Montre-leur comme tu te débrouilles bien dans la langue de Chéqueuspire.

Patricia. — Oh ! je veux pas les embêter…

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