Une star en campagne

Genres :
Distribution :

La vie sécoule paisiblement dans la ferme des Duval. Pendant quAnatole Duval répare le tracteur avec Jeannot, Marguerite, la mère et Annick, la fille, se chamaillent, comme à laccoutumée, sous lil goguenard du pépé. Une seule ombre au tableau, labsence de Marie-Louise, la fille aînée, disparue subitement depuis des mois. Cest Denise, la factrice, qui viendra annoncer la surprenante nouvelle ; Marie-Louise qui se fait appeler Marylou est actrice de cinéma, et est en passe de devenir une star internationale. Le train-train familial sera entièrement bouleversé lors de larrivée de Marylou et de son agent artistique, eux-mêmes devancés par une équipe de télévision venue filmer lévénement. Beaucoup de rythme dans cette comédie paysanne hilarante dans laquelle se télescopent des univers culturels très contrastés. La pièce peut être jouée avec 7 femmes et 5 hommes, le rôle de cameramen étant interchangeable.

ACTE I

Une salle de ferme meublée d'une grande table, d'un vaisselier, d'une gazinière. Dans un coin, sur une chaise, la cane dans une main, la pipe dans l'autre, le pépé est assis.

A l'autre bout de la pièce, Marguerite étend lingerie et chaussettes sur un sèche-linge portatif. Annick prépare sur la table pain, charcuterie et boisson.

Annick : Maman, tu ne vas pas recommencer à étaler ici tout le linge de la famille.

Marguerite : (tout en disposant le linge) Ma fille, ce n'est tout de même pas de ma faute s'il pleut tous les jours dans ce fichu pays. Le linge, il faut bien qu'il sèche !

Annick : Mais enfin, il y a tout de même d'autres endroits.

Marguerite : Où ça, dans mon lit peut-être ? La buanderie est pleine, il faut bien le mettre quelque part ce sacré linge, dehors c'est impossible, il pleut comme vache qui pisse. C'est un printemps pluvieux, personne n'y peut rien.  Tiens, demande donc au pépé, dis-nous pépé, depuis quand il pleut ?

Le pépé : Depuis la Saint Aubin, mais comme on dit, “quant il pleut à la Saint Aubin, l'eau est plus chère que le vin”.

Marguerite : Saint Aubin, Saint Aubin, tu m'en diras tant, si ça continue avec toute cette eau, c'est nous qui allons finir au bain.

Annick : Ce n'est pas une raison pour exhiber toutes ces culottes, c'est indécent.

Marguerite : En attendant, c'est tout de même moins indécent que de se promener cul nu.

Annick : S'il venait du monde, on aurait encore l'air fin, regarde-moi ça, ce n'est plus un sèche-linge, on dirait un jeu de sept familles. Dans la famille DUVAL, je voudrais la fille, (elle sort une petite culotte de la bassine) la mère, (elle ressort une culotte) le père, le grand-père.

Marguerite : Et alors ? Moi je dis qu'il n'y a pas de honte à montrer ses dessous quand ils sont propres, il n'y a que le linge sale qu'on lave en famille.

Annick : Ah parce que toi, tu trouves que c'est élégant de montrer ça ! (Elle brandit entre deux doigts un grand slip en coton blanc.) Accroche-les au mur pendant que tu y es, comme ça les gens seront ravis.

Bonjour ! entrez donc que je vous présente le slip de mon mari.

Marguerite : Les gens, les gens, tu commences à m'énerver avec tes gens, ce sont qui d'abord tes gens ? Moi, ceux que je connais, ils ne font pas tant de manières, ils ne pètent pas dans la soie.

Le pépé : Vaut mieux avoir les fesses propres dans du coton que sales dans de la soie.

Marguerite : Bien raisonné l'pépé, tu vois si le pépé le dit...

Annick : Tu parles, ce n'est pas aujourd'hui que le pépé va contredire sa fille, pas fou le pépé, on ne crache pas dans la soupe qui vous nourrit.

