Au lever du rideau, Jean-Claude fait semblant de lire sur le canapé mais, en fait, il reluque Marguerite qui porte une jupe extracourte qu’elle n’arrête pas de vouloir rallonger en tirant dessus.
JEAN-CLAUDE - Mais enfin, Marguerite, qu’est-ce que vous lui reprochez à cette jupe ?
MARGUERITE - Sa longueur, Monsieur, sa longueur.
JEAN-CLAUDE - En effet, elle est peut-être encore un peu longue.
MARGUERITE - Mais non, elle est trop courte, Monsieur, et je suis très gênée, Monsieur.
JEAN-CLAUDE - Il ne faut pas, voyons. Moi, je trouve qu’elle vous va à ravir.
MARGUERITE - Je sais bien que c’est Monsieur qui me l’a fournie et qui a insisté pour que je ne porte plus que celle-ci mais je me sens…
JEAN-CLAUDE - Oui ?
MARGUERITE - Ben je me sens… je me sens… pour ainsi dire… toute nue.
JEAN-CLAUDE (se levant) - Pourquoi ? Auriez-vous froid, mon petit ?
MARGUERITE - Oh non ! Mais j’ai toujours l’impression qu’on voit mes…
JEAN-CLAUDE (faussement) - Mais non !
MARGUERITE - Pardonnez-moi Monsieur mais j’ai pourtant quelquefois l’impression que Monsieur regarde mes…
JEAN-CLAUDE - Vos fesses ? Allons donc !
MARGUERITE - Oh non ! Jésus Marie Joseph ! Tout de même pas ! Mais j’ai peur que l’œil de Monsieur ne soit attiré par… par mes culottes.
JEAN-CLAUDE - Comment ça, vos culottes ? Vous en portez plusieurs ?
MARGUERITE - Trois Monsieur.
JEAN-CLAUDE - Trois ?
MARGUERITE - C’est que… la jupe est tellement courte et…
JEAN-CLAUDE (se rapprochant) - La vie aussi est courte, il faut en profiter mon petit chat.
MARGUERITE - Monsieur a certainement raison.
JEAN-CLAUDE - J’ai toujours raison. Venez un peu plus près. Vous savez que vous êtes ravissante ? Vous avez déjà songé à faire du cinéma ?
MARGUERITE - Du cinéma ? Non Monsieur. Pourquoi ?
JEAN-CLAUDE - Mais parce que je suis réalisateur, vous le savez bien. Vous connaissez mes films : « Panpan la Citrouille », « Trois femmes et un ramequin »… Et parce que vous avez un physique… Hum !… (Il la prend dans ses bras.) Un physique de rêve !
MARGUERITE (se défendant) - Oh ! Monsieur ! Voyons, Monsieur ! Monsieur, je vous en prie !
JEAN-CLAUDE - Ah ! si vous m’en priez, alors ! (Il tente de l’embrasser mais elle se libère.) Mais ne fuyez pas, voyons, mon petit chat !
MARGUERITE - Je ne suis pas votre petit chat Monsieur, je suis la bonne à tout faire.
JEAN-CLAUDE - À tout faire, avez-vous dit ? Hum !
MARGUERITE - Non, ce n’est pas ce que j’ai voulu… Oh là là ! Je vous en supplie Monsieur, arrêtez. Si Madame nous voyait… Oh là là ! Monsieur…
JEAN-CLAUDE - Aucun risque, Madame est partie pour la journée.
MARGUERITE (voyant Caroline entrer) - Je n’en suis pas si sûre Monsieur. Oh là là là là ! (Elle se réfugie dans la chambre.)
JEAN-CLAUDE (contre la porte de la chambre et sans voir Caroline) - Ne t’inquiète pas pour Madame, je te dis. Elle est loin à l’heure qu’il est et nous avons tout notre temps.
MARGUERITE (off) - Laissez-moi, Monsieur, pour l’amour du ciel !
JEAN-CLAUDE - Pour l’amour et le septième ciel alors ? Allez, ouvre-moi ma belle, tu ne le regretteras pas. Je te ferai découvrir des paysages inconnus, des volcans de baisers, des océans de caresses. Ouvre-moi mon petit chat, je serai ton gros matou. Miaou ! Miaou ! Miaou !
CAROLINE - Un chat de gouttière, oui !
JEAN-CLAUDE - Miaou… hein ? Hein ? Liline ? Roro ? Caca ? Caroline ?! Mais je…
CAROLINE - Alors il te les faut toutes, hein ?
JEAN-CLAUDE - Mais ce n’est pas du tout…
CAROLINE - Après la secrétaire, la voisine, Véronique, Stéphanie, la concierge, Marie-Claire, Aurélie, j’en passe et des meilleures, il te faut la bonniche ?
JEAN-CLAUDE - Mais je t’assure que… (Le téléphone sonne. Il décroche.) Allô ! (…) Oui, c’est moi… (…) Euh… non ! (Il raccroche.)
CAROLINE - Je viens de comprendre pourquoi les domestiques ne restent pas plus d’une semaine à notre service. Je l’avais pourtant choisie celle-là. Elle est quand même plus contraceptive que sexy ! Eh bien, non, il faut qu’il l’entreprenne quand même ! Tu es un maniaque de la braguette ! Un détraqué ! (Menaçante.) Je vais t’en donner, moi, des volcans et des océans…
JEAN-CLAUDE - Mais enfin, je déclamais le texte de ma prochaine mise en scène ! (Il prend un livre qui traînait.)
CAROLINE (sceptique) - Comment ça ? Ta prochaine mise en scène ?
JEAN-CLAUDE - Je t’assure. Je me disais le texte à voix haute pour me l’approprier, m’en imprégner, le dominer, le…
CAROLINE - Alors « ouvre-moi mon petit chat, je serai ton gros matou » c’était dans… ?
JEAN-CLAUDE - Parfaitement.
CAROLINE (lui prenant le livre des mains) - Dans « Phèdre » ? Tu te fous de moi en plus ! (Elle éclate en sanglots.) Jusque-là j’ai tout supporté mais là, c’est une fois de trop. J’en ai vraiment assez de tous tes mensonges !
JEAN-CLAUDE - Allons, Caroline, je te jure que…
CAROLINE - Ne jure pas s’il te plaît ! Mécréant !
JEAN-CLAUDE - Je t’assure que c’est un malentendu ! Je peux tout t’expliquer…
Le téléphone sonne. Caroline décroche.
CAROLINE - Allô ! (…) Non, vous n’êtes pas à...