Le public est installé. Rideau fermé, les 3 coups !
La sono commence à diffuser « Mon vieux » interprétée par Daniel Guichard.
Laisser chanter jusqu’au couplet 5 durant lequel le rideau s’ouvre : “ on n’recevait jamais personne, ça n’le rendait pas malheureux, Je crois, mon vieux...“
La chorale, soit est déjà en place, soit entre sur scène en chantant la suite en karaoké.
NB : vous pouvez simplifier en faisant chanter vos comédiens en karaoké depuis le début
ou en accompagnant Daniel Guichard.
CAMILLE est aux commandes, tel un chef d’orchestre.
Ils ne chantent pas tous très juste, surtout DENISE, très émue qui sanglote.
ACTE 1
Scène 1
CAMILLE, ADAM, CHARLES, DENISE,
IRMA, LUCIEN, SYLVAIN, YVONNE
La chorale des résidents.
Dans son vieux pardessus râpé,
Les jours de paie quand il rentrait
On l’entendait gueuler un peu
Mon vieux
Nous on connaissait la chanson,
Tout y passait, bourgeois, patrons
La gauche, la droite, même le bon dieu
Avec mon vieux.
Chez nous y-avait pas la télé
C’est dehors que j’allais chercher
Pendant quelques heures l’évasion,
Tu sais, c’est con !
Dire que j’ai passé des années
A côté d’lui sans l’regarder…
On n’a à peine ouvert les yeux
Nous deux…
CAMILLE
Soupir et bras levés vers le ciel, en signe de désespoir.
Stop !…. Mais vous me faites quoi là ? Et Denise ! Pourquoi tu pleurniches en chantant ?
DENISE
Cette chanson… Je repense au vieux pardessus râpé de mon regretté papa…
Et c’était aussi sa chanson préférée.
IRMA
C’est ta faute aussi Camille, là. Dans notre chorale “ les Joyeux Coucous “, on est des personnes sensibles, alors si tu nous branches sur radio nostalgie…
CHARLES
Le mieux ce serait de le faire façon « Ici Londres ».
Vous pouvez ajouter en fond sonore le fameux brouillage (ça se trouve sur internet) tandis que Charles parle avec le ton saccadé qui convient pour imiter De Gaulle.
Les Français parlent aux Français. Voici quelques messages personnels :
« Les dimanches étaient monotones… On ne recevait jamais personne ».
Je répète : « Les dimanches étaient monotones, on n’recevait jamais personne ».
« Dans son vieux pardessus râpé… Les jours de paie quand il rentrait… »
Je répète…
CAMILLE
Oui bon Charles ! On va pas vous écouter élucubrer jusqu’au débarquement. Je sais pas ce que vous avez ce matin mais vous chantez faux ! Allez ! On se le refait ce couplet…
Elle lève les bras, prête à diriger un nouvel essai et donne le ton de la première note…
Les dimanches étaient monotones…. Do… Do…
LUCIEN
Prenant l’initiative de chanter en impro.
C’est p’t être exprès qu’on chante faux
Et qu’on s’emmêl’ tous les pinceaux
Parce qu’on n’veut pas faire des envieux, mon vieux,
SYLVAIN
Alors on chante comme des tocards
Pour pas vexer Daniel Guichard
Tant pis si c’est pas mélodieux, mon vieux
DENISE
Chantant juste cette fois (tonalité montante).
Si on voulait s’lâcher la voix,
On s’rait d’jà tous à l’Olympia,
Elle se tourne vers Camille et pointe son index vers elle.
Toi t’en croirais pas tes oreilles… Ma vieille…
CAMILLE
Applaudissant doucement
Eh ben, tu vois Denise quand tu veux.
Denise flattée se redresse fièrement.
N’empêche que vous aviez bien monté votre coup. Parce que là, ne mes dites pas que c’est de l’impro…
SYLVAIN
Oui bon… On avoue. On a voulu te taquiner.
DENISE
Parce qu’en vrai, moi, j’ai le niveau pro !
LUCIEN
ça va là Denise ! On sait tous que t’es passée à « The voices kids », mais c’était il y a longtemps ! Très longtemps !
ADAM
Moqueur
Si longtemps que ça ne s’appelait pas « the voices kids ».
A cette époque lointaine, c’était « L’école des fan’s ».
CHARLES
Oui, bon, Adam, un peu de respect s’il vous plaît !
ADAM
V’là t-y pas que “Mon Général“ se met à me vouvoyer !
LUCIEN
Maintenant, Camille, si tu veux de l’impro…
Il se tourne vers Denise et chante...
A la télé en noir et blanc,
T’avais chanté « prendre un enfant
Par la main » ou par les oreilles, ma vieille…
YVONNE
Elle enchaîne elle aussi en chantant.
J’suis désolée ma pauv’ Denise,
Mais si j’en crois c’que les gens disent
T’as massacré grave Yves Duteil, ma vieille,
C’était y-a plus de 50 ans…
Denise se met à pleurer.
