Pourquoi Moi ?!

Se faire chasser de chez soi par sa femme pour emménager en dans un immeuble plus que glauque…. déjà il vous faut un moral d’acier. Mais quand dès le premier soir, vos nouveaux voisins vous accaparent pour vous mêler à leur vie au risque d’exploser la vôtre… alors là vous grimpez en haut de l’échelle du stress surtout en découvrant que dans ce nouveau logement l’ancien locataire y est mort d’une manière terrifiante. À chaque problème de ces voisins vampirisants, étant d’un naturel serviable, vous tentez naïvement de les aider…. mais vous ne faites qu’empirer les choses et tout se retourne contre vous. Un cauchemar éveillé ! Dialogues percutants, situations explosives, six personnages hauts en couleur, tels sont les ingrédients de cette comédie qui a vu le retour scénique de Vincent Lagaf’
Pièce créée en 2009, 50 dates de tournée. Pas captée et pas reprise à Paris.

ATTENTION : la version de ce texte que vous pouvez lire ici a été actualisée par rapport à la version publiée.

PERSONNAGES Par ordre d’entrée en scène

-ARISTIDE ROULI, punching ball

-GERARD VIÉBOU, concierge plus con que cierge

-NATACHA POUTINA, corps russe non diplomatique

-MARIE CÉCILE de la BA Y ARDIÈRE, roturière à particule

-RENÉ KASBOIS, liberté provisoire

-HENRI CHARLES DE LA BAYARDIÈRE, inventeur flambé

-MARIE CHARLOTTE, veuve non joyeuse (jouée par la comédienne qui joue Marie Cécile)

DÉCOR

Nice. Un appartement aux murs nus, ampoules au bout des fils, pas repeint, des travaux à faire... une moquette fatiguée.
Au jardin, une première porte à l’avant scène qui donne sur la salle de bains....
Fond jardin une cuisine américaine avec micro-onde, congélateur, frigo encastrés dans le mur... devant cette cuisine un bar assez haut avec un tabouret

Milieu scène au fond un mini couloir qui mène à une porte d’entrée. Après le milieu scène au fond la porte d’un placard praticable dans lequel quelqu’un peut entrer et s’y cacher. Côté cour en redescendant une porte donnant sur les toilettes, puis une porte donnant sur la chambre. Face public, à l'avant scène côté cour, le balcon symbolisé par une rambarde et quelques pots de fleurs.

Sur scène, pas de meubles, des cartons de déménagement empilés avec des inscription diverses au feutre. On pourra s'asseoir sur certains. Quelques objets familiers. (lampes) On sent que tout a été posé à la va-vite et pas encore disposé ni rangé.
Un soir de semaine, fin mai, 20 h 30.

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La pièce a été créée le 9 Janvier 2009 à Drancy, à l’Espace Culturel du Parc dans une mise en scène de l’auteur.

Avec par ordre d’entrée en scène

Vincent Lagaf :
Pierre Laur et Gilles Bellomi :
Anaïs Nyl :
Eric Boucher :
Virginie Stevenoot et Pascale Louange : Marie Cécile et M.Charlotte

Philippe Rambaud :

Revue de presse provinciale enthousiaste “Mécanique de haute précision”
“Rafales de rires”
“Lagaf’ au sommet de son art”

“Pièce formidablement construite qui va crescendo” “Un Feydeau moderne”

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Aristide Gérard Natacha

René Henri Charles

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POURQUOI MOI ?! DERNIER ACTE (c’est normal !)

Ambiance soir. Il est 20 h 30. La porte d’entrée s’ouvre. Apparaît dans l’encadrement Aristide, costume noir et noeud papillon. Dans son dos, dressé à la verticale, un matelas.

ARISTIDE sur place, résigné face à l’état désastreux de l’appart
Et voilà... je suis chez moi ! Je n’en reviens pas. Me retrouver ici, tout seul... (s’appuyant contre le matelas) c’est à dormir debout.

GÉRARD off, encore masqué par le matelas Alors vous avancez ?

ARISTIDE mettant le matelas dans le sens horizontal
Ah oui excusez-moi, c’est gentil de m’aider à l’heure du dîner...

GÉRARD

À Nice, vous ne trouverez pas deux concierges comme moi. Vous m’auriez laissé vos clefs, les livreurs le montaient directement.

ARISTIDE

J’aurais dû y penser. En ce moment j’ai la tête... tellement ailleurs.

GÉRARD

Je leur ai donné un bon pourboire, faudra me rembourser

ARISTIDE

Évidemment. Alors vous avancez ?

GÉRARD impressionné, ne bougeant plus place
Ça me fait très bizarre d’être là... en un an, rien n’a changé...

