Sketches en stock. Vol. 2.9 sketches
Sketches de Gérard LEVOYER Le sablier Farces et attrapes Heureuse rencontre Bernard et Sylvie Je viens de me fâcher Le profil idéal Le non-violent Sketch dans le noir Après l’entracte
Sketches de Gérard LEVOYER Le sablier Farces et attrapes Heureuse rencontre Bernard et Sylvie Je viens de me fâcher Le profil idéal Le non-violent Sketch dans le noir Après l’entracte
Ils se connaissent depuis peu. Il lui offre un sablier.
Sylvestre - Tenez, je vous fais cadeau de trois minutes.
Sandrine - Oh ! comme c’est gentil ! Y’a trois minutes là-dedans ?
Sylvestre - Exactement.
Sandrine - Et je peux les utiliser quand je veux ?
Sylvestre - Quand vous voulez ! Il vous suffit de le retourner.
Sandrine - Mais c’est trois minutes pour quoi faire ?
Sylvestre - Ce que vous voulez. Un œuf à la coque, un round de boxe ou un sketch à la télévision. Ce-que-vous-vou-lez !
Sandrine - Ah ! c’est drôlement bien… Je peux m’en servir en trois fois ? Par exemple avant les repas : matin, midi et soir ?
Sylvestre - Ah non ! C’est trois minutes en une fois. On peut pas fragmenter.
Sandrine - Ah ! c’est dommage, j’ai peur que ça fasse beaucoup d’un coup.
Sylvestre - Mais non, vous verrez, ça n’a rien à voir avec la cigarette, y’a pas d’accoutumance.
Sandrine - Alors y’a trois minutes là-dedans ? Vous êtes sûr ?
Sylvestre - Certain.
Sandrine - C’est marrant, moi, je vois plutôt du sable.
Sylvestre - Ah ! ben c’est du sable.
Sandrine - Et y’en a pour trois minutes ?
Sylvestre - Oui.
Sandrine - Vous voulez dire que quelqu’un a pesé du sable et a dit : « Ça, c’est trois minutes ! »
Sylvestre - Exactement.
Sandrine - Devait être bourré le gars parce que, moi, je prends ça de sable et je dis plutôt que ça fait trois grammes. Je dis pas « trois minutes ». C’est pas une mesure appropriée, la minute. Vous me voyez aller chez le crémier et demander deux cent cinquante minutes de beurre ? On me prendrait pour une folle.
Sylvestre - Pour le beurre peut-être…
Sandrine - Mais le sable, pour le type, c’est en minutes ! Lui, il se promène sur la plage de Deauville et il dit : « Ah ! quelle belle plage, elle fait au moins deux heures et demie ! »
Sylvestre - Non, parce que là, vous parlez du sable dans la nature. Mais dans un sablier c’est autre chose.
Sandrine - C’est plus du sable ?
Sylvestre - Si. Mais le sable n’a aucune importance. Ce serait du sucre, du sel ou du charbon, ce serait la même chose, à condition qu’il y en ait pour trois minutes.
Sandrine - Trois minutes de charbon ? Là-dedans ? Ça foutrait pas mal de suie partout à force de le retourner, non ?
Sylvestre - C’est un exemple. J’ai dit charbon comme j’aurais dit nouille, noix de coco ou clef à molette. J’ai dit n’importe quoi.
Sandrine - Non, non, non, pas n’importe quoi, c’est pas si bête que ça en a l’air. Vous avez dit nouille, eh bien, moi, j’aimerais bien un sablier avec un spaghetti enroulé dans la partie du haut et qui mettrait trois minutes à se dérouler jusqu’en bas.
Sylvestre - Ce serait plus un sablier dans ce cas, ce serait un spaghettier.
Sandrine - Eh oui, pourquoi pas ! Et avec des noix de coco ça doit être possible aussi. Cent quatre-vingt noix de coco dans un immense entonnoir, il en tombe une toutes les secondes, ça fait aussi les trois minutes.
Sylvestre - Ce qu’il y a de bien avec ce système c’est que les secondes on doit bien les entendre tomber ! Vous habitez le dernier étage d’une tour à La Défense et jusqu’au sous-sol on peut se faire cuire un œuf.
Sandrine - Quant aux clefs à molette…
Sylvestre - Ah non ! Pitié, laissez tomber les clefs à molette !
Sandrine - Pour les œufs mollets, peut-être ?
Sylvestre - En vous offrant un sablier je ne pensais pas provoquer un tel raz-de-marée de votre imagination. Si j’avais su…
Sandrine - Quoi « si vous aviez su » ?
Sylvestre - Si j’avais su, je l’aurais gardé pour moi.
Sandrine - Quoi ? Vous auriez voulu me priver de trois minutes de vie ? Assassin !
Sylvestre - Ces minutes-là c’est moi qui vous les ai données.
Sandrine - Et alors ? Ces minutes qui n’existaient pas c’est bien vous qui leur avez donné la vie, vous en êtes le père. Un père n’a pas le droit de vie et de mort sur ses enfants.
Sylvestre - Un enfant de trois minutes, vous savez, on n’a pas vraiment le temps de s’y attacher.
Sandrine - Eh bien c’est de votre faute… Oh ! mais j’ai une idée ! Je sais à quoi je vais les employer, ces trois minutes.
Sylvestre - À quoi ?
Sandrine retourne le sablier, le pose et saute au cou de Sylvestre.
Sandrine - Vous qui parliez d’enfant, voyons voir si en trois minutes…
Ce sketch est sans parole, il est donc purement visuel (sic)… et drôle.
Le sketch peut se mimer sur la sonate n°14 de Beethoven dite « Clair de lune ».
Il est écrit pour une dame triste et un représentant.
La dame triste entre en scène, très abattue.
Elle pleure, hoquette, son visage est ravagé par la douleur.
Elle tient à la main un sac en plastique avec ses accessoires, de l’autre une lettre qu’elle lit.
Cette lecture provoque un redoublement de son chagrin.
Elle se mouche dans cette lettre et se laisse tomber sur un banc ou sur une chaise.
De son sac elle sort un gros feutre et un paquet de Post-it.
Elle griffonne un « ADIEU » solennel sur un des papiers et le colle...