Acte 1
Le plateau pourra rester nu à l’exception d’une ou deux chaises. Dom arrive d’un pas incertain. Il porte le genre de blouses (bleues, roses ou vertes) qu’on met aux patients à l’hôpital. Il jette autour de lui un regard intrigué, avant de découvrir avec stupéfaction la présence des spectateurs, et de s’avancer pour les observer avec un air inquiet. Pat, portant la même tenue, arrive derrière lui.
Pat – Bonjour.
Surpris, Dom sursaute, se retourne et aperçoit Pat.
Dom – Vous m’avez fait peur...
Pat – Désolée... Alors vous aussi vous...?
Dom – Oui...
Moment d’embarras.
Pat – On s’est déjà vus, non ?
Dom – On était dans le même wagon, je crois.
Pat – Voiture 13, c’est ça ! Je ne sais pas si ça a un rapport...
Dom – Un rapport ? Avec le numéro 13, vous voulez dire ?
Pat – Avec le fait qu’on soit là tous les deux ! Parce qu’on était dans le même wagon...
Dom – Je ne sais pas. À vrai dire, je ne sais pas du tout pourquoi on est là.
Pat – Moi non plus. Je n’y comprends rien. À la descente du train, deux agents m’ont demandé de les suivre...
Dom – Vous êtes sûre que c’était des policiers ?
Pat – Je pense, oui... Ils portaient un masque. Enfin pas un masque... Comme dans les hôpitaux, je veux dire. Ils m’ont fait monter dans une ambulance et...
Dom – Une ambulance, vous êtes sûre ? Non, parce que si c’était des policiers...
Pat – Disons... un fourgon, alors.
Dom – Un fourgon de police médicalisé.
Pat – C’est ça... Ils m’ont conduite jusqu’ici et... ils m’ont dit d’attendre. Et vous ?
Dom – Pareil... Donc on ne vous a rien dit non plus.
Pat – On m’a dit d’attendre.
Dom – Et... vous n’avez rien entendu d’autre ?
Pat – Non... (Un temps) Je crois que le mot quarantaine a été prononcé.
Dom – Ah oui....?
Pat – Vous avez entendu ça, vous aussi ?
Dom – Pas vraiment...
Pat – C’est le plus probable, non ?
Dom – Une quarantaine, oui... Qu’est-ce que ça pourrait être d’autre ?
Pat – Ça expliquerait les masques.
Dom – Oui... Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait ?
Pat – On attend... C’est ce qu’on nous a dit, non ? On nous a dit d’attendre.
Un temps.
Dom – Une quarantaine... Si ça dure vraiment quarante jours... J’espère qu’on nous donnera quelques explications avant.
Pat – On dit une quarantaine, mais... ce n’est pas forcément aussi long. Ça dépend des maladies.
Dom – Vous croyez qu’il s’agit d’une maladie ?
Pat – Quoi d’autre ? Si on nous met en quarantaine...
Dom – Oui... Ça doit être un virus.
Pat – Très contagieux, j’imagine.
Dom – Oui... sûrement.
Pat – Je ne ressens aucun symptôme, et vous ?
Dom – Non, moi non plus.
Pat – Remarquez... Ça ne veut pas dire qu’on n’est pas malades. Ça dépend du temps d’incubation.
Dom – Vous êtes médecin ?
Pat – Ordonateur.
Dom – Ordonateur ?
Pat – Autrefois, on disait informaticien, je crois.
Dom – D’accord... Donc les virus, vous connaissez...
Pat – J’ai surtout trois enfants... Et vous ?
Dom – Je n’ai pas d’enfants.
Pat – Non, je voulais dire... Vous non plus, vous n’êtes pas médecin.
Dom – Je suis formateur.
Pat – Formateur...
Dom – Avant on disait professeur, je crois. Demain on dira... dresseur, peut-être.
Pat – Je vois...
Dom – Ah oui ? Et qu’est-ce que vous voyez ?
Pat – Non, je veux dire... Vous en savez encore moins que moi sur les virus...
Un temps.
Dom – Et donc le temps d’incubation, ça dépend des virus ?
Pat – Tout à fait... Parfois on ressent les premiers symptômes une semaine après la contamination. Parfois moins, parfois plus.
Dom – Vous m’avez l’air d’en connaître un rayon sur la propagation des épidémies... pour quelqu’un qui n’est pas médecin.
Pat – Je vous l’ai dit, j’ai trois enfants. Quand il y en a un de malade, c’est rare que les deux autres ne suivent pas quelques jours après.
Dom – Mais nous on n’est pas malades !
Pat – On est peut-être contagieux bien avant d’être malade soi-même.
Dom – Oui... Si on est vraiment porteur du virus.
Pat – D’où la quarantaine, probablement... Mais, on va sûrement nous expliquer tout ça.
Dom – Oui, sûrement...
Max arrive, portant la même tenue qu’eux.
Dom – Ah... Plus on est de fous...
Pat – Plus on est de fous ?
Dom – C’est une expression qu’on disait autrefois... Plus on est de fous... Non rien...
Pat – Monsieur va peut-être pouvoir nous en dire plus.
Max, l’air passablement déboussolé, s’avance vers le public.
Dom – Je ne parierais pas là-dessus. Il n’a pas l’air très net.
Pat – Bonjour.
Max – Ah, bonjour... Je... Je viens d’arriver, moi aussi...
Dom – Comment savez-vous qu’on vient d’arriver ?
Max – Pardon ?
Dom – Vous avez dit : je viens d’arriver moi aussi. Comment savez-vous qu’on vient d’arriver ? On pourrait être déjà là depuis des semaines...
Max – Vous êtes là depuis plusieurs semaines ?
Pat – On vient d’arriver.
Max – Ah... Comme moi alors... C’est bien ce que je disais.
Pat – Oui...
Max – Et... vous savez pourquoi on est là ?
Dom – On comptait un peu sur vous pour nous le dire...
Max – Je ne sais pas... Ils m’ont cueilli à la descente du train, sans aucune explication. Je n’ai pas que ça à faire, moi.
Pat – Et moi donc... Mes trois enfants m’attendent à la maison. Sans parler de mon mari. Et vous ?
Max – Je ne suis pas marié. J’avais juste fait un saut dans le Sud pour voir ma mère à l’hôpital.
Dom – Elle est malade, elle aussi ?
Max – Elle s’est cassé le col du fémur.
Pat – Ça au moins, ce n’est pas contagieux...
Max – Oui, mais qui est-ce qui va me payer, moi ? J’ai deux chantiers à terminer avant la fin de la semaine...
Pat – On nous donnera peut-être un dédommagement. Vous êtes artisan ?
Max – Je suis plombier.
Dom – Et dire que quand on en cherche un, on n’en trouve jamais...
Max – Pardon ?
Dom – Non, rien...
Pat – Plombier... J’ai déjà entendu ce mot, mais je ne sais plus ce que ça veut dire exactement.
Dom – On dit réparateur, maintenant.
Pat – Ah, oui...
Dom – Monsieur est réparateur spécialisé. Il répare des tuyaux, des canalisations, des robinets... Plombier, comme on disait autrefois.
Max – C’est ça.
Dom –