Marguerite : Annick, tu ferais bien de ne pas trop m'échauffer les oreilles, parce que figure-toi que tu commences à m'agacer sérieusement avec tes allusions. Le pépé est libre de penser ce qu'il veut, je ne l'ai jamais empêché de dire quoi que ce soit, crois-moi, il ne s'en est jamais privé et il ne s'en privera jamais.

Annick : De toutes manières, on ne peut jamais discuter avec toi puisque tu as toujours raison.

Marguerite : Certainement pas, je sais reconnaître mes torts lorsque j'en ai, je tiens simplement à te rappeler que je suis ici chez moi, j'y suis à l'aise et j'entends bien le rester sans me faire enquiquiner toutes les cinq minutes sous prétexte qu'il pleut.

Annick : Reconnais au moins que ce n'est tout de même pas très élégant cet étalage.

Marguerite : Qu'est-ce que tu veux que je reconnaisse, je n'ai rien à reconnaître du tout.

Annick : Tu vois que j'ai raison, c'est quand même quelque chose, le nez dans une crotte de chien, elle refuserait de reconnaître l'odeur. Pfft... tiens, ça ne m'étonne pas que la frangine se soit tirée de la maison.

Marguerite : Quoi, qu'est-ce que tu dis ?

Annick : Tu m'as très bien entendue, je dis que si la frangine a quitté le pays, c'est peut-être bien parce qu’elle commençait à en avoir marre de se faire marcher sur les pieds.

Marguerite : Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre, tu sais très bien que la Marie-Louise, si elle est partie, c'est parce qu'elle ne voulait pas rester à la campagne, voilà tout.

Annick : Et d'après toi, pourquoi ne donne-t-elle pas de nouvelles ? Hein, tu peux me le dire, depuis près d'un an qu'elle est partie.

Le pépé : Pas de nouvelles, bonnes nouvelles !

Marguerite : Ben justement, si elle ne donne pas de nouvelles, c'est peut-être parce qu'on ne l'a pas assez bien élevée, on l'a trop laissée faire, résultat, on aura juste réussi à en faire une ingrate, alors tu comprends bien qu'on ne va pas recommencer la même bêtise avec toi. C'est pour ça que maintenant dans cette maison, c'est moi qui commande, un point c'est tout.
Quand tu seras mariée, tu feras comme il te plaira, ma fille, mais en attendant...

Annick : Parlons-en de mon mariage, à chaque fois que j'en parle, vous repoussez toujours la date.

Marguerite : Mais tu es jeune, tu as bien le temps avant de te marier.

Annick : Tu me dis toujours ça, mais je ne suis pas une gamine. En plus, si je partais, je ne vous coûterais plus un sou, vous feriez des économies.

Marguerite : Justement, c'est ça que tu veux que les gens pensent ? Que ton père et moi sommes trop contents de nous débarrasser de nos filles ? J'en connais certaines, dans le village, qui ne
mettraient pas longtemps à colporter ce genre de ragots, je les entends d'ici : “Non seulement, ils ont laissé partir leur Marie-Louise sans la retenir, mais en plus, ils se sont empressés de vendre leur cadette au plus offrant”.

Annick : Oh là doucement, je ne suis pas à vendre.

Marguerite : C'est pourtant bien ce que penseront les gens, et même si tu n'es pas d'accord, tu ne pourras pas les empêcher de venir jaser sur ton compte, ma p'tite !

Annick : De toute façon, il n'y aura que les médisants à penser ainsi, à quoi bon s'en soucier, s'il faut commencer à se préoccuper de leur avis, on n'a pas fini.

Marguerite : Ah bon, de l'opinion des gens, tu t'en contrefiches à présent ?

Annick : Mais bien sûr ! je n'en ai rien à faire que je te dis.

