Un petit dîner à deux ?

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Raphaël et Delphine s’apprêtent à fêter leur premier anniversaire de rencontre. Pour l’occasion ils se sont préparé un petit dîner d’amoureux mais une suite de catastrophes va venir retarder à chaque fois ce joyeux moment. C’est d’abord une fuite d’eau à l’étage au-dessus dans l’appartement occupé justement par l’ex-femme de Raphaël qui s’est mise en ménage avec un type du genre lourdaud. Puis c’est l’ancien mari de Delphine, totalement déprimé, qui vient chercher du réconfort. La tension monte, les amoureux deviennent de plus en plus nerveux et les catastrophes continuent de s’accumuler. C’est bien connu « L’enfer c’est les autres ». Finiront-ils par dîner en amoureux ?

 

 

 

 

 

 

 

Au début de la pièce, on voit que la table de la salle est dressée pour un petit dîner de fête. Il y a une nappe gaie, des bougies, le couvert est à plusieurs assiettes. Sur l’étagère qui sépare la cuisine de la salle à manger, il y a une bouteille de champagne débouchée et deux coupes déjà entamées.

Delphine est à quatre pattes. Elle passe la serpillière sur le sol et l’essore dans un seau.

Raphaël, lui, regarde le plafond et déplace une cuvette.

Apparemment ils sont victimes d’un dégât des eaux mais restent très calmes, très enjoués.

Raphaël, après un fou rire. – Le pire, c’est qu’elle lui a répondu : « Je ne sais pas, je n’ai pas réfléchi, madame ! » « Madame » ! Tu te rends compte ?

Delphine. – À Benjamin ?

Raphaël, hilare. – Ouiiiii !

Delphine. – Oh ! il a pas dû le prendre bien !

Raphaël. – Tu le connais. Il a pincé son petit bec en cul-de-poule, il a pris ses cheveux longs d’une main nerveuse et il les a balancés sur son épaule en disant : « Eh ben, maintenant, réfléchissez ! » Alors là, la pauvre femme s’est aperçue de son erreur, elle est devenue rouge comme un cul de babouin et elle a bafouillé : « Oh ! excusez-moi mad… mad… mad… monsieur ! »

Delphine. – J’aurais pas aimé être à sa place.

Raphaël. – Laquelle ? Celle de Benjamin ou du mons… mons… mons… de la dame ?

Ils rient.

Delphine, gentiment. – T’es bête !

Raphaël prend le seau de Delphine et le vide dans le sien.

Puis il se déplace vers la cuisine pour le vider.

Raphaël. – Dis donc, c’est le sixième, non ?

Delphine. – Sais pas ! Pas compté.

Raphaël. – Ça coule toujours ?

Delphine. – On dirait pas.

Raphaël. – Je vais laisser le seau en dessous, au cas où ça fuirait encore un peu.

Delphine. – Elle est bien gentille, ta femme, mais elle ne nous facilite pas la vie.

Raphaël. – Dis pas ma « femme », c’est plus ma femme.

Delphine. – Eh si ! Tant que vous ne serez pas divorcés, ce sera toujours ta femme.

Raphaël. – Delphine, tu sais bien qu’il y a le livret de famille mais il y a aussi le cœur. Et dans mon cœur, c’est toi ma femme.

Delphine. – Je le sais, je te fais marcher.

Raphaël. – Oh ! toi toi toi ! Tu sais que je t’aime, toi ?

Delphine. – Et tu sais que ça fait un an, pile-poil, et que c’est comme si c’était hier, pour moi ?

Raphaël. – Pareil pour moi !

Ils s’embrassent comme des gamins.

Delphine. – N’empêche, ça tombe mal.

Raphaël. – Ah non ! Ça tombe bien ! Six seaux ! (Ils rient.)

Delphine, pousse un cri. – Aaaaah ! Vite ! (Ils courent jusqu’à la table et la déplacent d’un bon mètre.) Heureusement que c’est pas tombé sur notre petit dîner d’amoureux. Quelle idée de bricoler à huit heures du soir !

Raphaël monte sur une chaise pour passer une serpillière au plafond à l’aide d’un balai, ou alors il place la cuvette à la place de la table.

Raphaël. – Tu sais bien que c’est pas Sylvie, c’est Jérôme.

Delphine, chantant. – « Oui, c’est moi, Jérôme, non je n’ai pas changé… »

Raphaël. – Eh non, pas changé du tout, une vraie calamité ! Non, mais quelle idée de faire passer le tuyau de vidange de la machine à laver devant la porte des W.-C. ! Monsieur va faire un petit pipi et crac ! on se récupère l’eau savonneuse !

