Un avenir radieux

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Le fils de Liliane participe à “Star”, une émission entre télé-réalité et concours de chant. Le soir de la finale, Liliane ramène chez elle Stéphane, un financier qui travaille dans la même tour : un homme riche et puissant. Ils se connaissent à peine mais se désirent vaguement. Ils attendent le moment de voter par téléphone, il faudra taper 1 ou 2. Alors qu’un timide jeu de séduction s’opère entre eux, le frère de Liliane et sa copine viendront les déranger. Au fil de la soirée, on s’aperçoit que ces personnages ne sont pas ce qu’ils prétendent être. Le financier a perdu des milliards, la police est à ses trousses, et il apprend à Liliane que la société où elle travaille sera bientôt délocalisée en Inde. La pièce s’inspire de tout le « matériel contemporain » : un financier ruiné, une employée délocalisée, et un fils qui n’espère qu’une chose, devenir une star ! Mais leur soirée n’est pas un fiasco. Stéphane et Liliane se sont trouvés, il ne tient qu’à eux de se construire un avenir radieux sans se laisser emporter par le flot puissant du monde.

1.

 

Chez Liliane. Début de soirée.

Liliane et Stéphane.

Elle a une bouteille de vin entamée dans une main et un verre plein dans l’autre.

Un autre verre plein est posé sur la table basse.

Stéphane écoute Liliane avec attention.

Liliane. – C’est simple : au moment où je vous le dirai, vous appelez le 4919… sur votre téléphone portable. Et ensuite vous tapez soit le 1, soit le 2, soit le 3… Enfin, ce sera soit le 1, soit le 2, parce qu’il n’y a plus que deux candidats… donc pas de 3, oubliez le 3. Mais je ne sais pas encore quel numéro sera attribué à Ludovic… 1 ou 2. Je vous dirai le numéro qu’il faut taper. On a quinze minutes pour appeler. Pas plus. En quinze minutes, il faut appeler le plus grand nombre de fois possible le 4919 et taper le bon chiffre, soit 1, soit 2, et à chaque fois ça lui donne une voix… Avec de l’entraînement, on peut composer le 4919 trente-sept fois en quinze minutes. Damien, mon frère, a établi ce record la semaine dernière. Ce qui signifie que, potentiellement, chacun d’entre nous peut donner trente-sept voix à Ludovic. C’est considérable. Je suis bien consciente que vous n’arriverez pas atteindre ce record – je suis moi-même à trente-trois –, mais je pense qu’il est raisonnable de tabler sur vingt-cinq coups de fil chacun. En moyenne. Ça peut vous sembler ambitieux, mais moi j’y crois, parce que c’est une question de concentration autant que d’agilité. Voilà… Vous avez compris ?

Stéphane. – Je crois, oui. L’émission commence à quelle heure ?

Liliane. – Vers 20 h 50, mais il faudra appeler seulement après qu’il aura chanté !

Stéphane. – Oui, oui, j’ai compris.

Liliane. – C’est aujourd’hui la finale. Le vote du public est décisif.

Stéphane. – J’attends vos ordres.

Liliane, désigne le verre qu’elle tient à la main. – C’est mon verre ou le vôtre ?

Stéphane. – Le mien je crois. Le vôtre est là. (Contre toute attente, Liliane boit le verre de Stéphane. Elle ne se rend pas compte et, après avoir bu, le tend à Stéphane.) Merci…

Liliane. – Excusez-moi, je suis un peu nerveuse…

Stéphane. – Je vois.

Liliane, pose la bouteille. – Servez-vous, faites comme chez vous.

Stéphane. – Merci. Mais vous ne devriez pas être avec lui, dans le public ?

Liliane. – Non, ça m’impressionne trop. Et puis je n’ai pas envie d’être filmée en train de pleurer ou d’applaudir… je préfère rester à la maison.

Stéphane. – Je ne savais pas que vous aviez un fils qui participait à l’émission « Star ».

Liliane. – Je ne l’ai dit à personne au début, un peu par superstition. Je ne pensais pas qu’il irait aussi loin dans la compétition, j’ai été la première surprise qu’il arrive en finale. Alors je l’aide comme je peux.

Stéphane. – Et il a des chances de gagner ?

Liliane. – Je ne sais pas. Oui. Je crois. Il est face à une concurrente, Sonia, très mignonne mais sans aucune profondeur. Cela dit, elle plaît.

Stéphane. – Est-ce que la profondeur est un atout pour ce genre de compétition ?

Liliane. – Je ne sais pas.

Stéphane. – Il chante bien Ludovic ? C’est Ludovic, c’est ça ?

Liliane. – Oui, oui, il chante bien. Mais ça ne suffit pas, il faut aussi avoir l’air sympathique.

Stéphane. – Je suis sûr qu’il est très sympathique.

Liliane. – Il a commis une erreur la semaine dernière : on lui a demandé quel était son chanteur préféré, il a répondu James Brown.

Stéphane. – Vous pensez que c’est une erreur?

Liliane. – Il aurait dû répondre Johnny Hallyday.

Stéphane. – Pourquoi ?

Liliane. – Plus consensuel. Johnny Hallyday, c’est comme le général de Gaulle, tout le monde aime.

Stéphane. – Ah ! peut-être… Mais c’est toujours mieux de dire ce qu’on pense.