Marguerite : Ça c'est trop fort, mademoiselle a la mémoire courte, il n'y a pas deux minutes, elle me reprochait d'étaler mon linge, sous prétexte que les gens allaient être choqués de voir nos culottes, et maintenant elle veut me faire croire qu'elle agit comme si elle était seule sur terre, faudrait peut-être savoir ce que tu veux, ma petite.

Annick : C'est simple, ce que je veux c'est me marier, ce n'est pourtant pas compliqué, mais dis quelque chose pépé, aide-moi à lui faire comprendre.

Le pépé : Quand il tonne, il faut écouter tonner, laisse donc passer l'orage.

Annick : Ah de la crotte, je ne vais pas rester sans réagir, à écouter ces stupides arguments, qu'est-ce qu'il y a qui ne va pas, il ne te plaît pas mon Jeannot ?

Marguerite : Ne dis donc pas de bêtises.

Annick : Un garçon gentil, honnête et travailleur, et tu voudrais m'empêcher de l'épouser ?

Marguerite : Mais je n'ai jamais dit ça ! Je te demande simplement d'avoir un peu de patience pour éviter de faire jaser le village.

Annick : De toute façon, avec ou sans votre consentement, je me marierai, mais, (se faisant subitement câline) avoue, ma petite maman chérie, que ce serait plus agréable si toute la famille était présente.

Marguerite : Et si tes parents payaient le repas de noces, pas vrai ?

Annick : Ah ne recommence pas à faire ta méchante alors que je cherche à t'adoucir, déjà que ce n'est pas drôle avec ce temps de chien, si en plus on commence à s'engueuler... Voyons, quelle date pourrions-nous choisir... L'idéal ce serait avant les moissons, à condition qu'il fasse beau, au mois de juin.

Le pépé : Juin bien fleuri, vrai paradis.

Annick : J'ai déjà tout prévu, on pourrait se marier le 8.

Le pépé : Le 8 juin, jour de la Saint Médard, s'il pleut à la Saint Médard, c'est du beau temps pour les canards.

Annick : A moins que Saint Barnabé ne vienne l'arrêter, mais tu as raison, il vaut mieux ne prendre aucun risque, trouvons une autre date, justement pourquoi pas Saint Barnabé ?

Le pépé : Pour la Saint Barnabé, le soleil rayonne au fond du pichet.

Marguerite : Oui, bon ben on verra, pour le moment on n'en est pas encore là, tu ferais bien de couper les tartines parce que ton Jeannot, il ne devrait pas tarder à arriver. Tiens, ben justement, les voilà.

(Arrivée d'Anatole et de Jeannot.)

Anatole : A boire ou je tue le chien ! (S'adressant à Jeannot) T'as pas soif toi ? Moi rien que de voir cette pluie qui pisse dru, ça me donne soif.

Jeannot : Bonjour madame Marguerite.

Marguerite : Grand nigaud, faut donc que je te le répète tous les jours, ici y a pas de madame Marguerite. C'est Marguerite un point c'est tout. C'est compris ?

Jeannot : Oui madame Marguerite.

Marguerite : Et c'est ça que tu veux épouser. Je ne suis pas sûre qu'il relève le niveau de la famille celui-là. Il ne comprend toujours que la moitié du quart des choses. Je t'ai dit Marguerite, pas madame Marguerite. Marguerite, c'est pourtant pas compliqué, dis-moi c'est compliqué ?

Jeannot : Non m'dame Marguerite.

Anatole : Mais cesse d'embêter ce garçon, il n'est pas venu ici pour se faire tyranniser. Tiens, on va plutôt casser une croûte et boire un coup.

Annick : Alors ça avance ?

Jeannot : Bien sûr que ça avance, on vient de changer les segments, il nous reste à roder les soupapes. Après, il n'y aura plus qu'à remonter...

Il vous reste 90% de ce texte à découvrir.


Achetez un pass à partir de 5€ pour accédez à tous nos textes en ligne, en intégralité.




Retour en haut
Retour haut de page