ACTE I
Quand le rideau se lève, c'est le petit matin... La lumière montera doucement pendant que la musique s'estompera...
Un homme armé, descend avec beaucoup de précautions l'escalier côté jardin... Il va jeter un coup d'œil à la porte-fenêtre de l'entrée... Il se dirige ensuite côté cour, mais un bruit qui parvient des chambres côté cour, le fait se cacher derrière le canapé... En haut de l'escalier jardin, apparaît un jeune homme en maillot de bain… Il descend tranquillement, se dirige vers l'entrée principale et ouvre la porte qui est fermée à clef de l'intérieur… Il reste quelques secondes à observer ce qui se passe à l'extérieur, revient, sans fermer la porte et se dirige tranquillement vers la sortie premier plan jardin qui donne sur la piscine. L'homme qui se cachait derrière le canapé, se lève, va vers la porte par où le jeune homme est sorti, observe quelques instants, puis rapidement se dirige vers le téléphone et compose un numéro tout en surveillant la porte.
L’HOMME : Allô... C'est moi... Je ne peux plus rester ici... Parce qu'il y a du monde ! Mais j'en sais rien, ils sont arrivés dans la nuit ! Viens me chercher ! Et apporte-moi des fringues ! Mais t'inquiète pas. Je vais les neutraliser... Allez grouille-toi... (Il raccroche, repart surveiller la porte, mais un bruit de voiture qui arrive le fait remonter précipitamment vers la porte d'entrée toujours ouverte… Il observe quelques secondes la voiture qui arrive et grimpe rapidement l'escalier côté jardin en disant…) Mais c'est pas vrai ! Qu'est-ce que c'est que cette baraque !
(La voiture s'arrête. Les portes claquent et on entend les voix de Jacques et de Dominique.)
DOMINIQUE : (off) Patrick... Marie... Marie...
JACQUES : (off) Mais tu vois bien que leur voiture n'est pas là. (Il a une valise à la main.)
DOMINIQUE : (off) Ils sont peut-être arrivés par l'autre entrée... (Elle entre.) Marie... Patrick...
JACQUES : (entrant) Tu es vraiment têtue. Je te répète que je les ai doublés à la sortie de Lyon.
DOMINIQUE : Mais non... Je suis sûre que ce n'était pas eux... Marie...
JACQUES : Mais tu dormais à moitié quand je les ai doublés mais moi j'ai bien reconnu leur voiture.
DOMINIQUE : Qu'est-ce ne tu paries qu'ils sont arrivés par la route de Grasse. (Elle se dirige vers la porte-fenêtre à la cour.) Je suis sûre que leur voiture est là !
JACQUES : Alors ?
DOMINIQUE : Elle n'est pas là !
JACQUES : Comme c'est curieux...
DOMINIQUE : Alors... s'ils ne sont pas arrivés, qui a ouvert cette porte ?
JACQUES : Mais souviens-toi ! Patrick nous a dit que l'Agence l'avait assuré que la femme de ménage passerait vers dix heures et qu'elle aurait les clefs... C'est elle qui est venue pour aérer avant notre arrivée... Et elle a bien fait. Tu ne trouves pas que ça sent un peu le renfermé ici ?
DOMINIQUE : Un peu, beaucoup. J'ai l'impression que la maison est inhabitée depuis des mois... Je vais faire un courant d'air.
(Elle ouvre la seconde porte-fenêtre côté cour.)
JACQUES : Ça c'est bien la preuve que Marie n'a pas encore mis les pieds ici. Elle aurait commencé par faire ce que tu fais.
(Dominique va jeter un coup d'œil dans la cuisine.)
DOMINIQUE : La cuisine est vide. Ils ont dû descendre prendre un petit déjeuner à Antibes.
JACQUES : Moi, je les vois plutôt du côté d'Aix en Provence, mais si tu préfères Antibes...
DOMINIQUE : Qu'est-ce qu'on fait ?
JACQUES : Mais comme eux. Nous allons descendre à Antibes prendre un petit déjeuner et faire quelques courses...
DOMINIQUE : Je suis sûre qu'on les retrouvera là-bas... tu vas voir...
JACQUES : Mais oui sûrement... (Il grimpe les escaliers cour.)
DOMINIQUE : Où vas-tu ?
JACQUES : Ben... Je vais déjà déposer cette valise... Au fait, je la mets dans quelle chambre ?
DOMINIQUE : La même que l'année dernière. C'est la plus grande et Marie préfère celle qui donne sur le parc...
