Qui prend les paris ?

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Albert, patron du Parisien, voit défiler sa clientèle tout au long de sa journée. Tout le monde parle d’une course à Vincennes qu’une certaine Jeanne d’Arc devrait gagner. Mario, le chauffeur de taxi, prend les paris et certifie que ses contacts connaissent le nom du vainqueur. Les deux clochards Caddie et Carton semblent bien loin de ses préoccupations, quoique…

Ce spectacle a été écrit pour un choeur d’où des mentions d’interruption dans le texte pour laisser la place à des chants. Le texte peut être joué sans chants sauf… pour l’artiste du cabaret qui reprend des titres d’Edith Piaf.

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Liste des personnages (17)

M’sieur AlbertHomme • Adulte/Senior
patron du « Parisien »
Lucienne PinsonFemme • Adulte
gardienne d’immeuble
CaddieFemme • Adulte
clocharde
CartonHomme • Adulte
clochard
MarioHomme • Adulte
chauffeur de taxi
La BulleFemme • Adulte
chanteuse et danseuse du « Canaillou »
HelmutHomme • Adulte
serveur du « Canaillou »
MélissaFemme • Jeune adulte/Adulte
étudiante, locataire de Mme Pinson
P'tit LouisHomme • Adulte
employé RATP, conducteur de métro
AzizHomme • Adolescent
rappeur
FredoHomme • Adolescent
rappeur
ZizaFemme • Adolescent
rappeuse
Guillaume-OlivierHomme • Adolescent
Gosse de riche
Vincent-EdouardHomme • Adolescent
Gosse de riche
GérardHomme • Jeune adulte
client du Canaillou
SimonHomme • Adulte
client du Canaillou
EtienneHomme • Adulte
client du Canaillou

Décor (1)

DécorsAmbiance générale ; Paris de nos jours dans un quartier ayant gardé son identité parisienne (ex. Montmartre au pied de la colline, St-Germain).Lointain face Immeuble type « Hausmann » avec le bar/restaurant « LE PARISIEN » au rez ; composé d’une entrée principale au centre sur une marche, une terrasse de part et d’autre de l’entrée. A l’étage des fenêtres donnant sur des appartements.Centre et avant-scène Rue bitumée. Liaison à vue entre coulisses jardin et cour possible en longeant le bâtiment devant la terrasse.Jardin Un immeuble en angle avec au rez la porte d’entrée du bâtiment donnant sur les appartements et la loge de la gardienne. A droite de l’entrée, une fenêtre donnant sur la loge de la gardienne. A l’étage, une ou deux fenêtres donnant sur des appartements (accessibles ?). A l’extérieur, deux ou trois bacs avec des plantes arrivant à la taille (quelqu’un peut se cacher derrière). Un candélabre est positionné environ à l’angle de l’immeuble et du passage jardin-cour.Cour Un immeuble en angle avec au rez « LE CANAILLOU » cabaret fripon.

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Prologue

 

 

H-45                      Ouverture des portes au public – scènes en pénombre (15-20%) – Lumières décor

au noir.

 

H-15                      Scènes, montée des lumières progressive à 100% en 5’.

 

H-10                      Mise en vie principalement silencieuse des scènes avec les

comédiens/comédiennes et figurants. Les déplacements se font de jardin à cour ou

inversement selon les possibilités des coulisses et les personnes disponibles. Une

personne peut tenir plusieurs rôles pour autant que son habillement et ses

attitudes changent.

 

Avec :                    3 cyclistes.

2 garçons partant à l’école.

1 garçon courant après une petite fille en la chicanant.

2 petites filles partant à l’école en jouant.

Un homme promenant son chien (pipi contre le candélabre !)

Un homme avec mallette partant au travail.

Une femme avec une poussette.

Une femme marchant téléphone à l’oreille.

Un facteur passant de maison en maison.

Un balayeur

Etc.

 

Heure H                 Début du spectacle.

Scène 1

 

Fin du prologue, plus personne sur scène sauf M’sieur Albert sur sa terrasse terminant son installation. Comme durant le prologue, M’sieur Albert semble chercher quelque chose ou quelqu’un de part et d’autre de sa terrasse.

 

M’sieur Albert         Bizarre…

 

Il retourne à ses occupations puis revient chercher…

 

M’sieur Albert         Vraiment bizarre…d’habitude ils sont là ?

 

Lucienne sort de chez elle en se débarrassant de la poussière ramassée à l’intérieur. Elle remarque M’sieur Albert et tout en inspectant son immeuble se dirige vers lui.

 

Lucienne               Bonjour M’sieur Albert, la forme ?

 

M’sieur Albert         Salut M’dame Pinson, oui, oui ça va, ça va. Dites-donc, vous ne les avez pas vu ce

matin ?

 

Lucienne               Pas vu quoi ? Je suis debout depuis cinq heures, alors j’ai déjà vu pas mal de

choses. Tenez, Madame Truffaut est parti une demi-heure plus tôt que d’habitude, curieux non ? Tous les matins, elle sort de chez elle à sept heures, et bien là elle franchissait le seuil de la porte à six heures trente ; je me demande ce que cela cache ?

 

M’sieur Albert         Sans doute quelque chose de très important, peut-être même de grave, un drame

ou alors un rendez-vous.

 

Lucienne               Un rendez-vous ? A six heures trente du matin ? C’est ce qui s’appelle être matinale.

Ca m’étonnerait, depuis qu’elle habite ici je l’ai toujours vue seule.

 

M’sieur Albert         Justement, vous l’avez toujours vu seule ici, mais peut-être qu’elle ne l’est plus dès

qu’elle passe le coin de la rue. Pour éviter les indiscrétions.

 

Lucienne               Quelles indiscrétions ?

 

M’sieur Albert         Celles de personnes qui se lèvent plus tôt qu’elle et qui ont tendance à observer

tout ce qui se passe dans le quartier. Vous voyez de qui je parle.

 

Lucienne               Oh là ! Minute papillon ! Je suis payée pour surveiller alors je surveille.

M’sieur                 Oui, peut-être. Mais vous êtes payée par la mairie de Paris ?

 

Lucienne               Bien sûr que non ! Par Monsieur Hakkis le propriétaire de l’immeuble.

 

M’sieur Albert         Voilà, vous êtes payée pour surveiller votre immeuble pas le quartier !

 

Lucienne               Oh là, le dealer d’antigel pas si vite. Vous êtes bien content quand la Lucienne vous

appelle pour vous avertir qu’on squatte votre terrasse. Alors, un peu de respect ! Si

tout le monde en faisant autant on vivrait mieux.

 

M’sieur Albert         Mouais, bon peu importe. Est-ce que vous avez vu Caddie et Carton ce matin ?

 

Lucienne               Ah, ces deux ! Non, je ne les ai pas vus. D’ailleurs je me suis dit, en passant par

hasard devant ma fenêtre, tiens ! Les deux représentants en haillons ne sont pas là.

 

M’sieur Albert         C’est bizarre, d’habitude ils viennent toujours prendre leur petit noir avant que
j’ouvre.

 

Lucienne               Ils boivent du café aussi ?

 

M’sieur Albert         Mhmm. J’espère qu’ils ne leur ai rien arrivé.

 

Lucienne               Ne vous inquiétez pas, ce sont des durs à cuire. Ils ont certainement trouvé une bouche de métro accueillante et ils sont décidés de faire la grasse matinée !

Faut que je vous laisse, la maison va se réveiller et il faut que je sois dans ma loge au moment des départs.

 

M’sieur Albert         C’est ça. A toute à l’heure et bonne inspection !

 

Lucienne retourne dans sa loge tout en contrôlant que les abords de son bâtiment sont en ordre. M’sieur

Albert termine ses préparatifs. Mario arrive au « Parisien » un journal sous le bras.

 

Mario                   Ciao patron ! Content de voir que ton repaire est ouvert. J’ai roulé toute la nuit, j’ai la cuve à sec. Si j’écluse pas un de tes médicaments tout de suite je vais finir raide comme l’obélix.

 

M’sieur Albert         Salut Fangio, l’obélisque pas Obélix. C’est pourtant pas compliqué, il y en a un qui long et fin et l’autre petit et gros !

 

Mario                   Si, tu m’as compris. Alors disons que je vais finir avec les os sur la peau.

 

M’sieur Albert         C’est le contraire aussi, la peau sur les os ! Dis-donc, si au volant de ton taxi tu comprends la signalisation aussi à l’envers, c’est pas super Mario!

 

Mario                   Trente ans de carrosse sans cabosses alors crois-moi la route c’est mon domaine.

 

M’sieur Albert         Je n’ai pas encore ouvert mais je vais pas refuser assistance à une personne en voie de déshydratation. Comme d’habitude ?

 

Mario                   Si pour le produit, ma no pas pour la quantité. Une dose d’homme averti per favore.

 

Mario ouvre son journal et lit.

 

Mario                   Ah, si tout va bien je vais cartonner dans la 5ème ce soir. Cette petite Jeanne d’Arc a intérêt à avoir le feu au cul. J’ai parié comme jamais. Déjà que la semaine passée mes finances ont joué le Titanic…c’est le moment de se renflouer.

 

M’sieur Albert         Et voilà Fangio !

 

Mario                   Grazie. Dis ! Je m’appelle Mario pas Fangio. Moi je t’appelle Albert pas Ténardier !

 

M’sieur Albert         Bene signore Mario. Alors les cotes sont bonnes ?

 

Mario                   Ah si, il semblerait que mon tour soit venu. Sur le coup des 21heures, la petite Jeanne d’Arc va franchir la ligne les naseaux en tête. Faut dire que je la connais sur le bout des sabots. Je la suis et je l’analyse depuis qu’elle est pouliche ; faut pas croire ça demande du travail.

 

M’sieur Albert         Je pense bien. Remarque t’es pas le premier à bûcher sur Jeanne d’Arc.

 

Mario                   Ils se marrent, y avait quelque chose à comprendre ?

 

M’sieur Albert         Bien oui, Jeanne d’Arc, le bûcher. Elle est morte brûlée sur un bûcher.

 

Mario                   Ah d’accordo. Si, ben ma Jeanne d’Arc à moi, je compte bien qu’elle gagne une course avant de finir sur un barbecue ! Mes contacts m’ont affirmé que cette course serait celle de sa vita.

 

M’sieur Albert         Tes contacts ? C’est qui ?

 

Mario                   Ah ça…secret de fabrique ! Mais crois-moi ils sont bons. D’ailleurs tu les connais !

 

M’sieur Albert         Ah bon ? Tu veux pas me le dire ? (Mario fait le signe « motus et bouche cousue) Bon, ben je te laisse à tes pronostiques j’ai encore à faire dedans.

 

Mario                   Je vais profiter de ta terrasse encore un momento avant de repartir, à ces heures impossibile de circuler dans Paris.

 

Juste avant la fin du chant, Mario quitte le « Parisien ».

 

*******

 

 

 

Scène 2

 

Le « Parisien » continue à fonctionner avec des clients sur la terrasse et le patron qui fait le service. Les comédiens/comédiennes s’activent en silence et simulent des discussions.

 

Le « Canaillou » s’allume dès la fin du chant. Helmut entre sur scène l’air très fatigué, il baille. Il range et nettoie se tables.

 

Helmut                 Hou là, c’est dur ce matin !

 

Regarde-moi cette salle, chaque matin c’est pareil. C’est pas possible de voir que

tous les bons moments qu’on passe ici laissent autant de traces.

So, Helmut prends ton courage à deux mains et au boulot.

