Prologue
H-45 Ouverture des portes au public – scènes en pénombre (15-20%) – Lumières décor
au noir.
H-15 Scènes, montée des lumières progressive à 100% en 5’.
H-10 Mise en vie principalement silencieuse des scènes avec les
comédiens/comédiennes et figurants. Les déplacements se font de jardin à cour ou
inversement selon les possibilités des coulisses et les personnes disponibles. Une
personne peut tenir plusieurs rôles pour autant que son habillement et ses
attitudes changent.
Avec : 3 cyclistes.
2 garçons partant à l’école.
1 garçon courant après une petite fille en la chicanant.
2 petites filles partant à l’école en jouant.
Un homme promenant son chien (pipi contre le candélabre !)
Un homme avec mallette partant au travail.
Une femme avec une poussette.
Une femme marchant téléphone à l’oreille.
Un facteur passant de maison en maison.
Un balayeur
Etc.
Heure H Début du spectacle.
Scène 1
Fin du prologue, plus personne sur scène sauf M’sieur Albert sur sa terrasse terminant son installation. Comme durant le prologue, M’sieur Albert semble chercher quelque chose ou quelqu’un de part et d’autre de sa terrasse.
M’sieur Albert Bizarre…
Il retourne à ses occupations puis revient chercher…
M’sieur Albert Vraiment bizarre…d’habitude ils sont là ?
Lucienne sort de chez elle en se débarrassant de la poussière ramassée à l’intérieur. Elle remarque M’sieur Albert et tout en inspectant son immeuble se dirige vers lui.
Lucienne Bonjour M’sieur Albert, la forme ?
M’sieur Albert Salut M’dame Pinson, oui, oui ça va, ça va. Dites-donc, vous ne les avez pas vu ce
matin ?
Lucienne Pas vu quoi ? Je suis debout depuis cinq heures, alors j’ai déjà vu pas mal de
choses. Tenez, Madame Truffaut est parti une demi-heure plus tôt que d’habitude, curieux non ? Tous les matins, elle sort de chez elle à sept heures, et bien là elle franchissait le seuil de la porte à six heures trente ; je me demande ce que cela cache ?
M’sieur Albert Sans doute quelque chose de très important, peut-être même de grave, un drame
ou alors un rendez-vous.
Lucienne Un rendez-vous ? A six heures trente du matin ? C’est ce qui s’appelle être matinale.
Ca m’étonnerait, depuis qu’elle habite ici je l’ai toujours vue seule.
M’sieur Albert Justement, vous l’avez toujours vu seule ici, mais peut-être qu’elle ne l’est plus dès
qu’elle passe le coin de la rue. Pour éviter les indiscrétions.
Lucienne Quelles indiscrétions ?
M’sieur Albert Celles de personnes qui se lèvent plus tôt qu’elle et qui ont tendance à observer
tout ce qui se passe dans le quartier. Vous voyez de qui je parle.
Lucienne Oh là ! Minute papillon ! Je suis payée pour surveiller alors je surveille.
M’sieur Oui, peut-être. Mais vous êtes payée par la mairie de Paris ?
Lucienne Bien sûr que non ! Par Monsieur Hakkis le propriétaire de l’immeuble.
M’sieur Albert Voilà, vous êtes payée pour surveiller votre immeuble pas le quartier !
Lucienne Oh là, le dealer d’antigel pas si vite. Vous êtes bien content quand la Lucienne vous
appelle pour vous avertir qu’on squatte votre terrasse. Alors, un peu de respect ! Si
tout le monde en faisant autant on vivrait mieux.
M’sieur Albert Mouais, bon peu importe. Est-ce que vous avez vu Caddie et Carton ce matin ?
Lucienne Ah, ces deux ! Non, je ne les ai pas vus. D’ailleurs je me suis dit, en passant par
hasard devant ma fenêtre, tiens ! Les deux représentants en haillons ne sont pas là.
M’sieur Albert C’est bizarre, d’habitude ils viennent toujours prendre leur petit noir avant que
j’ouvre.
Lucienne Ils boivent du café aussi ?
M’sieur Albert Mhmm. J’espère qu’ils ne leur ai rien arrivé.
Lucienne Ne vous inquiétez pas, ce sont des durs à cuire. Ils ont certainement trouvé une bouche de métro accueillante et ils sont décidés de faire la grasse matinée !
Faut que je vous laisse, la maison va se réveiller et il faut que je sois dans ma loge au moment des départs.
M’sieur Albert C’est ça. A toute à l’heure et bonne inspection !
Lucienne retourne dans sa loge tout en contrôlant que les abords de son bâtiment sont en ordre. M’sieur
Albert termine ses préparatifs. Mario arrive au « Parisien » un journal sous le bras.
Mario Ciao patron ! Content de voir que ton repaire est ouvert. J’ai roulé toute la nuit, j’ai la cuve à sec. Si j’écluse pas un de tes médicaments tout de suite je vais finir raide comme l’obélix.
M’sieur Albert Salut Fangio, l’obélisque pas Obélix. C’est pourtant pas compliqué, il y en a un qui long et fin et l’autre petit et gros !
Mario Si, tu m’as compris. Alors disons que je vais finir avec les os sur la peau.
M’sieur Albert C’est le contraire aussi, la peau sur les os ! Dis-donc, si au volant de ton taxi tu comprends la signalisation aussi à l’envers, c’est pas super Mario!
Mario Trente ans de carrosse sans cabosses alors crois-moi la route c’est mon domaine.
M’sieur Albert Je n’ai pas encore ouvert mais je vais pas refuser assistance à une personne en voie de déshydratation. Comme d’habitude ?
Mario Si pour le produit, ma no pas pour la quantité. Une dose d’homme averti per favore.
Mario ouvre son journal et lit.
Mario Ah, si tout va bien je vais cartonner dans la 5ème ce soir. Cette petite Jeanne d’Arc a intérêt à avoir le feu au cul. J’ai parié comme jamais. Déjà que la semaine passée mes finances ont joué le Titanic…c’est le moment de se renflouer.
M’sieur Albert Et voilà Fangio !
Mario Grazie. Dis ! Je m’appelle Mario pas Fangio. Moi je t’appelle Albert pas Ténardier !
M’sieur Albert Bene signore Mario. Alors les cotes sont bonnes ?
Mario Ah si, il semblerait que mon tour soit venu. Sur le coup des 21heures, la petite Jeanne d’Arc va franchir la ligne les naseaux en tête. Faut dire que je la connais sur le bout des sabots. Je la suis et je l’analyse depuis qu’elle est pouliche ; faut pas croire ça demande du travail.
M’sieur Albert Je pense bien. Remarque t’es pas le premier à bûcher sur Jeanne d’Arc.
Mario Ils se marrent, y avait quelque chose à comprendre ?
M’sieur Albert Bien oui, Jeanne d’Arc, le bûcher. Elle est morte brûlée sur un bûcher.
Mario Ah d’accordo. Si, ben ma Jeanne d’Arc à moi, je compte bien qu’elle gagne une course avant de finir sur un barbecue ! Mes contacts m’ont affirmé que cette course serait celle de sa vita.
M’sieur Albert Tes contacts ? C’est qui ?
Mario Ah ça…secret de fabrique ! Mais crois-moi ils sont bons. D’ailleurs tu les connais !
M’sieur Albert Ah bon ? Tu veux pas me le dire ? (Mario fait le signe « motus et bouche cousue) Bon, ben je te laisse à tes pronostiques j’ai encore à faire dedans.
Mario Je vais profiter de ta terrasse encore un momento avant de repartir, à ces heures impossibile de circuler dans Paris.
Juste avant la fin du chant, Mario quitte le « Parisien ».
*******
Scène 2
Le « Parisien » continue à fonctionner avec des clients sur la terrasse et le patron qui fait le service. Les comédiens/comédiennes s’activent en silence et simulent des discussions.
Le « Canaillou » s’allume dès la fin du chant. Helmut entre sur scène l’air très fatigué, il baille. Il range et nettoie se tables.
Helmut Hou là, c’est dur ce matin !
Regarde-moi cette salle, chaque matin c’est pareil. C’est pas possible de voir que
tous les bons moments qu’on passe ici laissent autant de traces.
So, Helmut prends ton courage à deux mains et au boulot.
(à la salle) Ah, Guten Tag, je ne vous avais pas vu. Vous êtes en avance le cabaret
n’ouvre qu’en fin de journée. Le plus simple serait que vous réserviez vos tables. Eh
oui, parce que chaque soir, le tout Paris vient écouter et admirer La Bulle. Depuis La Goulue, on avait jamais rien trouvé de mieux. Was ? La Bulle ? Oh, c’est tout bête, on l’appelle La Bulle parce qu’elle ne peut chanter que si elle a une coupe de champagne sur le piano, vous voyez ? Et je peux vous dire que le matin je ne l’ai jamais trouvé pleine ; la coupe…pas la bulle. Ah nein, nein, La Bulle….c’est déjà arrivé. Les soirs où ça marche fort, un bis, une coupe…un rebis, re une coupe et parfois les bis durent plus longtemps que son tour de chant alors imaginez l’état.Elle a beaucoup de panzer qui tournent dans la tête. D’ailleurs c’est curieux, parce qu’au fil de la nuit La Bulle devient de plus en plus lourde et en même temps de plus en plus légère ! Vous me suiviez. Enfin, vous verrez. Revenez plus tard.
Il faut que j’avale quelque chose avant d’attaquer la salle.
Helmut se rend au Parisien et s’assois sur la terrasse.
M’sieur Albert Ah, déjà debout Helmut.
Helmut Ja, il faut bien que quelqu’un nettoie les restes de la nuit. Mais avant il faut que je
me réveille.
M’sieur Albert Alors un café ce matin ?
Helmut Ah nein, trop de café ce n’est pas bon. Comme d’habitude un Vermouth.
M’sieur Je me disais aussi, ton métabolisme ne résisterait pas à un changement subit de
breuvage. Enfin, quand même un Vermout si tôt.
Helmut Bien quoi ? C’est naturel. C’est à base de plantes. Vois-tu mein klein Albert, j’ai
décidé d’être un homme sain ; je me soigne par les plantes. La vigne und le tabac !
M’sieur Albert Et un Vermouth pour Helmut. Tiens, ça me fait penser, Madame Pinson
elle veut toujours son petit verre de Jurançon, la jeune étudiante Mélissa, elle c’est
un toujours un Coca et Helmut, un Vermouth. Heureusement que tu ne t’appelles
pas Camille, je devrais te servir une camomille.
Au fait, tu n’as pas vu Caddie et Carton durant la nuit ?
