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15 à 20 minutes environ
ACTE 1
Noir sur la scène. Aldebert et Pamela arrivent par la salle, se tenant l'un à l'autre.C'est plutôt Pamela qui soutient Aldebert, légèrement gris. Il est tout débraillé, une paire de bretelles très colorées pend sur sa chemise défaite. Pamela est vêtue d'un imper noir, moulant, très sexy. Aldebert chante à tue tête.
ALDEBERT, voix empâtée par l'alcool. – De Nantes à Montaigu, la digue la digue,
De Nantes à Montaigu, la digue du cul.
PAMELA, montrant les spectateurs. – Pourriez pas mettre en sourdine, vous avez réveillé tout le quartier. Les gens sont aux fenêtres à vous regarder. C'est malin.
ALDEBERT, voix empâtée par l'alcool. – M'en fous ! (Regard dédaigneux et bras d'honneur vers le public.) Les gens, je les emm....
PAMELA, le coupant. – Non, mais ça va pas !
ALDEBERT, il recommence à chanter. – De Nantes à Montaigu, la digue, la digue...
PAMELA. – On va le savoir qu'il y a une digue entre Nantes et Montaigu.
ALDEBERT, sa voix devient chevrotante. – La digue du cul, je rencontre une belle, qui dormait le cul nu. Bouh ouh ouh ouh...(Il se met à pleurer.)
PAMELA. – Allons bon, v'là autre chose. C'est le fait que la belle dorme le cul nu, qui vous chagrine ?
ALDEBERT. – Oui.... parce qu'elle doit avoir drôlement froid, la pauvre femme....
PAMELA. – Vous n'allez pas la plaindre, elle n'a qu'à se mettre une petite culotte.
ALDEBERT. – Et puis aussi... elle doit avoir l'air drôlement con avec ses fesses à l'air...
PAMELA. – Alors que vous.... avec vos bretelles tricolores qui pendouillent sur vot'froc, vous avez êtes super sexy.
ALDEBERT. – Putain de bretelles ! Sans elles, j' serais parti depuis longtemps.
PAMELA. – C'est le moins qu'on puisse dire. (Montrant la scène.) C'est celle là votre baraque ?
Ils arrivent devant la scène.
ALDEBERT. – Affirmatif.
PAMELA. – Vous êtes sûr ?
ALDEBERT. – C'est là que j'habitisse.... que je j'habitusse... que j'habitasse.
PAMELA. –J'sais pas ce que vous faîtes dans la vie mais en tout cas, pas prof de français. Vous avez vos clés ?
ALDEBERT, voix empâtée par l'alcool. – Pas besoin... y a un digi... un digicode.
PAMELA. – Vous avez le code ?
ALDEBERT, voix empâtée par l'alcool. – Pfffffff ! Alors là, m'en souviens plus du tout. (Il rit.)
PAMELA. – Cherchez un peu, on va pas passer la nuit sur vot' paillasson !
ALDEBERT. – J'crois bien que c'est 0422.
PAMELA, après avoir essayé. – Ça marche pas !
ALDEBERT. – Non... ça c'est le code de ma valise de voyage... quand je prends le zazion...
PAMELA. – Qu'est ce qu'il m'a pris de le ramasser celui- là !
ALDEBERT. – Ça y est, je l'ai ! (Triomphant.) 14-18...
PAMELA. – Vous êtes sûr ?
ALDEBERT. – Ou 39-45... j'ai un doute...
PAMELA. – Pourquoi pas la date de l'armistice tant qu'on y est ? (Elle essaie les codes.) Ni l'un, ni l'autre.
ALDEBERT. – Ça me revient....39-45... c'est le numéro de ma carte bancaire. (Il rit bêtement.). Mais chuuuut, faut pas le répéter.
PAMELA, s'énervant un peu, le tutoyant. – Faut s'activer un peu, pépère, parce que là, tu commences sérieusement à me gonfler la rate.
ALDEBERT. – Si vous m'engueulez, moi, j'vais tout m'embrouiller.
PAMELA. – C'est toi qui embrouilles tout avec tes dates historiques. On peut aussi essayer Marignan 1515 ou la révolution 1789... ou le sacre de Charlemagne en l'an 800...