(à la salle) Ah, Guten Tag, je ne vous avais pas vu. Vous êtes en avance le cabaret

n’ouvre qu’en fin de journée. Le plus simple serait que vous réserviez vos tables. Eh

oui, parce que chaque soir, le tout Paris vient écouter et admirer La Bulle. Depuis La Goulue, on avait jamais rien trouvé de mieux. Was ? La Bulle ? Oh, c’est tout bête, on l’appelle La Bulle parce qu’elle ne peut chanter que si elle a une coupe de champagne sur le piano, vous voyez ? Et je peux vous dire que le matin je ne l’ai jamais trouvé pleine ; la coupe…pas la bulle. Ah nein, nein, La Bulle….c’est déjà arrivé. Les soirs où ça marche fort, un bis, une coupe…un rebis, re une coupe et parfois les bis durent plus longtemps que son tour de chant alors imaginez l’état.Elle a beaucoup de panzer qui tournent dans la tête. D’ailleurs c’est curieux, parce qu’au fil de la nuit La Bulle devient de plus en plus lourde et en même temps de plus en plus légère ! Vous me suiviez. Enfin, vous verrez. Revenez plus tard.

Il faut que j’avale quelque chose avant d’attaquer la salle.

 

Helmut se rend au Parisien et s’assois sur la terrasse.

 

M’sieur Albert         Ah, déjà debout Helmut.

 

Helmut                 Ja, il faut bien que quelqu’un nettoie les restes de la nuit. Mais avant il faut que je

me réveille.

 

M’sieur Albert         Alors un café ce matin ?

 

Helmut                 Ah nein, trop de café ce n’est pas bon. Comme d’habitude un Vermouth.

 

M’sieur                 Je me disais aussi, ton métabolisme ne résisterait pas à un changement subit de

breuvage. Enfin, quand même un Vermout si tôt.

 

Helmut                 Bien quoi ? C’est naturel. C’est à base de plantes. Vois-tu mein klein Albert, j’ai

décidé d’être un homme sain ; je me soigne par les plantes. La vigne und le tabac !

 

M’sieur Albert         Et un Vermouth pour Helmut. Tiens, ça me fait penser, Madame Pinson

elle veut toujours son petit verre de Jurançon, la jeune étudiante Mélissa, elle c’est

un toujours un Coca et Helmut, un Vermouth. Heureusement que tu ne t’appelles

pas Camille, je devrais te servir une camomille.

 

Au fait, tu n’as pas vu Caddie et Carton durant la nuit ?

 

Helmut                 Ja, je suis sorti prendre l’air vers 3heures du matin et ils étaient sur ta terrasse

entrain de lire un journal.

D’ailleurs, cela devaient les intéresser parce qu’ils m’ont à peine salué. Plus

étonnant, ils n’ont même pas cherché à venir se réchauffer au Canaillou cette nuit.

 

M’sieur Albert         C’est vraiment curieux, d’habitude ils sont réglés comme des horloges qu’ils n’ont

pas.

 

M’sieur Albert entre dans son restaurant préparer la boisson d’Helmut ; P’tit Louis arrive et se met à la table d’Helmut.

 

P’tit Louis              Gute morgen, Black & Decker déjà réveillé?

 

Helmut                 Hélas Ja, on est en pleine saison alors je fais les 24 tout seul.

P’tit Louis              les 24 ?

 

Helmut                 Les 3 x 8 ! Cette nuit, j’ai dormi à peine 3heures.

 

P’tit Louis              En même temps t’as pas à te plaindre, tu passes tes nuits en bonne compagnie.

 

Helmut                 Peut-être, mais moi je travaille, je ne batifole pas. Und du ? T’as passé la tienne sur

les rails ?

 

P’tit Louis              Presque, j’ai fini à 1h30 et j’ai du reprendre à 05h30 à cause d’un collègue malade ;

et dire qu’à la RATP on a des syndicats censés nous protéger. Rends-toi compte, quand j’ai commencé il y a 25ans, on faisait grève au moins une fois par mois maintenant c’est à peine tous les deux mois. Tout fout le camp ! Même plus le temps d’aller pêcher à Nogent.

 

M’sieur Albert         Et le Vermouth d’Helmut ! Salut P’tit Louis ! Eh ben, on a des wagons sous les yeux.

T’as pas le ticket gagnant ce matin.

 

P’tit Louis              C’est ce que je disais à Black & Decker, j’ai arrêté à peine 4 heures cette nuit.

 

M’sieur Albert         Black & Decker ? Tu l’appelles Black & Decker ?

 

P’tit Louis              Oh écoute je l’aime bien notre allemand. Depuis 45, c’est le premier que je trouve

sympa alors ça me gêne de l’appeler Bosch.

 

Helmut                 Danke klein Louis ! Venant d’un parisien pure souche ça me fait plaisir. Pour un

conducteur de métro voilà une parole qui ne manque pas de profondeur.

 

P’tit Louis              (A M’sieur Albert) Dis-donc, t’as pas vu Mario ce matin ? Il a des bons tuyaux dans

la 5ème parait-il. Je dois lui donner mes paris.

 

M’sieur Albert         Ah si, d’ailleurs il m’en a parlé. Il paraît que c’est Jeanne d’Arc qui va décrocher la

timbale.

 

P’tit Louis              Chuuut ! Crie pas le nom du gagnant si fort. Moins on est à se partager le gros lot

mieux c’est !

 

Helmut                 Appeler son cheval de course Jeanne d’Arc, il n’y avait qu’un français pour avoir

cette idée. Avec un nom pareil, c’est vous qui allez flamber mais votre argent !

 

P’tit Louis              Faut pas se fier à ce genre de chose, mercredi dernier à Vincennes le gagnant de la

2ème  s’appelait Domenech, imagine.

(A M’sieur Albert) Si tu croises Mario, dis-lui que je passerai plus tard pour notre

petite affaire.

 

Helmut                 Messieurs, je vous laisse ; le Canaillou doit se faire beau pour ce soir.

 

P’tit Louis              Salut Black & Decker, à la revoyure. Albert, moi je vais dormir je passe en fin de

matinée pour l’apéritif.

 

M’sieur Albert range sa terrasse et entre dans son restaurant.

On entend des voix au loin (côté jardin)

 

Carton                  Allez Caddie avance ! T’as beau avoir 4 roues, qu’est-ce que t’es lente !

 

Caddie                  Oh dis Carton ! On se calme ! T’es content que c’est moi qui pousse tout !

 

Caddie et Carton apparaisse sur scène ; c’est un couple de clochard. Caddie est la femme qui ne se déplace jamais sans son caddie regorgeant d’objets glanés ici et là. Carton est l’homme qui ne se déplace jamais sans un grand carton plié.

 

Carton                  Ouaaais ! Mais c’est moi qui porte la maison ! On est le seul couple de la terre

de l’univers entier ouske c’est la femme qui conduit et l’homme qui s’occupe de la

maison, alors, couic, couic, couic !

 

Caddie                  T’as vu la maison que tu portes. Y a pas besoin de s’appeler particule pour y arriver.

 

Carton                  Particule, particule ? T’es bête toi. Le gars qui vient de Thènes (il l’a regarde et ne

                          réagit pas) sui qui est à Thènes,  il s’appelle pas particule mais Hercule. Même qu’il

a fait 12 travail. C’est pour ça qui s’appelle Hercule.

 

Caddie                  Ben toi t’en fous pas une alors c’est pour ça que tu peux t’appeler particule. Et

encore, je pourrai t’appeler minuscule !

 

Carton                  Rrooooh, tu m’énerves. Allez pousse ton cabriolet à barreaux, tu bouches le

passage !

 

M’sieur Albert sort de son restaurant.

 

M’sieur Albert         Ah vous voilà vous deux ! Je m’inquiétais de ne pas vous voir. Vous avez dormi où ?

 

Carton                  Mon p’tit Albert, on a dégoté un de ces endroits.

 

Caddie                  Ouais, on est peut-être des SDF mais pas des SQDI.

 

M’sieur Albert         C’est-à-dire ?

 

Caddie                  Des Sans Quekchose Dedans Ici ! Et c’est Carton qui a eu l’idée.

 

Carton                  Oui, M’sieur. A force d’entendre dire qu’on était sur la paille, hé,hé ! Et ben

maintenant, on peut le dire. Toutes les nuits on est sur la paille.

 

Caddie                  Et la paille c’est bien mieux que le bitume. Et en plus, c’est de la paille de 1er choix ;

de la paille précieuse, de la paille de luxe.

 

M’sieur Albert         Mais vous allez où ?

 

Carton                  On est dans les écuries de Vincennes.

 

Caddie                  Ah, ah ! Ca te laisse bouche C !

 

Carton                  Bouche B !

 

M’sieur Albert         Mais vous avez fait comment pour vous retrouver là-bas ? C’est gardé, c’est fermé ?

 

 

Caddie                  Ca c’est pas un problème. Avec Carton, une serrure sans clé s’ouvre aussi vite que

le clapet de la mère Pinson.

 

M’sieur Albert         Mais vous dormez où ?

 

Carton                  Ca dépend, chaque soir on choisi un box différent. Y en a tellement. On a un peu

l’impression d’avoir une chambre différente tous les soirs. Tiens cette nuit, on a

dormi avec Shéhérazade.

 

M’sieur Albert         Shéhérazade ?

 

Caddie                  Ouais, une belle jument brune ; elle nous a fait une petite place. Et même, elle nous

a laissé boire son eau. Ca nous changeait d’avoir de l’eau fraîche.

 

Carton                  Ouais, mais par contre je peux te dire que ces biscuits y sont pas bons ! Y sont durs

et y zont le goût du blé.

 

Caddie                  Et nous le blé on préfère qui soit dans la poche plutôt que dans la bouche !

 

M’sieur Albert         Vous avez l’intention de dormir toutes les nuits là-bas ?

 

Carton                  Tant que c’est possible on va pas dire non. Et puis on a pas encore fait tous les box.

 

Caddie                  On a encore toute l’écurie des pouliches qu’on a pas visitées.

 

M’sieur Albert         Je suis content si vous ayez trouvé un coin au chaud mais faites attention de ne pas

vous faire attraper. Vous auriez pu nous avertir, on vous cherchait. Même Helmut

m’a dit qu’il vous avait vu mais que vous n’étiez pas rentré au Canaillou.

 

Carton                  Oh tu sais dans la vie, faut se méfier des habitudes. Alors nous on en change

souvent. Et après les poules du Canaillou, place aux chevals de Vincennes.

 

M’sieur Albert         Vaux.

 

Caddie                  Mais non pas des veaux, des chevals.

 

M’sieur Albert         On dit des chevaux pas des chevals. Ce matin, j’ai l’impression de corriger tout le

monde.

 

Carton                  Albert, t’aurais pas vu Mario ce matin ?

 

M’sieur Albert         Si, si je l’ai vu. Vous prenez le taxi maintenant ?

 

Caddie                  Oh, il est bêêêête ! Pourquoi tu veux qu’on prenne un taxi alors qu’on a notre

voiture ?

 

Carton                  Notre voiture ! Non mais écoute-là ! T’en connais beaucoup toi de conducteur qui

pousse leur voiture toute la journée.

 

Caddie                  Oh hé Carton, ça va…avec la nôtre je te rappelle que l’essence nous coûte rien !

 

Carton                  Donc t’as vu Mario ce matin. Il t’as rien dit ?

 

M’sieur Albert         Dis quoi ? Il m’a dit bonjour…

 

Carton                  Pas ça…il a rien dit d’autre ?

 

M’sieur Albert         Non, rien. Ah si, il m’a parlé de ses courses de chevaux comme d’habitude ; mais là

il semblerait qu’il soit sur un coup. Il aurait des tuyaux mais il n’a pas voulu m’en

dire plus.

 

Carton                  Ah ben c’est bien.

 

Caddie                  Ouais, c’est très bien même…quand on a des tuyaux on en parle pas, sauf quand on

est plombier !