Helmut Ja, je suis sorti prendre l’air vers 3heures du matin et ils étaient sur ta terrasse
entrain de lire un journal.
D’ailleurs, cela devaient les intéresser parce qu’ils m’ont à peine salué. Plus
étonnant, ils n’ont même pas cherché à venir se réchauffer au Canaillou cette nuit.
M’sieur Albert C’est vraiment curieux, d’habitude ils sont réglés comme des horloges qu’ils n’ont
pas.
M’sieur Albert entre dans son restaurant préparer la boisson d’Helmut ; P’tit Louis arrive et se met à la table d’Helmut.
P’tit Louis Gute morgen, Black & Decker déjà réveillé?
Helmut Hélas Ja, on est en pleine saison alors je fais les 24 tout seul.
P’tit Louis les 24 ?
Helmut Les 3 x 8 ! Cette nuit, j’ai dormi à peine 3heures.
P’tit Louis En même temps t’as pas à te plaindre, tu passes tes nuits en bonne compagnie.
Helmut Peut-être, mais moi je travaille, je ne batifole pas. Und du ? T’as passé la tienne sur
les rails ?
P’tit Louis Presque, j’ai fini à 1h30 et j’ai du reprendre à 05h30 à cause d’un collègue malade ;
et dire qu’à la RATP on a des syndicats censés nous protéger. Rends-toi compte, quand j’ai commencé il y a 25ans, on faisait grève au moins une fois par mois maintenant c’est à peine tous les deux mois. Tout fout le camp ! Même plus le temps d’aller pêcher à Nogent.
M’sieur Albert Et le Vermouth d’Helmut ! Salut P’tit Louis ! Eh ben, on a des wagons sous les yeux.
T’as pas le ticket gagnant ce matin.
P’tit Louis C’est ce que je disais à Black & Decker, j’ai arrêté à peine 4 heures cette nuit.
M’sieur Albert Black & Decker ? Tu l’appelles Black & Decker ?
P’tit Louis Oh écoute je l’aime bien notre allemand. Depuis 45, c’est le premier que je trouve
sympa alors ça me gêne de l’appeler Bosch.
Helmut Danke klein Louis ! Venant d’un parisien pure souche ça me fait plaisir. Pour un
conducteur de métro voilà une parole qui ne manque pas de profondeur.
P’tit Louis (A M’sieur Albert) Dis-donc, t’as pas vu Mario ce matin ? Il a des bons tuyaux dans
la 5ème parait-il. Je dois lui donner mes paris.
M’sieur Albert Ah si, d’ailleurs il m’en a parlé. Il paraît que c’est Jeanne d’Arc qui va décrocher la
timbale.
P’tit Louis Chuuut ! Crie pas le nom du gagnant si fort. Moins on est à se partager le gros lot
mieux c’est !
Helmut Appeler son cheval de course Jeanne d’Arc, il n’y avait qu’un français pour avoir
cette idée. Avec un nom pareil, c’est vous qui allez flamber mais votre argent !
P’tit Louis Faut pas se fier à ce genre de chose, mercredi dernier à Vincennes le gagnant de la
2ème s’appelait Domenech, imagine.
(A M’sieur Albert) Si tu croises Mario, dis-lui que je passerai plus tard pour notre
petite affaire.
Helmut Messieurs, je vous laisse ; le Canaillou doit se faire beau pour ce soir.
P’tit Louis Salut Black & Decker, à la revoyure. Albert, moi je vais dormir je passe en fin de
matinée pour l’apéritif.
M’sieur Albert range sa terrasse et entre dans son restaurant.
On entend des voix au loin (côté jardin)
Carton Allez Caddie avance ! T’as beau avoir 4 roues, qu’est-ce que t’es lente !
Caddie Oh dis Carton ! On se calme ! T’es content que c’est moi qui pousse tout !
Caddie et Carton apparaisse sur scène ; c’est un couple de clochard. Caddie est la femme qui ne se déplace jamais sans son caddie regorgeant d’objets glanés ici et là. Carton est l’homme qui ne se déplace jamais sans un grand carton plié.
Carton Ouaaais ! Mais c’est moi qui porte la maison ! On est le seul couple de la terre
de l’univers entier ouske c’est la femme qui conduit et l’homme qui s’occupe de la
maison, alors, couic, couic, couic !
Caddie T’as vu la maison que tu portes. Y a pas besoin de s’appeler particule pour y arriver.
Carton Particule, particule ? T’es bête toi. Le gars qui vient de Thènes (il l’a regarde et ne
réagit pas) sui qui est à Thènes, il s’appelle pas particule mais Hercule. Même qu’il
a fait 12 travail. C’est pour ça qui s’appelle Hercule.
Caddie Ben toi t’en fous pas une alors c’est pour ça que tu peux t’appeler particule. Et
encore, je pourrai t’appeler minuscule !
Carton Rrooooh, tu m’énerves. Allez pousse ton cabriolet à barreaux, tu bouches le
passage !
M’sieur Albert sort de son restaurant.
M’sieur Albert Ah vous voilà vous deux ! Je m’inquiétais de ne pas vous voir. Vous avez dormi où ?
Carton Mon p’tit Albert, on a dégoté un de ces endroits.
Caddie Ouais, on est peut-être des SDF mais pas des SQDI.
M’sieur Albert C’est-à-dire ?
Caddie Des Sans Quekchose Dedans Ici ! Et c’est Carton qui a eu l’idée.
Carton Oui, M’sieur. A force d’entendre dire qu’on était sur la paille, hé,hé ! Et ben
maintenant, on peut le dire. Toutes les nuits on est sur la paille.
Caddie Et la paille c’est bien mieux que le bitume. Et en plus, c’est de la paille de 1er choix ;
de la paille précieuse, de la paille de luxe.
M’sieur Albert Mais vous allez où ?
Carton On est dans les écuries de Vincennes.
Caddie Ah, ah ! Ca te laisse bouche C !
Carton Bouche B !
M’sieur Albert Mais vous avez fait comment pour vous retrouver là-bas ? C’est gardé, c’est fermé ?
Caddie Ca c’est pas un problème. Avec Carton, une serrure sans clé s’ouvre aussi vite que
le clapet de la mère Pinson.
M’sieur Albert Mais vous dormez où ?
Carton Ca dépend, chaque soir on choisi un box différent. Y en a tellement. On a un peu
l’impression d’avoir une chambre différente tous les soirs. Tiens cette nuit, on a
dormi avec Shéhérazade.
M’sieur Albert Shéhérazade ?
Caddie Ouais, une belle jument brune ; elle nous a fait une petite place. Et même, elle nous
a laissé boire son eau. Ca nous changeait d’avoir de l’eau fraîche.
Carton Ouais, mais par contre je peux te dire que ces biscuits y sont pas bons ! Y sont durs
et y zont le goût du blé.
Caddie Et nous le blé on préfère qui soit dans la poche plutôt que dans la bouche !
M’sieur Albert Vous avez l’intention de dormir toutes les nuits là-bas ?
Carton Tant que c’est possible on va pas dire non. Et puis on a pas encore fait tous les box.
Caddie On a encore toute l’écurie des pouliches qu’on a pas visitées.
M’sieur Albert Je suis content si vous ayez trouvé un coin au chaud mais faites attention de ne pas
vous faire attraper. Vous auriez pu nous avertir, on vous cherchait. Même Helmut
m’a dit qu’il vous avait vu mais que vous n’étiez pas rentré au Canaillou.
Carton Oh tu sais dans la vie, faut se méfier des habitudes. Alors nous on en change
souvent. Et après les poules du Canaillou, place aux chevals de Vincennes.
M’sieur Albert Vaux.
Caddie Mais non pas des veaux, des chevals.
M’sieur Albert On dit des chevaux pas des chevals. Ce matin, j’ai l’impression de corriger tout le
monde.
Carton Albert, t’aurais pas vu Mario ce matin ?
M’sieur Albert Si, si je l’ai vu. Vous prenez le taxi maintenant ?
Caddie Oh, il est bêêêête ! Pourquoi tu veux qu’on prenne un taxi alors qu’on a notre
voiture ?
Carton Notre voiture ! Non mais écoute-là ! T’en connais beaucoup toi de conducteur qui
pousse leur voiture toute la journée.
Caddie Oh hé Carton, ça va…avec la nôtre je te rappelle que l’essence nous coûte rien !
Carton Donc t’as vu Mario ce matin. Il t’as rien dit ?
M’sieur Albert Dis quoi ? Il m’a dit bonjour…
Carton Pas ça…il a rien dit d’autre ?
M’sieur Albert Non, rien. Ah si, il m’a parlé de ses courses de chevaux comme d’habitude ; mais là
il semblerait qu’il soit sur un coup. Il aurait des tuyaux mais il n’a pas voulu m’en
dire plus.
Carton Ah ben c’est bien.
Caddie Ouais, c’est très bien même…quand on a des tuyaux on en parle pas, sauf quand on
est plombier !
M’sieur Albert Qu’est-ce que vous racontez ? Vous, vous manigancez quelque chose…
Vous préparez un mauvais coup ?
Carton C’est pas le genre de la maison.
Caddie Ah non ! On est pas des nuls. Nous, quand on fait coup, eh ben il est pas mauvais,
il est bon.
Carton Y t’as dit quand il repassait par là ?
M’sieur Albert Non mais j’imagine qu’il sera là en fin de matinée comme d’habitude.
Carton Parfait ! On repassera tout à l’heure pour lui dire bonjour.
Caddie Ouais, on lui dira bonjour mais pas que ça !
Carton Tais-toi caddie. Bon, mets le contact on va bouger de là. Eh ouais, mon p’tit Albert
dans les affaires, le secret c’est la mobilité, la mobilité !
Caddie Qu’est-ce tu parles bien Carton. Alors on fait k’esque tu dis, on mobile !
Caddie et Carton s’en vont et Mélissa sort de la maison et se dirige vers le restaurant.
Mélissa Bonjour Monsieur Albert, vous allez bien ce matin ?
M’sieur Albert Bonjour Mélissa. J’allais très bien mais depuis que vous êtes sur ma terrasse je ne
peux pas aller mieux.
Mélissa Vous êtes un sacré flatteur. Je prendrai volontiers…heu….qu’est-ce que je vais
prendre.
M’sieur Albert Un coca ?
Mélissa Oh ben oui, un coca mais un zéro.
M’sieur Albert Un zéro ! Vous n’allez pas me dire que vous faites attention à votre ligne. Vous êtes
superbe !
Mélissa Vous continuez vos flatteries. Il ne faut jamais relâcher son attention sur la balance.