ARISTIDE

C’était pas loué depuis un an ? Remarquez quand on voit ça, faut vraiment en avoir envie. C’était qui les anciens locataires ?

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GÉRARD

Ils ne vous ont rien dit à l’agence ?

ARISTIDE

Ils m’ont dit “Faudra rendre l’appartement dans l’état où il était à votre arrivée” Ce ne sera pas difficile. Pourquoi ? Ils auraient dû me dire autre chose ?

GÉRARD

Le matelas, on le met dans votre chambre ?

ARISTIDE énervé
Non dans la baignoire. Mais bien sûr qu’on le met dans la chambre... (ils repartent vers l’avant scène cour; Gérard suit difficilement car il tente d’éviter un endroit précis sur le sol) Dès demain, je fais tout repeindre en blanc. Vous connaissez quelqu’un qui travaille au noir ?

GÉRARD

Moi. Pour des espèces, je suis capable de tout...

ARISTIDE

Mais pourquoi vous ne marchez pas droit ?

GÉRARD regardant la moquette à un endroit précis Non je voulais éviter... (et il l’évite)

ARISTIDE

Il y a un problème avec la moquette ?

GÉRARD

C’est la première fois que je vois un matelas avec une boussole incorporée...

ARISTIDE

C’est très tendance, c’est “FENG CHUI”

GÉRARD

Feng chui ?

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ARISTIDE

Oui c’est auvergnat. Parait que pour bien dormir, il faut mettre la tête au nord...

GÉRARD

Et sinon... ?

ARISTIDE

Sinon toute la journée on est à l’ouest. ( il entre dans la chambre en portant le matelas)

GÉRARD portant toujours le matelas et le suivant dans la chambre
Ce matin en déposant vos cartons, vous ne m’aviez pas dit que vous bossiez jusqu’à trois heures du mat ?

ARISTIDE off à la cantonade puis réapparaissant
Si mais le casino m’a donné une pause. Je réattaque dans deux heures. Je vais en profiter pour vider quelques cartons.

GÉRARD

Très chic votre tenue de travail. (réapparaissant) Je n’aurais pas su que vous étiez croupier, j’aurais dit croque mort.

ARISTIDE

Mais un croupier c’est un croque mort de l’argent. (ils se redirigent vers la porte d’entrée) Vous boitez ?

GÉRARD

J’ai un cor aux pieds... (ricanement d’Aristide) Ça vous amuse ? ARISTIDE

Non il y a des coïncidences marrantes. Moi, ma femme m’a largué...

GÉRARD

Aaah c’est ça... je m’en doutais.

ARISTIDE

Vous souffrez d’un cor et moi je souffre d’une séparation de corps.

GÉRARD buté Et alors ?

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ARISTIDE

Et alors... laissez tomber. (ils ressortent et reviennent avec un sommier) GÉRARD

Vous êtes drôlement pessimiste, vous !

ARISTIDE

Pourquoi vous dites ça ?

GÉRARD montrant le sommier
Vous avez acheté un lit à une place. Vous ne pensez pas retrouver une gueuse ?

ARISTIDE

Une gueuse, non. Ma femme, oui. Pour l’instant elle veut faire le point. Faire le point ! Déjà qu’elle n’a jamais su lire une carte routière...(voyant Gérard faire un détour au même endroit que pour le matelas) Maintenant je veux savoir, il s’est passé quoi sur cette moquette ?

GÉRARD

Je vais vous monter les pieds ici, il y a plus de lumière... (il va fixer les quatre pieds du sommier) Pour moi, l’amour c’est une histoire de glandes. C’est chimique, c’est pas écolo...

ARISTIDE

Vous n’avez jamais eu de femme ?

GÉRARD

Ah si monsieur, divorcé. Et fier de l’être. Moi la mienne m’a quitté pour un pêcheur de thons. Avec elle, il a été comblé.

ARISTIDE

Ah parce qu’elle n’était pas... ? (mimique pour signifier pas jolie) GÉRARD tout en fixant les pieds du sommier

Je dirai qu’on était bien assortis...

ARISTIDE

Ah oui alors elle était vraiment... (mimique pour signifier très laide)

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7

GÉRARD

Quand elle mettait ses bas résilles et ses porte jarretelles, j’avais en face de moi un rôti de porc ficelé.

ARISTIDE

Eh ben ! À votre place, je serai devenu végétarien (sortant des vêtements d’un carton) La mienne c’est le contraire, c’est une bombe.

GÉRARD

Une bombe qui vous a pété à la gueule ! Vous l’avez trompée ?