 

M’sieur Albert         Qu’est-ce que vous racontez ? Vous, vous manigancez quelque chose…

Vous préparez un mauvais coup ?

 

Carton                  C’est pas le genre de la maison.

 

Caddie                  Ah non ! On est pas des nuls. Nous, quand on fait coup, eh ben il est pas mauvais,

il est bon.

 

Carton                  Y t’as dit quand il repassait par là ?

 

M’sieur Albert         Non mais j’imagine qu’il sera là en fin de matinée comme d’habitude.

 

Carton                  Parfait ! On repassera tout à l’heure pour lui dire bonjour.

 

Caddie                  Ouais, on lui dira bonjour mais pas que ça !

 

Carton                  Tais-toi caddie. Bon, mets le contact on va bouger de là. Eh ouais, mon p’tit Albert

dans les affaires, le secret c’est la mobilité, la mobilité !

 

Caddie                  Qu’est-ce tu parles bien Carton. Alors on fait k’esque tu dis, on mobile !

 

Caddie et Carton s’en vont et Mélissa sort de la maison et se dirige vers le restaurant.

 

Mélissa                 Bonjour Monsieur Albert, vous allez bien ce matin ?

 

M’sieur Albert         Bonjour Mélissa. J’allais très bien mais depuis que vous êtes sur ma terrasse je ne

peux pas aller mieux.

 

Mélissa                 Vous êtes un sacré flatteur. Je prendrai volontiers…heu….qu’est-ce que je vais

prendre.

 

M’sieur Albert         Un coca ?

 

Mélissa                 Oh ben oui, un coca mais un zéro.

 

M’sieur Albert         Un zéro ! Vous n’allez pas me dire que vous faites attention à votre ligne. Vous êtes

superbe !

 

 

 

Mélissa                 Vous continuez vos flatteries. Il ne faut jamais relâcher son attention sur la balance.

Elle a vite fait d’augmenter. Comme disait ma grand-mère, si tu oublies les calories,

les calories ne t’oublient pas !

 

M’sieur Albert         Vous avez de la marge, si vous continuez comme cela, vous n’aurez plus une ligne

mais un traitillé !

Vous me parlez de votre grand-mère, la mienne disait on a beau dire jambon à l’os

mais dans le jambon à l’os ce qui nous intéresse c’est la viande pas l’os !

 

Mélissa                 C’est charmant mais si je pouvais éviter que l’on pense à des jambons quand on me

regarde !

 

M’sieur Albert         (rires)  Rassurez-vous vous en êtes loin ! Et un Coca pour la petite Mélissa, un !

 

Lucienne Pinson sort de sa maison apparemment énervée et scrute autour de la maison et en direction du Parisien.

 

Lucienne               Ah ! Elle est là-bas !

 

Elle se dirirge vers le Parisien. Mélissa en la voyant arriver…

 

Mélissa                 Oh, oh…qu’est-ce que j’ai encore fait ?

 

Lucienne               Je vous ai trouvé !

 

Mélissa                 Vous me cherchiez ?

 

Lucienne               Oui, je suis allé frapper à votre porte mais je n’ai pas eu de réponse.

 

Mélissa                 Forcément, si je suis ici…vous aviez quelque chose à me demander ?

 

Lucienne               Oui, ce matin en passant par hasard devant la buanderie…

 

Mélissa                 Chère Lucienne, c’est impressionnant ce que le hasard chez vous fait bien les

choses. Je me demande d’ailleurs si le protecteur des concierges ne s’appelle pas

St-Hasard.

 

Lucienne               Vous dites ça pour….

 

Mélissa                 Oh, je dis ça comme ça, alors… ?

 

Lucienne               Donc, je passais par hasard devant la buanderie, j’y suis entrée et là qu’est-ce que

je vois ?

 

Mélissa                 Ma lessive qui sèche ! Dingue non ?

 

Lucienne               En effet, complètement dingue ! Vous n’avez pas honte ?

 

Mélissa                 Honte ? Honte de quoi ? Ma lessive sèche c’est tout !

 

Lucienne               C’est tout ? Mais vous devriez avoir honte de mettre de telles horreurs dans la

buanderie !

 

M’sieur Albert         (de moins en moins fort) Et un Coca pour la jolie Mélissa, un coca pour…

Rebonjour M’dame Pinson, ça va… ?

 

Lucienne               Oui, oui ça va. On va pas se redire re-re-re-rebonjour toute la journée ?!

 

M’sieur Albert         Hein, non ben on se dira bonsoir ce soir !

 

Mélissa                 Madame Pinson était entrain de me parler de ma honteuse lessive.

 

Lucienne               Et comment ! Alors que nous avons des familles dans la maison, exposer de la sorte

vos petites affaires, c’est honteux !

 

Mélissa                 Mais je ne vois pas ce qu’il y a de honteux à suspendre son linge dans la

buanderie ?

 

Lucienne               Le linge non mais pas vos machins, vos trucs de fille facile !

 

M’sieur Albert         Oh là, vous allez fort là !

 

Lucienne               Oh vous ! Evidemment, je vous imagine déjà baver devant ses objets digne de

Sodome et Gomorrhe ! D’ailleurs je me demande pourquoi vous les étendez, il y a

tellement peu de tissu qu’ils sont secs à peine sortis de la machine ! La buanderie

n’est pas faite pour y étaler ses strings et autres pièges à mâles dévergondés !

 

Mélissa                 Ah, c’est ça ! Mes strings ! Je comprends, en effet quelle honte d’exposer de

tels vêtements portés par plus des trois-quarts des femmes.

 

Lucienne               Sûrement pas par moi !

 

M’sieur Albert         Ah ça, on s’en serait douté ! Vous n’avez pas une tête à mettre des strings.

 

Mélissa                 Non, ni la tête, ni autre chose !

 

Lucienne               Mais dites-donc, je n’ai pas besoin de ça pour plaire. C’est n’est pas avec une ficelle

entre les fesses que l’on intéresse les hommes intelligents.

 

Mélissa                 Vous pensez que l’on a plus de succès avec des culottes en cotons remontées

jusqu’au nombril ?

 

Lucienne               Vous êtes une impertinente ! Je ne vais pas me fatiguer à vous éduquer, c’est perdu d’avance ! A l’avenir, je vous remercie de faire sécher vos ficelles dans votre appartement.

 

M’sieur Albert         Sacrée M’dame Lucienne. Si on ne vous avait pas, eh bien on vous inventerait pas !

 

On entend La Bulle chanter au loin…

 

Lucienne               Et voilà notre Mata Hari qui se réveille, manquait plus que ça !

 

M’sieur Albert         Oui, il ne manquait plus qu’elle pour que le quartier au complet soit réveillé.

 

Lucienne               Je vous laisse, ces indécentes vocalises sont trop pénibles pour mes oreilles.

 

Mélissa                 Au revoir Madame Pinson, ce fut un plaisir…

 

M’sieur Albert         Ne faites pas attention à elle. Au fond elle n’est pas méchante mais sa vie est un peu monotone, elle n’a que ses locataires et puis faut bien dire que ses principes sont un peu d’un autre temps.

 

Mélissa                 Oui peut-être, mais sa manière de juger est tellement intolérante. Franchement Monsieur Albert, vous seriez choqué de tomber sur ma lessive ?

 

M’sieur Albert         Hein ? Heu…moi…non, non, non je crois pas. Choqué, c’est pas le terme…

Ainsi va la vie, la mode change et heureusement. Quand j’y pense, à l’époque il fallait écarter la culotte pour voir les fesses et maintenant faut écarter les fesses pour voir la culotte !

 

Mélissa                 Votre femme serait contente de vous entendre !

 

M’sieur Albert         Pour qu’elle m’entende, faudrait déjà qu’elle arrête de parler pour que je puisse placer un mot !

 

On entend à nouveau La Bulle chanter de manière plus proche. Helmut continue ses rangements; elle

murmure « Padam,Padam »

 

Helmut                 Ah ! Voilà notre star. Vous allez voir, c’est quelqu’un !

 

La Bulle entre dans le cabaret en jouant la vedette avec légèreté. Elle a un geste tendre envers Helmut.

 

La Bulle                 Guten Morgen mein Helmuteli, déjà debout?

 

Helmut                 Guten Morgen Frau La Bulle ; eh oui déjà debout. Il faut bien que quelqu’un remette au propre l’outil de travail. Pour que La Bulle pétille, Helmut astique.

 

La Bulle                 Quelle soirée ! Un succès total. Tous à mes genoux criant des bravos, encore, une autre ! Tu as vu Helmut ?

 

Helmut                   Ja, ja…ich habe gesehen.

 

La Bulle                 Et toi qui courait de table en table pour servir les clients assoiffés. Tu as eu une sacrée idée en éteignant la climatisation vers minuit ; le nombre de boissons qui sortaient du bar…

 

Helmut                 Mhmm, je vais refaire les stocks. Y a du monde qui est déjà là pour toi.

 

La Bulle se remet à chanter en déambulant dans le Canaillou.

 

La Bulle                 Ohhh, je me présente, Natalia Chichkine, je suis russe mais je vis à Paris depuis vingt ans. Mon nom de scène est La Bulle ! Une artiste tout en légèreté que l’on croit légère.

Tous les soirs je me produis ici au Canaillou, mon Olympia à moi. La clientèle n’est pas toujours distinguée mais ce n’est pas grave, peu importe de quelle poche sortent les portemonnaies, l’essentiel est qu’ils en sortent !

 

Bon, alors voir si le quartier est en forme. J’adore ce quartier. Il est vivant, typiquement parisien avec sa vie locale comme dans un village. Et puis les habitants sont charmants, enfin presque tous. Il y a juste Sainte Lucienne qui juge tout le monde. Elle passe sont temps à balayer partout mais elle a tendance à oublier le devant de sa porte !

 

La Bulle                 Bonjour Miss Mélissa, toujours aussi fraîche.

 

Mélissa                 Bonjour Natalia.

 

La Bulle                 Pas Natalia, La Bulle ! Ici je suis La Bulle !

 

Mélissa                 Pardon, La Bulle.

 

La Bulle                 Alors, tes études de bibliothécaire ça avance ?

 

Mélissa                 Oui, pas toujours facile mais enthousiasmantes.

Aujourd’hui, j’ai un cours sur la littérature française, la plus belle. On va être plongé dans des milliers de livres.

 

La Bulle                 Les livres, les livres…quand j’étais jeune les seuls livres que l’on avait le droit de lire étaient ceux promus par le Kremlin. Et aujourd’hui, les seules livres que je connaisse sont celles que j’ai en trop sur mes hanches !

 

Mélissa                 Vous n’avez jamais eu envie d’étudier ?

 

La Bulle                 Ce n’était pas la priorité. Il fallait gagner sa vie alors on allait à l’usine. Tu as la chance d’être née en France, vous êtes une démocratie qui pousse les gens à devenir plus intelligents pas des soldats à la merci du gouvernement. Heureusement, j’ai très vite su que la chanson serait ma vie et qu’elle me permettrait de quitter l’URSS. Je suis née avec le chant dans le sang dans un pays où beaucoup de sang a coulé dans les champs.

 

Mélissa                 Vous avez raison, on a tendance à oublier que l’on est des privilégiés et à ne mettre en avant que nos petits soucis du quotidien.

 

M’sieur Albert débarque sur la terrasse.

 

M’sieur Albert         Quel bonheur ! Les deux plus belles sur ma terrasse. Alors La Bulle, la forme ce matin ?

 

La Bulle                 Oui, enfin comme tous les matins. Une fois que le brouillard dans ma tête se sera dissipé, ce sera parfait.

 

M’sieur Albert         Veux-tu prendre quelque chose ?