Liliane. – Non, pas dans ce genre d’émission. Il faut aller au plus évident… C’est ce que fait l’autre concurrente, la petite Sonia. Elle va toujours au plus simple. Je ne pense pas que ce soit par stratégie, d’ailleurs. Elle est comme ça. Vous n’avez jamais entendu parler de cette émission ?

Stéphane. – Je regarde rarement la télé. Et vous avez invité d’autres personnes pour voter ?

Liliane. – Non… Généralement mon frère vient en renfort, mais ce soir il avait un rendez-vous… C’est gentil à vous d’être venu.

Stéphane. – Je vous en prie, Liliane, ça me fait plaisir. Vous n’avez qu’un fils ?

Liliane. – Oui.

Stéphane. – Et… et le père vote aussi alors…

Liliane. – Le père de Ludovic ne peut pas voter.

Stéphane. – Pourquoi ?

Liliane. – Il est mort.

Stéphane. – Ah… Non, vous avez raison, il ne peut pas voter… Je suis désolé, je ne savais pas…

Liliane. – C’est pas grave.

Stéphane. – Je me rends compte que vous êtes très secrète, en fait, Liliane. Veuillez pardonner mon indiscrétion, je…

Liliane. – C’est loin tout ça, ne vous inquiétez pas. C’est de ma faute aussi, je ne raconte jamais rien alors c’est normal qu’on me pose des questions !

Stéphane. – Non, mais vous n’avez pas à raconter votre vie, je suis confus…

Liliane, d’une traite. – Le père de Ludovic et moi étions très jeunes quand nous l’avons eu et son père est mort juste après la naissance. Ludovic n’a aucun souvenir de lui, je l’ai élevé seule mais j’ai bien aimé ça. Je sais qu’on plaint souvent les mères seules, mais moi j’ai aimé ça. Je n’ai pas été malheureuse, vraiment pas, lui non plus je crois. J’ai connu d’autres hommes bien sûr, mais Ludovic ne les a jamais rencontrés. J’ai peut-être eu tort, je ne sais pas, mais après tout quelle importance. Et puis j’ai horreur de me forcer à faire des choses qui ne me ressemblent pas… Chacun doit faire ce que lui dicte son caractère, vous ne croyez pas ?

Stéphane. – Si !

Un temps.

Liliane. – Maintenant on se connaît un peu mieux.

Stéphane. – Ah oui. Maintenant oui.

Liliane. – Parce qu’on ne se voit pas beaucoup au travail.

Stéphane. – Non.

Liliane. – Déjà, on ne travaille même pas pour la même société, et puis j’ai l’impression que vous êtes toujours très occupé.

Stéphane. – Assez, oui.

Liliane. – C’est normal, vous êtes un des patrons de la banque, c’est ça ?

Stéphane. – Si on veut, oui. Je m’occupe du Pôle Finance. Mais je ne suis pas tout seul, j’ai des collaborateurs.

Liliane. – Il y a un Bernard, non ?

Stéphane. – C’est mon associé. Vous êtes au courant de tout.

Liliane. – Je sais même que vous avez embauché un nouveau, il y a deux semaines. Je me trompe ?

Stéphane. – Euh… peut-être. Il est comment ?

Liliane. – Grand, des cheveux un peu longs, avec des yeux très noirs.

Stéphane. – C’est possible, oui.

Liliane. – Il affole toutes les femmes à l’étage où je travaille.

Stéphane. – Ah bon ? Il a de la chance.

Liliane. – Elles l’appellent Tom Cruise. Pour rigoler… Moi je ne trouve pas qu’il ressemble tellement à Tom Cruise… Il n’est pas très grand Tom Cruise.

Stéphane. – Je ne sais pas.

Liliane. – Non, il n’est pas très grand… (Un temps. Ils ont du mal.) Je crois que j’ai des chips…

Stéphane. – Ah oui ?

Liliane. – Oui, je crois… Vous voulez des chips ?

Stéphane. – À vrai dire, je n’en sais rien, Liliane.

Liliane. – Je vais aller voir.

Elle sort.

Stéphane, fort. – S’il y en a, j’en prendrai ! (Il vérifie qu’elle a bien quitté la pièce et prend un téléphone. Il appelle, il laisse un message.) Salut, Bernard… J’ai quitté le bureau, je suis chez une femme, une vague connaissance… je la connais à peine, elle ne sait rien. J’ai besoin de réfléchir… Ne m’appelle pas, mon téléphone est déjà saturé de messages, je vais le couper !

Il coupe son téléphone, hésite un instant puis va vers la petite fenêtre et le jette dehors. On entend le bruit du choc. Il referme la fenêtre.

Liliane revient.

Liliane. – Pas de chips !

Stéphane. – Pas de chips !

Liliane. – Je vous sers encore un peu de vin ?

Stéphane. – Ça va pour l’instant, merci.

Liliane. – On dit qu’on va peut-être déménager de nos bureaux. Tous les services seraient regroupés en banlieue. À Massy.

Stéphane. – Ah bon ?

Liliane. – Mais moi j’y crois pas. Il y en a même qui racontent que la société va être délocalisée ! Qu’il y aura des suppressions de postes et tout ça… C’est n’importe quoi !

Stéphane. – Vous croyez ?

Liliane. – Mais bien sûr ! C’est une sorte de mode ! C’est pour se faire peur ! Vous vous rendez compte ? On irait où ? En Chine ?

Stéphane. – Ou en Inde !

Liliane. – Je préfère l’Inde.

Stéphane. – Pourquoi ?

Liliane. – C’est moins loin !

Stéphane. – Ah oui… oui, bien sûr, mais...

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