ARISTIDE pendant des vêtements dans le placard
Une fois. Une fois en dix ans. C’est le minimum syndical pour un homme normalement constitué. Le jour de son mariage, on devrait avoir droit à un joker... En plus je venais de rompre avec ma copine. Une jolie petite croupière qui comme son métier l’indique avait une jolie petite... (mime une croupe) enfin bref... Je lui avais écrit un SMS “TOUT EST FINI ENTRE NOUS” . Et machinalement je l’ai envoyé à ma femme.

GÉRARD

Oh la gaffe ! Et vous n’avez pas essayé de rattraper le coup ?

ARISTIDE

Bien sûr que si. J’ai immédiatement renvoyé un 2ème texto à ma femme “JE ME SUIS TROMPÉ DE DESTINATAIRE” ... Je me demande si c’est pas celui-là qui a fait plus de dégâts. (regardant aurtout de lui) À propos de dégats, je ne le sens pas cet appart...

GÉRARD

Alors pourquoi vous l’avez pris ?

ARISTIDE prenant son portable coincé dans sa ceinture et appelant Pour le balcon, il a une vue sublime...

GÉRARD

Une vue sublime ? Sur l’immeuble d’en face ?!

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ARISTIDE au téléphone
Mon amour c’est moi... si, je continuerai à t’appeler mon amour... Je te manque pas trop ? Mais non je ne vais pas te harceler, les deux premières semaines tu m’as autorisé à t’appeler une fois par jour... Caroline, j’ai une très bonne nouvelle pour toi. Regarde par ta fenêtre (allant sur le balcon) tu vois comme le ciel est magnifique ce soir ? Et maintenant baisse les yeux... pas autant, relève un peu... ( il fait un grand geste vers l’immeuble d’en face) Tu me vois ? Oui j’ai trouvé un appart juste en face du nôtre ? T’es CONTENTE ? Elle m’a... (ne trouvant pas ses mots, il mime l’expression “raccroché au nez”)

GÉRARD

Raccroché ?( Aristide lui remontre son nez) Au nez ? (Aristide acquiesce) Je me disais bien que je vous avais déjà vu, vous avez quitté le 22 pour le 21...

ARISTIDE

Elle a mis deux couverts sur la terrasse. Mais oui le mercredi c’est le jour de sa mère. Au moins je l’aurais évitée, cette vieille bique...

GÉRARD

On est mardi. Bon votre sommier on le met dans votre chambre ?

ARISTIDE le rejoignant
Mardi ? Au fait c’est quoi votre prénom ?

GÉRARD

Gérard...

ARISTIDE portant le sommier vers la chambre
Gérard ? ! C’est le prénom idéal pour un concierge.

GÉRARD

Ah bon ? Pourquoi ?

ARISTIDE

GÉRARD c’est l’anagramme de “REGARD” L’anagramme de “GARDER” Vous “gardez” cet immeuble grâce à votre “regard” Il n’y a pas de hasard.

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GÉRARD

Ça alors, j’avais jamais réalisé. Vous êtes fort avec les lettres.

ARISTIDE

Encore plus avec les chiffres. A la roulette, pour payer les gagnants faut calculer très vite. Je calcule tout. La seule chose que j’ai jamais calculée... c’est ma femme !(il entre dans la chambre)

GÉRARD off
Je vais me préparer à manger, vous voulez quelque chose ?

ARISTIDE off
Une énorme dose de courage (ils reviennent) Un dernier service... aidez-moi à désempiler quelques cartons...

GÉRARD tout en manipulant les cartons avec Aristide
Les lettres de mon prénom font “Garder” Ça alors ! Pendant 20 ans j’ai été gardien de phare.

ARISTIDE

Voyez, c’était écrit ! Et c’était pas trop monotone ?

GÉRARD

Faut aimer l’écologie. Mais moi je l’aimais trop. Une nuit, dans mon phare, j’ai plus supporté ces ampoules géantes qui consommaient autant d’électricté, je les ai remplacées par des basses tensions 20 watts.

ARISTIDE

Non !

GÉRARD

Si. Quatre naufrages.

ARISTIDE impressionné
On ne s’en rend pas compte mais c’est dangereux l’écologie... Merci, allez dîner. Je vous offrirais bien un verre mais là voyez, tout est fermé...

GÉRARD tendant la main
Vous pouvez au moins m’offrir de quoi me payer un verre.

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ARISTIDE

Ah ! Mais nous les croupiers, on a les poches cousues, alors j’ai pas de pièces. (sortant de sa chaussette un billet de 100) j’ai qu’un billet de 100... vous avez la monnaie ?

GÉRARD prenant le billet Non mais ça ira.