Elle a vite fait d’augmenter. Comme disait ma grand-mère, si tu oublies les calories,
les calories ne t’oublient pas !
M’sieur Albert Vous avez de la marge, si vous continuez comme cela, vous n’aurez plus une ligne
mais un traitillé !
Vous me parlez de votre grand-mère, la mienne disait on a beau dire jambon à l’os
mais dans le jambon à l’os ce qui nous intéresse c’est la viande pas l’os !
Mélissa C’est charmant mais si je pouvais éviter que l’on pense à des jambons quand on me
regarde !
M’sieur Albert (rires) Rassurez-vous vous en êtes loin ! Et un Coca pour la petite Mélissa, un !
Lucienne Pinson sort de sa maison apparemment énervée et scrute autour de la maison et en direction du Parisien.
Lucienne Ah ! Elle est là-bas !
Elle se dirirge vers le Parisien. Mélissa en la voyant arriver…
Mélissa Oh, oh…qu’est-ce que j’ai encore fait ?
Lucienne Je vous ai trouvé !
Mélissa Vous me cherchiez ?
Lucienne Oui, je suis allé frapper à votre porte mais je n’ai pas eu de réponse.
Mélissa Forcément, si je suis ici…vous aviez quelque chose à me demander ?
Lucienne Oui, ce matin en passant par hasard devant la buanderie…
Mélissa Chère Lucienne, c’est impressionnant ce que le hasard chez vous fait bien les
choses. Je me demande d’ailleurs si le protecteur des concierges ne s’appelle pas
St-Hasard.
Lucienne Vous dites ça pour….
Mélissa Oh, je dis ça comme ça, alors… ?
Lucienne Donc, je passais par hasard devant la buanderie, j’y suis entrée et là qu’est-ce que
je vois ?
Mélissa Ma lessive qui sèche ! Dingue non ?
Lucienne En effet, complètement dingue ! Vous n’avez pas honte ?
Mélissa Honte ? Honte de quoi ? Ma lessive sèche c’est tout !
Lucienne C’est tout ? Mais vous devriez avoir honte de mettre de telles horreurs dans la
buanderie !
M’sieur Albert (de moins en moins fort) Et un Coca pour la jolie Mélissa, un coca pour…
Rebonjour M’dame Pinson, ça va… ?
Lucienne Oui, oui ça va. On va pas se redire re-re-re-rebonjour toute la journée ?!
M’sieur Albert Hein, non ben on se dira bonsoir ce soir !
Mélissa Madame Pinson était entrain de me parler de ma honteuse lessive.
Lucienne Et comment ! Alors que nous avons des familles dans la maison, exposer de la sorte
vos petites affaires, c’est honteux !
Mélissa Mais je ne vois pas ce qu’il y a de honteux à suspendre son linge dans la
buanderie ?
Lucienne Le linge non mais pas vos machins, vos trucs de fille facile !
M’sieur Albert Oh là, vous allez fort là !
Lucienne Oh vous ! Evidemment, je vous imagine déjà baver devant ses objets digne de
Sodome et Gomorrhe ! D’ailleurs je me demande pourquoi vous les étendez, il y a
tellement peu de tissu qu’ils sont secs à peine sortis de la machine ! La buanderie
n’est pas faite pour y étaler ses strings et autres pièges à mâles dévergondés !
Mélissa Ah, c’est ça ! Mes strings ! Je comprends, en effet quelle honte d’exposer de
tels vêtements portés par plus des trois-quarts des femmes.
Lucienne Sûrement pas par moi !
M’sieur Albert Ah ça, on s’en serait douté ! Vous n’avez pas une tête à mettre des strings.
Mélissa Non, ni la tête, ni autre chose !
Lucienne Mais dites-donc, je n’ai pas besoin de ça pour plaire. C’est n’est pas avec une ficelle
entre les fesses que l’on intéresse les hommes intelligents.
Mélissa Vous pensez que l’on a plus de succès avec des culottes en cotons remontées
jusqu’au nombril ?
Lucienne Vous êtes une impertinente ! Je ne vais pas me fatiguer à vous éduquer, c’est perdu d’avance ! A l’avenir, je vous remercie de faire sécher vos ficelles dans votre appartement.
M’sieur Albert Sacrée M’dame Lucienne. Si on ne vous avait pas, eh bien on vous inventerait pas !
On entend La Bulle chanter au loin…
Lucienne Et voilà notre Mata Hari qui se réveille, manquait plus que ça !
M’sieur Albert Oui, il ne manquait plus qu’elle pour que le quartier au complet soit réveillé.
Lucienne Je vous laisse, ces indécentes vocalises sont trop pénibles pour mes oreilles.
Mélissa Au revoir Madame Pinson, ce fut un plaisir…
M’sieur Albert Ne faites pas attention à elle. Au fond elle n’est pas méchante mais sa vie est un peu monotone, elle n’a que ses locataires et puis faut bien dire que ses principes sont un peu d’un autre temps.
Mélissa Oui peut-être, mais sa manière de juger est tellement intolérante. Franchement Monsieur Albert, vous seriez choqué de tomber sur ma lessive ?
M’sieur Albert Hein ? Heu…moi…non, non, non je crois pas. Choqué, c’est pas le terme…
Ainsi va la vie, la mode change et heureusement. Quand j’y pense, à l’époque il fallait écarter la culotte pour voir les fesses et maintenant faut écarter les fesses pour voir la culotte !
Mélissa Votre femme serait contente de vous entendre !
M’sieur Albert Pour qu’elle m’entende, faudrait déjà qu’elle arrête de parler pour que je puisse placer un mot !
On entend à nouveau La Bulle chanter de manière plus proche. Helmut continue ses rangements; elle
murmure « Padam,Padam »
Helmut Ah ! Voilà notre star. Vous allez voir, c’est quelqu’un !
La Bulle entre dans le cabaret en jouant la vedette avec légèreté. Elle a un geste tendre envers Helmut.
La Bulle Guten Morgen mein Helmuteli, déjà debout?
Helmut Guten Morgen Frau La Bulle ; eh oui déjà debout. Il faut bien que quelqu’un remette au propre l’outil de travail. Pour que La Bulle pétille, Helmut astique.
La Bulle Quelle soirée ! Un succès total. Tous à mes genoux criant des bravos, encore, une autre ! Tu as vu Helmut ?
Helmut Ja, ja…ich habe gesehen.
La Bulle Et toi qui courait de table en table pour servir les clients assoiffés. Tu as eu une sacrée idée en éteignant la climatisation vers minuit ; le nombre de boissons qui sortaient du bar…
Helmut Mhmm, je vais refaire les stocks. Y a du monde qui est déjà là pour toi.
La Bulle se remet à chanter en déambulant dans le Canaillou.
La Bulle Ohhh, je me présente, Natalia Chichkine, je suis russe mais je vis à Paris depuis vingt ans. Mon nom de scène est La Bulle ! Une artiste tout en légèreté que l’on croit légère.
Tous les soirs je me produis ici au Canaillou, mon Olympia à moi. La clientèle n’est pas toujours distinguée mais ce n’est pas grave, peu importe de quelle poche sortent les portemonnaies, l’essentiel est qu’ils en sortent !
Bon, alors voir si le quartier est en forme. J’adore ce quartier. Il est vivant, typiquement parisien avec sa vie locale comme dans un village. Et puis les habitants sont charmants, enfin presque tous. Il y a juste Sainte Lucienne qui juge tout le monde. Elle passe sont temps à balayer partout mais elle a tendance à oublier le devant de sa porte !
La Bulle Bonjour Miss Mélissa, toujours aussi fraîche.
Mélissa Bonjour Natalia.
La Bulle Pas Natalia, La Bulle ! Ici je suis La Bulle !
Mélissa Pardon, La Bulle.
La Bulle Alors, tes études de bibliothécaire ça avance ?
Mélissa Oui, pas toujours facile mais enthousiasmantes.
Aujourd’hui, j’ai un cours sur la littérature française, la plus belle. On va être plongé dans des milliers de livres.
La Bulle Les livres, les livres…quand j’étais jeune les seuls livres que l’on avait le droit de lire étaient ceux promus par le Kremlin. Et aujourd’hui, les seules livres que je connaisse sont celles que j’ai en trop sur mes hanches !
Mélissa Vous n’avez jamais eu envie d’étudier ?
La Bulle Ce n’était pas la priorité. Il fallait gagner sa vie alors on allait à l’usine. Tu as la chance d’être née en France, vous êtes une démocratie qui pousse les gens à devenir plus intelligents pas des soldats à la merci du gouvernement. Heureusement, j’ai très vite su que la chanson serait ma vie et qu’elle me permettrait de quitter l’URSS. Je suis née avec le chant dans le sang dans un pays où beaucoup de sang a coulé dans les champs.
Mélissa Vous avez raison, on a tendance à oublier que l’on est des privilégiés et à ne mettre en avant que nos petits soucis du quotidien.
M’sieur Albert débarque sur la terrasse.
M’sieur Albert Quel bonheur ! Les deux plus belles sur ma terrasse. Alors La Bulle, la forme ce matin ?
La Bulle Oui, enfin comme tous les matins. Une fois que le brouillard dans ma tête se sera dissipé, ce sera parfait.
M’sieur Albert Veux-tu prendre quelque chose ?
La Bulle Oui, ma petite tisane de réglisse ; elle me fait du bien à la voix.
Oh Albert ! Est-ce que Mario a passé ce matin ?
M’sieur Albert Toi aussi, mais qu’est-ce que vous avez tous à chercher Mario ce matin ?
La Bulle Rien de spécial, on a juste une petite affaire en cours.
M’sieur Albert C’est bien ce que je dis, vous êtes tous à vouloir le rencontrer.
La Bulle Tous ?
M’sieur Albert Oui, enfin P’tit Louis, Caddie et Carton. J’ai l’impression que quelque chose se trame avec les courses.
La Bulle Ah oui…peut-être…
M’sieur Albert part préparer la tisane
Mélissa Vous jouez aux courses vous ?
La Bulle Jamais, mais là c’est différent mais tu gardes pour toi ce que je vais te dire.
Mélissa Promis !
La Bulle L’autre soir, Mario le chauffeur de taxi m’a glissé à l’oreille qu’il avait des informations infaillibles sur un cheval qui doit bientôt courir.
Alors, je me suis dit si je gagne un beau montant, je pourrai peut-être racheter le Canaillou et assurer mon avenir.
Mélissa C’est ce que je vous souhaite mais c’est un peu hasardeux de construire son avenir sur le jeu.
La Bulle C’est une méthode comme une autre. Toi par exemple, tu te lances dans des études mais quelles sont tes garanties de trouver un travail après ?
