ACTE 1
Scène 1
Denise, Valérie.
A l’ouverture, Denise RICOU est en pleurs sur son canapé. Valérie entre.
VALERIE - Eh bien maman que se passe t-il ?
DENISE, pleurant bruyamment - BEUHHH !
VALERIE, essayant d’avoir quelques gestes affectueux, mais elle s’y prend très maladroitement - Voyons… Maman… Pourquoi pleurez-vous ? Là…Là…Tout va bien !
DENISE - Beuhhh ! Non ! Tout va mal ! Beuhhh !
VALERIE, même jeu - Allons… Allons… Si vous ne me dites pas de quoi il s’agit, je ne vais pas pouvoir vous consoler…
DENISE, s’arrêtant brusquement de pleurer - Ton père a disparu !
VALERIE - Papa ?
DENISE, agacée, tout en se mouchant et s’essuyant les yeux - Evidemment ! Pas le facteur !
VALERIE - Comment pouvez-vous dire que papa a disparu ?
DENISE - Trois jours qu’il n’est pas rentré et je n’ai plus aucune nouvelle.
VALERIE - Trois jours ? Oui, c’est intrigant, mais cela n’a rien d’alarmant non plus… Il faut savoir relativiser.
DENISE - Relativiser ! Tu en as de bonnes toi ! Ce n’est pas toi qui vas payer la rançon !
VALERIE - On vous a demandé une rançon ?
DENISE - Non. Mais j’imagine que cela ne va pas tarder !
VALERIE - Vous dramatisez…
DENISE - Evidemment ! Ce n’est pas toi qui vas recevoir une oreille ou un orteil dans ta boîte aux lettres !
VALERIE - Doux Jésus ! Pourquoi dites-vous ces horreurs ?
DENISE - J’y suis pour rien si les ravisseurs donnent dans la mutilation !
VALERIE - Je suppose qu’avant d’en arriver là, ils contactent les victimes et réclament de l’argent. Si l’on refuse de payer, ils montrent leur détermination en vous envoyant un doigt ou une oreille… (Un temps.) D’ailleurs, pourquoi avez-vous parlé d’orteil ?
DENISE – Parce que ça rime.
VALERIE, interloquée - Ça rime ?
DENISE - Oreille/orteil. Ça rime. Oreille/doigt, ça rime pas.
VALERIE, consternée - Oui, bien sûr…
DENISE - Bon, de toute façon, j’ai contacté un détective privé afin qu’il retrouve rapidement ton père, avant de le recevoir sous forme d’échantillons.
VALERIE - C’est une bonne idée, mais c’est sans doute un peu prématuré. (Sortant son portable de son sac à main.) Je l’appelle.
DENISE - J’ai déjà essayé d’appeler ton père plusieurs fois : je tombe directement sur la messagerie !
VALERIE - Chut ! Ça sonne…
DENISE - Oui, pour sonner, ça sonne, mais personne ne répond !
VALERIE - …Il filtre peut-être les appels ?…
DENISE - Je ne vois pas pourquoi il filtrerait mes appels !
VALERIE, embarrassée - Euh… (Un temps, puis essayant de faire diversion.) Ah ? Oui… (Un temps.) Effectivement, je tombe sur la boîte vocale !
DENISE - Qu’est-ce que je disais ! (Insistante.) Tu ne m’as pas répondu : pourquoi il filtrerait mes appels ?
VALERIE, faisant un signe de la main pour que sa mère se taise - Je laisse un message… « Allô papa ? C’est Valérie, votre fille. Eh bien voilà, maman et moi sommes inquiètes de ne pas avoir de vos nouvelles. Pourriez-vous nous rappeler afin de nous rassurer ? Nous vous embrassons très fort et à bientôt ! » (Elle range son portable.)
DENISE - Bon alors ?
VALERIE - Alors, il n’y a plus qu’à attendre…
DENISE - Non : pourquoi ton père voudrait filtrer mes appels ?
VALERIE - Je n’ai pas dit vos appels, mais les appels.
DENISE - C’est du pareil au même puisqu’il ne répond pas quand j’appelle ! (Pleurant à nouveau.) Beuh ! Je suis virée dans les indésirables ! Beuh ! Mon mari ne m’aime plus ! Beuh ! Je ne suis plus une femme désirable ! Beuh ! (S’arrêtant brusquement.) Ton père a une maîtresse ! Oui, c’est ça ! Il me trompe avec une autre femme ! (Un temps.) Ou peut-être même avec un homme !
VALERIE, choquée et se signant - Oh ! Dieu, Jésus, Marie, Joseph ! C’est dégoûtant ! Comment pouvez-vous dire des choses pareilles ?
DENISE - J’y suis pour rien si les hommes sont des cochons !
VALERIE - Enfin, maman, vous tirez des conclusions bien vite !
DENISE, butée - Pas du tout. Ton père est parti depuis trois jours et ne veut plus me parler : il me trompe. Deux et deux font quatre ! Quand je pense que je m’inquiétais pour lui, quelle idiote !