ALDEBERT. – Ah ben non, ça peut pas être le sac à Charles machin parce qu'y a que trois chiffres et que le digi... digicode il en veut quatre. (Faisant tourner son doigt sur sa tempe.) Eh oh, j'ai encore toute ma luci... ma luci... ma lucidité.
PAMELA. – Et ta lucidité elle te préconise quoi ?
ALDEBERT, paumé. – Ben.... du coup, j'sais plus.
PAMELA. – Dis voir... c'est quoi ta date de naissance ?
ALDEBERT. – Le 8 janvier 70 (Voir à actualiser l'année avec l'âge de l'acteur.)
PAMELA. – T'es sûr ?
ALDEBERT. – C'est môman qui me l'a dit.
PAMELA. – Et elle était bien placée, môman, pour se rappeler la date d'arrivée d'un abruti pareil. (Essayant le code.) Alors 8-1-7-0... Bingo !
ALDEBERT. – Comment que vous avez fait pour trouver ? Vous êtes un vraie hackeuse.
PAMELA. – Avec ta mémoire des chiffres, toi, c'est pas pour demain que tu vas pirater le système informatique de la banque de France. (Elle tâtonne à l'entrée.) Il est où l'interrupteur dans ta baraque ?
ALDEBERT. – Quand j'suis parti, il était à gauche en sortant.
PAMELA. – Donc à droite en entrant... (Elle cherche.) Eh ben non, y a rien !
ALDEBERT. – On m'aurait piqué mon interrupteur pendant mon absence ? Quelle époque on vit. Si ça se trouve, le voleur va essayer de le revendre sur le bon coin.
PAMELA, moqueuse. – Apparemment, toutes les lumières se sont barrées en même temps...
ALDEBERT. – C'est gentil de me prendre pour une lumière.... y a longtemps que ça m'était pas arrivé. Je dis bravo et j'applaudis des deux mains.
Prenant ça pour un compliment, Aldebert applaudit … et la lumière s'allume et s'éteint, dans la maison, à chaque applaudissement.
PAMELA. – C'est pas vrai ! Y m'fais chercher un interrupteur et il a un système de lampe avec détecteur sonore. Y va m'faire tourner chèvre, ce con !
ALDEBERT, heureux comme un gosse. – Vous avez vu, c'est pratique. (Il joue avec le système en tapant des mains). Jour... nuit.... jour... nuit.... jour...
PAMELA. – Hop hop hop ! Arrête de jouer Jacquouille la fripouille. Et c'est pas Versailles ici ! Tu te prends une bonne douche, tu te pieutes et demain ça ira mieux.
ALDEBERT. – Et vous, qu'est que vous allez faire ?
PAMELA. – Même chose, mais chez moi. Je t'ai assez vu pour ce soir.
ALDEBERT, s'accrochant à elle. – J'vous embête, hein ?
PAMELA, tête en arrière. – Oh pétard, il empeste l'alcool. Y a pas intérêt à craquer une allumette devant lui, il va se transformer en chalumeau.
ALDEBERT, inquiet. – Dîtes... vous n'allez pas me laisser seul ?
PAMELA, montrant son front. – Eh oh ! C'est pas marqué assistante sociale là haut.
ALDEBERT. – Pourquoi que vous m'avez empêché de me jeter du pont sur la voie ferrée ? Fallait pas m'assister et me laisser faire.
PAMELA. – Primo, c'était pas un pont de chemin de fer mais un pont sur le canal.
ALDEBERT. – M'en fous. J'sais pas nager, je m'serais noyé et on en parlerait plus.
PAMELA. – Deuxio... le canal est à sec et tu te serais embourbé dans 50 cm de vase.
ALDEBERT, grandiloquent. – La boue aurait été mon tombeau.... mon sarcophage comme un roi raphaon... ronphapha... pharonron...
PAMELA. – Tertio... t'as trouvé le moyen de coincer tes bretelles dans un poteau du parapet et de prendre lamentablement dans le vide comme un yoyo. Et que je monte... et que je descends... et que je monte...et que je...