 

La Bulle                 Oui, ma petite tisane de réglisse ; elle me fait du bien à la voix.

Oh Albert ! Est-ce que Mario a passé ce matin ?

 

M’sieur Albert         Toi aussi, mais qu’est-ce que vous avez tous à chercher Mario ce matin ?

 

La Bulle                 Rien de spécial, on a juste une petite affaire en cours.

 

M’sieur Albert         C’est bien ce que je dis, vous êtes tous à vouloir le rencontrer.

 

La Bulle                 Tous ?

 

M’sieur Albert         Oui, enfin P’tit Louis, Caddie et Carton. J’ai l’impression que quelque chose se trame avec les courses.

 

La Bulle                 Ah oui…peut-être…

 

M’sieur Albert part préparer la tisane

 

Mélissa                 Vous jouez aux courses vous ?

 

La Bulle                 Jamais, mais là c’est différent mais tu gardes pour toi ce que je vais te dire.

 

Mélissa                 Promis !

 

La Bulle                 L’autre soir, Mario le chauffeur de taxi m’a glissé à l’oreille qu’il avait des informations infaillibles sur un cheval qui doit bientôt courir.

Alors, je me suis dit si je gagne un beau montant, je pourrai peut-être racheter le Canaillou et assurer mon avenir.

 

Mélissa                 C’est ce que je vous souhaite mais c’est un peu hasardeux de construire son avenir sur le jeu.

 

La Bulle                 C’est une méthode comme une autre. Toi par exemple, tu te lances dans des études mais quelles sont tes garanties de trouver un travail après ?

 

Mélissa                 Si elles sont peut-être minces, elles sont quand même plus importantes que pour quelqu’un qui n’a rien fait. Regardez Caddie et Carton, leur vie n’est pas très joyeuse.

 

La Bulle                 C’est vrai que c’est un bon exemple mais peut-être sont-ils heureux comme cela ? Tu sais, je pense qu’ils sont moins bêtes qu’ils en ont l’air. Ils ne sont peut-être pas cultivés mais ils sont sûrement plus malins que toi et moi.

 

Mélissa                 Peut-être. Mais on doit pouvoir offrir à tous les jeunes la possibilité d’étudier. Je vois dans mon université, j’ai des camarades qui viennent de tous les milieux. Malheureusement, on voit tout de suite qui vient des beaux quartiers et qui vient des banlieues.

 

M’sieur Albert         Voilà ta tisane La Bulle.

 

On entend de la musique rap diffusée au loin et un groupe de jeunes arrive sur scène avec un transistor.

 

M’sieur Albert         Salut les jeunes.

 

Aziz                     Salut mon frère ! T’entends ça c’est de la balle !

 

M’sieur Albert         J’entends, j’entends comme tout le quartier, baisse un peu le son que l’on s’entende parler.

 

Aziz                     Y a pas de malaise vieux. Eh ! Fredo coupe la zicmu, y a les sonotones du quartier qui saturent.

 

Mélissa                 Merci.

 

Aziz                     Mais maintenant c’est mortel ici. Même au Père Lachaise c’est plus vivant !

La Bulle, c’est quand qu’on se fait un trip de zic ensemble , ce serait de la balle avec La Bulle.

 

La Bulle                 Je ne sais pas si nos univers sont faits pour s’entendre, mais pourquoi pas une fois.

 

Fredo                   M’sieur Albert, z’avez pas vu les gosses des blindés de Neuilly ?

 

Mélissa                 Les blindés ?

 

M’sieur Albert         Ca veut dire les gosses de riche. Non pas encore ! Vous avez rencard ici ?

 

Fredo                   Yo, y a qu’ici où on vénère pas, ailleurs on se fait jarter.

 

Aziz                     C’est nos frelots y a juste qu’eux y sont de la tune dans l’froc.

 

La Bulle                 Alors la future bibliothécaire, tu suis ?

 

Mélissa                 J’avoue que ça me change de Baudelaire ou Dumas mais la langue française s’est souvent enrichie du langage de la rue.

 

Fredo                   Ah ouais ! Ben la rue elle s’enrichit pas tout court ! La rue nourrit la France mais la France ne nourrit pas la rue.

 

M’sieur Albert         Et bien bravo, tu viens de philosopher sans le vouloir ! Alors vous avez rendez-vous avec les jeunes de Neuilly ici ? Pour faire quoi ?

 

Aziz                     Faut pas flipper M’sieur Albert, y a kedal entre nous. On veut juste se faire un trip chez toi.

 

Un groupe de jeunes de Neuilly débarque à jardin

 

Guillaume-Olivier      Bonjour Monsieur Albert ? Comment allez-vous ?

 

M’sieur Albert         Bonjour Guillaume-Olivier, très bien et toi ?

 

Guillaume-Olivier      Très bien, je vous remercie.

 

Ziza                       Guillaume-Olivier, ah le nom. Pourquoi tes vieux y sont mit Olivier après Guillaume, il était déjà pas assez long?

 

Guillaume-Olivier      Guillaume était le prénom de mon grand-père et Olivier celui de mon arrière grand-père.

 

Aziz                     Si mon daron ou ma daronne avaient eu le même délire je m’appellerai Abdel-Soufiane-Mamhoud-Youcef-Bassim-Adib-Djafar-Bouzid. Ma carte d’identité, elle se serait une affiche !

 

Vincent-Edouard     Bien très chers Yos, nous avons répété toute la semaine pour cette rencontre dans la propriété de Maximilien.

 

Ziza                     Cool, nous aussi on a kiffé tous les soirs dans la cave d’Aziz.

 

Mélissa                 Je dois vous laisser, j’ai cours. J’espère que je vous entendrai à une autre occasion.

 

Vincent-Edouard     Nous sommes prêts pour vous montrer que la créativité ne correspond pas nécessairement au nombre de comptes en banque que l’on peut avoir.

 

La Bulle                 J’ai hâte de découvrir vos talents.

 

Fredo                   Zyva mes frères !

 

Chant (un ou plusieurs) des jeunes de Neuilly

 

Aziz                     Pas mal les chèques à deux pattes ; tu vas voir que la rue et les cités sont capables d’assurer aussi.

 

Fredo                   Yes, vous vous économisez votre argent mais nous on économise pas nos efforts.

 

Chant (un ou plusieurs) des jeunes de la rue

 

M’sieur Albert         Bravo les jeunes ! Ce n’est peut-être pas du goût de tout le monde mais vous avez le mérite d’avoir une passion et de la vivre.

 

La Bulle                 Oui, félicitations ! Ca me rappelle mes débuts lorsque je chantais tous les styles de musiques.

 

Guillaume-Olivier      Madame La Bulle vous feriez-nous l’honneur de participer à nos joutes musicales ? Ce serait une joie de vous entendre.

 

Ziza                     D’enfer ! Oh oui, La Bulle à vous.

 

La Bulle                 Je ne sais pas, il est encore tôt !

 

Aziz                     Y a pas d’heures pour s’éclater !

 

Fredo                   Allez La Bulle, déroule ta zicmu !

 

M’sieur Albert         N’insistez pas. Vous savez La Bulle est une artiste nocturne.

 

Vincent-Edouard     C’est regrettable, nous aurions apprécié entendre votre belle voix. Ce n’est pas tous les jours que nous pouvons bénéficier d’un concert privé.

 

La Bulle                 Bon d’accord mais alors silence. Je vais vous interpréter l’un de mes standards repris du répertoire de la môme Piaf.

 

Ziza                     Trop cool ! Je kiffe !

 

Guillaume-Olivier      Chuut !

 

La Bulle se met en voix, et avec un grand professionnalisme se métamorphose en vedette et joue avec

ses spectateurs. Dès les premières notes, plusieurs personnes du quartier (le chœur) rejoignent la

terrasse, Helmut réapparaît dans le Canaillou, même M’dame Lucienne se met à sa fenêtre.

A l’issue du chant…

Tout le monde       Bravo ! (sifflets), encore !

 

La Bulle                 Merci.

 

M’sieur Albert         Magnifique La Bulle ! Grâce à vous, le répertoire n’est pas prêt de sombrer dans l’oubli.

 

Aziz                     J’en ai la chair de keuf !

 

Ziza                     Yo, la Bulle c’est vraiment d’la balle !

 

La Bulle                 Vous êtes adorables ; c’est vrai c’était pas mal…

 

Vincent-Edouard     Mieux que çela, vous étiez divine !

 

La Bulle                 Tu es chou toi (petite caresse et elle l’embrasse).

 

Tous les jeunes      (sifflets), houhou….

 

Fredo                   Le narvei ! T’as l’tiquet le bourge !

 

Helmut                 La Bulle a encore frappé ! Quelle artiste !

 

M’sieur Albert         Quel succès La Bulle, regardez même M’dame Lucienne est à sa fenêtre.

Alors M’dame Lucienne, on apprécie !

 

Lucienne               Mouais, j’ai passé par…

 

M’sieur Albert         …hasard…

 

Lucienne               Mhmm…devant ma fenêtre et je n’avais pas d’autre choix que d’écouter ! Dommage que La Bulle n’ait pas la classe de Piaf. Quel gâchis !

 

M’sieur Albert         Bon les jeunes, c’est pas tout ça mais moi j’ai du boulot. Bravo à tout le monde et n’hésitez pas à revenir un de ces quatre.

 

Aziz                     Merci M’sieur Albert ! Vous au moins, z’êtes avec nous.

 

Guillaume-Olivier      Oui, ils sont rares les adultes qui comprennent les jeunes et surtout qui ne font pas de différences selon les origines.

 

Lucienne               Qu’est-ce qui faut pas entendre ! Pas faire la différence !

Non mais regardez-les ! Les extrêmes de la société, le fer blanc et le platine.

Et puis qu’est-ce vous faites dehors alors que vous devriez être en cours.

 

Fredo                   Oh là, miss plumeau ! On s’calme, c’est vous qui avez besoin d’être dépoussiérée !

 

La Bulle                 Cher public, La Bulle doit aller se reposer afin d’être en forme pour son futur triomphe…

 

La Bulle repart au Canaillou.

 

Vincent-Edouard     Chers amis, si nous allions au café de Flore à St-Germain ?

Guillaume-Olivier      Excellente idée, je crois qu’aujourd’hui ils font un café littéraire.

 

Aziz                     Nous, on va retourner au 9-3 pour un café instantané.

 

Chant(s) du chœur

 

Mario arrive devant le Parisien et se déplace à l’angle du bâtiment de M’dame Lucienne.

 

Mario                   Aaah, tutti va bene oggi. C’est le grand jour, la course de ma vita. J’espère que tout va se passer comme prévu. Ma où ils sont les zigotos ? Il est l’heure…

 

M’dame Lucienne sort de chez elle en secouant une patte à poussière.

 

Lucienne               Ben qu’est-ce que vous faites là ? Vous avez un de mes locataires à prendre ?

 

Mario                   Buongiorno signora, eh no. J’ai juste un rendez-vous.

 

Lucienne               Devant ma fenêtre ? Qu’est-ce que vous traficotez pour faire vos rendez-vous ici ?

 

Mario                   Je ne traficote rien de spécial, c’est juste que je cherche le calme pour mon rendez-vous, capito ?

 

Lucienne               Oui, oui, je capite, je capite ; je capite surtout que je trouve ça louche que vous vous cachiez comme ça.

 

Mario                   Ma no, je ne me cache pas, y a rien de louche, je veux juste pas que tout le quartier participe à mes honnêtes affaires.

 

Lucienne               Mhmm, honnêtes affaires. Vous avez vraiment une tête à faire des affaires honnêtes.

 

Mario                   Signora Lucienne, je veux juste pouvoir parler tranquillement. Alors merci de ne rien dire. La prochaine volta que vous devez prendre le taxi, c’est pour moi.