VALERIE - Vous êtes excessive ! Si ça se trouve il n’a plus de batterie, ou il a égaré son téléphone, ou bien il ne fonctionne plus !
DENISE - Admettons. En tout cas, j’ai bien fait de faire appel à un détective !
VALERIE - Oui maman. C’est une bonne idée. (Regardant dehors dans la cour.) Encore lui !
DENISE - Qui ça ?
VALERIE - Edouard, le voisin de l'immeuble d'à côté ! Il monte !
DENISE - Eh alors ?
VALERIE, éludant - Il faut que je vous laisse. Ne dites à personne que je suis ici ! (Elle sort précipitamment côté jardin.)
DENISE - Je ne vois pas pourquoi je parlerais de toi à des inconnus !
VALERIE, en off, reconnaissante - Merci maman !
DENISE - …D’ailleurs, je ne parle jamais de toi… C’est sans intérêt…
VALERIE, en off, dépitée - MERCI !
La sonnette retentit.
DENISE, hélant vers la cuisine - Bernadette ?
ACTE 1
Scène 2
Bernadette, Denise, puis Edouard.
BERNADETTE, entrant en s’essuyant les mains sur un torchon - Madame a appelé ?
DENISE - Oui. Quelqu’un sonne à la porte. Ce doit être le détective Debrick.
BERNADETTE, allant ouvrir, hilare - J’espère qu’il en casse pas : des briques ! Hi ! Hi ! Hi ! Hi ! (Ouvrant et découvrant qu’il s’agit d’Edouard.) Ah, ben non, c’est le voisin Edouard ! Hi ! Hi ! Hi !
EDOUARD, entrant sans formalité - Bonjour la compagnie ! (S’adressant à Denise.) J’avais cru voir vot’fille monter chez vous : la Valérie. Elle est pas dans le secteur des fois ?
DENISE - Mais non, voyons ! (Un temps.) Nous n’avons pas le temps Edouard ! (Elle fait un signe de la main pour qu’il déguerpisse.)
EDOUARD - C’est pas vous que j’viens voir, mais la Valérie ! J’en pince grave pour elle, pourtant elle est coincée, du genre coincée de chez coincée, mais c’est plus fort que moi, ça m’excite ! (S’échauffant.) Quand elle met son tailleur gris avec la petite croix dorée qui dépasse sur le dessus, ça me chamboule les sens !
DENISE - S’il vous plaît ! Je n’ai pas envie d’écouter vos fantasmes répugnants ! Valérie n’est pas là, un point c’est tout ! En plus, j’attends quelqu’un !
EDOUARD - Qui ça ?
BERNADETTE - Ça te regarde pas Edouard ! Dis donc, tu m’avais pas dit que t’en pinçait pour Valérie. Tu sais que t’as aucune chance ?
EDOUARD - J’vois pas pourquoi !
BERNADETTE – parce que vous êtes pas du tout assortis !
EDOUARD - Comment ça : pas assortis ?
BERNADETTE - Vous allez pas ensemble quoi ! C’est comme si on voulait mettre une jupe avec des après-skis !
EDOUARD, vexé - C’est bien la première fois que l’on me compare avec des après-skis !
DENISE, impatiente - Bernadette, je ne vous paye pas pour parler
chiffons ! Il y a sûrement de la vaisselle ou du ménage à faire !
BERNADETTE, sortant - Bien Madame ! (Elle sort en chantant.)
Tralalalère !
ACTE 1
Scène 3
Denise, Edouard.
DENISE - Quant à vous, je vous demanderai de bien vouloir me laisser seule…
EDOUARD, inquisiteur - Vous attendez quelqu’un ?
DENISE - Ce ne sont pas vos affaires.
EDOUARD, même jeu - Vous avez un amant ?
DENISE, outrée - Ho !
EDOUARD, même jeu - C’est lui que vous attendez ?
DENISE - Mais, pas du tout !
EDOUARD, même jeu - C’est pour ça que vous voulez rester seule ?
DENISE - Je ne veux pas être seule puisque j’attends un monsieur.
EDOUARD - C’est bien c’que j’dis : vous voulez être seule avec un homme dont on sait pas qui c’est. Votre amant, quoi !
DENISE - Pas du tout ! Cela ne vous regarde pas ! Maintenant, fichez-moi le camp !
EDOUARD, sortant - J’dirais rien du moment que vous causez de moi à vot’fille !
DENISE - C’est ça : au revoir !
ACTE 1
Scène 4
Valérie, Denise, Bernadette.
VALERIE, revenant côté jardin - Une sangsue ce type !
DENISE - …Et un grossier personnage !
BERNADETTE, revenant côté cour - Valérie, vous avez tiré le gros lot, ma parole ! Hi ! Hi ! Hi !
VALERIE - Ce n’est pas drôle Bernadette ! (Un temps.) Je passe par la porte de service, venez avec moi pour me dire si la...