Mélissa Si elles sont peut-être minces, elles sont quand même plus importantes que pour quelqu’un qui n’a rien fait. Regardez Caddie et Carton, leur vie n’est pas très joyeuse.
La Bulle C’est vrai que c’est un bon exemple mais peut-être sont-ils heureux comme cela ? Tu sais, je pense qu’ils sont moins bêtes qu’ils en ont l’air. Ils ne sont peut-être pas cultivés mais ils sont sûrement plus malins que toi et moi.
Mélissa Peut-être. Mais on doit pouvoir offrir à tous les jeunes la possibilité d’étudier. Je vois dans mon université, j’ai des camarades qui viennent de tous les milieux. Malheureusement, on voit tout de suite qui vient des beaux quartiers et qui vient des banlieues.
M’sieur Albert Voilà ta tisane La Bulle.
On entend de la musique rap diffusée au loin et un groupe de jeunes arrive sur scène avec un transistor.
M’sieur Albert Salut les jeunes.
Aziz Salut mon frère ! T’entends ça c’est de la balle !
M’sieur Albert J’entends, j’entends comme tout le quartier, baisse un peu le son que l’on s’entende parler.
Aziz Y a pas de malaise vieux. Eh ! Fredo coupe la zicmu, y a les sonotones du quartier qui saturent.
Mélissa Merci.
Aziz Mais maintenant c’est mortel ici. Même au Père Lachaise c’est plus vivant !
La Bulle, c’est quand qu’on se fait un trip de zic ensemble , ce serait de la balle avec La Bulle.
La Bulle Je ne sais pas si nos univers sont faits pour s’entendre, mais pourquoi pas une fois.
Fredo M’sieur Albert, z’avez pas vu les gosses des blindés de Neuilly ?
Mélissa Les blindés ?
M’sieur Albert Ca veut dire les gosses de riche. Non pas encore ! Vous avez rencard ici ?
Fredo Yo, y a qu’ici où on vénère pas, ailleurs on se fait jarter.
Aziz C’est nos frelots y a juste qu’eux y sont de la tune dans l’froc.
La Bulle Alors la future bibliothécaire, tu suis ?
Mélissa J’avoue que ça me change de Baudelaire ou Dumas mais la langue française s’est souvent enrichie du langage de la rue.
Fredo Ah ouais ! Ben la rue elle s’enrichit pas tout court ! La rue nourrit la France mais la France ne nourrit pas la rue.
M’sieur Albert Et bien bravo, tu viens de philosopher sans le vouloir ! Alors vous avez rendez-vous avec les jeunes de Neuilly ici ? Pour faire quoi ?
Aziz Faut pas flipper M’sieur Albert, y a kedal entre nous. On veut juste se faire un trip chez toi.
Un groupe de jeunes de Neuilly débarque à jardin
Guillaume-Olivier Bonjour Monsieur Albert ? Comment allez-vous ?
M’sieur Albert Bonjour Guillaume-Olivier, très bien et toi ?
Guillaume-Olivier Très bien, je vous remercie.
Ziza Guillaume-Olivier, ah le nom. Pourquoi tes vieux y sont mit Olivier après Guillaume, il était déjà pas assez long?
Guillaume-Olivier Guillaume était le prénom de mon grand-père et Olivier celui de mon arrière grand-père.
Aziz Si mon daron ou ma daronne avaient eu le même délire je m’appellerai Abdel-Soufiane-Mamhoud-Youcef-Bassim-Adib-Djafar-Bouzid. Ma carte d’identité, elle se serait une affiche !
Vincent-Edouard Bien très chers Yos, nous avons répété toute la semaine pour cette rencontre dans la propriété de Maximilien.
Ziza Cool, nous aussi on a kiffé tous les soirs dans la cave d’Aziz.
Mélissa Je dois vous laisser, j’ai cours. J’espère que je vous entendrai à une autre occasion.
Vincent-Edouard Nous sommes prêts pour vous montrer que la créativité ne correspond pas nécessairement au nombre de comptes en banque que l’on peut avoir.
La Bulle J’ai hâte de découvrir vos talents.
Fredo Zyva mes frères !
Chant (un ou plusieurs) des jeunes de Neuilly
Aziz Pas mal les chèques à deux pattes ; tu vas voir que la rue et les cités sont capables d’assurer aussi.
Fredo Yes, vous vous économisez votre argent mais nous on économise pas nos efforts.
Chant (un ou plusieurs) des jeunes de la rue
M’sieur Albert Bravo les jeunes ! Ce n’est peut-être pas du goût de tout le monde mais vous avez le mérite d’avoir une passion et de la vivre.
La Bulle Oui, félicitations ! Ca me rappelle mes débuts lorsque je chantais tous les styles de musiques.
Guillaume-Olivier Madame La Bulle vous feriez-nous l’honneur de participer à nos joutes musicales ? Ce serait une joie de vous entendre.
Ziza D’enfer ! Oh oui, La Bulle à vous.
La Bulle Je ne sais pas, il est encore tôt !
Aziz Y a pas d’heures pour s’éclater !
Fredo Allez La Bulle, déroule ta zicmu !
M’sieur Albert N’insistez pas. Vous savez La Bulle est une artiste nocturne.
Vincent-Edouard C’est regrettable, nous aurions apprécié entendre votre belle voix. Ce n’est pas tous les jours que nous pouvons bénéficier d’un concert privé.
La Bulle Bon d’accord mais alors silence. Je vais vous interpréter l’un de mes standards repris du répertoire de la môme Piaf.
Ziza Trop cool ! Je kiffe !
Guillaume-Olivier Chuut !
La Bulle se met en voix, et avec un grand professionnalisme se métamorphose en vedette et joue avec
ses spectateurs. Dès les premières notes, plusieurs personnes du quartier (le chœur) rejoignent la
terrasse, Helmut réapparaît dans le Canaillou, même M’dame Lucienne se met à sa fenêtre.
A l’issue du chant…
Tout le monde Bravo ! (sifflets), encore !
La Bulle Merci.
M’sieur Albert Magnifique La Bulle ! Grâce à vous, le répertoire n’est pas prêt de sombrer dans l’oubli.
Aziz J’en ai la chair de keuf !
Ziza Yo, la Bulle c’est vraiment d’la balle !
La Bulle Vous êtes adorables ; c’est vrai c’était pas mal…
Vincent-Edouard Mieux que çela, vous étiez divine !
La Bulle Tu es chou toi (petite caresse et elle l’embrasse).
Tous les jeunes (sifflets), houhou….
Fredo Le narvei ! T’as l’tiquet le bourge !
Helmut La Bulle a encore frappé ! Quelle artiste !
M’sieur Albert Quel succès La Bulle, regardez même M’dame Lucienne est à sa fenêtre.
Alors M’dame Lucienne, on apprécie !
Lucienne Mouais, j’ai passé par…
M’sieur Albert …hasard…
Lucienne Mhmm…devant ma fenêtre et je n’avais pas d’autre choix que d’écouter ! Dommage que La Bulle n’ait pas la classe de Piaf. Quel gâchis !
M’sieur Albert Bon les jeunes, c’est pas tout ça mais moi j’ai du boulot. Bravo à tout le monde et n’hésitez pas à revenir un de ces quatre.
Aziz Merci M’sieur Albert ! Vous au moins, z’êtes avec nous.
Guillaume-Olivier Oui, ils sont rares les adultes qui comprennent les jeunes et surtout qui ne font pas de différences selon les origines.
Lucienne Qu’est-ce qui faut pas entendre ! Pas faire la différence !
Non mais regardez-les ! Les extrêmes de la société, le fer blanc et le platine.
Et puis qu’est-ce vous faites dehors alors que vous devriez être en cours.
Fredo Oh là, miss plumeau ! On s’calme, c’est vous qui avez besoin d’être dépoussiérée !
La Bulle Cher public, La Bulle doit aller se reposer afin d’être en forme pour son futur triomphe…
La Bulle repart au Canaillou.
Vincent-Edouard Chers amis, si nous allions au café de Flore à St-Germain ?
Guillaume-Olivier Excellente idée, je crois qu’aujourd’hui ils font un café littéraire.
Aziz Nous, on va retourner au 9-3 pour un café instantané.
Chant(s) du chœur
Mario arrive devant le Parisien et se déplace à l’angle du bâtiment de M’dame Lucienne.
Mario Aaah, tutti va bene oggi. C’est le grand jour, la course de ma vita. J’espère que tout va se passer comme prévu. Ma où ils sont les zigotos ? Il est l’heure…
M’dame Lucienne sort de chez elle en secouant une patte à poussière.
Lucienne Ben qu’est-ce que vous faites là ? Vous avez un de mes locataires à prendre ?
Mario Buongiorno signora, eh no. J’ai juste un rendez-vous.
Lucienne Devant ma fenêtre ? Qu’est-ce que vous traficotez pour faire vos rendez-vous ici ?
Mario Je ne traficote rien de spécial, c’est juste que je cherche le calme pour mon rendez-vous, capito ?
Lucienne Oui, oui, je capite, je capite ; je capite surtout que je trouve ça louche que vous vous cachiez comme ça.
Mario Ma no, je ne me cache pas, y a rien de louche, je veux juste pas que tout le quartier participe à mes honnêtes affaires.
Lucienne Mhmm, honnêtes affaires. Vous avez vraiment une tête à faire des affaires honnêtes.
Mario Signora Lucienne, je veux juste pouvoir parler tranquillement. Alors merci de ne rien dire. La prochaine volta que vous devez prendre le taxi, c’est pour moi.
Lucienne Vous avez de la chance que je sois une femme compréhensive.
Mario Si.
Lucienne Un exemple de discrétion…
Mario Oh si !
Lucienne Que je n’ai pas pour habitude de me mêler des affaires des autres.
Mario Oh là, si.
Lucienne La course que vous m’offrez, c’est n’importe où ?
Mario Si, ma pas jusqu’à Marseille ? A Paris
Lucienne Qu’est-ce que vous voulez que j’aille faire à Marseille, il y fait bien trop chaud et moi avec la chaleur, j’ai les chevilles qui gonflent.
Mario Seulement avec la chaleur ? Non, je rigole…
Je vous transporterai gratuitement n’importe où à Paris.
Lucienne Bon, d’accord. Mais faites attention à mes plantes, vous ne me les abîmez pas.
Mario No, no.
Lucienne Et puis vous restez dehors, je ne veux pas de bruit dans le couloir.
Mario Bien sûr…
Lucienne retourne chez elle, on entend Caddie & Carton au loin (jardin).