 

Lucienne               Vous avez de la chance que je sois une femme compréhensive.

 

Mario                   Si.

 

Lucienne               Un exemple de discrétion…

 

Mario                   Oh si !

 

Lucienne               Que je n’ai pas pour habitude de me mêler des affaires des autres.

 

Mario                   Oh là, si.

 

Lucienne               La course que vous m’offrez, c’est n’importe où ?

 

Mario                   Si, ma pas jusqu’à Marseille ? A Paris

 

Lucienne               Qu’est-ce que vous voulez que j’aille faire à Marseille, il y fait bien trop chaud et moi avec la chaleur, j’ai les chevilles qui gonflent.

 

Mario                   Seulement avec la chaleur ? Non, je rigole…

Je vous transporterai gratuitement n’importe où à Paris.

 

Lucienne               Bon, d’accord. Mais faites attention à mes plantes, vous ne me les abîmez pas.

 

Mario                   No, no.

 

Lucienne               Et puis vous restez dehors, je ne veux pas de bruit dans le couloir.

 

Mario                   Bien sûr…

 

Lucienne retourne chez elle, on entend Caddie & Carton au loin (jardin).

 

Carton                  Oh Caddie, t’as la première qui est coincée ? Avance…

 

Caddie                  Mais arrête de toujours crier ! Si t’es pas content t’as qu’à l’pousser toi-même !

 

Carton                  C’est comme ça que tu me remercies ? Toi qui a toujours voulu un véhicule, je me suis saigné pour celui-là.

 

Caddie                  Tu t’es saigné, n’importe quoi ! Je te rappelle que le caddie c’est le seul véhicule à deux euros et même que les deux euros y sont toujours dedans. Alors si tu veux aller plus vite t’as qu’à le prendre.

 

Carton                  Roooh, donne-le moi et tiens la maison et fais gaffe avec, on a pas encore les moyens de la rénover.

 

Carton pousse avec difficulté le caddie.

 

Caddie                  Ah tu vois, c’est pas facile ! Tu crois toujours que je fais xprès !

 

Carton                  Tu me l’as tout déglingué ! Regarde, y a une roue qui fait le DSK.

 

Caddie                  Qu’est-ce que tu racontes ?

 

Carton                  Ben ouais, elle va à gauche !

 

Caddie                  Ca fait une semaine que je te dis que cette roue elle va pas ouske les autres vont. Mais Msieur Carton il est comme tous les hommes, il écoute pas. Il dit tout le temps qui va le faire mais il le fait jamais parce que il a toujours autre chose à faire que pour lui mais pas pour les autres alors les autres et ben ils doivent attendrent que l’autre y fait la chose qu’on a demandé après qu’il a fait toutes les choses pour lui alors forcément la chose qui devait être faite avant les autres choses qu’il a fait et ben elle est plus grande à faire parce que pendant tout le temps qu’il a fait les autres choses, ben la chose elle a encore plus cassé alors c’est pire qu’avant et plus personne veut faire quelque chose, voilà !

 

Carton                  Ben tu vois là j’ai écouté et je sais encore plus pourquoi j’écoute pas plus.

 

Mario au coin de l’immeuble leur fait signe.

 

Mario                   Pssst ! Psssst ! Hé, je suis là.

 

Caddie                  Hé, y a riavoli qui nous appelle.

 

Mario                   Venite qui !

 

Caddie                  Allez carton pousse ! Pousse !

 

Carton                  Oh ça va, c’est facile à dire maintenant que t’as que ça à porter !

 

Caddie                  C’est pas que ça, c’est toute la maison, et na !

 

M’dame Lucienne passe par hasard devant sa fenêtre ; elle tire le rideau et écoute discrètement.

 

Mario                   Silenzio ! Tout le quartier va vous entendre ! Allora, tutti va bene pour notre affaire ?

 

Carton                  Mais oui, t’inquiète le romain. Tout est ok, on est sûr de notre coup.

 

Caddie                  Ca oui, on a jamais été aussi sûr que ça et tu peux nous croire la Jeanne d’Arc elle va gagner le gros lot.

 

Mario                   Chuut ! Santa madonna moins fort, quelqu’un pourrait nous entendre.

 

Carton                  T’inquiète canneloni, même si quelqu’un nous écoute avec nos têtes il nous croira pas.

 

Mario                   J’espère que vous avez raison parce que j’ai tout misé sur cette course. J’ai même encouragé pas mal de personnes à me suivre pour faire gonfler les paris.

 

Caddie                  Ah oui, mais faut faire attention parce que si ça gonfle trop ça peut péter !

 

Mario                   Miei amici, si je gagne je vous promets que je vous donnerai quelque chose.

 

Carton                  C’est gentil mais faut jamais promettre ce qu’on peut pas tenir.

 

Caddie                  Ah ça, Carton y sait de quoi il parle, il promet jamais rien comme ça il fait rien.

 

Mario                   D’accordo mais si ça marche avec Jeanne d’Arc, je sens que ma vie sera flamboyante. Dès demain je serai super Mario !

 

Carton                  On se calme tortellini ! On garde la tête froide, tant que l’arrivée n’a pas été franchie, c’est pas gagné.

 

Caddie                  Non, d’ailleurs on dit « Faut pas mettre la peau de l’ours avant d’avoir tué les bœufs ».

 

Carton                  Mais qu’est-ce que tu racontes Caddie ? Tu mélanges tout, c’est la charrue qui faut pas mettre. Toi t’as pas inventé le fil à couper l’eau chaude !

 

Caddie                  Roooh, tout le monde peut se tromper ! Faut pas mettre la charrue avant l’ours sinon…

 

Mario                   Ca va, j’ai compris. Allora, c’est à 20 heures la course, non ?

 

Carton                  Ouais, ouais c’est ça.

 

Mario                   Encore quelques heures avant la fortune.

 

Carton                  Piano, piano comme dit Steinway. On va repartir chouchouter notre candidate et on se revoit demain si tout va bien.

 

Mario                   Si, si, claro qu’on va se revoir pour boire le champagne ! Je vous laisse partir en premier, ce serait louche que l’on nous voie ensemble.

 

Mario reste sur place et consulte ses papiers pour la course.

 

Carton                  Allez Caddie, on décolle !

 

Caddie                  Déjà que ça roule pas comment veux-tu que j’arrive à le faire voler !

 

Carton                  Je te jure t’es un cas perdu !

 

Caddie et Carton se déplace jusqu’au centre.

 

Caddie                  Carton ?

 

Carton                  Mouais ?

 

Caddie                  Il y a un truc que je comprends pas.

 

Carton                  S’il y en avait qu’un Caddie.

 

Caddie                  Oh ça va, j’ai fais tout comme tu m’as dit avec Mario mais pourquoi on lui dit que c’est Jeanne d’Arc qui va gagner alors qu’on sait qu’elle boîte et que tous les jokers…

 

Carton                  Jockeys…

 

Caddie                  C’est qu’est-ce que j’ai dis, tous les jokers disent que c’est Shéhérazade qui va gagner.

 

Carton                  Je te l’ai déjà expliqué. Si tout le monde parie sur un cheval et qu’il gagne, ça fait plein de gagnant. Tandis que si beaucoup d’argent est parié mais que c’est un cheval qui a moins de pari qui gagne, ceux qui auront parié sur celui-là et bien ils gagneront plus d’argent. Ils gagneront l’argent qui aura été misé sur l’autre cheval que les gens pensaient voir gagner. C’est clair non ?

 

Caddie                  Je suis pas sûr d’avoir tout compris. Si on dit à tout le monde de parier sur un perdant, ils vont perdre non ?

 

Carton                  Ben tu vois, tu as tout compris.

 

Caddie                  Mais pourquoi on les fait perdre ?

 

Carton                  Pour que ce soit nous qui gagnons.

 

Caddie                  Alors nous on va pas parier ce qu’on dit aux gens de parier ?

Carton                  C’est ça Caddie. Pour une fois, ça a pris le chemin le plus court dans ton cerveau !

 

Caddie                  Ca veut dire qu’on va ramasser l’argent que les autres ont parié ?

 

Carton                  Là, je crois que t’as tout compris Caddie. Notre vie va changer, fini les trottoirs, les bouches de métro et les fonds de poubelles. A nous le restaurant, un lit, une salle de bain et tout le reste.

 

Caddie                  Dis, tu m’achèteras un caddie à moteur ?

 

Carton                  Mais oui, mais oui, tout ce que tu voudras. T’auras des belles robes, des jolies chaussures, tu pourras te maquiller. Tu seras tout transformée. On dira voilà la belle de Caddie !

Bon, faut pas traîner je te rappelle qu’on a encore six quartiers à visiter pour que les paris aillent sur Jeanne d’Arc.

 

Caddie                  Oh, t’es sacrément intelligent. Tu sais quoi Carton, on dirait que t’as fait l’université de Bristol. Des fois je me demande ce que tu fais avec moi.

 

Carton                  Ouais, des fois je me pose aussi la question. Allez hue Caddie, hue !

 

Caddie et Carton disparaisse à cour. Mario sort du restaurant et s’installe sur la terrasse.

 

Mario                   Magnifico ! Il faut que je profite de mes dernières heures de chauffeur de taxi. Dès demain, je serai patron de ma compagnie. Taxi Mario, andiamo subbito !

 

Lucienne sort de chez elle ou se met à sa fenêtre et apostrophe Mario

 

Lucienne               Monsieur Mario, venez par là.

 

Mario                   Si Signora Lucienne.

 

Lucienne               Dites donc, c’est quoi cette histoire d’avenir flamboyant super Mario ? C’est qui cette Jeanne d’Arc ?

 

Mario                   Vous avez entendu ? Vous avez écouté ?

 

Lucienne               J’étais par hasard tout près de la fenêtre, alors ? Cette Jeanne d’Arc ?

 

Mario                   Come ? Vous une française vous ne connaissez pas Jeanne d’Arc ? Cette femme qui habillée en homme a battu les inglese ?

 

Lucienne               Celle-là je la connais mais je parle de celle qui est censée vous faire changer de vie.

 

Mario                   Rien d’importante ! Juste une petite affaire avec mes amis.

 

Lucienne               Caddie et Carton vos amis, bien sûr. Je suis peut-être concierge mais croyez-moi comme catholique je suis plus cierge que con ! Vous n’auriez pas un filon sur une course par hasard ? Tout le monde sait que vous jouez au tiercé.

 

Mario                   C'est-à-dire qué…

 

Lucienne               Dites-donc mon petit Mario, ce serait gênant que tous nos amis du quartier apprennent par hasard le nom du cheval qui va gagner la course sans parler de tous les clients du Parisien. Les brèves de comptoir circulent vites. Je suis quelqu’un de discret mais par inadvertance c’est vite fait de dire un mot de trop…

 

Mario                   Signora Lucienne, vous n’allez pas…

 

Lucienne               Si…

 

Mario                   No…

 

Lucienne               Si…

 

Mario                   Ma, peut-être que l’on peut s’arranger.

 

Lucienne               Sûrement même, disons qu’en l’honneur de notre longue amitié, vous allez me faire une petite confidence.

 

Mario                   Si, une petite…

 

Lucienne devient très amicale et très proche…

 

Lucienne               Alors dans quelle course la gentille Lucienne doit miser ?

 

Mario                   La 5ème à Vincennes…

 

Lucienne               C’est bien Mario, et comment il s’appelle ce petit canasson qui va galoper très très vite.

 

Mario                   Si chiama, Jeanne d’Arc.

 

Lucienne               Jeanne d’arc ? Curieux, ce n’est pas tellement un nom de gagnante !

 

Mario                   Si, ma là c’est différent, elle va pfffouiiiit !

