Pause déjeuné

Alors qu’il s’apprête à prendre une pause déjeuner et un moment de détente loin du stress du bureau, dans un charmant petit parc parisien, Ludovic, éditeur de polars, est loin de s’imaginer que deux emmerdeurs un tantinet dérangés, vont lui foutre son après-midi en l’air, que dis-je son existence en l’air, pour l’horreur et pour le rire.
Comédie grinçante qui met à mal les règles essentielles du vivre-ensemble.

Liste des personnages (3)

LudovicHomme • Age indifferent
Editeur littéraire, homme présentant tous les signes d'épanouissement social
BenjaminHomme • Jeune adulte
Jeune garçon particulièrement envahissant, aux idées complotistes et particulièrement influençable
CatherineFemme • Age indifferent
Femme aux desseins abscons et grande manipulatrice

Décor (1)

Jardin public présence de 2 bancs Le décor peut être minimaliste, il nécessite au moins la présence de deux bancs

Acte 1 scène 1 : Ludovic

 

Un type assis sur un banc en train de lire un journal, et découpe du saucisson...
Ludovic (Au téléphone) : Allo, Juliette ? Je passerais plus tard au bureau. Je suis au
parc. Non, le rendez-vous a été annulé. J'en profite pour prendre le bon air... Oui,
pour ce matin, c'est signé avec Bertin, pour deux romans ! Je vous confirme, on fait
jackpot ! Y'a pas un seul de ses livres qui n'ai pas été un bestseller !!! Bon, je vous
laisse, à tout à l'heure »
Il reprend la lecture de son journal.

 

Acte1 , Scène 2 : Ludovic Benjamin

 

Un deuxième arrive, il tourne étrangement autours du premier, après quelques
tergiversations il finit par l'aborder
Benjamin : Bonjour Monsieur, ça vous dérange que je m’installe là ?
Ludovic ne réagit pas
Benjamin s'installe
Benjamin observe Ludovic qui l'observe à son tour et retourne sur son journal et son
sandwich
Benjamin : On n'a pas à se plaindre du temps, hein ?
Ludovic : Non !
Benjamin : Vous avez de la veine, si vous étiez venu hier, y'avait des Nuages,
Ludovic : Ravi de le savoir !
Benjamin : Surtout là-bas, y'avait de gros nuages ! Plein de formes bizarres, Vous
avez déjà remarqué, les nuages, ça fait des formes qui ressemblent à des trucs qu'on
connait...Hier, Y'en avait un en forme de merveilleux à la chantilly !!! (Silence) Vous
aimez les merveilleux ?
Ludovic : Pardon ?
Benjamin : Les merveilleux, ce sont des gâteaux avec de la meringue et de la crème
fouettée
Ludovic : Oui, je sais ce que c'est merci
(Silence)
Benjamin : Si ça tombe, je dis ça, mais dans les merveilleux, ce n’est pas de la crème
fouettée ! (Ludovic ne réagit pas, il le tapote d'un coup de coude) Je dis si ça tombe
c'est pas de la crème fouettée dans les merveilleux. Je ne m'y connais pas bien en
crèmes... Vous en pensez quoi ?
Ludovic : Rien strictement rien !
Benjamin : Remarquez, moi, je préfère les glands !
Ludovic : Hein ?
Benjamin : Les glands, vous savez ce gâteau un peu ovale avec de la pâte à choux, du
glaçage vert et des pépites de chocolat au-dessus et fourrée de crème pâtissière à la
vanille légèrement relevée au kirch... enfin, y'avait pas de nuage en forme de gland !

