La Parole est à la majorité silencieuse
Personnages :
une présentatrice (ou un présentateur) de journal télévisé
un invité (ou une invitée)
la présentatrice - Et maintenant, mesdames et messieurs, la page « Libre expression » de ce journal… Dans le cadre de notre grande série « La parole est aux Français », aujourd’hui j’ai le plaisir de donner la parole à un représentant d’une catégorie de Français trop souvent ignorée par les médias, je veux parler de la majorité silencieuse… (À l’invité.) C’est à vous, monsieur Martin…
L’invité ouvre la bouche en prenant une inspiration comme s’il allait parler, puis referme la bouche et reste muet. Une vingtaine de secondes de silence. Puis…
la présentatrice - Excusez-moi, je vous interromps, monsieur Martin, mais est-ce que là, vous pourriez préciser votre pensée ?
Même jeu de l’invité. Une vingtaine de secondes de silence. Puis…
la présentatrice - Merci, monsieur Martin… C’était notre page « Libre expression »… Aujourd’hui, la parole était à la majorité silencieuse… Demain, je la donnerai à un partisan de la politique de la chaise vide…
Cauchemar
Personnage : un poivrot
Ah là là ! J’ai fait un cauchemar cette nuit, mais alors un cauchemar…
J’étais au « Café des Amis »… Jusque-là, rien d’anormal… Mais ce qui était bizarre, au lieu d’être accoudé au comptoir comme d’habitude, j’étais de l’autre côté du comptoir… Pas à la place du patron… Derrière le patron… Debout sur l’étagère aux bouteilles…
Je me rappelle, dans mon rêve je me disais : « Mais qu’est-ce que je fais là, debout sur l’étagère aux bouteilles derrière le comptoir ? » À ce moment-là, le patron se déplaçait de deux pas vers la droite pour servir un client, je me voyais dans le miroir en face et de quoi je m’apercevais ? Que j’étais complètement à poil… Oui… J’étais debout sur l’étagère au milieu des bouteilles et complètement à poil, avec juste collée sur le ventre une étiquette où y avait marqué « beaujolais nouveau »…
Le pire, c’est que ça avait l’air de n’étonner personne… Y avait tous les copains, là, face à moi, accoudés au comptoir… Y avait Dédé alias La Moule, évidemment… On l’appelle « La Moule » parce qu’il reste toute la journée rivé au bar comme une moule à son rocher… Y avait Pierrot alias Colombo… Tu crois toujours qu’il va partir, mais au moment de franchir la porte, il revient à chaque fois boire un dernier coup au bar… Y avait Charlie alias Tout Schuss… Son gosier, pour les chopines, c’est piste noire… Y avait Jojo alias l’Homéopathe… Sa dose, c’est cent gouttes de vin rouge par voie orale tous les quarts d’heure… Bref, y avait la fine équipe au grand complet… Mais y en avait pas un qui me prêtait attention…
Jusqu’au moment où soudain c’est devenu carrément cauchemardesque… Normal, vous me direz, dans un cauchemar… Sauf que moi, je le savais pas, dans mon cauchemar, que je faisais un cauchemar…
Tout d’un coup, Charlie me montre du doigt et il dit à l’archevêque : « Et maintenant, Lulu, si on le goûtait ce beaujolais nouveau ? » Là-dessus, l’archevêque… Lulu, le patron, si vous préférez… On l’appelle « l’archevêque » parce que quand il sert à boire, on dirait un archevêque de la religion alcoolique… (Mimant un patron de bar servant à boire d’un air solennel, comme il servirait la messe.) « Au nom du verre de Kir et du Saint Pastis… Amène… ton verre que je le remplisse… » (Il prononce cette phrase du ton dont un curé prononcerait : « Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit… Amen. ») Là-dessus, donc, l’archevêque m’attrape par le cou, il prend son tire-bouchon et hop ! il m’enfonce son tire-bouchon dans le crâne, par le dessus de la tête… Puis il tourne, il...