Carton Oh Caddie, t’as la première qui est coincée ? Avance…
Caddie Mais arrête de toujours crier ! Si t’es pas content t’as qu’à l’pousser toi-même !
Carton C’est comme ça que tu me remercies ? Toi qui a toujours voulu un véhicule, je me suis saigné pour celui-là.
Caddie Tu t’es saigné, n’importe quoi ! Je te rappelle que le caddie c’est le seul véhicule à deux euros et même que les deux euros y sont toujours dedans. Alors si tu veux aller plus vite t’as qu’à le prendre.
Carton Roooh, donne-le moi et tiens la maison et fais gaffe avec, on a pas encore les moyens de la rénover.
Carton pousse avec difficulté le caddie.
Caddie Ah tu vois, c’est pas facile ! Tu crois toujours que je fais xprès !
Carton Tu me l’as tout déglingué ! Regarde, y a une roue qui fait le DSK.
Caddie Qu’est-ce que tu racontes ?
Carton Ben ouais, elle va à gauche !
Caddie Ca fait une semaine que je te dis que cette roue elle va pas ouske les autres vont. Mais Msieur Carton il est comme tous les hommes, il écoute pas. Il dit tout le temps qui va le faire mais il le fait jamais parce que il a toujours autre chose à faire que pour lui mais pas pour les autres alors les autres et ben ils doivent attendrent que l’autre y fait la chose qu’on a demandé après qu’il a fait toutes les choses pour lui alors forcément la chose qui devait être faite avant les autres choses qu’il a fait et ben elle est plus grande à faire parce que pendant tout le temps qu’il a fait les autres choses, ben la chose elle a encore plus cassé alors c’est pire qu’avant et plus personne veut faire quelque chose, voilà !
Carton Ben tu vois là j’ai écouté et je sais encore plus pourquoi j’écoute pas plus.
Mario au coin de l’immeuble leur fait signe.
Mario Pssst ! Psssst ! Hé, je suis là.
Caddie Hé, y a riavoli qui nous appelle.
Mario Venite qui !
Caddie Allez carton pousse ! Pousse !
Carton Oh ça va, c’est facile à dire maintenant que t’as que ça à porter !
Caddie C’est pas que ça, c’est toute la maison, et na !
M’dame Lucienne passe par hasard devant sa fenêtre ; elle tire le rideau et écoute discrètement.
Mario Silenzio ! Tout le quartier va vous entendre ! Allora, tutti va bene pour notre affaire ?
Carton Mais oui, t’inquiète le romain. Tout est ok, on est sûr de notre coup.
Caddie Ca oui, on a jamais été aussi sûr que ça et tu peux nous croire la Jeanne d’Arc elle va gagner le gros lot.
Mario Chuut ! Santa madonna moins fort, quelqu’un pourrait nous entendre.
Carton T’inquiète canneloni, même si quelqu’un nous écoute avec nos têtes il nous croira pas.
Mario J’espère que vous avez raison parce que j’ai tout misé sur cette course. J’ai même encouragé pas mal de personnes à me suivre pour faire gonfler les paris.
Caddie Ah oui, mais faut faire attention parce que si ça gonfle trop ça peut péter !
Mario Miei amici, si je gagne je vous promets que je vous donnerai quelque chose.
Carton C’est gentil mais faut jamais promettre ce qu’on peut pas tenir.
Caddie Ah ça, Carton y sait de quoi il parle, il promet jamais rien comme ça il fait rien.
Mario D’accordo mais si ça marche avec Jeanne d’Arc, je sens que ma vie sera flamboyante. Dès demain je serai super Mario !
Carton On se calme tortellini ! On garde la tête froide, tant que l’arrivée n’a pas été franchie, c’est pas gagné.
Caddie Non, d’ailleurs on dit « Faut pas mettre la peau de l’ours avant d’avoir tué les bœufs ».
Carton Mais qu’est-ce que tu racontes Caddie ? Tu mélanges tout, c’est la charrue qui faut pas mettre. Toi t’as pas inventé le fil à couper l’eau chaude !
Caddie Roooh, tout le monde peut se tromper ! Faut pas mettre la charrue avant l’ours sinon…
Mario Ca va, j’ai compris. Allora, c’est à 20 heures la course, non ?
Carton Ouais, ouais c’est ça.
Mario Encore quelques heures avant la fortune.
Carton Piano, piano comme dit Steinway. On va repartir chouchouter notre candidate et on se revoit demain si tout va bien.
Mario Si, si, claro qu’on va se revoir pour boire le champagne ! Je vous laisse partir en premier, ce serait louche que l’on nous voie ensemble.
Mario reste sur place et consulte ses papiers pour la course.
Carton Allez Caddie, on décolle !
Caddie Déjà que ça roule pas comment veux-tu que j’arrive à le faire voler !
Carton Je te jure t’es un cas perdu !
Caddie et Carton se déplace jusqu’au centre.
Caddie Carton ?
Carton Mouais ?
Caddie Il y a un truc que je comprends pas.
Carton S’il y en avait qu’un Caddie.
Caddie Oh ça va, j’ai fais tout comme tu m’as dit avec Mario mais pourquoi on lui dit que c’est Jeanne d’Arc qui va gagner alors qu’on sait qu’elle boîte et que tous les jokers…
Carton Jockeys…
Caddie C’est qu’est-ce que j’ai dis, tous les jokers disent que c’est Shéhérazade qui va gagner.
Carton Je te l’ai déjà expliqué. Si tout le monde parie sur un cheval et qu’il gagne, ça fait plein de gagnant. Tandis que si beaucoup d’argent est parié mais que c’est un cheval qui a moins de pari qui gagne, ceux qui auront parié sur celui-là et bien ils gagneront plus d’argent. Ils gagneront l’argent qui aura été misé sur l’autre cheval que les gens pensaient voir gagner. C’est clair non ?
Caddie Je suis pas sûr d’avoir tout compris. Si on dit à tout le monde de parier sur un perdant, ils vont perdre non ?
Carton Ben tu vois, tu as tout compris.
Caddie Mais pourquoi on les fait perdre ?
Carton Pour que ce soit nous qui gagnons.
Caddie Alors nous on va pas parier ce qu’on dit aux gens de parier ?
Carton C’est ça Caddie. Pour une fois, ça a pris le chemin le plus court dans ton cerveau !
Caddie Ca veut dire qu’on va ramasser l’argent que les autres ont parié ?
Carton Là, je crois que t’as tout compris Caddie. Notre vie va changer, fini les trottoirs, les bouches de métro et les fonds de poubelles. A nous le restaurant, un lit, une salle de bain et tout le reste.
Caddie Dis, tu m’achèteras un caddie à moteur ?
Carton Mais oui, mais oui, tout ce que tu voudras. T’auras des belles robes, des jolies chaussures, tu pourras te maquiller. Tu seras tout transformée. On dira voilà la belle de Caddie !
Bon, faut pas traîner je te rappelle qu’on a encore six quartiers à visiter pour que les paris aillent sur Jeanne d’Arc.
Caddie Oh, t’es sacrément intelligent. Tu sais quoi Carton, on dirait que t’as fait l’université de Bristol. Des fois je me demande ce que tu fais avec moi.
Carton Ouais, des fois je me pose aussi la question. Allez hue Caddie, hue !
Caddie et Carton disparaisse à cour. Mario sort du restaurant et s’installe sur la terrasse.
Mario Magnifico ! Il faut que je profite de mes dernières heures de chauffeur de taxi. Dès demain, je serai patron de ma compagnie. Taxi Mario, andiamo subbito !
Lucienne sort de chez elle ou se met à sa fenêtre et apostrophe Mario
Lucienne Monsieur Mario, venez par là.
Mario Si Signora Lucienne.
Lucienne Dites donc, c’est quoi cette histoire d’avenir flamboyant super Mario ? C’est qui cette Jeanne d’Arc ?
Mario Vous avez entendu ? Vous avez écouté ?
Lucienne J’étais par hasard tout près de la fenêtre, alors ? Cette Jeanne d’Arc ?
Mario Come ? Vous une française vous ne connaissez pas Jeanne d’Arc ? Cette femme qui habillée en homme a battu les inglese ?
Lucienne Celle-là je la connais mais je parle de celle qui est censée vous faire changer de vie.
Mario Rien d’importante ! Juste une petite affaire avec mes amis.
Lucienne Caddie et Carton vos amis, bien sûr. Je suis peut-être concierge mais croyez-moi comme catholique je suis plus cierge que con ! Vous n’auriez pas un filon sur une course par hasard ? Tout le monde sait que vous jouez au tiercé.
Mario C'est-à-dire qué…
Lucienne Dites-donc mon petit Mario, ce serait gênant que tous nos amis du quartier apprennent par hasard le nom du cheval qui va gagner la course sans parler de tous les clients du Parisien. Les brèves de comptoir circulent vites. Je suis quelqu’un de discret mais par inadvertance c’est vite fait de dire un mot de trop…
Mario Signora Lucienne, vous n’allez pas…
Lucienne Si…
Mario No…
Lucienne Si…
Mario Ma, peut-être que l’on peut s’arranger.
Lucienne Sûrement même, disons qu’en l’honneur de notre longue amitié, vous allez me faire une petite confidence.
Mario Si, une petite…
Lucienne devient très amicale et très proche…
Lucienne Alors dans quelle course la gentille Lucienne doit miser ?
Mario La 5ème à Vincennes…
Lucienne C’est bien Mario, et comment il s’appelle ce petit canasson qui va galoper très très vite.
Mario Si chiama, Jeanne d’Arc.
Lucienne Jeanne d’arc ? Curieux, ce n’est pas tellement un nom de gagnante !
Mario Si, ma là c’est différent, elle va pfffouiiiit !
Lucienne Pfffouiiit ? Et ben elle a intérêt de pfouiter parce que sinon le Mario il va savoir comment je m’appelle ; je vais même le pfouetter !
Mario Ca come je m’appelle, je le sais déjà. Je peux vous assurer qu’elle va gagner. Comme chauffeur de taxi, j’ai l’habitude des courses non ?
Lucienne On fait pas le malin le Mario. Bon c’est pas tout ça mais j’ai de l’argent à miser et une course à voir. Merci mon p’tit Mario, c’était un plaisir.
Mario Prego, le plaisir est per mio.
Lucienne rentre rapidement chez elle se préparer pour aller au champ de courses.
Mario D’imaginer que cette femme va gagner de l’argent grâce à moi. Stupido Mario !
Mario va au Canaillou retrouver La Bulle
Mario La Bulle ? Vous êtes là La Bulle ?
Helmut sort de l’office
Helmut Bonjour Mario ; La Bulle est dans son bain, elle se démultiplie.