Ludovic (Observant Benjamin) : A mon avis, les glands, ce n’est pas dans les nuages
qu'il fallait chercher !
(Long silence) Benjamin part en rires
Ludovic : Qu'est ce qui se passe ?
Benjamin : je viens de comprendre votre plaisanterie sur les glands, c'est drôle !
Ludovic : Hilarant !
Silence
Benjamin : remarquez, l'éclair c'est assez proche du gland, mais j'aime moins, allez
savoir pourquoi ?
Ludovic(soupir) : Je ne sais pas, Le chocolat peut-être
Benjamin : Peut-être, oui ! (Silence) En même temps y'a aussi des éclairs au café !
(Silence) Remarquez, si j'avais vu un éclair dans le ciel à la place du merveilleux, ça
voulait dire qu'il y avait de l'orage... (il se met à rire à nouveau) Vous avez compris ?
Ludovic : Hein, quoi donc ?
Benjamin : Les éclairs dans le ciel ! Le gâteau et l'orage !
(Excédé, Ludovic change de banc, Benjamin le suit)
Benjamin : Ça vous dérange si je m'installe là ?
Ludovic : Oui, ça me dérange, il y a de la place partout, pas besoin de me coller !
Benjamin : D'accord (il s'installe quand même)
Ludovic : Je vous dis que ça me dérange, alors pourquoi vous vous installez quand
même ?
Benjamin : Ben, c'est juste pour vous faire chier !
Ludovic : Ah, justement, je me disais, je suis bien, là ! Manque juste un emmerdeur
pour venir gâcher cet instant ! (Ludovic replonge dans son journal)
Benjamin : Vous lisez le journal ?
Ludovic : (silence consterné) Non, je suis en communication avec l'au-delà, je suis en
train d'essayer d'entamer une conversation télépathique avec le fantôme d'Hölderlin,
il paraît qu'il lui arrive régulièrement de déambuler dans les allées de ce parc. Mais
voilà, la communication vient d'être parasitée par un emmerdeur !
Silence
Benjamin : Non !!! Vous lisez le journal !
Ludovic : Et ben, On ne peut rien vous cacher, vous !
Benjamin : En même temps, ça se voit un peu que vous lisez le journal ! Et puis votre
Hölderlin, je ne vois pas bien ce qu'il viendrait foutre ici !
Ludovic : Ah parce que vous connaissez Hölderlin ?
Benjamin : Pas du tout, c'est pour ça, justement, je connais tout le monde ici !
Ludovic : Mais moi, vous ne me connaissez pas !
Benjamin : C'est bien pour ça que je viens vous emmerder !
Ludovic : Je m'appelle Ludovic ! Ben voilà, c'est fait, vous me connaissez !
Maintenant, Vous me lâchez ? (Il retourne à l'autre banc)
Benjamin : Et vous faites quoi ici ?
Ludovic : Mais vous êtes un emmerdeur de haut niveau, vous !
Benjamin (se rapprochant à nouveau) : Vous n'avez pas idée ! Emmerder le monde !
C’est ma spécialité !
Ludovic : Marrant que vous en soyez à ce point lucide !

Benjamin : Ah bon ? Pourquoi ?
Ludovic : Et bien parce qu’en général, un emmerdeur ne se rend pas compte qu'il
casse les pieds ! Il n'en a pas conscience ! C'est d'ailleurs pour ça que c'est un
emmerdeur !
Benjamin : Eh bien oui, moi c’est différent, Je le sais, j'emmerde le monde parce que
j'aime ça... Des fois, je peux mettre les gens à bout !
Ludovic : Ça je n'en doute pas... Et vous ne vous faites jamais casser la gueule ?
Benjamin : Ah non, j'ai ma petite technique à moi !
Ludovic : Ah bon ?
Benjamin : Les impulsifs, les violents, je les repaires, je les sens !
Ludovic : Et alors ?
Benjamin : Ben alors, j’évite de les emmerder !... Sauf quand ils sont moins costauds
que moi !
Ludovic : Et après, on va me dire que la violence ne résout rien...
Benjamin : Sinon, c'est qui Hölderlin ?
Ludovic : C'est un Allemand
Benjamin : Un nazi ?
Ludovic : Pas du tout... parce qu’il est allemand, vous voudriez qu'il soit nazi ?
Benjamin : Ben je ne sais pas... il y a quand même eu des Allemands nazis
Ludovic : Mais pas tous, et puis d'abord, il était mort quand le nazisme est arrivé. Il
était poète !
Benjamin : Poète et allemand ? (Il fait la moue) Vous avez déjà entendu parler
allemand ? C'est tellement dégueulasse comme langue que j'ai du mal à croire qu'on
puisse faire de la poésie avec
Ludovic : Et pourtant :
« Froh kehrt der Schiffer heim an den stillen Strom,
Von Inseln fernher, wenn er geerndtet hat ;
So käm auch ich zur Heimath, hätt ich
Güter so viele, wie Laid, geerndtet. »