JACQUES : Parfait...
DOMINIQUE : Mon Dieu !
JACQUES : Qu'est-ce qu'il y a ?
DOMINIQUE : J'ai oublié mon sac dans la voiture.
JACQUES : Mais qu'est-ce qu'il risque... On repart tout de suite...
DOMINIQUE : Qu'est-ce que tu en sais ! C'est plein de rôdeurs sur la Côte... Dépêche-toi, je t'attends dans la voiture...
(Elle sort rapidement, pendant que Jacques entre dans la chambre. Quelques secondes de silence suivies d'un hurlement de femme. La porte de la chambre s'ouvre. Une jeune fille à moitié nue en sort et dévale les escaliers, suivie par Jacques qui essaye de la calmer en criant : “Mademoiselle… mademoiselle… calmez-vous… calmez-vous… Mademoiselle.”
Arrivée au bas des escaliers, la jeune fille va s'enfermer dans la cuisine côté cour. Jacques la suit. Quand il arrive à la porte de la cuisine qui vient de se refermer, la porte premier plan jardin s'ouvre et le jeune homme en maillot de bain apparaît… Il s'élance vers Jacques en criant : “Salaud, je vais t'apprendre moi.” Jacques se retourne.)
JACQUES : Mais qui êtes-vous ? Attendez !
(Trop tard. Le jeune homme s'est jeté sur lui et ils roulent tous les deux à terre pendant que la jeune fille continue à hurler derrière la porte... On entend la voix de Dominique.)
DOMINIQUE : (off) Jacques... ! Qu'est-ce qui se passe ! Qui a crié comme ça... Jacques.
(Elle entre, aperçoit les deux hommes en train de se battre... Elle pousse un hurlement et se précipite vers la cheminée où se trouvent des grosses bûches de bois... elle en saisit une et d'un seul coup assomme le jeune homme qui était en train d'étrangler son mari, il tombe derrière le canapé.)
JACQUES : (se redressant) Ouf ! Il était temps, j'ai bien cru qu'il allait m'avoir... (Dominique est statufiée, sa bûche à la main.) Oh... Dominique... Qu'est-ce que tu as ?
DOMINIQUE : Il ne bouge plus...
JACQUES : Pas étonnant. Avec ce que tu lui as mis...
DOMINIQUE : Je l'ai tué... Je suis sûre que je l'ai tué !
JACQUES : Mais non. Tu l'as assommé, c'est tout.
DOMINIQUE : Il faut appeler la police... vite...
JACQUES : Mais non. Calme-toi. On va attendre qu'il se réveille.
DOMINIQUE : Mais si je l'ai tué ?
JACQUES : Mais non... Regarde... il respire. Dans deux minutes, il est debout.
DOMINIQUE : Et bien, il faut le faire arrêter. Tu vois bien que c'est un cambrioleur...
JACQUES : Mais non. Tu as déjà vu un cambrioleur se promener en maillot de bain. Il revenait de la piscine. C'est un squatter, rien de plus.
DOMINIQUE : N'empêche qu'il faut appeler la police. Ça peut se retourner contre nous. Il peut porter plainte pour coups et blessures.
JACQUES : Il ne manquerait plus que ça !
DOMINIQUE : Ça c'est déjà vu. Je l'ai lu dans un journal. Un propriétaire a été condamné à verser une pension parce qu'il avait surpris et blessé un cambrioleur qui s'était introduit chez lui en pleine nuit.
JACQUES : C'est invraisemblable !
DOMINIQUE : C'est comme ça. C'est la justice d'aujourd'hui.
JACQUES : Raison de plus de ne pas appeler la Police, si tu ne veux pas avoir affaire à la justice d'aujourd'hui.
DOMINIQUE : J'étais sûre que ça allait arriver ! J'en étais sûre... Je l'avais vu dans les cartes.
JACQUES : Ah non ! Tu ne vas pas recommencer avec tes cartes ! C'est pas le moment.
DOMINIQUE : Oui, je sais que ça te fait peur...
JACQUES : Ça ne me fait pas peur, ça m'énerve.
DOMINIQUE : Non, ça te fait peur, parce que tout ce que disent les cartes ça arrive. Et hier avant de partir, je me les suis faites et trois fois j'ai mis du pique sur le dix de carreau, trois fois...
JACQUES : Et alors ! C'est quoi le pique sur le dix de carreau ?