Mario No capisco ?
Helmut Elle fait des bulles !
Mario Ah si, je dois la voir pour discuter d’une petite affaire.
Helmut Ja, mais personne ne va déranger La Bulle quand elle est dans son bain.
Mario Et ça dure combien de temps ?
Helmut Parfois quand elle sort elle a pris 20ans, elle est toute frippée. Mais je vais aller l’avertir.
Mario Grazie, je vais attendre là.
Helmut Juste une question Mario. Cette petite affaire est-ce que c’est la course de Jeanne d’Arc ?
Mario Ma, vous êtes aussi au courant ?
Helmut Ja, ce matin j’étais au Parisien quand klein Louis en a parlé.
Mario Ah, heu oui, oui c’est ça. Mais il y a beaucoup de monde qui en a entendu parlé ?
Helmut Nein, nein nous étions seulement les trois.
Mario Tant mieux, il ne faudrait pas que nous soyons tout de même trop à parier sur elle, les montants diminueraient.
Helmut Et vous êtes sûr que c’est elle qui va gagner ?
Mario Une certitude. Mes contacts sont en permanence avec elle et ils la suivent de très, très près.
Helmut Vous savez les certitudes ne sont pas toujours sûrs. Aujourd’hui en Allemagne on se méfie des certitudes.
Mario Si, je comprends mais regardez la liste des partants, aucun n’a jamais gagné.
Par exemple « Royal Pepper » lui il éternue pendant qu’il coure, « Blue satin » il glisse tout le temps, « Mont St-Michel » il est toujours sous l’eau, « Tableau de maître » lui c’est une vieille croûte de cavallo, « Trou normand » lui c’est j’y vais, j’y vais pas, je cours, je cours pas ; No, Jeanne d’Arc n’a pas de concurrence, croyez-moi.
Helmut Là je vois encore Shéhérazade…
Mario Totalement inconnue. Ma, y paraît qu’elle fait que la belle dans le paddock, aucune volta.
Helmut Dommage, ça me rappelle une danseuse d’un cabaret à Berlin. Elle avait un numéro de danse sur un tapis volant. Tous les hommes la regardaient en l’air en imaginant pouvoir partager son tapis. Mais aucune chance, elle détestait les carpettes.
Mario Helmuto, vous ne jouez jamais aux courses ?
Helmut Nein, vous savez moi le tiercé ça me fait quinter. Mais peut-être une fois…Rester là. Je vais avertir La Bulle.
Helmut part dans l’office et Mario attend. P’tit Louis débarque sur la terrasse du Parisien. M’sieur Albert
sort.
M’sieur Albert Alors P’tit Louis, reposé ?
P’tit Louis Ouais ça va. Tu me donnes mon p’tit blanc.
M’sieur Albert C’est comme si c’était fait.
Lucienne Pinson sort de chez elle discrètement pour aller parier sur la course.
M’sieur Albert Ben dis donc, elle est pressée notre Lucienne ! Ca doit être important, pour la voir filer de la sorte.
P’tit Louis Pendant ce temps ces locataires ont la paix.
M’sieur Albert entre dans le Parisien préparer le p’tit blanc et P’tit Louis se plonge dans le journal.
Helumt revient dans le Canaillou.
Helmut La Bulle souhaite vous voir dans sa loge, suivez-moi.
Mario Dans la loge ? Santa Maria, je vais dans la loge de La Bulle.Quand je vais dire ça à ma femme.
Helmut Je serai vous, je ne dirai pas ça à votre dame !
Mario Ah si ! Stupido Mario, claro. Si je dis ça à ma femme une sicilienne, l’Etna sera dans l’appartamento ! Ma c’est pour les affaires pas pour…la fiesta. Je vous suis, je vous suis…
Les deux hommes disparaissent dans les coulisses.
P’tit Louis Bon alors vérifions les cotes, ah ben c’est parfait, bien cotée la p’tite Jeanne d’Arc. Sur ce coup-là pour une fois, le Mario il s’est pas trompé.
Par contre, toujours pas de préavis de grève ! Je te jure qu’est-ce qu’ils foutent ces syndicats ? Ils sont vraiment payés à rien faire, ils en ont font encore moins que nous ! La dernière fois c’était…tellement loin que je m’en souviens pas. Ah si, le 12 juin dernier, non mais tu te rends compte, 4 mois, 4 mois sans grève. Le monde tourne vraiment pas rond.
M’sieur Albert ressort avec le ballon de blanc.
M’sieur Albert Qu’est-ce qui ne va pas ? Je t’entends ronchonner jusqu’au bar !
P’tit Louis Rends-toi compte Albert, ça fait 4 mois qu’à la RATP on a pas été en grève et crois-moi, il y a de quoi en faire une ou deux. Si ça continue comme ça on finira tous comme Caddie et Carton. A la rue !
M’sieur Albert Faut pas exagérer ! T’es toujours à répéter les mêmes choses. Tu as un emploi stable, les 35heures, la retraite plus tôt que les autres.
P’tit Louis Encore heureux ! Toute la journée c’est qui qui passe sa vie dans les tunnels ? C’est Bibi, on mérite bien de revoir le soleil avant les autres. Non moi je te dis, plus ça va, moins ça va.
M’sieur Albert Mouais, c’est clair.
P’tit Louis C’est pas avec notre gouvernement que ça va s’améliorer. Vivement que ça change. Le problème c’est qu’on va où ? Hein Albert ? Où va le pays ? Et quel candidat tu veux choisir, ils sont tous pareils, y en pas un pour racheter l’autre. La droite se met à l’écologie parce que c’est tendance, elle crée de nouveaux impôts qui protège les riches, les écolos se mettent à l’économie parce que sans pognon tu fais rien, le Front National veut plus d’étranger dans le pays ; dis-moi qui bossera dans ce pays une fois qu’ils seront tous loin et les socialistes par manque d’idées touche à tout jusque dans les Sofitel, non crois-moi Albert, la France de de Gaulle a disparu.
M’sieur Albert Je te confirme même que cela fait 43ans, t’es de la revue. Tu serais pas un peu aigri ? A force d’être dans le noir, tu as tendance à en broyer.
P’tit Louis Je suis réaliste, c’est pas pareil. Regarde-toi, t’es pas bien comme bistroquet ? Libre, pas de contraintes, des clients charmants qui ne t’embêtent pas toute la journée. T’as pas de problèmes Albert, t’as pas de problèmes.
M’sieur Albert Non bien sûr, nous les indépendants on a aucun souci contrairement à tous les fonctionnaires qui tremblent pour leurs avantages. Enfin P’tit Louis, ouvre les yeux ta situation n’est pas catastrophique.
P’tit Louis fait signe à M’sieur Albert de s’approcher de lui.
P’tit Louis Franchement Albert, si moi P’tit Louis parisien de pur souche, élevé au sein de la RATP depuis l’âge de 15ans et avec la même femme depuis 37ans, je ne ronchonnais pas, est-ce que je serai français ?
M’sieur Albert Sacré gaillard !
P’tit Louis Mais ça va changer Albert ! Ce soir, il y a une course qui devrait me rapporter gros.
M’sieur Albert Ah ça ! J’en entends parler depuis l’ouverture. Si ça marche, le quartier sera plein de nouveaux riches dès demain.
P’tit Louis Plein ? J’espère quand même que Mario n’a alerté la terre entière.
Mario sort du cabaret Le Canaillou.
M’sieur Albert Quand on parle du loup…
Mario Saluti ! Alors prêt pour la Dolce vita ?
P’tit Louis Dis donc, qu’est-ce que tu faisais au Canaillou ? T’es le chauffeur de La Bulle ?
Mario Ma no, d’ailleurs elle a pas besoin d’être chauffée, éh ! No, elle voulait aussi faire une petite mise sur notre course.
P’tit Louis C’est bien ce que je disais, t’as mis tout le quartier au courant.
Mario Calmo, calmo Louis. Seulement aux amici. Tu as l’argent ? Je vais aller au bureau de tabac pour valider tous les bulletins.
P’tit Louis Ouais mais t’as intérêt que ça marche parce que sinon je vais en entendre à la maison. J’ai promis à ma Louise qu’on allait sortir du tunnel.
Mario No problemo, c’est le coup de l’année aussi sûr que je suis napolitain et crois-moi les napolitains on a l’habitude des magots.
P’tit Louis Des magots ou des magouilles ?
Mario Tu me remercieras dès ce soir P’tit Louis.
M’sieur Albert Bien, je vais préparer la petite salle pour ce soir on devrait être nombreux à regarder cette course.
Mario Alberto, tu n’as pas joué, tu veux parier ?
M’sieur Albert Non, je n’aime pas les paris. Les seules courses que je fais sont celles pour remplir ma chambre froide mais je suis de tout cœur avec vous.
Bien Messieurs, à ce soir pour le grand soir !
Madame Lucienne revient de sa « mission. »
C’est le soir, le Canaillou est éclairé tout comme la rue et on s’active au Parisien.
Helmut accueille les premiers clients du Canaillou et les installe dans le cabaret. Trois hommes arrivent
ensemble.
Helmut Bonsoir Messieurs, willkommen, bienvenue, welcome, au cabaret le Canaillou. Prenez place, voici la carte et patientez encore quelques minutes. La Bulle va bientôt entrer en scène.
Gérard Oh dis-donc les gars, j’ai comme le sentiment qu’on a eu une bonne idée de venir ici.
Etienne Oui mais on fait pas long.
Simon T’as pas bientôt fini Etienne, détend-toi ! On fait rien de mal. On vient juste assister à un spectacle typiquement parisien.
Etienne Ouais mais c’est un cabaret. Si ma femme était au courant, j’en verrais de toutes les couleurs !
Gérard Pour quoi ta femme le saurait ? T’es pas assez bête pour lui en parler, non ?
Etienne Oh non ! J’ai pas envie d’aller dormir au garage. J’appréhende déjà quand je devrais lui expliquer en détails notre virée à Paris, elle va me poser plein de questions. Va falloir que je trouve quelque chose à lui dire pour cette soirée. On voit bien que vous connaissez pas ma femme.
Simon Ah si, on la connaît et c’est bien pour ça que c’est pas la nôtre de femme ! (rires)
Gérard Tu n’as qu’à lui dire qu’on est allé au Pied de cochon, une des brasseries les plus connues.
Etienne Pas sûr que ce soit une bonne idée, rien que le nom du bistrot va pas lui plaire.
Helmut Alors Messieurs, que souhaitez vous commander ?
Gérard Moi je me boirai bien une coupette de champagne, et vous ?
Simon Je te suis et toi Etienne ?
