Rendez-vous au square
Dans un square, des personnages farfelus ou inattendus se croisent, se parlent, se fâchent ou s’apprécient au gré des rencontres.
Décor (1)
Rendez-vous au square | Un banc. Quelques éléments mobiles. |
Dans un square, des personnages farfelus ou inattendus se croisent, se parlent, se fâchent ou s’apprécient au gré des rencontres.
Rendez-vous au square | Un banc. Quelques éléments mobiles. |
1er ACTE
Scène 1 : Mme Espic / Mme Bouchaclac
Mme Espic / Vous pensez bien que je lui ai dit ma façon de penser. Parce que, lorsque l'on tient un commerce, si on n'est pas capable d'avoir un comportement agréable vis à vis de la clientèle, et bien on fait autre chose. J'ai pas raison ?
Mme Bouchaclac / Ah ça oui. Faut toujours dire ce qu'on pense aux gens qu'on n'aime pas.
Mme Espic / Parce que madame Bouchaclac, moi, je ne suis pas obligée d'y aller dans son magasin. Si j'y vais, c'est parce que c'est le plus près de chez moi. Remarquez, y'en a un autre mais c'est à deux cent mètres. C'est loin mais j'y suis allé une fois, pour voir. Et bien je ne suis pas près d'y retourner, dans leur gourbi ! D'ailleurs, je me demande comment ils arrivent à boucler leurs fins d'mois. Ça m'étonnerait pas qu'ils fassent du trafic.
Mme Bouchaclac / Du trafic dans une boulangerie ?
Mme Espic / Moi, on ne me roule pas dans la farine. La dernière fois, j'ai bien vu que je dérangeais. Quand je suis entrée, la patronne discutait avec une cliente. Remarquez, je ne suis pas contre qu'on discute dans un magasin avec des clientes, mais pas quand y'a des gens qu'attendent, parce que moi, j'ai pas que ça à faire ! Déjà qu'à la boucherie, c'est pareil, avec l'autre abruti qui vous parle de ses rognons en faisant des allusions. Tenez, la dernière fois, je lui ai demandé une saucisse. «J'en ai une belle», qu'il me dit.
Mme Bouchaclac / Des belles quoi ?
Mme Espic / Madame Bouchaclac ! Je ne vais pas vous faire un dessin. Encore que si ça s'trouve c'est un vantard. Alors moi, du tac au tac, je lui réponds : J'en ai vu d'autres. «Je vous la découpe en tranches ?» Qu'y m'fait. (Madame Espic continue à parler. Discrètement Mme Bouchaclac s'en va sans que madame Espic ne s'en aperçoive). Il me dit ça à moi ! Alors là, direct, je lui dis : Mon chien préfère les boulettes !
Un homme arrive et s'assoit à côté. Madame Espic ne s'en rend pas compte et continue sa conversation.
Scène 2 : Mme Espic / M Venoul
Mme Espic / Et bien, je peux vous dire il a pas aimé. Ah j'vous jure, si y'avait qu'moi, allez, couic ! Il la ramènerait moins. J't'en ficherais, des saucisses Parce qu'on n'en parle pas dans les journaux mais y'a un sacré paquet d'obsédés dans les charcuteries. (Elle regarde Monsieur Venoul sans se poser de questions sur le changement de personne) Vous n'êtes pas charcutier ?
M Venoul / Vous pouvez parler un peu plus fort ? Je n'entends pas bien de cette oreille.
Mme Espic / (Elle chuchote) Idiot, abruti, patate. Ah ben non, il entend rien. (Elle crie) Remarquez ! Dans les charcutiers, y'en a des biens. J'en ai même un dans la famille. C'est le cousin du beau-frère de la tante à une nièce du côté de la tante de la sœur à mon mari. Enfin, je dis mon mari, mais je devrais dire, mon ancien mari. Il est mort, un suicide. Paraît qu'il en pouvait plus. Qu'est-ce que vous voulez.. Ils sont jamais contents.
M Venoul / Je suis désolé.
Mme Espic / C'était mon troisième. Heureusement que j'ai l'habitude.
M Venoul / Il fait beau ?