 

Benjamin : Je ne comprends rien !
Ludovic : Vous parlez allemand ?
Benjamin : Ben non !
Ludovic : Alors, c'est normal ! (Il replonge dans son journal)
Benjamin : Ben oui, forcément ! Et de quoi il parle ?
Ludovic (soupir) : D'un marinier qui rentre chez lui ! Et Hölderlin aimerait comme
lui, revenir au pays... s'il avait, moissonné autant de douleurs que de richesses.
Benjamin : Ouais, ça a l'air chiant, votre truc. Sinon, ils parlent de quoi dans votre
journal ?
Ludovic : Bah, rien de réjouissant. Le début de la campagne. Les engagements du
président pour redresser le pays.
Benjamin : En même temps, c'est lui qui était là... Et il parle de régler le bordel qu'il a
lui-même foutu ?
Ludovic : 42% des Français sont prêts à revoter pour lui dès le premier tour
Benjamin : Je vois le genre, c'est les gens qui retournent voir « Titanic » en se disant

« cette fois ci, je suis sûr que le bateau ne coulera pas » !
Ludovic : On peut voir ça comme ça ! Mais qui voulez-vous comme président ? À
part lui, je ne vois pas !
Benjamin : Ben en fait, je m'en fous un peu, je ne vote pas !
Ludovic : Eh bien, ne vous plaignez pas
Benjamin : Je ne me plains pas, je dis juste que je ne l’aime pas !
Ludovic : Je peux lire ?
Benjamin : Je vous en prie…(silence) De toute façon, dans les journaux, tout ce qu'on
raconte c'est des conneries ! La réalité, ils ne veulent pas nous la dire !
Ludovic : Ah, ça y est ! Je sens poindre l'instant complotiste !!!
Benjamin : Avouez qu'ils disent que des mensonges !
Ludovic : Vous n'aimez pas non plus les journalistes
Benjamin : Non, les journalistes, je les connais pas, mais ils racontent des mensonges,
peut-être parce qu’on les oblige !
Ludovic : Mais de toute façon, tout le monde ment et tout le monde reproche à l'autre
d'en faire autant ! et vous savez, le mensonge, ce n’est pas toujours nuisible ! On peut
mentir pour faire le bien !
Benjamin : Mentir pour faire du bien ?
Ludovic : Imaginez, vos amis ont eu un bébé, vous le trouvez moche... que dites-vous
aux parents ?
Benjamin : Ben que leur bébé est moche !
Ludovic : Et vous les blessez gratuitement
Benjamin : Mais je ne vais pas leur dire que leur bébé est beau si c'est pas vrai
Ludovic : Et bien ne leur dites rien !
Benjamin : Mais si c'est eux qui me demandent ?
Ludovic : Justement, leur mentir est la solution pour éviter la discorde !
Benjamin : N'empêche que ce n’est pas ça qui rendra beau leur bébé... de toute façon,
tous les bébés sont toujours moches ! C'est tout fripé, tout rouge, tout chauve et ça
bave du lait ! On dirait des furoncles !
Ludovic : Eh bien, dites-leur ça, c'est une solution, vous noyez dans une
considération générale, une critique désobligeante de leur enfant
Benjamin : Ben je leur dis quand même que leur gamin est moche !
Ludovic : Oui, mais comme vous leur...

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