IRMA
Prenant Denise dans ses bras pour la consoler
Voyons, voyons… A mon avis, plutôt que Duteil, en pleine période yéyé, t’aurais mieux fait de chanter un succès anglais.
SYLVAIN
Denise qui chante en anglais… (Il prononce à l’anglaise) Imagine !
CHARLES
Baisemain à Yvonne
Chanter en anglais, Pfff… Cher ami, c’est là une très mauvaise idée. Vous n’êtes pas sans savoir, que j’ai été contraint quant à moi de m’exiler 5 longues années…
CAMILLE
Et c’est reparti !
CHARLES
… 5 longues années au pays des rosbeefs ! Un calvaire, mes amis, un calvaire !
Au milieu de tous ces gens qui parlent avec un accent épouvantable à force de se nourrir de plats plus épouvantables encore… Le plus dur ma chère, cela n’a pas été les bombardiers allemands, mais bien la nourriture britannique.
CAMILLE
Arrêtez ! On ne va jamais y arriver ! Dès que j’essaie de vous remettre dans le ton, vous vous mettez à plaisanter, à déconner grave !
ADAM
Oh la la ! Si on peut plus rigoler !
CAMILLE
Adam, tu es le maire de notre commune et peut-être devrais-tu montrer l’exemple, non ?
CHARLES
Affirmatif !
CAMILLE
Et je vous rappelle que nous chantons « mon vieux » à Noël devant tout le village et aussi quelques cantiques lors de la messe de minuit…
Et… Qu’il y aura même l’Evêque en personne.
YVONNE
Pour ma part, je refuse de chanter dans ces conditions : c’est le pape ou rien !
LUCIEN
Il faut comprendre aussi. On risque de se retrouver à la rue, peut-être en plein hiver, si jamais la résidence ne trouve pas de repreneur.
Alors on n’a pas vraiment le cœur à chanter.
IRMA
Les prenant tous à témoin.
« Pas le cœur à chanter »…
Elle fait des jeux de mots et même pas exprès en plus !
CAMILLE
Justement ! Autant se changer les idées en chantant.
Allez ! Avec moi “ Les Joyeux Coucous “ !
On reprend à « Nous on connaissait la chanson » !
A nouveau doigt levé pour donner le ton.
Nous on connaissait la chanson… Do… Do…
Les 7 choristes
Ils chantent juste cette fois.
Nous on connaissait la chanson,
Tout y passait, bourgeois, patrons,
La gauche, la droite, même le bon dieu
Avec mon vieux.
Chez nous y-avait pas la télé
C’est dehors que j’allais chercher
Pendant quelques heures l’évasion,
Je sais, c’est con…
Entrée soudaine de madame Henriette, la directrice.
Scène 2
LES MÊMES et HENRIETTE
HENRIETTE
Bonjour à toutes et tous. Désolée d’interrompre votre répétition, mais j’ai du nouveau.
Tous les autres.
Bonjour !
CHARLES
Du nouveau ? Mais à quel sujet ?
IRMA
Ben… Les problèmes de pognon de la résidence tiens !
HENRIETTE
Exact ! Bien deviné Irma !
DENISE
Elle n’a pas trop de mérite non plus. Elle a été voyante, non ?
IRMA
Et je le reste encore, même à la retraite.
HENRIETTE
Donc, comme vous le savez déjà, notre groupe, “Corpayant“, souhaite céder à des investisseurs privés la gestion de nombreuses résidences et EHPAD dont il a la charge.
Je viens d’être informée qu’il y a une offre de rachat jugée recevable par le tribunal.
Auquel cas, nous allons peut-être changer de propriétaire.
SYLVAIN
En tant que comptable, j’aurais aimé en être informé.
HENRIETTE
Désolée, Sylvain, mais je viens de recevoir l’info il y a quelques minutes.
SYLVAIN
Pardon ! Et c’est qui les repreneurs ?
IRMA
Vision soudaine. Voix forte, yeux fermés, mystérieuse.
Ah !... Je vois… Je vois… Je le vois !
YVONNE
Mais… Vous voyez quoi Irma ?
IRMA
Je le vois !
Bras tendu, elle pointe son doigt vers le public.
Là !
Les autres dirigent leur regard vers le coin indiqué.
CAMILLE
Il n’y a rien !
IRMA
Mais si voyons ! Regardez : Le minaret !
LUCIEN
Mais quel minaret ?
IRMA
Ils vont transformer la résidence en mosquée et construire un minaret dans notre jardin à la place du barbecue et du terrain de boule !
Brouhaha dans les rangs.
CHARLES
Accent gaullien.
Le terrain de boules ? Ah non ! Pas touche à notre terrain de boules !
LUCIEN
Mais qui voudrait construire un minaret dans notre parc ?
IRMA
Ben les Emirs tiens.
CHARLES
Ah mais non ! Sauvons nos cochonnets !
Il se met à chanter.