Delphine. – Ça aurait pu être pire. T’imagines si c’était le tuyau du Sanibroyeur qui s’était déboîté ?

Raphaël. – Je pense qu’il faudrait offrir des stages de bricolage à Jérôme ! Ce type adore bricoler mais il n’a aucun sens rationnel. Tu te souviens de ses étagères de la salle de bains ? Cinq centimètres de différence entre le côté gauche et le côté droit. Zou ! tout partait dans la baignoire.

Delphine. – Et son antenne parabolique ! Il captait la gendarmerie mais aucune chaîne nationale. (Ils sont morts de rire.) Quand je pense qu’il a failli être inculpé d’espionnage… Jérôme ! Le responsable du rayon fruits et légumes de chez Auchan !

Raphaël. – Dis pas de mal d’Auchan, j’y ai fait mes premières armes au rayon vêtements.

Delphine. – Je sais, Sylvie fait toutes ses courses chez Auchan, même ses hommes elle les prend là.

Raphaël. – Bon, si on arrêtait de parler de mon ex ?

Delphine. – Je veux bien, moi, mais on peut dire qu’elle n’est jamais très loin. Te quitter pour emménager au-dessus avec son nouveau mec, c’est petit-petit comme changement.

Raphaël. – Il habitait déjà là avant notre séparation. Je pouvais pas savoir qu’elle allait me quitter pour le voisin du dessus.

Delphine. – D’accord, mais c’est pas vraiment de la séparation quand on se croise tous les matins et tous les soirs dans l’ascenseur.

Raphaël. – Je croyais que tu les aimais bien…

Delphine. – Oui, d’accord, ils sont sympas, rigolos, gentils, on se rend des services de temps à autre…

Raphaël. – C’est mieux que de se faire la gueule.

Delphine. – Oui, d’accord, mais bon… Jérôme, il est lourd.

Raphaël. – Bon, ma bibiche, on arrête de se chamailler le jour du premier anniversaire de notre rencontre ?

Delphine. – On arrête.

Raphaël. – Mougnou-mougnou ?

Delphine. – Mougnou-mougnou !

Ils s’approchent l’un de l’autre et se frottent le museau en faisant « mougnou-mougnou », puis ils s’enlacent et s’embrassent.

Un type costaud, en salopette, entre sans faire de bruit.

Il les regarde en rigolant puis frappe trois fois dans le vide.

Jérôme. – Toc, toc, toc !

Raphaël et Delphine sursautent.

Raphaël. – Qu’il est bête celui-là !

Jérôme, sur un ton bêta. – Cou-cou-c’est-moi !

Delphine. – On t’a jamais dit que le bouton, à côté de la porte, c’était une sonnette ? Et qu’on appuie dessus avant d’entrer ?

Raphaël. – Et d’abord, comment tu as fait pour entrer ? Il faut une clé !

Jérôme. – J’avais pas fermé en sortant. (Il rigole en les regardant.)

Delphine. – T’es revenu pour te foutre de notre tête ?

Jérôme. – Mougnou-mougnou… hé, hé, hé… (Delphine hausse les épaules et passe dans le coin-cuisine. Jérôme scrute le plafond.) Vous avez de la chance, ça vous fait une fresque au plafond. J’ai bien envie de la signer « Michel-Ange »  !

Delphine. – Te crois pas obligé, ça ferait chuter sa cote.

Jérôme. – Ça a fui encore longtemps après que je sois parti ?

Raphaël. – Oh ! cinq bonnes minutes !

Jérôme. – Normal, j’ai laissé couler encore cinq minutes, on était presque arrivé à « essorage ».

Delphine. – T’as bien fait, ça aurait été dommage de ne pas nous envoyer tout le contenu.

Raphaël. – J’en ai eu six seaux.

Jérôme. – Oh ! oh ! oh ! T’exagères pas un peu ? C’est pas plutôt cinq seaux et demi ?

Raphaël. – Oui, peut-être. Le dernier n’était pas rempli.

Jérôme. – J’aime mieux ça. Le vendeur m’a dit cinquante-cinq litres par lavage. Vous, vous êtes au moins à cent vingt, cent trente litres avec votre machine. C’est pas bien ! Vous êtes pas écolos. Le double de nous. Et puis vous vous rendez compte, si vous avez un jour une fuite, les dégâts en dessous ? Cent trente litres de flotte ! À la place du type, je ferais la gueule.

Delphine. – Tandis que nous on est super heureux !

Jérôme. – Et la flotte, vous en avez fait quoi ?