 

Lucienne               Pfffouiiit ? Et ben elle a intérêt de pfouiter parce que sinon le Mario il va savoir comment je m’appelle ; je vais même le pfouetter !

 

Mario                   Ca come je m’appelle, je le sais déjà. Je peux vous assurer qu’elle va gagner. Comme chauffeur de taxi, j’ai l’habitude des courses non ?

 

Lucienne               On fait pas le malin le Mario. Bon c’est pas tout ça mais j’ai de l’argent à miser et une course à voir. Merci mon p’tit Mario, c’était un plaisir.

 

Mario                   Prego, le plaisir est per mio.

 

Lucienne rentre rapidement chez elle se préparer pour aller au champ de courses.

 

Mario                   D’imaginer que cette femme va gagner de l’argent grâce à moi. Stupido Mario !

 

Mario va au Canaillou retrouver La Bulle

 

Mario                   La Bulle ? Vous êtes là La Bulle ?

Helmut sort de l’office

 

Helmut                 Bonjour Mario ; La Bulle est dans son bain, elle se démultiplie.

 

Mario                   No capisco ?

 

Helmut                 Elle fait des bulles !

 

Mario                   Ah si, je dois la voir pour discuter d’une petite affaire.

 

Helmut                   Ja, mais personne ne va déranger La Bulle quand elle est dans son bain.

 

Mario                   Et ça dure combien de temps ?

 

Helmut                 Parfois quand elle sort elle a pris 20ans, elle est toute frippée. Mais je vais aller l’avertir.

 

Mario                   Grazie, je vais attendre là.

 

Helmut                 Juste une question Mario. Cette petite affaire est-ce que c’est la course de Jeanne d’Arc ?

 

Mario                   Ma, vous êtes aussi au courant ?

 

Helmut                 Ja, ce matin j’étais au Parisien quand klein Louis en a parlé.

 

Mario                   Ah, heu oui, oui c’est ça. Mais il y a beaucoup de monde qui en a entendu parlé ?

 

Helmut                 Nein, nein nous étions seulement les trois.

 

Mario                     Tant mieux, il ne faudrait pas que nous soyons tout de même trop à parier sur elle, les montants diminueraient.

 

Helmut                 Et vous êtes sûr que c’est elle qui va gagner ?

 

Mario                   Une certitude. Mes contacts sont en permanence avec elle et ils la suivent de très, très près.

 

Helmut                 Vous savez les certitudes ne sont pas toujours sûrs. Aujourd’hui en Allemagne on se méfie des certitudes.

 

Mario                   Si, je comprends mais regardez la liste des partants, aucun n’a jamais gagné.

Par exemple « Royal Pepper » lui il éternue pendant qu’il coure, « Blue satin » il glisse tout le temps, « Mont St-Michel » il est toujours sous l’eau, « Tableau de maître » lui c’est une vieille croûte de cavallo, « Trou normand » lui c’est j’y vais, j’y vais pas, je cours, je cours pas ; No, Jeanne d’Arc n’a pas de concurrence, croyez-moi.

 

Helmut                 Là je vois encore Shéhérazade…

 

Mario                   Totalement inconnue. Ma, y paraît qu’elle fait que la belle dans le paddock, aucune volta.

 

Helmut                 Dommage, ça me rappelle une danseuse d’un cabaret à Berlin. Elle avait un numéro de danse sur un tapis volant. Tous les hommes la regardaient en l’air en imaginant pouvoir partager son tapis. Mais aucune chance, elle détestait les carpettes.

 

Mario                   Helmuto, vous ne jouez jamais aux courses ?

 

Helmut                 Nein, vous savez moi le tiercé ça me fait quinter. Mais peut-être une fois…Rester là. Je vais avertir La Bulle.

 

Helmut part dans l’office et Mario attend. P’tit Louis débarque sur la terrasse du Parisien. M’sieur Albert

sort.

 

M’sieur Albert         Alors P’tit Louis, reposé ?

 

P’tit Louis              Ouais ça va. Tu me donnes mon p’tit blanc.

 

M’sieur Albert         C’est comme si c’était fait.

 

Lucienne Pinson sort de chez elle discrètement pour aller parier sur la course.

 

M’sieur Albert         Ben dis donc, elle est pressée notre Lucienne ! Ca doit être important, pour la voir filer de la sorte.

 

P’tit Louis              Pendant ce temps ces locataires ont la paix.

 

M’sieur Albert entre dans le Parisien préparer le p’tit blanc et P’tit Louis se plonge dans le journal.

 

Helumt revient dans le Canaillou.

 

Helmut                 La Bulle souhaite vous voir dans sa loge, suivez-moi.

 

Mario                   Dans la loge ? Santa Maria, je vais dans la loge de La Bulle.Quand je vais dire ça à ma femme.

 

Helmut                 Je serai vous, je ne dirai pas ça à votre dame !

 

Mario                   Ah si ! Stupido Mario, claro. Si je dis ça à ma femme une sicilienne, l’Etna sera dans l’appartamento ! Ma c’est pour les affaires pas pour…la fiesta. Je vous suis, je vous suis…

 

Les deux hommes disparaissent dans les coulisses.

 

P’tit Louis              Bon alors vérifions les cotes, ah ben c’est parfait, bien cotée la p’tite Jeanne d’Arc. Sur ce coup-là pour une fois, le Mario il s’est pas trompé.

 

Par contre, toujours pas de préavis de grève ! Je te jure qu’est-ce qu’ils foutent ces syndicats ? Ils sont vraiment payés à rien faire, ils en ont font encore moins que nous ! La dernière fois c’était…tellement loin que je m’en souviens pas. Ah si, le 12 juin dernier, non mais tu te rends compte, 4 mois, 4 mois sans grève. Le monde tourne vraiment pas rond.

 

M’sieur Albert ressort avec le ballon de blanc.

 

M’sieur Albert         Qu’est-ce qui ne va pas ? Je t’entends ronchonner jusqu’au bar !

 

P’tit Louis              Rends-toi compte Albert, ça fait 4 mois qu’à la RATP on a pas été en grève et crois-moi, il y a de quoi en faire une ou deux. Si ça continue comme ça on finira tous comme Caddie et Carton. A la rue !

 

M’sieur Albert         Faut pas exagérer ! T’es toujours à répéter les mêmes choses. Tu as un emploi stable, les 35heures, la retraite plus tôt que les autres.

 

P’tit Louis              Encore heureux ! Toute la journée c’est qui qui passe sa vie dans les tunnels ? C’est Bibi, on mérite bien de revoir le soleil avant les autres. Non moi je te dis, plus ça va, moins ça va.

 

M’sieur Albert         Mouais, c’est clair.

 

P’tit Louis              C’est pas avec notre gouvernement que ça va s’améliorer. Vivement que ça change. Le problème c’est qu’on va où ? Hein Albert ? Où va le pays ? Et quel candidat tu veux choisir, ils sont tous pareils, y en pas un pour racheter l’autre. La droite se met à l’écologie parce que c’est tendance, elle crée de nouveaux impôts qui protège les riches, les écolos se mettent à l’économie parce que sans pognon tu fais rien, le Front National veut plus d’étranger dans le pays ; dis-moi qui bossera dans ce pays une fois qu’ils seront tous loin et les socialistes par manque d’idées touche à tout jusque dans les Sofitel, non crois-moi Albert, la France de de Gaulle a disparu.

 

M’sieur Albert         Je te confirme même que cela fait 43ans, t’es de la revue. Tu serais pas un peu aigri ? A force d’être dans le noir, tu as tendance à en broyer.

 

P’tit Louis              Je suis réaliste, c’est pas pareil. Regarde-toi, t’es pas bien comme bistroquet ? Libre, pas de contraintes, des clients charmants qui ne t’embêtent pas toute la journée. T’as pas de problèmes Albert, t’as pas de problèmes.

 

M’sieur Albert         Non bien sûr, nous les indépendants on a aucun souci contrairement à tous les fonctionnaires qui tremblent pour leurs avantages. Enfin P’tit Louis, ouvre les yeux ta situation n’est pas catastrophique.

 

P’tit Louis fait signe à M’sieur Albert de s’approcher de lui.

 

P’tit Louis              Franchement Albert, si moi P’tit Louis parisien de pur souche, élevé au sein de la RATP depuis l’âge de 15ans et avec la même femme depuis 37ans, je ne ronchonnais pas, est-ce que je serai français ?

 

M’sieur Albert         Sacré gaillard !

 

P’tit Louis              Mais ça va changer Albert ! Ce soir, il y a une course qui devrait me rapporter gros.

 

M’sieur Albert         Ah ça ! J’en entends parler depuis l’ouverture. Si ça marche, le quartier sera plein de nouveaux riches dès demain.

 

P’tit Louis              Plein ? J’espère quand même que Mario n’a alerté la terre entière.

 

Mario sort du cabaret Le Canaillou.

 

M’sieur Albert         Quand on parle du loup…

Mario                   Saluti ! Alors prêt pour la Dolce vita ?

 

P’tit Louis              Dis donc, qu’est-ce que tu faisais au Canaillou ? T’es le chauffeur de La Bulle ?

 

Mario                   Ma no, d’ailleurs elle a pas besoin d’être chauffée, éh ! No, elle voulait aussi faire une petite mise sur notre course.

 

P’tit Louis              C’est bien ce que je disais, t’as mis tout le quartier au courant.

 

Mario                   Calmo, calmo Louis. Seulement aux amici. Tu as l’argent ? Je vais aller au bureau de tabac pour valider tous les bulletins.

 

P’tit Louis              Ouais mais t’as intérêt que ça marche parce que sinon je vais en entendre à la maison. J’ai promis à ma Louise qu’on allait sortir du tunnel.

 

Mario                   No problemo, c’est le coup de l’année aussi sûr que je suis napolitain et crois-moi les napolitains on a l’habitude des magots.

 

P’tit Louis              Des magots ou des magouilles ?

 

Mario                   Tu me remercieras dès ce soir P’tit Louis.

 

M’sieur Albert         Bien, je vais préparer la petite salle pour ce soir on devrait être nombreux à regarder cette course.

 

Mario                   Alberto, tu n’as pas joué, tu veux parier ?

 

M’sieur Albert         Non, je n’aime pas les paris. Les seules courses que je fais sont celles pour remplir ma chambre froide mais je suis de tout cœur avec vous.

Bien Messieurs, à ce soir pour le grand soir !

 

Madame Lucienne revient de sa « mission. »

 

C’est le soir, le Canaillou est éclairé tout comme la rue et on s’active au Parisien.

 

Helmut accueille les premiers clients du Canaillou et les installe dans le cabaret. Trois hommes arrivent

ensemble.

 

Helmut                 Bonsoir Messieurs, willkommen, bienvenue, welcome, au cabaret le Canaillou. Prenez place, voici la carte et patientez encore quelques minutes. La Bulle va bientôt entrer en scène.

 

Gérard                  Oh dis-donc les gars, j’ai comme le sentiment qu’on a eu une bonne idée de venir ici.

 

Etienne                 Oui mais on fait pas long.

 

Simon                   T’as pas bientôt fini Etienne, détend-toi ! On fait rien de mal. On vient juste assister à un spectacle typiquement parisien.

 

Etienne                 Ouais mais c’est un cabaret. Si ma femme était au courant, j’en verrais de toutes les couleurs !

 

Gérard                  Pour quoi ta femme le saurait ? T’es pas assez bête pour lui en parler, non ?

 

Etienne                 Oh non ! J’ai pas envie d’aller dormir au garage. J’appréhende déjà quand je devrais lui expliquer en détails notre virée à Paris, elle va me poser plein de questions. Va falloir que je trouve quelque chose à lui dire pour cette soirée. On voit bien que vous connaissez pas ma femme.