Etienne Non pas moi, après j’ai la tête qui tourne et ça me saoule.
Gérard Et il est où le problème, t’es entraîné avec ta femme. Allez, chipote pas ! Trois coupes de champagne s’il vous plaît.
Helmut Bien Messieurs.
Simon Comment tu connais cette adresse Gérard ?
Gérard Pas compliqué, je suis venu en repérage l’année dernière pour préparer notre soirée et on a découvert cet endroit. Faut dire qu’on en parle partout. Même le chauffeur de taxi, m’a dit. « A Paris, vous devez absolument voir les deux grandes dames, la Tour Eiffel et La Bulle »
Simon Mais à ce qui paraît La Bulle est plus souple !
Etienne Les gars, on boit notre verre on écoute une ou deux chansons et on s’en va, d’accord ?
Gérard On se détend Etienne, on se détend.
Etienne Qu’est-ce vous voulez, j’ai pas l’habitude de ce genre d’endroits, avec ma femme pendant les vacances on visite les temples, les églises, les monuments.
Simon Eh ben, il n’y a plus de problème Etienne, on vient voir un monument de la chanson. Et puis pas de souci on regarde, on visite pas !
Helmut Voilà Messieurs, 3 coupes de champagne. Bonne soirée.
Simon A la vôtre camarades ! A la santé de la femme d’Etienne à qui on pense beaucoup !
Etienne Ah ça c’est sûr, j’arrête pas d’y penser ! Vous ne vous rendez pas compte les copains mais ma femme c’est quelque chose, elle a toujours le dernier mot.
Gérard Ah bon, moi à la maison c’est toujours moi qui ai le dernier mot.
Simon Comment tu fais ?
Gérard Je lui dit seulement « Oui, chérie ! ».
Simon Tu sais Etienne, t’as tout de même de la chance. Ta femme est un peu possessive et jalouse mais au moins vous n’arrêtez pas de penser l’un à l’autre.
Etienne Dis comme ça, c’est vrai.
Simon Ma femme et moi on a été heureux pendant 25ans.
Etienne Ah bon, pis après ?
Simon Après ? On s’est rencontré !
La Bulle entre en scène ; Gérard et Simon applaudissent.
Gérard Bravo !
Simon Vive La Bulle (il donne un coup de coude à Etienne qui ne bouge pas) Etienne applaudit mollement.
Etienne Bravo, Youpiie (doucement)
La Bulle Cher public merci. Bienvenue au Canaillou. Je vais vous interpréter les plus grands standards de la chanson française ; ceux qui ont fait Paris. Musique…
La Bulle interprète ses chansons. Durant l’une de ses chansons, La Bulle passe de table en table
charmant son public. A un moment elle s’attarde à la table de nos trois lurons et séduit Etienne.
Etienne Oh là, là…si ma femme voyait ça !
Gérard & Simon ils lui tapent sur l’épaule.
Fin des chansons…
Gérard Bravo !
Simon Magnifique ! J’en ai la chair de poule.
Etienne Moi aussi, rien que de penser à ma femme.
Gérard T’es bizarre Etienne. Moi quand je vois La Bulle, crois-moi je pense pas à ta femme !
Lucienne sort de chez elle et appelle ses chats alors que M’sieur Albert nettoie sa terrasse.
Lucienne Aspi ! Spontex ! Vous êtes où ? Minou, minou, minou…les minets vous êtes où ? Aspi, Spontex ?
M’sieur Albert Alors M’dame Lucienne, on a perdu ses chats ? (en chantant) C’est la mère Lucienne qui a perdu ses chats…
Lucienne Ho ça va ! C’est tous les soirs pareils ! Je ne sais pas où ils vont rôder. Ce sont bien des matous. Pourtant je les ai fait castrer mais ils ne sont par pour autant plus calmes !
Aspi ! Spontex ? Minous…y sont où les minous, minous de mamy Lucienne ? On rentre à la maison y a du bon miam-miam pour Apsi et Spontex. Mmhmmm, maman a préparé plein de bonnes choses. Aspi, Spontex, si vous ne venez pas vous dormirez dehors avec tous les méchants chats-chats du quartier, hou les vilains chats qui vont faire bobo à Spontex et Aspi.
M’sieur Albert Juste une question M’dame Lucienne. Vos chats ils ont fait l’uni ?
Lucienne Hein, qu’est-ce que vous racontez ?
M’sieur Albert Vous leur parlez comme si il comprenait le français. Vous vous attendez à ce qu’ils vous répondent ?
Lucienne Vous êtes stupide, moquez-vous ! Si vous croyez que c’est simple de faire rentrer ces deux-là !
M’sieur Albert Non, non, je comprends bien. Moi c’est le contraire j’ai toutes les peines du monde du monde à faire sortir mes derniers clients.
M’sieur Albert Dépêchez-vous de les trouver, vous savez ce qu’on dit la nuit tous les chats sont gris.
Lucienne Aidez-moi au lieu de regarder bêtement !
M’sieur Albert Regardez là-haut ! Sur le toit, ce ne sont pas vos chats ?
Lucienne Oh ben si, oh mon dieu mais qu’est-ce qu’ils font là-bas.
M’sieur Albert C’est ce qu’on appelle des chats de gouttière. Si vous voulez mon avis, ça leur donne l’occasion de vous regarder de haut, une fois n’est pas coutume.
Lucienne Non mais dites donc ! On pas gardé les locataires ensemble ! Je vous en prie.
Faites quelque chose au lieu de médire.
M’sieur Albert Qu’est-ce que vous voulez que je fasse ? Je ne vais quand même pas monter sur un toit brûlant pour récupérer vos chats ! Le mieux c’est d’attendre qu’ils redescendent tout seuls.
Les chats se mettent à miauler.
M’sieur Albert On est parti pour un concert de matous.
Chœur des enfants. Dès la fin des chants, M’sieur Albert range sa terrasse ; Caddie et Carton débarque
dans la rue.
Carton Allez Caddie encore un dernier effort, on est arrivé ! Avec un peu de chance c’est notre dernière nuit dehors.
Caddie Oh ben j’espère parce que j’en peu plus de ce tas de ferraille ! Et avec toi dedans, il est encore plus lourd.
Carton a un bandage autour de la tête et marche comme un cow-boy.
Carton Ca va, ça va…avance !
M’sieur Albert Ben alors Caddie, Carton que faites-vous là ? Vous n’êtes pas à Vincennes ?
Caddie Non et c’est la faute à Carton ! Il a fait une grosse bêtise.
Carton Oh ça va Caddie, ça va.
M’sieur Albert Qu’est-ce qui s’est passé ?
Caddie Môsieur Carton a voulu voir comment le chevaux y courait.
M’sieur Albert Cheval !
Caddie Faudrait savoir, ce matin tu m’as dit qu’on dit chevaux pas cheval.
M’sieur Albert Oui, d’accord bon raconte.
Carton Mais non, c’est pas la peine…
Caddie Ah si, pour une fois que je peux raconter quéchose que tu as fais faux.
Môsieur Carton, ben il a voulu essayer un chevaux, cheval bref un canasson. Alors il est monté dessus, il l’a tenu par les cheveux et il a donné un grand coup avec les pieds.
M’sieur Albert Et ?
Caddie Eh ben, le canasson il est parti à tout vitesse. Il a fait une course tout seul avec Carton dessus. Mais le problème c’est que y avait pas de scelle alors Carton y criait fort, ouille, ouille, aille, aille !
Carton Ca va, on a compris.
Caddie Non, c’est pas fini. Il a fait tout le tour de Vincennes en sautant sur le canasson. Le gardien y s’est réveillé et il courait après Carton. Mais comme Carton était sur le canasson ben il courait plus vite que le gardien.
M’sieur Albert Ca s’est fini comment ?
Caddie Ben, le canasson après sa course il est rentré tout seul dans sa maison avec Carton. Sauf que Carton il a pas l’habitude de faire le joker alors il a pas vu la poutre devant l’écurie. Le canasson a passé dessous et Carton il a passé dedans !
M’sieur Albert Hou…Vous ne vous êtes pas fait arrêtés ?
Caddie Presque mais j’ai mis carton dans ma voiture et j’ai couru vite dans le noir jusqu’ici.
M’sieur Albert En quelque sorte, vous avez pris la poutre d’escampette ! (rires)
Carton Ah, c’est drôle !
Carton essaie de descendre du caddie, M’sieur Albert l’aide à en sortir.
Carton Ouilleouilleouille, aie !
Caddie Ben il faisait comme ça pendant la course mais plus fort !
Carton Hou là, hou là, là.
Caddie Tu marches bizarre Carton.
Carton J’aimerai bien t’y voir. Tous ces médecins qui te parlent de régime sans sel, je vais te dire ils ont jamais essayé !
M’sieur Albert Bon John Wayne ça va aller ? Tu veux rentrer t’asseoir un moment ?
Carton M’asseoir ? Tu rigoles ? J’ai plus de fesses ni le matériel qui va avec ! Si tu es d’accord on va s’installer sur ta terrasse pour la nuit.
M’sieur Albert Oui, pas de problème comme au bon vieux temps. Faites comme chez vous, moi je dois y aller, j’ai du monde ce soir.
M’sieur Albert rentre dans son Parisien.
Carton T’étais pas obligée de tout raconter.
Caddie Toi, tu racontes toujours plein d’histoires avec moi alors quand j’en ai une avec toi, je vais pas me gêner. Ouske que je mets la maison ?
Carton Ici, on sera bien.
Caddie en un mouvement déplie le carton qui se transforme en niche avec un toit.
Caddie Remarque, ton accident il a du bon. Là t’es déjà tout plié pour rentrer dans notre maison !
Carton Ca va, ça va…
Caddie Ce soir mon carton, il est tout ondulé !
Carton C’est bon Caddie, ferme ton magasin.
Caddie Tu crois qu’elle va gagner tout à l’heure ?
Carton J’espère Caddie, j’espère…
Bon ben c’est pas tout ça mais là c’est le moment de mettre la viande en torchon. Bonne nuit Caddie.
Caddie Bonne nuit Carton.
On voit Lucienne sortir de la maison et rejoindre le Parisien. Noir. Le lendemain matin…P’tit Louis
débarque au Parisien.
P’tit Louis Ah, je te jure ! Mais quelle idée j’ai eu d’écouter ce Mario !
M’sieur Albert Salut P’tit Louis, alors remis de tes émotions.
P’tit Louis M’en parle pas ! Non mais t’as vu cette course ? A peine les stalles étaient ouvertes qu’on avait l’impression que notre Jeanne d’Arc courait à 3 pattes ! On voyait bien qu’elle était cuite la Jeanne d’Arc. Grillée avant même d’avoir commencé.