ARISTIDE s’étranglant
Aaaah ben je pense bien ! Au casino, pour une telle somme on s’incline “Pour le personnel, merci”

GÉRARD

Eh ben voilà, c’est dit. Bon, pour quoique ce soit, n’hésitez pas. Je suis le seul concierge d’immeuble à faire room service.

ARISTIDE

A ce prix là c’est plus un immeuble, c’est un palace.

GÉRARD regardant la moquette à l’endroit stratégique; douloureux ) Plus jamais ça !

ARISTIDE

Mais plus jamais quoi ? (Aristide sort en lui claquant la porte au nez; allant examiner la moquette) Il s’est passé un truc grave ici... mais qu’est-ce que je fais là ?! Et mon meilleur ami qui est mort il y a trois jours. Tu vas me manquer, Fredo. Ma glacière ! Où j’ai mis ma glacière ? Ah la voilà (D’une glacière, il sort un sac plastique transparent contenant un hamster mort; au bord des larmes et le caressant à travers le sac) Ça vit trop peu un hamster... mon petit Fredo... la nuit, quand je rentrais, t’étais le seul à m’écouter des heures sans broncher. Oh et le jour où j’ai eu ma rage de dents ( il gonfle ses joues) je ne t’avais jamais autant ressemblé. Demain, promis, j’irai t’enterrer dans l’arrière pays. En attendant, prends soin de toi dans ce congélo. (il met le sac dans le congélateur, encastré au dessus du bar américain; sonnerie de la porte d’entrée) Qui ça peut être ? Et si c’était Caroline qui venait me chercher ?! Mais oui. Pourquoi les contes de fées, ce serait uniquement pour les enfants ? Allez j’y crois ! J’ouvre cette porte et il apparaît une très belle femme !!! (il ouvre la porte. Apparaît une

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ravissante sexy girl, avec un carton à gâteau et une bouteille de champagne;désappointé) C’estpaslamienne!

NATACHA avec un léger accent slave, très joyeuse
C’est mon anniversaire, je suis toute seule, tu le fêtes avec moi ?

ARISTIDE estomaqué par une si charmante vision
Heu... bonsoir madame. C’est que... je ne suis pas vraiment installé.

NATACHA entrant carrément, tel un tourbillon
Justement, on va fêter aussi ta crémaillère. J’habite dernier étage, petit 18 mètres carrés mais j’ai cœur grand comme ça.

ARISTIDE

J’en doute pas mais...

NATACHA

Chez toi beaucoup de place, mon cœur peut gambader. C’est toi qui a fait décoration ? C’est quiche...

ARISTIDE

Quiche ? (corrigeant) Ah kitsch.... NATACHA fofolle

Tu sais quoi ? Ce soir j’ai 25 ans et je veux m’éclater.

ARISTIDE

Mais...

NATACHA

Avec moi tu veux bien éclater ?

ARISTIDE

Mais...

NATACHA regardant sa montre
Attends je suis née à 20 h 36.... et là il est... 58-59... 36 !!! (elle pousse un cri de bébé) Coucou c’est moi, je suis née (elle lui donne un baiser sur la bouche) Tu dis rien ?

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ARISTIDE vaincu par le baiser
Si. Vous, nourrisson très précoce.

NATACHA

T’as une flûte ?

ARISTIDE

Non, j’ai jamais eu de flûte mais j’ai joué du pipeau.

NATACHA précisant
Une flûte... pour le champagne.

ARISTIDE

Aaah... je suis un peu perturbé, je suis encore à 20 h 36. J’ai des verres dans un carton mais alors lequel ? (lisant les inscriptions au feutre sur les cartons. Il tourne les inscriptions face public au même moment) Alors “Vêtements plus portés depuis 25 ans” c’est pas ça...

NATACHA

Tu veux que je t’aide ?

ARISTIDE

Vous venez de naître, vous ne savez pas encore lire... Ah ça y’est “Petit linge pour grandes occasions” C’est ça (il sort deux grosses chaussettes remplies chacune d’un verre) J’ai mis mes verres dans des chaussettes pour pas qu’ils cassent. Des chaussettes c’était logique pour des verres à pied.

NATACHA avec charme Je te trouve chou fleur...

ARISTIDE

Chou. Pas fleur. On dit “je te trouve chou” Chou tout court

NATACHA

Alors je te trouve chou-tout-court. (elle prend une pose très sensuelle)

ARISTIDE essuyant les verres avec les chaussettes avant de souffler dedans Et vous êtes toute seule le soir de votre anniversaire ?! Eh ben...

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NATACHA

Mes copines travaillent et normalement à...

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