 

Simon                   Ah si, on la connaît et c’est bien pour ça que c’est pas la nôtre de femme ! (rires)

 

Gérard                  Tu n’as qu’à lui dire qu’on est allé au Pied de cochon, une des brasseries les plus connues.

 

Etienne                 Pas sûr que ce soit une bonne idée, rien que le nom du bistrot va pas lui plaire.

 

Helmut                 Alors Messieurs, que souhaitez vous commander ?

 

Gérard                  Moi je me boirai bien une coupette de champagne, et vous ?

 

Simon                   Je te suis et toi Etienne ?

 

Etienne                 Non pas moi, après j’ai la tête qui tourne et ça me saoule.

 

Gérard                  Et il est où le problème, t’es entraîné avec ta femme. Allez, chipote pas ! Trois coupes de champagne s’il vous plaît.

 

Helmut                 Bien Messieurs.

 

Simon                   Comment tu connais cette adresse Gérard ?

 

Gérard                  Pas compliqué, je suis venu en repérage l’année dernière pour préparer notre soirée et on a découvert cet endroit. Faut dire qu’on en parle partout. Même le chauffeur de taxi, m’a dit. « A Paris, vous devez absolument voir les deux grandes dames, la Tour Eiffel et La Bulle »

 

Simon                   Mais à ce qui paraît La Bulle est plus souple !

 

Etienne                 Les gars, on boit notre verre on écoute une ou deux chansons et on s’en va, d’accord ?

 

Gérard                  On se détend Etienne, on se détend.

 

Etienne                 Qu’est-ce vous voulez, j’ai pas l’habitude de ce genre d’endroits, avec ma femme pendant les vacances on visite les temples, les églises, les monuments.

 

Simon                   Eh ben, il n’y a plus de problème Etienne, on vient voir un monument de la chanson. Et puis pas de souci on regarde, on visite pas !

 

Helmut                 Voilà Messieurs, 3 coupes de champagne. Bonne soirée.

 

Simon                   A la vôtre camarades ! A la santé de la femme d’Etienne à qui on pense beaucoup !

 

Etienne                 Ah ça c’est sûr, j’arrête pas d’y penser ! Vous ne vous rendez pas compte les copains mais ma femme c’est quelque chose, elle a toujours le dernier mot.

Gérard                  Ah bon, moi à la maison c’est toujours moi qui ai le dernier mot.

 

Simon                   Comment tu fais ?

 

Gérard                  Je lui dit seulement « Oui, chérie ! ».

 

Simon                   Tu sais Etienne, t’as tout de même de la chance. Ta femme est un peu possessive et jalouse mais au moins vous n’arrêtez pas de penser l’un à l’autre.

 

Etienne                 Dis comme ça, c’est vrai.

 

Simon                   Ma femme et moi on a été heureux pendant 25ans.

 

Etienne                 Ah bon, pis après ?

 

Simon                   Après ? On s’est rencontré !

 

La Bulle entre en scène ; Gérard et Simon applaudissent.

 

Gérard                  Bravo !

 

Simon                   Vive La Bulle (il donne un coup de coude à Etienne qui ne bouge pas) Etienne applaudit mollement.

 

Etienne                 Bravo, Youpiie (doucement)

 

La Bulle                 Cher public merci. Bienvenue au Canaillou. Je vais vous interpréter les plus grands standards de la chanson française ; ceux qui ont fait Paris. Musique…

 

La Bulle interprète ses chansons. Durant l’une de ses chansons, La Bulle passe de table en table

charmant son public. A un moment elle s’attarde à la table de nos trois lurons et séduit Etienne.

 

Etienne                 Oh là, là…si ma femme voyait ça !

 

Gérard & Simon      ils lui tapent sur l’épaule.

 

Fin des chansons…

 

Gérard                  Bravo !

 

Simon                   Magnifique ! J’en ai la chair de poule.

 

Etienne                 Moi aussi, rien que de penser à ma femme.

 

Gérard                  T’es bizarre Etienne. Moi quand je vois La Bulle, crois-moi je pense pas à ta femme !

 

Lucienne sort de chez elle et appelle ses chats alors que M’sieur Albert nettoie sa terrasse.

 

Lucienne               Aspi ! Spontex ! Vous êtes où ? Minou, minou, minou…les minets vous êtes où ? Aspi, Spontex ?

 

M’sieur Albert         Alors M’dame Lucienne, on a perdu ses chats ? (en chantant) C’est la mère Lucienne qui a perdu ses chats…

Lucienne               Ho ça va ! C’est tous les soirs pareils ! Je ne sais pas où ils vont rôder. Ce sont bien des matous. Pourtant je les ai fait castrer mais ils ne sont par pour autant plus calmes !

Aspi ! Spontex ? Minous…y sont où les minous, minous de mamy Lucienne ? On rentre à la maison y a du bon miam-miam pour Apsi et Spontex. Mmhmmm, maman a préparé plein de bonnes choses. Aspi, Spontex, si vous ne venez pas vous dormirez dehors avec tous les méchants chats-chats du quartier, hou les vilains chats qui vont faire bobo à Spontex et Aspi.

 

M’sieur Albert         Juste une question M’dame Lucienne. Vos chats ils ont fait l’uni ?

 

Lucienne               Hein, qu’est-ce que vous racontez ?

 

M’sieur Albert         Vous leur parlez comme si il comprenait le français. Vous vous attendez à ce qu’ils vous répondent ?

 

Lucienne               Vous êtes stupide, moquez-vous ! Si vous croyez que c’est simple de faire rentrer ces deux-là !

 

M’sieur Albert         Non, non, je comprends bien. Moi c’est le contraire j’ai toutes les peines du monde du monde à faire sortir mes derniers clients.

 

M’sieur Albert         Dépêchez-vous de les trouver, vous savez ce qu’on dit la nuit tous les chats sont gris.

 

Lucienne               Aidez-moi au lieu de regarder bêtement !

 

M’sieur Albert         Regardez là-haut ! Sur le toit, ce ne sont pas vos chats ?

 

Lucienne               Oh ben si, oh mon dieu mais qu’est-ce qu’ils font là-bas.

 

M’sieur Albert         C’est ce qu’on appelle des chats de gouttière. Si vous voulez mon avis, ça leur donne l’occasion de vous regarder de haut, une fois n’est pas coutume.

 

Lucienne               Non mais dites donc ! On pas gardé les locataires ensemble ! Je vous en prie.

Faites quelque chose au lieu de médire.

 

M’sieur Albert         Qu’est-ce que vous voulez que je fasse ? Je ne vais quand même pas monter sur un toit brûlant pour récupérer vos chats ! Le mieux c’est d’attendre qu’ils redescendent tout seuls.

 

Les chats se mettent à miauler.

 

M’sieur Albert         On est parti pour un concert de matous.

 

Chœur des enfants. Dès la fin des chants, M’sieur Albert range sa terrasse ; Caddie et Carton débarque

dans la rue.

 

Carton                  Allez Caddie encore un dernier effort, on est arrivé ! Avec un peu de chance c’est notre dernière nuit dehors.

 

Caddie                  Oh ben j’espère parce que j’en peu plus de ce tas de ferraille ! Et avec toi dedans, il est encore plus lourd.

Carton a un bandage autour de la tête et marche comme un cow-boy.

 

Carton                  Ca va, ça va…avance !

 

M’sieur Albert         Ben alors Caddie, Carton que faites-vous là ? Vous n’êtes pas à Vincennes ?

 

Caddie                  Non et c’est la faute à Carton ! Il a fait une grosse bêtise.

 

Carton                  Oh ça va Caddie, ça va.

 

M’sieur Albert         Qu’est-ce qui s’est passé ?

 

Caddie                  Môsieur Carton a voulu voir comment le chevaux y courait.

 

M’sieur Albert         Cheval !

 

Caddie                  Faudrait savoir, ce matin tu m’as dit qu’on dit chevaux pas cheval.

 

M’sieur Albert         Oui, d’accord bon raconte.

 

Carton                  Mais non, c’est pas la peine…

 

Caddie                  Ah si, pour une fois que je peux raconter quéchose que tu as fais faux.

Môsieur Carton, ben il a voulu essayer un chevaux, cheval bref un canasson. Alors il est monté dessus, il l’a tenu par les cheveux et il a donné un grand coup avec les pieds.

 

M’sieur Albert         Et ?

 

Caddie                  Eh ben, le canasson il est parti à tout vitesse. Il a fait une course tout seul avec Carton dessus. Mais le problème c’est que y avait pas de scelle alors Carton y criait fort, ouille, ouille, aille, aille !

 

Carton                  Ca va, on a compris.

 

Caddie                  Non, c’est pas fini. Il a fait tout le tour de Vincennes en sautant sur le canasson. Le gardien y s’est réveillé et il courait après Carton. Mais comme Carton était sur le canasson ben il courait plus vite que le gardien.

 

M’sieur Albert         Ca s’est fini comment ?

 

Caddie                  Ben, le canasson après sa course il est rentré tout seul dans sa maison avec Carton. Sauf que Carton il a pas l’habitude de faire le joker alors il a pas vu la poutre devant l’écurie. Le canasson a passé dessous et Carton il a passé dedans !

 

M’sieur Albert         Hou…Vous ne vous êtes pas fait arrêtés ?

 

Caddie                  Presque mais j’ai mis carton dans ma voiture et j’ai couru vite dans le noir jusqu’ici.

 

M’sieur Albert         En quelque sorte, vous avez pris la poutre d’escampette ! (rires)

Carton                  Ah, c’est drôle !

 

Carton essaie de descendre du caddie, M’sieur Albert l’aide à en sortir.

Carton                  Ouilleouilleouille, aie !

 

Caddie                  Ben il faisait comme ça pendant la course mais plus fort !

 

Carton                  Hou là, hou là, là.

 

Caddie                  Tu marches bizarre Carton.

 

Carton                  J’aimerai bien t’y voir. Tous ces médecins qui te parlent de régime sans sel, je vais te dire ils ont jamais essayé !

 

M’sieur Albert         Bon John Wayne ça va aller ? Tu veux rentrer t’asseoir un moment ?

 

Carton                  M’asseoir ? Tu rigoles ? J’ai plus de fesses ni le matériel qui va avec ! Si tu es d’accord on va s’installer sur ta terrasse pour la nuit.

 

M’sieur Albert         Oui, pas de problème comme au bon vieux temps. Faites comme chez vous, moi je dois y aller, j’ai du monde ce soir.

 

M’sieur Albert rentre dans son Parisien.

 

Carton                  T’étais pas obligée de tout raconter.

 

Caddie                  Toi, tu racontes toujours plein d’histoires avec moi alors quand j’en ai une avec toi, je vais pas me gêner. Ouske que je mets la maison ?

 

Carton                  Ici, on sera bien.

 

Caddie en un mouvement déplie le carton qui se transforme en niche avec un toit.

 

Caddie                  Remarque, ton accident il a du bon. Là t’es déjà tout plié pour rentrer dans notre maison !

 

Carton                  Ca va, ça va…

 

Caddie                  Ce soir mon carton, il est tout ondulé !

 

Carton                  C’est bon Caddie, ferme ton magasin.

 

Caddie                  Tu crois qu’elle va gagner tout à l’heure ?

 

Carton                  J’espère Caddie, j’espère…

Bon ben c’est pas tout ça mais là c’est le moment de mettre la viande en torchon. Bonne nuit Caddie.

 

Caddie                  Bonne nuit Carton.

 

On voit Lucienne sortir de la maison et rejoindre le Parisien. Noir. Le lendemain matin…P’tit Louis

débarque au Parisien.

P’tit Louis              Ah, je te jure ! Mais quelle idée j’ai eu d’écouter ce Mario !