M’sieur Albert Eh oui, l’histoire se répète !
P’tit Louis Je le retiens notre chauffard avec ses tuyaux percés.
M’sieur Albert Il était sûr de son coup et il a parié comme vous, vous n’étiez pas obligé !
P’tit Louis Peut-être, mais lui il a pas eu droit au comité d’accueil à la maison. T’a jamais vu M’dame P’tit Louis dans l’encadrement de la porte maniant son rouleau à pâte.
M’sieur Albert Non ?
P’tit Louis Et comment ! Dans ces moments-là, elle pense pâte brisée pas feuilletée !
Avec ce bruit, Carton et Caddie se réveillent.
Carton Oh là ! Qu’est-ce qu’il a à crier comme ça ? Moi je crie pas quand les gens dorment !
M’sieur Albert Salut Carton, bien dormi pas trop cassé ce matin ?
Carton Il en faut plus que je sois foutu, Carton a l’habitude de se recycler.
M’sieur Albert P’tit Louis n’est pas content d’avoir perdu aux courses hier.
P’tit Louis Et c’est rien de le dire, si je croise Mario je vais luis faire manger son taxigraphe.
Carton Ah, ben c’est bien enfin je veux dire c’est bien si c’est que ça. Caddie, réveille-toi !
Caddie Aaahhh (elle s’étire de tout son long), j’ai dormi comme une princesse, j’ai fait que des beaux rêves ouske on avait une grande maison.
Carton C’est bien, c’est bien.
P’tit Louis Ben moi aussi, la belle maison elle va rester en rêve.
Carton Alors cette course, c’est qui qui a gagné ?
M’sieur Albert Blue Satin. Fallait voir, il a glissé jusque vers l’arrivée. Ils avaient tous misé sur Jeanne d’Arc mais apparemment elle était en mauvais point, elle a fini belle dernière.
Carton Ben c’est bête. Mais y avait pas une qui s’appelait Shéhérazade dans les gagnants ?
P’tit Louis Tu rigoles ? Elle a même pas pris le départ. Paraît qu’en début de soirée des témoins l’ont vue courir dans Vincennes avec quelqu’un sur son dos. Elle a tellement dépensé d’énergie que son propriétaire n’a pas voulu la faire courir.
M’sieur Albert On se demande bien qui a oser faire une chose pareille.
Carton Ouais, on se demande.
Caddie Mais vous êtes bête ! C’est toi qui….
Carton Tais-toi Caddie. Tu vas dire une bêtise t’es pas encore réveillée. Ils savent qui a fait le coup.
P’tit Louis Non, aux dernières infos il cherche toujours.
Lucienne sort de son immeuble.
Lucienne Bonjour Messieurs Dames, est-ce que Monsieur Mario est apparu ce matin ?
M’sieur Abert Ah non, et je ne sais pas si on va le voir de sitôt.
Lucienne Ah celui-là je le retiens avec ses bons conseils. Quand on est pas sûr de ce que l’on dit, on se tait !
La Bulle sort du Canaillou.
Carton Oh mais qui voilà, la belle bulle.
Caddie Oh Carton, tu veux mes yeux pour t’aider à regarder ? T’as toute la marchandise qui
faut avec moi alors arrête de te faire envie.
Carton Ben justement ça me change, là au moins je me fais envie !
Caddie Ouais, je fais te les faire passer tes envies.
Carton C’est ça, ben fais-les passer au loin !
Caddie Toi vraiment, t’es qu’un goujon !
Carton Goujat, on dit goujat pas goujon.
La Bulle Bonjour tout le monde ! J’ai comme l’impression que le quartier est en ébullition ce
matin. Moi hier soir, j’ai encore triomphé avec mon tour de chant mais il semblerait
qu’une n’ait pas assuré dans son tour de piste.
P’tit Louis Vous aussi, vous avez parié ? Décidément tout le quartier a perdu.
Mario arrive dépité.
P’tit Louis Ah te voilà, escroc !
Lucienne Déjà de ponctionner vos clients avec votre taxi ça vous suffit pas, vous devez le
faire ici aussi !
Mario Je suis désolé, j’étais sûr de mon coup.
Carton Bon Caddie, nous on va y aller.
Mario No, restez miei amici. C’est eux qui m’ont dit de parier sur Jeanne d’Arc.
P’tit Louis N’importe quoi. T’as rien trouvé de mieux que de mettre la faute sur ces deux-là. Tu
devrais avoir honte !
La Bulle C’est vrai ce n’est pas bien.
Lucienne Scandaleux, des gens aussi simples !
Mario Mé, je vous assure que c’est la vérité. Parlez pour me sauver la vita.
Carton Bon, il a raison ! C’est Caddie et moi qui avons monté le coup.
P’tit Louis Oh j’y crois pas !
Lucienne Vous avez fait confiance à ces couche-pavés ?
M’sieur Albert C’est le moment de vous expliquer.
Carton C’est pas compliqué. Avec Caddie on s’est retrouvé à dormir dans les box à
Vincennes. Tous les soirs on entendait les spécialistes parler de leurs chevaux. Et
tous disaient la même chose sur Shéhérazade comme quoi elle gagnerait les doigts
dans les naseaux. Alors, je me suis dit que c’était peut-être la solution pour que
Caddie et moi on quitte la rue. Après 20ans de macadam, on commence à se faire
vieux pour dormir dehors. Mais voilà, ça n’a pas payé on a pas été correct et ben on
a reçu la monnaie de notre pièce. On s’excuse par vrai Caddie ?
Caddie Ouais, on s’excuse. Mais avec l’âge, ça devient pénible d’être tout le temps dehors ;
on commence à avoir de l’apothéose.
Carton de l’arthrose !
M’sieur Albert Et voilà, tout le monde a voulu profiter de l’autre et bien vous vous êtes tous fait
prendre à votre propre jeu.
Et les amis, ce n’est pas grave. Ce n’est qu’un jeu et puis vous n’avez pris de gros
risques, hein. Ce n’est que de l’argent ; ce qui compte c’est l’amitié et mois je suis
bien content que vous ayez échoué. Vous auriez tous perdu la tête avec votre
fortune et le quartier lui aurait perdu son âme.
P’tit Louis Une fois de plus, ces chauffeurs de taxi tous des bonimenteurs, des arnaqueurs. Moi
je vous le dit, prenez le métro !
Melissa Bonjour, vous tenez une conférence ?
M’sieur Albert Vous êtes radieuse ce matin. Ma petite Melissa, vous êtes la plus jeune d’entre nous
mais sûrement la plus sérieuse. C’est avec le travail que l’on gagne sa vie pas avec
le jeu.
Melissa Bien en fait, heu…..
P’tit Louis Quoi ?
Melissa A ce sujet, je voulais…
Lucienne Parlez Mademoiselle, faites pas la timorée !
Melissa J’ai aussi joué hier. Avec toute cette agitation, je me suis dit que je pouvais bien
tenter ma chance une fois.
Lucienne Bravo ! Quelle jeunesse ! Voyez Mario, l’exemple.
M’sieur Albert Grâce à toi cette pauvre étudiante qui doit déjà se serrer la ceinture,
a aussi perdu de l’argent.
Melissa Mais je dois…
P’tit Louis Bravo, bravo Mario ! Tout le quartier a perdu…
Mario Scuzi ! Ma je ne voulais pas ; j’étais sincère…
Melissa Je peux parler ?
Tout le monde se tait.
Melissa Merci. Donc hier, j’ai joué complètement au hasard le tiercé. Comme vainqueur, j’ai
mis « Blue Satin » parce que j’adore le satin n’en déplaise à Madame Lucienne, en
2ème j’ai mis « Tableau de maître » parce qu’après la littérature, la peinture est ma
passion et enfin en 3ème « Trou normand » parce qu’il n’y pas un dimanche où mon
papa ne nous en sert pas !
P’tit Louis Dis donc, mais tu viens de donner l’arrivée du tiercé, là.
Melissa C’est ça !
P’tit Louis Oh j’y crois pas !
Lucienne Blue satin, vous avez gagné au tiercé en pensant à vos culottes, mhmm !
Mario Elle a gagné sans lire les pronostics.
La Bulle Elle est bien cette petite, la discrétion est souvent efficace.
M’sieur Albert Je suis aussi content pour toi Melissa. Tu travailles dur pour ton avenir, t’as bien le
droit à un coup de pouce.
Melissa J’ai encore quelque chose à dire. Dès que j’aurai touché mon argent, je pense
déménager et me rapprocher de l’université. Du coup, mon studio en haut se
libérera. Et bien Carton & Caddie, je vais le racheter et il sera à vous, comme ça
vous n’aurez plus à dormir dehors et vous pourrez rester dans votre quartier.
Caddie et Carton sont bouches bées
P’tit Louis Alors là, je dis chapeau ! Des comme ça il en faudrait au syndicat.
Mario C’est une sainte cette femme. Santa Maria !
M’sieur Albert Non, Santa Melissa.
La Bulle Voilà un geste qui t’honore ; la jeunesse est belle !
M’sieur Albert (à Carton et Caddie) Vous ne dites rien ?
Caddie Je suis bouche C !
Carton B, on est bouche bée. Merci petite, on savait que tu étais intelligente mais
maintenant on sait aussi que tu as l’intelligence du cœur.
Caddie M’dame Lucienne, faudra me dire ouske que je pourrai parquer ma voiture.
Lucienne Cette horreur ? Dans ma maison ? Je crois que je préfère encore votre lessive
Melissa.
Mario Pour me faire pardonner, j’offre une tournée à tout le monde. Albert, sers-nous
quelques antipasti…
P’tit Louis Ah non ! Côté spécialités italiennes on a été servis ! Mario t’es peut-être antipasti
mais nous on est plutôt pro pastis.
M’sieur Albert Et une tournée, une !
F I N
INTRODUCTION AUX CHANTS DES ENFANTS
Avant la première réplique d’Albert « Bizarre… »
A la fin du prologue, les enfants arrivent sur scène en nombre et courent, crient, partent et reviennent, se chamaillent.
Albert sort de son restaurant
M’sieur Albert Oh là ! On se calme ! Dites les chenapans, c’est pas bientôt fini ? Mais qu’est-ce que
vous avez à être aussi excités ? Mais quelle énergie…Doucement…mais c’est pas
possible ! Je peux vous dire qu’à votre âge, moi j’étais…j’étais…pire que vous !
Au lieu de crier vous ne pourriez pas aller à l’école tranquillement, en chantant ? Ce
serait tellement plus agréable…non ?
Le chœur des enfants chante.
FIN