DOMINIQUE : Je te l'ai dit cent fois... Ça veut dire un ennui ou un accident sur la route.
JACQUES : Et bien, on a pas eu d'accident sur la route...
DOMINIQUE : (montrant le jeune homme) Et ça, qu'est-ce que c'est...?
JACQUES : Mais on n'est pas sur la route...
DOMINIQUE : Mais c'est pareil. Il faut interpréter. L'ennui, il était au bout de route.
JACQUES : C'est pour ça que tu m'as dit toute la nuit de ralentir ?
DOMINIQUE : Parfaitement. J'étais sûre qu'il allait arriver quelque chose... La preuve...
JACQUES : Bon... d'accord... je ne discute plus... tu as toujours raison...
DOMINIQUE : C'est pas moi, c'est les cartes !
JACQUES : D'accord c'est les cartes !
DOMINIQUE : Moi je suis sûre qu'il faut appeler la Police.
JACQUES : Non ! J'attends d'abord qu'il se réveille.
DOMINIQUE : Mais qui ça peut être ?
JACQUES : Et bien fais-toi les cartes !
DOMINIQUE : Arrête ! C'est pas le moment de plaisanter... Tu ne vois pas dans quel état je suis... (Elle commence à pleurer.)
JACQUES : Excuse-moi ! Calme-toi ma chérie... Je ne t'ai même pas remerciée. Tu as été formidable. Sans toi, c'est moi qui serais allongé par terre en ce moment... Calme-toi... Attends une seconde... (Il se dirige vers la porte cour.) On ne l'entend plus !
DOMINIQUE : Qui ça ?
JACQUES : La fille...
DOMINIQUE : Quelle fille ?
JACQUES : Mais la fille nue qui était dans la chambre !
DOMINIQUE : Il y avait une fille nue ?
JACQUES : Oui.
DOMINIQUE : Tu l'as vue nue ?
JACQUES : Mais oui !
DOMINIQUE : Oh !
JACQUES : Calme-toi ! J'en ai vu d'autres !
DOMINIQUE : QUAND ?
JACQUES : Mais avant notre mariage !
DOMINIQUE : Ah bon !
JACQUES : C'est pour ça qu'il m'a agressé celui-là ! Je ne sais pas ce qu'il a cru ! Mademoiselle ! Mademoiselle...
DOMINIQUE : Pourquoi elle ne répond pas ?
JACQUES : Parce qu'elle a peur...
DOMINIQUE : Attends...
JACQUES : Où vas-tu ?
DOMINIQUE : Je vais me montrer à la fenêtre de la cuisine, ça la rassurera peut-être... (Elle sort, deuxième plan cour.)
JACQUES : Dans l'état où tu es, ça m'étonnerait. (Le téléphone sonne.) Tiens… ça c'est Patrick et Marie qui vérifient si nous sommes là… Allô… oui c'est moi… mais comment savez-vous… Pardon ! Oh non… c'est pas vrai !!! Mais quand ? Oh la la… Où ça ? C'est épouvantable… Ah bon, vous êtes sûrs ?
DOMINIQUE : (off) Jacques...
JACQUES : Oui... nous arrivons tout de suite... oui... je note...
DOMINIQUE : (elle entre par la porte de la cuisine qu'elle a ouverte de l'intérieur) Jacques...
JACQUES : Attends une seconde... très bien Brigadier, je vous remercie… A tout de suite Brigadier. (Il raccroche.)
DOMINIQUE : Tu as appelé la Police ?
JACQUES : Oui... non... c'est elle...
DOMINIQUE : La Police a appelé ici ?
JACQUES : Oui...
DOMINIQUE : Mais comment la Police peut-elle être au courant ?
JACQUES : Mais pas pour lui... (Il montre le jeune homme.)
DOMINIQUE : Mais alors pourquoi ?
JACQUES : Ne t'affole pas... Ce n'est pas grave... mais...
DOMINIQUE : Mais quoi ?
JACQUES : Patrick et Marie ont eu un petit accident... voilà...
DOMINIQUE : Quoi !!!!
JACQUES : Mais calme-toi. C'est pas grave je te dis. C'est surtout la voiture qui a trinqué...
DOMINIQUE : Mais où sont-ils ?
JACQUES : A l'hôpital. Ils nous attendent.
DOMINIQUE : Mais s'ils sont à l'hôpital, c'est que c'est grave !
JACQUES : Mais non... c'est par sécurité... pour vérifier...
DOMINIQUE : Vérifier quoi ?