Mme Espic / Huit degrés ce matin à sept heures, deux millimètres d'eau au pluviomètre, vent d'Ouest force un et demi, passage nuageux en fin de matinée et risque d'orage en fin d'après-midi. Hier, ils avaient annoncé de la pluie, mais à la météo, ils doivent picoler. Et qui c'est qui paye ? C'est nous ! C'est comme à la mairie. L'autre jour, j'ai attendu dix minutes ! Soit disant qu'ils étaient occupés. Personne ne veut l'dire, mais dans les mairies, c'est pas comme dans les cafés. Dans les cafés, au moins on peut s'asseoir. Mais dans les mairies, qu'est-ce qu'il fait l'maire ? Moi si j'étais maire, j'installerais un bar dans la mairie, les gens râleraient moins.
Elle parle sans s'occuper de lui. M Venoul en profite pour mettre des boules Quiès
Remarquez, le maire, je n'ai pas voté pour lui, parce que moi je fais pas de politique. Dans la politique, ça cause, et ça cause. Est-ce que j'cause moi ? Ça cause et ça n'a rien à dire ! Ah si, des promesses ! En veux tu, en v'là ! Tiens comme mon deuxième mari. Cet abruti m'avait promis de m'emmener à Dunkerque. Et bien moi, Monsieur, j'ai jamais vu Dunkerque ! Vous l'croyez ça ? Vous connaissez Dunkerque ? .. Ca m'étonne pas. Et bien je vais vous dire : Les boulangers, les maires, les charcutiers, tous dans l'même sac ! Vous n'êtes pas d'accord ?
M Venoul / Comment ?
Mme Espic / Bon. J'ai compris. (Elle se lève et part tout en continuant à parler) Pour une fois que j'ai envie d'causer. Bonne journée ! Faut que j'aille chez l'coiffeur. Oh, j'y vais pas souvent. Une fois par semaine, c'est bien assez. Mais alors la coiffeuse, elle arrête pas d'jacasser, et vas-y que j'te jacasse. Faudra bien qu'un jour que quelqu'un lui dise de la fermer. (Elle s'éloigne et parle toute seule) Remarquez, c'est pas moi qui lui dirais, je n'aime pas faire de peine. Et moi, je suis plutôt du genre discrète..
Scène 3 : M Venoul / Parano / Joggeur
On entend les oiseaux dans les branches. M Venoul enlève ses boules Quies, écoute, puis sort un téléphone et appelle.
M Venoul / T'es où ? … Ah, tu va être un peu en retard. … Bon je vais t'attendre. En plus, je suis tombé sur une cinglée. Elle n'arrêtait pas d'baver. … Mais non, elle bavait pas comme une limace. Elle causait ! ….... J'ai fait celui qu'était sourd. C'est dingue ce qu'on entend quand on est sourd. .. Bien sûr que j'la connais pas. .. Mais j'y peux rien si on m'cause ! Et celle-là, j'ai pas envie d'la connaître ! …... Mais oui ! Les autres non plus ! Oui.... Tu l'sais bien. Y'a que toi ! …. D'accord, y'a que toi et ma femme. .. Mais ma femme, elle compte pas. …. Oui, l'autre est partie ! … D'accord.... Tu peux venir. Mais dépêche-toi.
On entend à nouveau les oiseaux puis un homme arrive. Il semble inquiet et regarde partout, puis il s'assoit à côté de lui. (chapeau, lunettes noires, fausse barbe) Pendant quelques instants, ils restent silencieux. On entend toujours les oiseaux puis l'homme ouvre un journal et parle sans le regarder
Parano / Le chat de la bijoutière donnera l'heure à une heure moins l'quart.
M Venoul / Pardon ?
Parano / Le chat de la bijoutière donnera l'heure à une heure moins l'quart.
M Venoul / Il est midi deux.
Parano / Vous êtes seul ?
M Venoul / Ça s'voit pas ?
Parano / Surtout, ne me regardez pas. Continuez à regarder devant vous, faîtes comme si je n'étais pas là.
M Venoul / Pourquoi ?
Parano / Je ne peux rien dire..
M Venoul / (Il demande en parlant la bouche fermée) Qu'est-ce que vous voulez ?
Parano (Il parle également la bouche fermée) Regardez là haut.
M Venoul regarde le ciel.
M Venoul / Où ça là haut ?
Parano / Là haut. Dans l'arbre..
M Venoul / Quoi dans l'arbre ?
Parano / Le nid d'pie !
M Venoul / (Il cherche puis aperçoit le nid de pie) Ah oui, y'a un nid.
Parano / C'est un nid d'pie.
M Venoul / Ah bon ?
Parano / Y'a une caméra dans l'nid..
M Venoul / Une caméra dans le nid d'pie ? Et pis quoi ?
Parano...