Raphaël. – Comment ça, qu’est-ce qu’on en a fait ? On l’a jetée !

Jérôme, catastrophé. – Vous l’avez jetée ? Oh là là ! La boulette !

Raphaël. – Eh bien, oui ! Qu’est-ce que tu voulais qu’on en fasse ?

Jérôme. – Mais c’est pas écolo ! Vous jetez de la flotte qui n’a servi qu’une fois ! On pouvait la recycler.

Delphine. – T’es pas sérieux, là ?

Jérôme. – Sylvie va être furieuse. Elle qui comptait dessus pour la filtrer et prendre un bain ce soir…

Delphine. – Eh bien, ça nous évitera de prendre l’eau de la baignoire sur la tête.

Raphaël. – Attends, attends. Comment vous faites pour recycler de l’eau… en appartement ? Je me sens terriblement concerné d’un seul coup…

Jérôme. – Tu veux que je te dise ? J’ai installé une machine…

Raphaël, le coupe. – Ah non ! C’est pas vrai ! Il a installé une machine ! On va vivre avec les chutes du Niagara en permanence au-dessus de notre tête !

Delphine. – Jérôme, faut que t’arrêtes !

Jérôme, éclate de rire. – Mais je déconne ! Ah ! vous marchez à tout, vous !

Raphaël. – Je ne suis pas certain d’apprécier toutes tes blagues, Jérôme.

Delphine. – J’ai failli dire un gros mot, mais je me suis retenue pour rester polie.

Jérôme. – Parce que tu connais des gros mots, toi ?

Delphine. – Connard !

Jérôme, furetant. – Alors, on se fait un petit souper en amoureux ?

Delphine. – Non, un dîner. On dîne à vingt heures et on soupe à minuit. Mais on ne va pas attendre minuit pour se mettre à table.

Jérôme, gourmand. – Mais c’est qu’il y a plein de bonnes choses, dites-moi !

Raphaël. – Pour deux ! Tu as remarqué ? Tout marche par deux.

Jérôme. – Sauf les cahouètes, y en a au moins trois mille. Vous attendez pas trois mille personnes ?

Et sans attendre, il plonge la main dans les arachides et s’en sert une poignée.

Delphine. – Bon, écoute, je peux te faire un sandwich si tu crains de mourir de faim entre le quatrième et le cinquième, mais laisse-nous, s’il te plaît, notre petit frichti.

Raphaël. – File… (Il montre le plafond.)… pendant qu’il ne pleut plus !

À ce moment précis retentit une musiquette rigolote et un peu nunuche. C’est le portable de Jérôme.

Jérôme. – Ah ! pardon ! Excusez-moi, un appel de l’Élysée. Encore le président qui me réclame. Allô ! (Il écoute ce qu’on lui dit et ne fait que grommeler des « oui, oui, d’accord » tout en se gavant de cacahouètes, jusqu’à ce que Delphine retire le bol de cacahouètes et le remplace par le petit pot de sel (ou autre). Machinalement, Jérôme se sert, s’étouffe et recrache. Il place sa main sur le portable.) Vous êtes cons ! C’est super important ! (La conversation dure encore un petit moment. Delphine et Raphaël ont repris leurs coupes de champagne et trinquent. Ils se moquent de Jérôme qui continue à cracher et réclame à boire. Mais ils ne lui donnent rien. Jérôme raccroche.) Merde.

Delphine. – Eh bien, voilà. Maintenant que l’Élysée est rassuré sur l’avancement de ton petit Watergate perso, tu vas pouvoir regagner ton chantier. Merci Jérôme.

Raphaël. – Sylvie doit s’inquiéter. Tu devrais remonter avant qu’elle ne prévienne la police de ta disparition.

Jérôme. – Vous voulez pas savoir ce que c’était ?

Delphine et Raphaël. – Non, non, non, surtout pas !

Jérôme. – C’est ma copine Sonia, celle qui travaille chez un huissier.

Raphaël, poussant Jérôme vers la sortie avec l’aide de Delphine. – Ah ! Sonia ! Super !

Delphine. – On s’en fout, Jérôme.

Jérôme. – Elle me prévenait que demain, à l’aube, ils vont faire une saisie.

Delphine, s’en foutant totalement. – Oh ! c’est bien, ça…

Raphaël. – En même temps c’est son boulot, non ?

Jérôme. – Chez moi ! Au-dessus ! Ils vont venir tout nous piquer.

Delphine. – C’est pas grave. Ils verront bien que c’est une erreur.

Raphaël. – Mais oui ! Soit ils ont une mauvaise adresse, soit c’est un homonyme.

Jérôme. – Mais non,...

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