 

M’sieur Albert         Salut P’tit Louis, alors remis de tes émotions.

 

P’tit Louis              M’en parle pas ! Non mais t’as vu cette course ? A peine les stalles étaient ouvertes qu’on avait l’impression que notre Jeanne d’Arc courait à 3 pattes ! On voyait bien qu’elle était cuite la Jeanne d’Arc. Grillée avant même d’avoir commencé.

 

M’sieur Albert         Eh oui, l’histoire se répète !

 

P’tit Louis              Je le retiens notre chauffard avec ses tuyaux percés.

 

M’sieur Albert         Il était sûr de son coup et il a parié comme vous, vous n’étiez pas obligé !

 

P’tit Louis              Peut-être, mais lui il a pas eu droit au comité d’accueil à la maison. T’a jamais vu M’dame P’tit Louis dans l’encadrement de la porte maniant son rouleau à pâte.

 

M’sieur Albert         Non ?

 

P’tit Louis              Et comment ! Dans ces moments-là, elle pense pâte brisée pas feuilletée !

 

Avec ce bruit, Carton et Caddie se réveillent.

 

Carton                  Oh là ! Qu’est-ce qu’il a à crier comme ça ? Moi je crie pas quand les gens dorment !

 

M’sieur Albert         Salut Carton, bien dormi pas trop cassé ce matin ?

 

Carton                  Il en faut plus que je sois foutu, Carton a l’habitude de se recycler.

 

M’sieur Albert         P’tit Louis n’est pas content d’avoir perdu aux courses hier.

 

P’tit Louis              Et c’est rien de le dire, si je croise Mario je vais luis faire manger son taxigraphe.

 

Carton                  Ah, ben c’est bien enfin je veux dire c’est bien si c’est que ça. Caddie, réveille-toi !

 

Caddie                  Aaahhh (elle s’étire de tout son long), j’ai dormi comme une princesse, j’ai fait que des beaux rêves ouske on avait une grande maison.

 

Carton                  C’est bien, c’est bien.

 

P’tit Louis              Ben moi aussi, la belle maison elle va rester en rêve.

 

Carton                  Alors cette course, c’est qui qui a gagné ?

 

M’sieur Albert         Blue Satin. Fallait voir, il a glissé jusque vers l’arrivée. Ils avaient tous misé sur Jeanne d’Arc mais apparemment elle était en mauvais point, elle a fini belle dernière.

 

Carton                  Ben c’est bête. Mais y avait pas une qui s’appelait Shéhérazade dans les gagnants ?

 

P’tit Louis              Tu rigoles ? Elle a même pas pris le départ. Paraît qu’en début de soirée des témoins l’ont vue courir dans Vincennes avec quelqu’un sur son dos. Elle a tellement dépensé d’énergie que son propriétaire n’a pas voulu la faire courir.

 

M’sieur Albert         On se demande bien qui a oser faire une chose pareille.

 

Carton                  Ouais, on se demande.

 

Caddie                  Mais vous êtes bête ! C’est toi qui….

 

Carton                  Tais-toi Caddie. Tu vas dire une bêtise t’es pas encore réveillée. Ils savent qui a fait le coup.

 

P’tit Louis              Non, aux dernières infos il cherche toujours.

 

Lucienne sort de son immeuble.

 

Lucienne               Bonjour Messieurs Dames, est-ce que Monsieur Mario est apparu ce matin ?

 

M’sieur Abert         Ah non, et je ne sais pas si on va le voir de sitôt.

 

Lucienne               Ah celui-là je le retiens avec ses bons conseils. Quand on est pas sûr de ce que l’on dit, on se tait !

 

La Bulle sort du Canaillou.

 

Carton                  Oh mais qui voilà, la belle bulle.

 

Caddie                  Oh Carton, tu veux mes yeux pour t’aider à regarder ? T’as toute la marchandise qui

faut avec moi alors arrête de te faire envie.

 

Carton                  Ben justement ça me change, là au moins je me fais envie !

Caddie                  Ouais, je fais te les faire passer tes envies.

 

Carton                  C’est ça, ben fais-les passer au loin !

 

Caddie                  Toi vraiment, t’es qu’un goujon !

 

Carton                  Goujat, on dit goujat pas goujon.

 

La Bulle                 Bonjour tout le monde ! J’ai comme l’impression que le quartier est en ébullition ce

matin. Moi hier soir, j’ai encore triomphé avec mon tour de chant mais il semblerait

qu’une n’ait pas assuré dans son tour de piste.

 

P’tit Louis              Vous aussi, vous avez parié ? Décidément tout le quartier a perdu.

 

Mario arrive dépité.

 

P’tit Louis              Ah te voilà, escroc !

 

Lucienne               Déjà de ponctionner vos clients avec votre taxi ça vous suffit pas, vous devez le

faire ici aussi !

Mario                   Je suis désolé, j’étais sûr de mon coup.

 

Carton                  Bon Caddie, nous on va y aller.

 

Mario                   No, restez miei amici. C’est eux qui m’ont dit de parier sur Jeanne d’Arc.

 

P’tit Louis              N’importe quoi. T’as rien trouvé de mieux que de mettre la faute sur ces deux-là. Tu

devrais avoir honte !

 

La Bulle                 C’est vrai ce n’est pas bien.

 

Lucienne               Scandaleux, des gens aussi simples !

 

Mario                   Mé, je vous assure que c’est la vérité. Parlez pour me sauver la vita.

 

Carton                  Bon, il a raison ! C’est Caddie et moi qui avons monté le coup.

 

P’tit Louis              Oh j’y crois pas !

 

Lucienne               Vous avez fait confiance à ces couche-pavés ?

 

M’sieur Albert         C’est le moment de vous expliquer.

 

Carton                  C’est pas compliqué. Avec Caddie on s’est retrouvé à dormir dans les box à

Vincennes. Tous les soirs on entendait les spécialistes parler de leurs chevaux. Et

tous disaient la même chose sur Shéhérazade comme quoi elle gagnerait les doigts

dans les naseaux. Alors, je me suis dit que c’était peut-être la solution pour que

Caddie et moi on quitte la rue. Après 20ans de macadam, on commence à se faire

vieux pour dormir dehors. Mais voilà, ça n’a pas payé on a pas été correct et ben on

a reçu la monnaie de notre pièce. On s’excuse par vrai Caddie ?

 

Caddie                  Ouais, on s’excuse. Mais avec l’âge, ça devient pénible d’être tout le temps dehors ;

on commence à avoir de l’apothéose.

 

Carton                  de l’arthrose !

 

M’sieur Albert         Et voilà, tout le monde a voulu profiter de l’autre et bien vous vous êtes tous fait

prendre à votre propre jeu.

Et les amis, ce n’est pas grave. Ce n’est qu’un jeu et puis vous n’avez pris de gros

risques, hein. Ce n’est que de l’argent ; ce qui compte c’est l’amitié et mois je suis

bien content que vous ayez échoué. Vous auriez tous perdu la tête avec votre

fortune et le quartier lui aurait perdu son âme.

 

P’tit Louis              Une fois de plus, ces chauffeurs de taxi tous des bonimenteurs, des arnaqueurs. Moi

je vous le dit, prenez le métro !

 

Melissa                 Bonjour, vous tenez une conférence ?

 

M’sieur Albert         Vous êtes radieuse ce matin. Ma petite Melissa, vous êtes la plus jeune d’entre nous

mais sûrement la plus sérieuse. C’est avec le travail que l’on gagne sa vie pas avec

le jeu.

 

Melissa                 Bien en fait, heu…..

 

P’tit Louis              Quoi ?

 

Melissa                 A ce sujet, je voulais…

 

Lucienne               Parlez Mademoiselle, faites pas la timorée !

Melissa                 J’ai aussi joué hier. Avec toute cette agitation, je me suis dit que je pouvais bien

tenter ma chance une fois.

 

Lucienne               Bravo ! Quelle jeunesse ! Voyez Mario, l’exemple.

 

M’sieur Albert         Grâce à toi cette pauvre étudiante qui doit déjà se serrer la ceinture,

a aussi perdu de l’argent.

 

Melissa                 Mais je dois…

 

P’tit Louis              Bravo, bravo Mario ! Tout le quartier a perdu…

 

Mario                   Scuzi ! Ma je ne voulais pas ; j’étais sincère…

 

Melissa                 Je peux parler ?

 

Tout le monde se tait.

 

Melissa                 Merci. Donc hier, j’ai joué complètement au hasard le tiercé. Comme vainqueur, j’ai

mis « Blue Satin » parce que j’adore le satin n’en déplaise à Madame Lucienne, en

2ème j’ai mis « Tableau de maître » parce qu’après la littérature, la peinture est ma

passion et enfin en 3ème « Trou normand » parce qu’il n’y pas un dimanche où mon

papa ne nous en sert pas !

 

P’tit Louis              Dis donc, mais tu viens de donner l’arrivée du tiercé, là.

 

Melissa                 C’est ça !

 

P’tit Louis              Oh j’y crois pas !

 

Lucienne               Blue satin, vous avez gagné au tiercé en pensant à vos culottes, mhmm !

 

Mario                   Elle a gagné sans lire les pronostics.

 

La Bulle                 Elle est bien cette petite, la discrétion est souvent efficace.

 

M’sieur Albert         Je suis aussi content pour toi Melissa. Tu travailles dur pour ton avenir, t’as bien le

droit à un coup de pouce.

 

Melissa                 J’ai encore quelque chose à dire. Dès que j’aurai touché mon argent, je pense

déménager et me rapprocher de l’université. Du coup, mon studio en haut se

libérera. Et bien Carton & Caddie, je vais le racheter et il sera à vous, comme ça

vous n’aurez plus à dormir dehors et vous pourrez rester dans votre quartier.

 

Caddie et Carton sont bouches bées

 

P’tit Louis              Alors là, je dis chapeau ! Des comme ça il en faudrait au syndicat.

 

Mario                   C’est une sainte cette femme. Santa Maria !

 

M’sieur Albert         Non, Santa Melissa.

 

La Bulle                 Voilà un geste qui t’honore ; la jeunesse est belle !

M’sieur Albert         (à Carton et Caddie) Vous ne dites rien ?

 

Caddie                  Je suis bouche C !

 

Carton                  B, on est bouche bée. Merci petite, on savait que tu étais intelligente mais

maintenant on sait aussi que tu as l’intelligence du cœur.

 

Caddie                  M’dame Lucienne, faudra me dire ouske que je pourrai parquer ma voiture.

 

Lucienne               Cette horreur ? Dans ma maison ? Je crois que je préfère encore votre lessive

Melissa.

 

Mario                   Pour me faire pardonner, j’offre une tournée à tout le monde. Albert, sers-nous

quelques antipasti…

 

P’tit Louis              Ah non ! Côté spécialités italiennes on a été servis ! Mario t’es peut-être antipasti

mais nous on est plutôt pro pastis.

 

M’sieur Albert         Et une tournée, une !

 

 

 

 

F I N

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

INTRODUCTION AUX CHANTS DES ENFANTS

 

Avant la première réplique d’Albert « Bizarre… »

 

A la fin du prologue, les enfants arrivent sur scène en nombre et courent, crient, partent et reviennent, se chamaillent.

 

Albert sort de son restaurant

 

 

M’sieur Albert              Oh là ! On se calme ! Dites les chenapans, c’est pas bientôt fini ? Mais qu’est-ce que

vous avez à être aussi excités ? Mais quelle énergie…Doucement…mais c’est pas

possible ! Je peux vous dire qu’à votre âge, moi j’étais…j’étais…pire que vous !

Au lieu de crier vous ne pourriez pas aller à l’école tranquillement, en chantant ? Ce

serait tellement plus agréable…non ?

 

Le chœur des enfants chante.

 

FIN


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