Formez vos bataillons, marchons, marchons, qu’un sang impur…
YVONNE
Charles !
HENRIETTE
Incroyable Irma ! Je sais pas comment tu as deviné...
LUCIEN
Deviné !... Mais deviné quoi ?
Silence gêné d’Henriette.
ADAM
Deviné que l’offre de rachat validée ce sont des Qataris ! Voilà.
Geste d’agacement d’Henriette.
CAMILLE
Ah ! Et toi Adam, évidemment, t’es déjà au courant !
YVONNE
Tu parles… C’est bien connu : les oreillers ont des oreilles !
Alors madame la directrice… Vous nous dites quoi ? Minaret ou pas minaret ?
HENRIETTE
Je ne sais pas !… C’est bien une offre de rachat par des Qataris qui tient la corde auprès du tribunal. Après… Vont-ils vraiment construire un minaret ?... ça…
LUCIEN
Un minaret ou un nouveau stade de foot de 150 000 places pour la finale de la coupe du monde 2038.
CHARLES
Les Qataris ! Encore les Qataris ! Ils rachètent tout ce qui passe !
Mais n’ayez crainte ma chère, je préviens le général Leclerc et avec sa 2ème division blindée et nous allons repousser les envahisseurs.
CAMILLE
Mon général ! Nous sommes en 2025 ! (Au besoin, actualiser la date)
CHARLES
2025 ? (Il compte un peu sur ses doigts.)
Mon dieu… 2025 et la guerre n’est pas encore finie !
CAMILLE
Et le général Leclerc est mort !
CHARLES
Désemparé.
Leclerc ? Mort ? Mais c’est incroyable ça !
Et on attendait quoi pour me prévenir, hein ?
Leclerc ! Le pauvre…
Soudain ragaillardi.
Je vais de ce pas réunir mon état-major… Ils vont m’entendre !
Il se dirige vers la sortie. Yvonne fonce le rattraper par le bras.
YVONNE
Voyons Charles ! Vous n’allez pas m’abandonner alors que l’ennemi approche !
Restez. Je vous le demande.
CHARLES
Ah… (Infantile) Alors si vous me le demandez, Yvonne, je veux bien.
HENRIETTE
Ecoutez moi s’il vous plaît ! L’option des Qataris, ce n’est peut-être pas le pire.
Il est fort probable que certaines résidences ne seront pas reprises faute de rentabilité.
Et comme vous le savez, ici, notre résidence « les joyeux coucous » est relativement petite et peu rentable... Donc, notre fermeture définitive est sérieusement à envisager.
DENISE
Donc pas de minaret, pas de stade grandiose… Tous à la rue ?
HENRIETTE
Non évidemment ! Vous serez tous relogés ailleurs, mais le calendrier a été avancé.
DENISE
C’est-à-dire ?
HENRIETTE
On fermerait début janvier.
CAMILLE
Eh bien joyeuses fêtes à tous !
HENRIETTE
On m’a juste garanti que vous ne seriez pas à la rue mais ventilés dans d’autres établissements.
YVONNE
Mais je refuse d’être ventilée moi.
CHARLES
Lui réajustant son foulard.
Ma pauvre amie ! Vous qui craignez tant les courants d’air.
HENRIETTE
Je vous tiens tous aussitôt informés quand je sais comment tout cela va se dérouler.
Bon… Je monte informer les autres résidents dans les étages.
Elle sort. Court silence.
Scène 3
LES MÊMES sans Henriette.
Sylvain va vérifier à la porte qu’Henriette s’est éloignée.
SYLVAIN
C’est bon… Elle est bien partie.
LUCIEN
C’est quoi ça ? Tu te crois dans un film d’espionnage ?
CAMILLE
Ah c’est vrai… Tu es là toi !
LUCIEN
Hou là ! Je sens que ma présence dérange. Et ce n’est pas la première fois…
Bon ! C’est quoi le problème ?
ADAM
Te vexe pas Lucien. C’est pas personnel et on t’expliquera le moment venu.
LUCIEN
D’accord ! Le moment semble déjà venu pour tout le monde, mais pas pour moi.
Et… On peut savoir le moment de quoi ?
CAMILLE
Le moment de tout t’expliquer ! C’est comme ça. T’es pas n’importe qui dans cette affaire alors on doit te ménager.
LUCIEN
T’es sérieuse là… En fait, je crois plutôt que tu te fous ouvertement de ma gueule non ?
Un peu de respect ce serait trop demander ?...
CAMILLE
Je te jure que le moment venu tu comprendras et…
LUCIEN
Vous me faites chier avec votre “moment venu“. Eh puis tiens ! Oui, le moment, il est venu que je me casse pour pas supporter davantage vos airs d’Hypocrites.
Il consulte sa montre.
ça tombe à pic, j’ai mon cours d’aquarelle ! ça va me calmer…
Il sort en colère.
Scène 4
ADAM, CAMILLE, CHARLES, DENISE,
le père ETIENNE, IRMA, SYLVAIN,...