JACQUES : Mais, je n'en sais rien. Passer des radios de contrôle sans doute. On verra bien là-bas...
DOMINIQUE : J'en étais sûre. Je l'avais vu...
JACQUES : Ah non ! Tu ne vas pas recommencer ! C'est sur nous que tu avais vu un accident, pas sur eux.
DOMINIQUE : C'était sur nous quatre. J'avais fait un jeu sur nous quatre. Pour savoir comment se passeraient nos vacances... et il y avait l'accident, ça ne rate jamais je te dis...
JACQUES : Bon... d'accord, si tu veux. Maintenant ça y est... il a eu lieu l'accident. Alors, calme-toi puisque ce n'est pas grave...
DOMINIQUE : Et le neuf de pique sur le neuf de carreau... qu'est-ce que tu en fais hein ! Qu'est-ce que tu en fais ?
JACQUES : Qu'est-ce c'est ça encore ? Qu'est-ce que ça veut dire ?
DOMINIQUE : Ça veut dire qu'il y aura une rupture.
JACQUES : Entre nous ?
DOMINIQUE : Je n'en sais rien. Peut-être entre nous. Peut-être entre Patrick et Marie, ou peut-être entre nous et Patrick et Marie, mais il y aura une rupture, parce que trois fois j'ai mis un neuf de pique sur un neuf de carreau, trois fois...
JACQUES : Ecoute... Arrête... je t'en supplie, pour l'instant il faut aller à l'hôpital, alors s'il te plaît, fiche-moi la paix avec tes cartes...
DOMINIQUE : Et lui, qu'est-ce qu'on en fait ?
JACQUES : Ah c'est vrai... quelle journée... et la fille ?
DOMINIQUE : Elle n'est plus dans la cuisine...
JACQUES : Quoi ?
DOMINIQUE : Non... C'est pour ça que je t'appelais. Elle a ouvert la fenêtre et elle s'est sauvée. C'est pour ça qu'on ne l'entendait plus...
JACQUES : Mais où a-t-elle pu aller dans cette tenue ?
DOMINIQUE : Il y a un pavillon au fond du parc. C'est sûrement là qu'elle s'est réfugiée...
JACQUES : Tu as raison. Dès que celui-là sera réveillé on le traînera dehors. Quand elle le verra, elle. sortira. (Le jeune homme pousse un petit cri de douleur.) Tiens le voilà qui nous revient. On va enfin savoir...
ARNAUD : Salaud...
JACQUES : Ça commence bien.
DOMINIQUE : Ne t'énerve pas...
JACQUES : Où vois-tu que je m'énerve ! Je n'ai jamais été aussi calme... A nous deux jeune homme...
ARNAUD : Où est Myriam ?
JACQUES : Quelle Myriam ?
DOMINIQUE : Il veut parler de la fille...
JACQUES : Ah oui. Et bien à notre avis elle doit être dans le pavillon au fond du parc.
ARNAUD : Qu'est-ce que vous lui avez fait ?
JACQUES : Rien. Elle courait trop vite, pas eu le temps de la violer. Voilà, vous êtes rassuré ?
ARNAUD : Qui êtes-vous ?
DOMINIQUE : Non mais dites donc ! Vous ne croyez pas que c'est plutôt à nous à vous poser cette question !
JACQUES : Ne t'énerve pas.
DOMINIQUE : Où vois-tu que je m'énerve !
JACQUES : Je voulais dire, ne parle pas si vite. Ma femme a raison. C'est à nous à vous poser cette question.
ARNAUD : Mais qui êtes-vous ?
DOMINIQUE : Il recommence !
JACQUES : Les locataires.
ARNAUD : Quels locataires...?
JACQUES : Mais de cette maison. Nous avons loué cette maison du 16 juillet au 15 août. Nous sommes ici chez nous.
ARNAUD : Mais qu'est-ce que vous racontez. C'est pas possible !
DOMINIQUE : Comment ça, c'est pas possible !
JACQUES : C'est plus que possible jeune homme. C'est certain. Et si les amis qui ont loué cette maison avec nous, n'avaient pas eu un accident de voiture, ils vous le confirmeraient. Ce sont eux qui ont traité avec l'Agence.
ARNAUD : C'est complètement dingue...
JACQUES : Qu'est-ce qui est dingue ?
ARNAUD : Ce que vous dites.
JACQUES : Non mais, tu l'entends.
DOMINIQUE : J'ai dû...